IV. Contribution à la psychogenèse de la mélancolie

Nous avons pu comprendre pourquoi l’ambivalence de sa vie pulsionnelle apporte au mélancolique des conflits particulièrement sévères qui ébranlent jusque aux tréfonds ses relations avec son objet d’amour. L’aliénation par rapport à l’objet qui centre toute la vie affective du patient s’étend aux personnes de l’entourage proche et lointain et même à toute l’humanité. La libido ne s’en tient pas là, elle se retire de tout ce qui intéressait le malade auparavant : sa profession, ses engouements, ses intérêts scientifiques ou autres perdent leur charme. Le tableau clinique de la démence précoce (schizophrénie) comporte le même retrait libidinal de l’ensemble du monde extérieur, à ceci près que la perte de tous les intérêts est vécue dans l’obtusion tandis que le mélancolique se plaint de cette perte, et y relie ses sentiments d’infériorité.

Une investigation approfondie de la vie psychique des mélancoliques nous permet de voir que l’être qui souffre de la perte de ses intérêts lorsqu’il est en état de dépression est prédisposé à cette perte par le degré marqué d’ambivalence de ses sentiments, à ses intérêts intellectuels, etc., avait été fébrile et obstiné et comme pressentant le danger d’une brusque rupture. Mais les conséquences de l’ambivalence vont plus loin encore dans la mélancolie. Après avoir été retiré à l’objet, l’investissement libidinal revient au moi comme nous le savons et simultanément l’objet est introjecté dans le moi. Le moi doit désormais en subir toutes les conséquences : il est exposé sans défense à toutes les impulsions libidinales ambivalentes. Une observation superficielle pourrait faire croire que le mélancolique n’est imprégné que d’un mépris pénible de lui et d’une tendance exclusive à s’amoindrir. Une étude attentive montre que nous pourrions dire l’inverse ; nous verrons par la suite que cette ambivalence envers le moi contient la possibilité d’un changement de l’état mélancolique en état maniaque. Pour l’instant, nous essayerons de prouver l’ambivalence envers le moi telle qu’elle s’exprime pendant la phase mélancolique ; ce n’est que de cette façon que nous parviendrons à comprendre les symptômes mélancoliques.

La clinique psychiatrique, pour autant que je sache, n’a pas reconnu cette particularité psychologique de la mélancolie découverte par Freud16. Il dit de ces patients qu’ils « sont loin de manifester à leur entourage l’humilité et la soumission qui seules conviendraient à des personnes aussi indignes, ils sont au plus haut degré tyranniques, susceptibles et se conduisent comme les victimes d’une grande injustice ». Les faits nous obligent à aller au-delà de cette constatation.

Il s’agit là de manifestations qui sont bien entendu inégales d’un cas à l’autre. Mais, d’une façon très générale, on peut dire que le mélancolique a un sentiment de supériorité qui peut d’ailleurs être découvert dans l’intervalle libre. Ce sentiment concerne sa famille, ses connaissances, ses collègues, voire l’humanité entière. Il devient particulièrement sensible pour le médecin traitant. Une de mes patientes avait toujours une pose avantageuse tant corporelle que mimique en entrant dans mon bureau. Les données de la psychanalyse sont l’objet d’un scepticisme démonstratif. Chez un autre patient, ce comportement alternait avec une humilité exagérée ; dans cet état d’humeur, il nourrissait le fantasme de tomber à mes genoux, de les saisir et d’implorer mon aide.

L’inaccessibilité du mélancolique à toute objection du médecin, en particulier bien entendu si elles concernent ses formations délirantes, est bien connue. Un patients m’expliquait « qu’il n’entendait même pas les mots » qu’un médecin pouvait lui opposer quant à la vanité de ses auto-accusations. C’est le caractère narcissique du processus de la pensée qui fait d’un fantasme une représentation délirante, c’est de lui que provient l’incorrigibilité du délire. À côté de cette détermination, il en est une autre, caractéristique du comportement du mélancolique : le mépris de ceux qui confrontent leurs idées à l’étalon de la réalité.

La clinique psychiatrique est très partiale lorsqu’elle considère les représentations maladives de mélancoliques comme une « micromanie ». En réalité, ce délire contient une surestimation de soi, notamment en ce qui concerne la signification et l’effet des pensées, des affects et des actions propres. La représentation d’être le plus grand malfaiteur, l’auteur de tous les méfaits de tous temps, est particulièrement remarquable à cet égard. Toutes les idées délirantes de ce genre renferment, à côté de l’accusation adressée à l’objet d’amour introjecté, la tendance à représenter sa propre haine comme incommensurable et à se voir comme un monstre.

Ainsi, voit-on s’opposer dans le tableau de la mélancolie l’amour de soi et la haine de soi, la surestimation et la sous-estimation, en d’autres termes, les expressions d’un narcissisme positif et d’un narcissisme négatif qui se font face sans nuance ni médiation. Nous sommes en mesures de comprendre de façon générale cette curieuse relation de la libido et du moi. D’où une autre tâche, celle d’expliquer une déviation aussi considérable par rapport à la norme à partir des événements vécus par le patients. Nous devons élucider comment le processus psychique découvert par Freud se déroule dans l’inconscient du patient et quels destins ont aiguillé sa libido dans cette voie. C’est dire que nous nous trouvons confrontés au problème du choix de la névrose, au « pourquoi » nos patients sont devenus maniaco-dépressifs et non pas hystériques ou obsessionnels. Ce serait sous-estimer la difficulté du problème que de penser lui apporter une solution définitive. Peut-être, cependant, pouvons-nous espérer approcher de ce but lointain.

Il est hors de doute qu’une déception amoureuse constitue le prélude à la dépression mélancolique. L’analyse des patients ayant fait plusieurs épisodes dépressifs nous apprend que toute nouvelle maladie s’articule à un vécu de cette sorte. Inutile de souligner qu’il ne s’agit pas seulement d’événements au sens habituel de « l’amour malheureux » et que le motif de la « perte de l’objet » n’a nullement besoin d’être aussi évident. Seule une analyse approfondie nous dévoile les rapports entre l’événement vécu et l’entrée dans la maladie. Nous apprenons alors régulièrement que le motif de la maladie actuelle n’a pu être pathogène que dans la mesure ou il a été vécu, saisi et valorisé par l’inconscient du malade comme une répétition de l’événement traumatique initial. La tendance compulsionnelle à la répétition ne m’est jamais apparue dans les autres formes de névrose avec la force qu’elle a dans la maladie maniaco-dépressive. La tendance aux rechutes dans les états maniaques et dépressifs est une preuve précise de la puissance de la compulsion à la répétition chez ces patients.

Le nombre réduit de cas qui servent de base à cette investigation ne me permet pas de faire des constatations générales et définitives sur la psychogenèse des formes circulaires de maladie mentale. Cependant mon matériel me paraît autoriser certaines formulations dont je ne me cache pas le caractère incomplet et temporaire. Je me crois justifié à distinguer une série de facteurs et je dois souligner que seule leur interaction suscite les manifestations spécifiques de la dépression mélancolique. Pris en soi, chacun de ces facteurs peut collaborer à la constitution d'une autre forme de psychonévrose.

Je prends en considération :

1. Un facteur constitutionnel

En m’appuyant sur l’expérience de la clinique psychiatrique et surtout sur l’expérience psychanalytique, j’entends par là non pas une reprise héréditaire de la disposition maniaco-dépressive de la génération précédente ; cela n’est vrai que pour une minorité de cas. Parmi les patients atteints d’états mélancoliques ou maniaques au sens strict que j’analysai, il n’y en avait pas un dans la famille duquel il y eut un cas semblable de perturbation psychique marquée ; d’autres formes de névroses y étaient fréquentes. Je suis plutôt tenté d’admettre qu’il y a un renforcement constitutionnel de l’érotisme oral, comme dans d’autres famille l’érotisme anal primaire semble suraccentué. Une telle prédisposition permet :

2. La fixation privilégiée de la libido à l’étape orale du développement

Les sujets ayant cet hypothétique renforcement de leur érotisme oral sont extrêmement exigeants en ce qui concerne les satisfactions de la zone érogène élue et réagissent avec un vif déplaisir à tout renoncement à cet égard. Leur plaisir excessif à sucer se conserve sous bien des forme par la suite. L’alimentation, l’activité masticatrice leur sont une jouissance démesurée. Un de mes patients décrits spontanément son plaisir à ouvrir largement la bouche, d’autres la contraction des masticateurs comme un phénomène spécialement plaisant. Les mêmes patients sont exigeants, voire insatiables, quant à l’échange de preuves orales d’amour. L’un de mes patients était si impétueux, enfant, qu’après une période de tolérance sa mère lui interdit ces cajoleries en arguant ne point les aimer. Peu après, l’œil vigilant du gamin surprit de tel échanges avec son père. Ajouté à d’autres observations, cela suscita son hostilité marquée. Un autre patient m’apprit que penser à son enfance lui donnait un goût fade comme une soupe visqueuse de flocons d’avoine, mets qui lui avait été peu sympathique. Dans son analyse, cette sensation gustative se révéla être l’expression de sa jalousie de son frère, son puîné – à l’allaitement duquel il assista alors que lui même devait se contenter de soupes et de bouillies. C’est sa relation intime, perdue pour lui, avec sa mère qu’il enviait à son frère. Au cours de ses états dépressifs, il éprouvait une nostalgie particulière et difficile à décrire du sein maternel. Lorsque la libido conserve une telle fixation chez un adulte, elle apparaît comme une des conditions les plus importantes pour la constitution d’une dépression mélancolique.

3. Une blessure grave du narcissisme infantile par déception amoureuse

Nous sommes habitués à entendre nos patients parler des déceptions de leurs désirs amoureux. De telles expériences ne suffisent cependant pas à fonder une maladie mélancolique. Parmi mes analyses de mélancoliques, il s’en est trouvé plusieurs présentant la même constellation à cet égard. Le patient jusque-là le préféré de sa mère et sûr de son amour souffrait de sa part d’une déception dont il avait de la peine à se remettre. D’autres expériences du même type lui faisaient apparaître le dommage vécu comme irréparable dans la mesure même où aucune femme propre à accueillir sa libido ne se présentait. De plus, la tentative de se tourner vers le père échouait simultanément ou plus tardivement. Ainsi, l’enfant avait le sentiment d’un abandon total : les tendances dépressives précoces s’articulaient à ce sentiment. Une analyse de rêve que je rapporterai par la suite le montrera clairement. Cette déception bilatérale donne lieu aux essais répétés du mélancolique d’obtenir l’amour d’une personne de l’autre sexe.

4. La survenue de la première grande déception amoureuse avant la maîtrise des désirs œdipiens

D’après des expériences similaires, la grande déception du garçon de la part de la mère agit d’autant plus fortement et plus longuement que sa libido n’a pas suffisamment dépassé le stade narcissique. Les désirs incestueux sont vifs, la révolte contre le père est en plein cours. Mais le refoulement n’a pas encore maîtrisé les pulsions œdipiennes. Si le cours du premier grand amour objectal est surpris par ce traumatisme psychique, les conséquences sont sévères. Du fait que les pulsions sadiques-orales ne sont pas encore éteintes, une association durable s’établit entre le complexe d’Œdipe et l’étape cannibalique du développement de la libido. Ainsi, s’opérera l’introjection des deux objets d’amour, c’est-à-dire de la mère puis du père.

5. La répétition de la déception primaire pendant la vie ultérieure occasionnera la survenue d'une dysphorie mélancolique.

Si, comme nous devons l’admettre, la psychogenèse de la mélancolie est si étroitement liée aux déceptions de la vie amoureuse précoce ou plus tardive du patient, nous devons nous attendre à bon droit à des émotions hostiles marquées à l’encontre de ceux qui ont blessé si malencontreusement les aspirations amoureuses narcissiques. Mais comme les déceptions plus tardives n’ont que valeur de répétition, la rage qu’elles déclenchent ne concerne au fond qu’une personne, celle qui fut la plus aimée de l’enfant puis cessa de jouer ce rôle dans sa vie. Depuis que Freud nous a montré que les autoaccusations du mélancolique s’adressaient essentiellement à l’objet d’amour renoncé, nous percevons à travers elles – et particulièrement à travers les formations délirantes – les accusations envers cet objet.

Nous devons songer ici à des données psychologiques particulières qui semblent souligner le contraste entre la mélancolie et les autres névroses. L’ambivalence et les pulsions hostiles-cannibaliques des patients masculins que j’analysai concernaient surtout leur mère alors que dans les autres états névrotiques c’est le père qui est l’objet de ces tendances hostiles. La déception, déjà précisée dans le cadre de l’ambivalence affective encore très nette de l’enfant, l’a détourné de sa mère à tel point que l’hostilité faite de haine et d’envie à l’égard du père est piètre en comparaison. Mes analyses d’hommes mélancoliques m’ont régulièrement montré que leur complexe de castration était surtout en rapport avec leur mère, contrairement à son rapport usuellement accusé avec le père. Mais cette relation se révéla être secondaire, reposant sur une tendance à l’inversion du complexe d’Œdipe. À l’analyse cette hostilité du mélancolique à l’égard de sa mère apparaît issue du complexe d’Œdipe. Son ambivalence est égale pour les deux parents. La personne du père est également touchée par l’introjection ; dans certains symptômes, par exemple dans certains reproches que le patient se fait, on peut reconnaître l’adresse initiale aux deux parents. Cela ne modifie pas ce que nous constations, que la vie psychique du mélancolique se meut surtout autour de sa mère, mais souligne la détermination multiple du processus.

En étudiant précisément par l’analyse les critiques et les reproches que se font les patients et leurs auto-accusations délirantes, on peut distinguer deux formes d’expression de l’introjection :

  1. Le patient a introjecté l’objet d’amour premier auprès duquel il a constitué son idéal du moi. Il a ainsi repris à son compte le rôle de conscience, à vrai dire sur un mode pathologique. Bien des manifestations nous prouvent que l’autocritique pathologique est exercée par la personne introjectée17. Un patient avait coutume de « se sermonner » et par son ton et son expression, il s’en tenait strictement aux reproches que sa mère lui avait souvent faits pendants son enfance.
  2. Le contenu des reproches constitue au fond une critique cruelle de l’objet introjecté. Un patient tenait les propos suivants : « toute mon existence est construite sur l’imposture. » Ce reproche tirait son origine de certaines réalités de la relation de sa mère à son père

Un autre exemple illustrera la confluence des expressions de l’introjection. Le même patient se déclarait un incapable, inapte à la vie pratique. L’analyse montra que c’était là une critique s’appuyant sur la façon d’être taciturne et peu active de son père. À l’opposé, sa mère lui apparaissait comme un modèle d’efficacité pratique. Lui-même se sentait semblable à son père. Ainsi, sa critique signifiait le jugement péjoratif de sa mère introjectée au sujet du père introjecté. Exemple instructif qui nous montre la double introjection !

Ce même point de vue nous permet de comprendre une des autoaccusations du patient. Alors qu’il était hospitalisé au cours d’un épisode dépressif, il prétendit avoir infesté l’établissement de punaises. De plus en plus inquiet, il se plaignait du poids de sa responsabilité. Il s’efforça de convaincre le médecin ; il discernait des punaises dans chaque grain de poussière, dans chaque brindille. L’analyse de cette idée délirante montra l’importance de la signification symbolique des punaises. Dans les rêves et les autres fantasmes, les petits animaux symbolisent de petits enfants. La maison infestée de punaises, c’est la maison (familiale du patient) pleine d’enfants. Sa perte en amour maternel était liée à la naissance d’une série de puînés. « Sa méchante mère qui avait été si attachée à lui au début avait rempli la maison d’enfants. » c’est une des raisons du reproche introjecté.

Si nous considérons que la maison symbolise aussi la mère, nous reconnaissons le reproche au père pour avoir conçu les enfants. Ici encore, les reproche adressés aux deux parents sont condensés dans l’auto-accusation.

Soulignons que tous les reproches faits à l’objet d’amour ne s’expriment pas sous cette forme introjectée. À côté de cette forme spécifique de la mélancolie, il est d’autres expressions qui se retrouvent dans l’intervalle libre.

Avant sa première dépression grave, un patient ressentait un intérêt compulsionnel pour les prostituées. Il passait les heures nocturnes à observer les filles dans la rue, sans jamais entrer en relation avec elles. L’analyse découvrit que c’était la répétition compulsionnelle de certaines observations faites pendant l’enfance. La fille correspondait à une représentation dévalorisée de la mère qui, par ses regards et ses gestes, signifiait ses désirs sexuels au père. La comparaison avec la fille est une vengeance du fils déçu. Le reproche s’énonce ainsi : « Tu n’es que la femelle sensuelle, mais pas la mère aimante ! » Les promenades nocturnes dans les rues étaient une manière pour le patient de se ravaler au niveau de la fille (mère) ; il s’agit à nouveau d’introjection.

Un autre patient imaginait sa mère comme une femme peu aimante et cruelle. La relation qu’il faisait entre le complexe de castration et la femme, c’est-à-dire la mère, était particulièrement nette : ainsi, il s’imaginait le vagin comme la gueule d’un crocodile, symbole indubitable de la castration par morsure.

Si l’on veut comprendre l’hostilité du mélancolique à l’égard de sa mère, la particularité de son complexe de castration, il faut en revenir aux considérations de Stärcke sur le sevrage comme « castration première » (Urkastration). La soif de vengeance fait que le mélancolique exige que sa mère soit châtrée, soit au niveau des seins, soit au niveau du pénis fantasmatique. À cet effet, il choisit le moyen de la morsure. Nous avons déjà mentionné des représentations de cet ordre. Nous insistons une fois de plus sur leur caractère ambivalent. Elles comprennent une incorporation totale ou partielle de la mère, c’est-à-dire un acte positif de convoitise, simultanément à la castration ou à l’assassinat, c’est-à-dire un acte positif de convoitise, simultanément à la castration ou à l’assassinat, c’est-à-dire à la destruction.

Jusque-là, nous avons étudié le processus d’introjection et un certain nombre de ses conséquences. Nous pouvons nous résumer : chez nos patients, une déception intolérable par l’objet d’amour donne lieu à la tendance à l’expulser comme un contenu corporel et à le détruire. L’introjection s’ensuit, c’est-à-dire la récupération par dévoration de l’objet, forme spécifique de l’identification narcissique dans la mélancolie. La vengeance sadique s’assouvit alors sous les espèces d’une automortification donnant un certain plaisir. Nous pouvons admettre qu’elle dure jusqu’à ce que, le temps aidant, il y ait une saturation des besoins sadiques, ce qui éloigne le danger de destruction de l’objet d’amour. Dès lors, l’objet d’amour peut en quelque sorte quitter sa cachette ; le patient peut lui redonner une place dans le monde extérieur.

Il me semble d’un grand intérêt psychologique de constater que cette libération de l’objet a également la valeur inconsciente d’une évacuation. À l’époque ou sa dépression s’atténuait, un patient fit un rêve au cours duquel il poussait un bouchon hors de son anus avec un sentiment de délivrance18. Cette poussée vers le dehors clôt le déroulement de ce deuil archaïque que nous considérons être la maladie mélancolique. On peut dire à juste titre qu’au cours de la mélancolie, l’objet d’amour subit pour ainsi dire le métabolisme psychosexuel du patient.


16 « Trauer und Melancolie », Zeitschrift, 4e année (Deuil et Mélancolie).

17 Peu après la rédaction de cette partie de mon travail, paru le « Moi et le Ça » de Freud. Cet écrit est tellement lumineux en ce qui concerne ce point que je m'y réfère. Le résumer risquerait de l'appauvrir.

18 Nous ne ferons que mentionner ici la surdétermination du symbole (son sens homosexuel passif).