1. Principales sources théoriques de la pédopsychiatrie clinique

Dans ce chapitre nous donnerons un aperçu très succinct des supports théoriques auxquels la pédopsychiatrie fait référence dans sa pratique. Ces supports sont de nature très hétérogène, et leur compatibilité n’est pas toujours évidente. Nous nous limiterons ici aux aspects les plus généraux de ces théories car nous ferons, tout au long de cet ouvrage, une large part aux supports théoriques propres à chaque domaine pathologique, qu’il s’agisse de la physiologie, de la neuropsychologie, des apports psychanalytique, épistémologique, etc.

I. – Bases neuro-anatomiques et neurophysiologiques des comportements

A. – Problème de la maturation

La rapide évolution des structures et fonctions cérébrales dans la période périnatale explique la variabilité diachronique des signes neurologiques et la difficulté d’isoler des regroupements sémiologiques qui répondraient à une vue synchronique.

Cette maturation neurophysiologique doit être reliée à la maturation progressive des conduites humaines mais par une corrélation dont il convient de préciser la nature. Le grand danger est en effet de considérer le fonctionnement comme le fruit de systèmes neurologiques

simplement juxtaposés. Dans l’évolution des fonctions et des conduites il faut étudier :

1°) ce qui existe à une certaine période de l’évolution et les modifications chronologiques qui se produisent par la suite :

2°) ce qui existe, disparaît, réapparaît et redisparaît en séquences plus ou moins longues ;

3°) ce qui évolue dans le sens d’une progression fonctionnelle successive et qui s’élabore jusqu’à prendre une certaine forme plus ou moins définitive à partir de laquelle le processus se modifie par des affinements ou par des modifications séquentielles de fonctions.

Dans le processus de maturation qui se réfère au développement morphologique et physiologique de l’homme jusqu’au moment où il arrive à son état de maturité, on doit distinguer l’anatomie, c’est-à-dire la morphologie proprement dite, les fonctions, c’est-à-dire les systèmes potentiels et le fonctionnement, c’est-à-dire l’activation de ces systèmes. Anatomie, fonctions et fonctionnement se situent à des niveaux d’organisation distincts ; ils entretiennent des rapports différents avec l’équipement inné et l’apport environnemental ; ils établissent entre eux des liens de dépendance, mais aussi un degré d’indépendance tel que les caractéristiques de l’un ne peuvent suffire à déterminer totalement les caractéristiques des autres.

En d’autres termes, si la maturation anatomique a ses propres lois d’évolution, et si elle est la condition nécessaire au développement, elle n’est pas la condition suffisante pour expliquer le comportement et son évolution au cours de la croissance du bébé puis de l’enfant.

En outre, l’immaturité est trop souvent assimilée à un manque, à une simplification ou une réduction des propriétés et caractéristiques de la maturité ; l’immaturité ne serait qu’un état simplifié de la maturité. Les travaux les plus récents de neurophysiologie du développement montrent que l’immaturité ne doit pas être définie uniquement en termes de manque : elle comporte ses propres lois de fonctionnement qui doivent être constamment étudiées dans une perspective diachronique. Ainsi J. Scherrer individualise quatre propriétés qui seraient caractéristiques de l’immaturité fonctionnelle d’un système nerveux :

1°) la faiblesse numérique des neurones activés et activables, qui sont toujours moins nombreux que chez l’adulte ;

2°) la lenteur de conduction des signaux ;

3°) la faiblesse du débit des impulsions neuroniques, en rapport avec une transmission synaptique malaisée ;

4°) la sensibilité particulière des neurones à l’environnement lors de certaines phases de développement, sensibilité que l’auteur appelle « plasticité élective ».

Ces caractéristiques expliqueraient que le système nerveux immature présente une redondance et une fiabilité faible ce qui entraîneraient à la fois sa plasticité, mais aussi sa vulnérabilité.

Cette immaturité neurophysiologique autorise en outre la « programmation épigénétique du système nerveux central » (A. Bourguignon) comme peut en rendre compte, à titre d’exemple, la théorie de la Stabilisation Sélective des Synapses (théorie S.S.S. de J.-P. Changeux). Cette théorie repose sur la constatation expérimentale chez l’animal que le nombre des synapses va en se réduisant de la naissance à l’âge adulte. Pour J.-P. Changeux une synapse est soit transitoirement labile, soit définitivement stabilisée, soit dégénérée. Lors de son établissement, chaque synapse entre en compétition avec ses semblables en vue de la réalisation d’une certaine fonction. Par analogie avec la sélection naturelle, la théorie S.S.S. postulerait que seules les synapses les plus actives, les plus stimulées, les plus performantes sont stabilisées tandis que les autres dégénèrent. Les constatations expérimentales des effets de la privation de lumière dans le système visuel du chaton vont dans ce sens : si à une période sensible, les synapses ne reçoivent pas leur activation par stimulation sensorielle, le chaton restera aveugle. En l’absence de la stimulation adéquate, le système synaptique, immature à la naissance, et traversant une phase optimale de sensibilité (chez le chat de la 4e à la 6e semaine) ne s’organise pas ; bien que la structure anatomique et la fonction soient correctement construites, le fonctionnement ne se met pas en place. Toutefois si cette théorie S.S.S. fournit un modèle intéressant et séduisant, jetant un pont entre la structure neurophysiologique et le développement des conduites, elle rend difficilement compte de l’étonnante capacité et aptitude du système nerveux central humain au changement. Selon A. Bourguignon le « processus d’auto-organisation » conceptualisé par H. Atlan, pourrait en rendre compte en opposant deux sous-systèmes : l’un caractérisé par sa faible redondance et sa stabilité jouerait un rôle en particulier dans les processus de mémorisation ; l’autre, par sa grande redondance serait le siège de cette capacité d’auto-organisation.

Quittant ce plan théorique pour revenir au plan descriptif, les divers auteurs qui se sont penchés sur la croissance ont tenté par des découpes successives, de fixer momentanément ce processus diachronique continu afin d’isoler des stades, étapes, niveaux synchroniques se prêtant mieux à une étude statique. Ce faisant, et malgré la richesse de ces travaux, la permanence de la croissance risque d’être oubliée au profit de l’étude de ces seules étapes : ce qui est important dans la croissance, ce n’est pas l’étape elle-même, mais le passage d’une étape à une autre.

Or l’essentiel du mouvement maturatif consiste à apprécier le retentissement diachronique mutuel entre le fonctionnement lui-même (les conduites), la fonction mise en jeu et la structure neuro-anatomique impliquée. Si les structures anatomiques dépendent en grande partie de l’équipement inné, les conduites dépendent étroitement de l’environnement dans lequel évolue le bébé. Ceci explique qu’il est difficile de distinguer dans l’organisation fonctionnelle de l’enfant le non-acquis et l’acquis. En réalité il serait plus utile de concevoir un continuum de comportement allant de ceux qui sont environnementalement stables et relativement peu influencés par les variations de l’environnement, à ceux qui sont environnementalement labiles. Le comportement antérieurement désigné comme « non appris » ou « instinctif » peut être placé vers l’extrémité stable du continuum, sans que cela implique que l’apprentissage soit absent dans le cours de son développement, et le comportement antérieurement désigné comme « appris » à l’extrémité labile du continuum, sans que cela implique que le code génétique en soit totalement absent. Ainsi, dans une telle perspective, face à une conduite particulière, la séparation arbitraire et simpliste entre l’inné et l’acquis relève plus d’un jeu spéculatif que d’une attitude réellement scientifique.

B. – Problème de la localisation cérébrale

Définir les bases neuro-anatomiques du comportement est particulièrement difficile chez l’homme en raison du développement considérable du système nerveux central et de la multiplicité des systèmes d’interactions réglant ce comportement (régulation individuelle, mais aussi familiale, sociale, culturelle, etc.). Les quelques exemples cliniques reposent tous sur la constatation de désordres comportementaux secondaires à des lésions dont l’étendue est toujours énorme comparée à la finesse des structures mises en jeu et dont la répartition géographiquement ne respecte pas la répartition du rôle fonctionnel desdites structures. Après la période initiale des descriptions de lésions macroscopiques et de leurs conséquences comportementales (dont le modèle reste les troubles aphasiques dans les atteintes corticales hémisphériques gauches) suivie des études en expérimentation animale envisagées sous le seul angle de la défectologie, l’ère de l’étude des dysfonctionnements des systèmes régulateurs introduit une nouvelle dimension.

Certes, ces études sont encore fragmentaires, partielles ; elles n’offrent pas d’application immédiate à la clinique des comportements humains. À partir de constatations effectuées en laboratoire sur des animaux il convient d’être vigilant sur d’abusives et trop rapides extensions au comportement humain.

Toutefois des dysrégulations comportementales animales sont de nos jours obtenues avec une régularité et une fiabilité suffisantes pour pouvoir décrire les premiers modèles expérimentaux susceptibles, sinon de reproduire, du moins d’approcher certaines dysrégulations comportementales observées en clinique humaine. Le cerveau de l’homme acquiert sa spécificité grâce au développement considérable du néocortex. Mais il persiste un archéocortex qui reste, dans les espèces animales inférieures, très important.

L’étude de l’évolution phylogénétique des structures neuro-anatomiques du système nerveux central comparée à l’évolution des comportements à travers diverses espèces permet ainsi d’avancer des hypothèses sur la mise en place phylogénétique des structures et des connexions neuro-anatomiques impliquées dans certains traits de

comportement humain. Parmi les diverses unités structurelles ainsi définies la première unité neuro-anatomique décrite a été le « cerveau de l’émotion » ou système limbique. Par ailleurs le système septo-diencéphalo-mésencéphalique comporte des structures centrales (thalamus, hypothalamus, épithalamus, aire septale, formation hippocam-pique, complexe amygdalien et formation olfactive), des voies afférentes (afférences sensitives et sensorielles venant du tronc cérébral, afférence olfactive, afférence diffuse du néocortex) et des connexions efférentes (faisceau descendant médian du téléencéphale, connexion avec le néocortex).

Au vu des expérimentations animales il semble hautement probable que cet ensemble fonctionnel intervienne dans les comportements traduisant les émotions, l’expression de l’agressivité (v. p. 195) ou les conduites sexuelles. Ces comportements occupent une place privilégiée dans les conduites de socialisation, ce que les expériences de Karli ont bien mis en évidence. Ainsi la destruction bilatérale de l’amygdale chez le singe entraîne une impossibilité de resocialisation. L’animal devient indifférent, s’isole et ne survit pas longtemps : dans cette espèce animale, l’amygdale semble jouer un rôle important dans l’élaboration et le contrôle des réactions émotionnelles liées à la socialisation. De même, l’hippocampe semble impliqué dans les processus mnésiques liés à la reconnaissance des lieux familiers.

Un sous-ensemble de ce système septo-diencéphalo-mésencéphalique a été particulièrement étudié par Le Moal et par Tassin et coll. à l’aide de lésions dans les aires dopaminergiques pré ou infralimbique et cingulaire. Ces lésions chez l’animal produisent un syndrome appelé Syndrome de l’aire tegmentale ventrale qui comporte :

1°) une hyperactivité locomotrice ;

2°) un comportement d’hypoexploration ;

3°) une disparition de la réaction de vigilance attentive ;

4°) une disparition du comportement d’amassement.

Il s’agit d’un syndrome permanent qui associe une conduite d’hyperactivité motrice avec une hypoexploration, l’animal n’étant plus capable de comportement signifiant (en particulier chez les rongeurs : amasser leur nourriture) : il est incapable d’inhiber ou de diriger sa motricité. Ce syndrome aboutit à la mort de l’animal.

Ce système régulateur de l’activité motrice semble lié à l’activité dopaminergique (rappelons que les neuroleptiques bloquent les récepteurs dopaminergiques tandis que les amphétamines augmentent le taux de dopamine). Les stress semblent produire une activation de ce système, activation responsable de la réaction d’inhibition de l’activité motrice et de vigilance attentive. De même, l’isolement prolongé de l’animal semble responsable d’une hyperréactivité de ce système mésocortical, ce qui facilite la transmission des messages à caractères anxiogènes.

L’intérêt d’un tel système est de montrer l’existence de circuits modulateurs dont le rôle semble être de contrôler des circuits effecteurs

plus simples. Ces systèmes modulateurs reçoivent des informations d’origines multiples, internes, périphériques ou centrales, mais aussi externes environnementales. En fonction de ces informations ils vont moduler l’activité de divers circuits neurophysiologiques. Les modalités d’activation ou d’inhibition de ces systèmes régulateurs ont l’intérêt de mettre en relief la constante interaction entre la nature de l’environnement et les capacités de réactivation du système lui-même.

En se gardant de toute extension abusive et simpliste au comportement humain, on peut penser que ces systèmes modulateurs fournissent toutefois des modèles beaucoup plus proches de la clinique des conduites humaines normales ou déviantes, que les anciens systèmes lésionnels corticaux.

II. – Théories psychanalytiques

S. Freud a très tôt dirigé son attention sur le passé infantile de patients adultes névrosés ; la névrose de transfert est directement liée à la reviviscence de la névrose infantile et son dévoilement caractérise le déroulement de la cure. Ainsi l’enfant est-il au centre de la psychanalyse mais il s’agit d’un enfant particulier, du moins lors des premiers écrits psychanalytiques : l’enfant auquel s’intéresse la psychanalyse est d’abord un enfant reconstruit, un enfant-modèle. Certes, S. Freud a trouvé dans le petit Hans l’illustration clinique de ce que la reconstruction théorique à partir des cures d’adulte lui faisait pressentir, mais on sait les particularités de cette observation (le cas de Hans a été relaté à Freud et traité par lui grâce à un intermédiaire, le père de l’enfant, lui-même élève de Freud), et les multiples discussions théoriques que ce cas soulève (v. p. 318).

L’introduction de l’observation directe de l’enfant n’apparut qu’avec retard, essentiellement sous l’impulsion d’A. Freud puis des psychanalystes généticiens américains (Spitz, Kris et coll.) avant de connaître son extension actuelle avec les travaux initiateurs de Bowlby.

Dans ce texte introductif nous mettrons très brièvement en lumière les concepts qui sont particulièrement pertinents dans le cadre de l’évolution génétique de l’enfant.

A. – S. Freud et les premiers psychanalystes

Il est particulièrement difficile d’extraire de l’ensemble de l’œuvre de S. Freud ce qui concerne d’abord l’enfant : la théorie psychanalytique forme un tout. Toutefois notre intérêt portera surtout sur l’organisation génétique de la personnalité et l’étude des stades du développement libidinal.

1°) Concepts psychanalytiques de base

L’étude du développement de l’appareil psychique doit prendre en compte trois points de vue :

a) le point de vue dynamique : il fait apparaître les notions de conscient, préconscient, inconscient (1er topique) et la notion essentielle de conflit à la fois dans la dimension pulsionnelle (pulsion libidinale, pulsion agressive, principe de plaisir) et dans les défenses opposées à ces pulsions (refoulement, contre-investissement, formation de compromis). Chez l’enfant, aux classiques conflits internes identiques à ceux qu’on observe chez l’adulte il faut ajouter les conflits externes (A. Freud) ou immixtion dans le développement (H. Nagera) et les conflits intériorisés (v. chapitre sur la névrose infantile p. 298) ;

b) le point de vue économique prend en considération l’aspect quantitatif des forces en présence : intensité de l’énergie pulsionnelle, intensité des mécanismes défensifs et des contre-investissements, quantité d’énergie mobilisée par le conflit… ;

c) le point de vue topique concerne l’origine des forces en présence (du Ça, du Moi, du Surmoi) et la nature des relations entre ces diverses instances. Ce point de vue topique impose chez l’enfant l’étude de la différenciation progressive des diverses structures psychiques.

Le Moi n’apparaît que progressivement, d’abord sous la forme d’un pré-moi au stade du narcissisme primaire ; il s’organise et se dégage du narcissisme en même temps que l’objet libidinal. Son rôle initial est d’établir un système défensif et adaptatif entre la réalité externe et les exigences pulsionnelles.

Le Surmoi n’apparaît dans la théorie freudienne que tardivement, au décours du complexe œdipien par l’intériorisation des images et des exigences parentales. Dans le cas où cette intériorisation est suffisamment modulée, les limitations et règles imposées par le Surmoi sont une source de satisfaction par identification aux images parentales. L’hypothèse d’un Surmoi précoce, archaïque n’a été formulée qu’ultérieurement par M. Klein (v. p. 18).

Le Ça infantile enfin paraît se caractériser par l’importance des pulsions partielles et par le degré d’intrication entre les pulsions agressives et les pulsions libidinales entravant parfois l’activité de liaison du Moi et aboutissant à des désintrications pulsionnelles.

d) chez l’enfant nous ajoutons enfin le point de vue génétique : il met l’accent sur l’évolution des instances psychiques et des conflits en fonction du niveau de développement atteint par l’enfant. Le point de vue génétique s’articule avec la notion de stade.

Dans la théorie psychanalytique un stade se caractérise par la mise en correspondance d’une source pulsionnelle particulière (zone érogène), d’un objet particulier (type de relation d’objet) et d’un certain type de conflit, l’ensemble réalisant un équilibre temporaire entre la satisfaction pulsionnelle et les contre-investissements défensifs.

On observe normalement une succession temporelle de ces stades mais à la manière d’un emboîtement progressif : il n’y a pas d’hétérogénéité formelle d’un stade à l’autre, chaque nouveau stade ne faisant qu’englober ou recouvrir le stade précédent qui reste toujours sous-jacent et présent. Ceci oppose la notion de stade au sens psychanalytique et la notion de stade au sens piagétien (v. p. 27).

e) les notions essentielles de fixation et de régression

découlent de cette conception d’un stade.

La fixation s’observe quand un événement ou une situation affective a si fortement marqué un stade évolutif que le passage au stade suivant est rendu difficile ou même inhibé. Un point de fixation s’observe en particulier, 1°) lorsque des satisfactions excessives ont été éprouvées à un stade donné (excès de gratification libidinale ou contre-investissement défensif intense et qui devient source secondaire de satisfaction), 2°) lorsque les obstacles rencontrés dans l’accession au stade suivant provoquent une frustation ou un déplaisir tel que le retour défensif au stade précédent paraît plus immédiatement satisfaisant.

Le concept de régression est étroitement lié à la notion de point de fixation : celui-ci représente en effet un point d’appel à la régression. Dans le développement de l’enfant il s’agit le plus souvent de régression temporelle, c’est-à-dire que l’enfant retourne à des buts de satisfaction pulsionnelle caractérisques de stades antérieurs. La régression formelle (passage des processus secondaires aux processus primaires) et la régression topique (passage du niveau d’exigence moïque ou surmoïque au niveau d’exigence du Ça) s’observent moins fréquemment et caractérisent plus volontiers des mouvements pathologiques.

Les concepts de points de fixation et de régression sont particulièrement opérants dans l’étude du développement : ils expliquent les fréquentes dysharmonies observées. L’évaluation de leur fonction pathogène ou non est un des principaux objectifs du clinicien confronté à des conduites symptomatiques (v. p. 49 et p. 465).

f) les principes du fonctionnement mental mettent en opposition le principe de plaisir et le principe de réalité

auxquels s’articulent les processus primaires de pensée opposés aux processus secondaires. Le principe de plaisir est caractérisé par la recherche d’évacuation et de réduction des tensions psychiques, la recherche du plaisir de la décharge pulsionnelle associée à la compulsion de répétition des expériences. Le principe de réalité prend en compte les limitations, les interdits, les temporisations nécessaires afin que la décharge pulsionnelle n’ait pas un aspect destructeur pour le sujet. C’est en partie une des fonctions du moi naissant de l’enfant que de planifier l’action, de différer les satisfactions dans l’espoir d’une satisfaction plus grande ou plus adaptée à la réalité. Au plan des processus psychiques on peut ainsi définir les processus primaires qui se caractérisent par un libre écoulement de l’énergie psychique en fonction de l’expression immédiate des pulsions provenant du système inconscient. À l’opposé, dans les processus secondaires, l’énergie est liée, c’est-à-dire que la satisfaction peut être ajournée : ces processus secondaires se caractérisent par la reconnaissance et l’investissement du temps, les expériences mentales ayant pour but de trouver les moyens adéquats pour obtenir des satisfactions nouvelles en tenant compte du principe de réalité.

Le passage aux processus secondaires par l’investissement des processus mentaux marque aussi pour l’enfant une réduction de la tendance à l’agir. La mise en acte particulièrement fréquente chez l’enfant est au début le moyen privilégié de décharge des tensions et des pulsions libidinales, mais surtout agressives. Cette mise en acte par la compulsion de répétition peut représenter une entrave à l’investissement de la pensée et des processus secondaires. Il existe chez l’enfant une évolution progressive depuis la mise en acte normale, résultant de l’incapacité du jeune enfant à lier ses pulsions efficacement jusqu’au passage à l’acte pathologique car entravant durablement l’investissement des processus secondaires.

2°) Stades libidinaux

Si la théorie des pulsions prend en considération le dualisme pulsionnel (qu’il s’agisse du dualisme pulsion sexuelle-pulsion d’autoconservation ou du second dualisme pulsion de vie-pulsion de mort), l’étude des pulsions chez l’enfant s’est d’abord limitée, du moins avec Freud et les premiers psychanalystes (en particulier K. Abraham) à l’étude des pulsions sexuelles ou libidinales. Il faudra attendre M. Klein pour voir donner à la pulsion de mort toute l’importance que l’on sait (v. p. 18).

Freud désigne sous le nom de sexualité infantile « tout ce qui concerne les activités de la première enfance en quête de jouissance locale que tel ou tel organe est susceptible de procurer ». C’est donc une erreur que de limiter la sexualité infantile à la seule génitalité.

Les principaux stades libidinaux décrits sont les suivants :

a) Stade oral (0 à 12 mois) : la source de la pulsion est la bouche et l’ensemble de la cavité buccale ; l’objet de la pulsion est le sein maternel. Celui-ci provoque « la satisfaction libidinale étayée sur le besoin physiologique d’être nourri ». K. Abraham distingue deux sous-stades : le stade oral primitif (0 à 6 mois) marqué par la prévalence de la succion sans différenciation du corps propre et de l’extérieur, et le stade oral tardif ou phase sadique orale (6 à 12 mois) marqué par le désir de mordre, par le désir cannibalique d’incorporation du sein. À ce stade se développe l’ambivalence à l’égard de l’objet : désir de sucer, mais aussi de mordre l’objet et donc de le détruire.

Au stade oral l’évolution de la relation d’objet est marquée par le passage du narcissisme primaire au stade anaclitique de relation à l’objet partiel.

Le stade narcissique correspond à l’état de non-différenciation mère-enfant ; les seuls états reconnus sont l’état de tension opposé à l’état de quiétude (absence de tension). La mère n’est pas perçue comme objet externe ni comme source de satisfaction. Peu à peu, avec la répétition des expériences, en particulier avec les expériences de gratifications orales et de frustations orales, le premier objet partiel, le sein, commence à être perçu : le relation est alors anaclitique au sens où l’enfant s’appuie sur les moments de satisfaction pour former les premières traces de l’objet et qu’il perçoit à travers les moments de frustration ses premiers affects.

Vers la fin de la première année la mère commence à être reconnue dans sa totalité, ce qui introduit l’enfant dans le domaine de la relation d’objet total. Cette phase a été l’objet de nombreux travaux ultérieurs : stade de l’angoisse de l’étranger de Spitz (v. p. 20), position dépressive de M. Klein (v. p. 19). La notion d’étayage rend compte selon Freud de l’investissement affectif du sein puis de la mère : en effet l’investissement affectif s’étaie sur les expériences de satisfaction qui elles-mêmes s’étaient sur le besoin physiologique.

b) Stade anal (2e et 3e années) commence avec le début de l’acquisition du contrôle sphinctérien. La source pulsionnelle devient maintenant la muqueuse anorectale et l’objet de la pulsion est représenté par le boudin fécal dont les significations sont multiples : objet excitant de la muqueuse, partie du corps propre, objet de transaction entre l’enfant et la mère… K. Abraham distingue également deux sous-phases : le stade sadique anal où le plaisir auto-érogène est pris à l’expulsion, les matières anales étant détruites, et le stade rétentionnel où le plaisir est recherché dans la rétention, introduisant la période d’opposition aux désirs des parents.

Le stade anal conduit l’enfant dans une série de couples dialectiques structurants : expulsion-rétention, activité-passivité, soumission-opposition. À ce stade la relation s’établit avec un objet total selon des modalités qui dépendent des relations établies entre l’enfant et ses matières fécales : le plaisir érotique pris à la rétention, la soumission et la passivité qui s’opposent au plaisir agressif à contrôler, maîtriser, posséder. Le couple sadisme-masochisme caractérise volontiers la relation d’objet à ce stade.

c) Stade phallique (de la 3e à la 4e année) : la source de la pulsion se déplace vers les organes génitaux, l’objet de la pulsion est représenté par le pénis chez le garçon comme chez la fille. La satisfaction provient de l’érotisme urétral et de la masturbation. L’érotisme urétral représente l’investissement libidinal de la fonction urinaire, d’abord marqué par le « laisser couler » puis par le couple rétention-érection. La masturbation, d’abord liée directement à l’excitation due à la miction (masturbation primaire) représente ensuite une source directe de satisfaction (masturbation secondaire). C’est à partir de la

masturbation que les théories sexuelles infantiles prennent leurs origines.

Sans entrer dans les détails nous citerons simplement la curiosité sexuelle infantile qui conduit à la découverte des deux sexes, puis le fantasme de scène primitive où la sexualité parentale est souvent vécue de façon sadique, destructrice en même temps que l’enfant éprouve un sentiment d’abandon. Viennent ensuite, autour du fantasme de la scène primitive, les théories infantiles sur la fécondation (orale, mictionnelle, sadique par déchirure) et sur la naissance (orale, anale ou sadique). L’objet de la pulsion est le pénis. Il ne s’agit pas du pénis conçu comme un organe génital, mais du pénis conçu comme organe de puissance, de complétude narcissique : d’où la différence entre l’organe-pénis et le fantasme-phallus, objet mythique de pouvoir et de puissance. Cet objet introduit l’enfant dans la dimension soit de l’angoisse de castration (garçon), soit du manque (fille) : le déni de la castration a pour but dans l’un comme l’autre sexe de protéger l’enfant contre cette prise de conscience.

d) Stade œdipien (5/6 ans) : l’objet de la pulsion n’est plus le seul pénis, mais le partenaire privilégié du couple parental ; la source de la pulsion restant l’excitation sexuelle recherchée dans la possession de ce partenaire. L’entrée dans ce stade oedipien se marque par la reconnaissance de l’angoisse de castration ce qui amène le garçon à la crainte de perdre son pénis et la fille au désir d’en acquérir un.

■ Très schématiquement chez le garçon :

— la mère devient l’objet de la pulsion sexuelle. Pour la conquérir le garçon va déployer toutes ses ressources libidinales, mais aussi agressives. Faute d’une possession réelle, l’enfant va chercher à obtenir son amour et son estime d’où les diverses sublimations ;

— le père devient l’objet de rivalité ou de menace, mais en même temps l’objet à imiter pour s’en approprier la puissance. Cette appropriation passe par la voie de la compétition agressive, mais aussi par le désir de plaire au père dans une position homosexuelle passive (oedipe inversé).

■ Chez la fille : la déception de ne pas avoir reçu un pénis de la mère l’amène à se détourner de celle-ci et par conséquent à changer d’objet libidinal. Ce changement d’objet libidinal conduit la fille à un nouveau but : obtenir du père ce que sa mère lui a refusé. Ainsi en même temps que la fille renonce au pénis, elle cherche auprès du père un dédommagement sous forme d’un enfant : le renoncement au pénis ne se réalise qu’'après une tentative de dédommagement : obtenir comme cadeau un enfant du père, lui mettre un enfant au monde.

À l’égard de la mère la fille développe une haine jalouse, mais fortement chargée de culpabilité d’autant que la mère reste la source non négligeable d’une importante partie des satisfactions pulsionnelles prégénitales.

■ Le déclin du complexe d’Œdipe est marqué par le renoncement progressif à posséder l’objet libidinal sous la pression de l’angoisse de castration chez le garçon et de la peur de perdre la mère chez la fille. Les déplacements identificatoires, les sublimations permettent à l’énergie libidinale de trouver d’autres objets de satisfaction, en particulier dans la socialisation progressive et dans l’investissement des processus intellectuels.

ej Période de latence et adolescence. Elles n’ont pas été directement étudiées par Freud. La période de latence est simplement considérée comme le déclin du conflit oedipien, et l’adolescence à l’opposé comme la reviviscence du même conflit marquée cependant par l’accession pleine et entière à la génitalité.

B. – L’apport d’Anna Freud

Dans son ouvrage Le Normal et de Pathologique chez l’enfant, fruit d’une longue expérience de psychanalyste d’enfants commencée dès 1936, A. Freud avance deux données qui maintenant peuvent paraître évidentes.

■ L’importance de l’observation directe de l’enfant pour établir ce qu’elle appelle une psychologie psychanalytique de l’enfant. Cette observation directe met clairement en évidence le rôle de l’environnement dans le développement, ce qui distingue la psychanalyse appliquée à l’enfant de la psychanalyse des adultes. La dépendance de l’enfant à son entourage introduit une dimension nouvelle dans la pathologie, beaucoup plus importante que chez l’adulte, celle des conflits d’adaptation et des conflits réactionnels (v. p. 371).

■ Le développement de l’enfant ne se fait pas selon une programmation inéluctable au déroulement régulier. Au

contraire, en introduisant le concept de lignes de développement, A. Freud montre que le processus de développement de l’enfant contient en lui-même un potentiel de distorsion du fait d’inégalités toujours présentes entre ces lignes de développement. Un développement harmonieux, homogène constitue plus une référence, une hypothèse utopique qu’une réalité clinique. La dysharmonie entre les lignes du développement devient l’un des concepts théoriques dont les applications cliniques sont parmi les plus importantes (v. à ce sujet la discussion sur le normal et le pathologique p. 47 ; sur la psychopathologie des fonctions cognitives p. 162 ; sur les frontières de la nosographie p. 355).

C. – L’apport de Mélanie Klein

Deux points complémentaires et fondamentaux caractérisent l’œuvre de M. Klein et ses conceptions sur le développement :

■ l’importance du dualisme pulsionnel : pulsion de vie-pulsion de mort, d’où la prévalence des conflits internes par rapport aux conflits d’environnement ou d’adaptation (ces derniers étant quasiment ignorés par M. Klein) ;

■ la précocité de ce dualisme pulsionnel : il existe dès la naissance, préalablement à toute expérience vécue, et organise aussitôt les premiers stades du psychisme du bébé : Moi archaïque, Surmoi archaïque rendent compte de la conflictualisation immédiate de la vie interne du bébé qui, dès sa naissance, manipule des rudiments d’images conçues comme de véritables traces phylogénétiques.

C’est à partir de ces deux postulats, importance et précocité du dualisme pulsionnel, que peut être comprise l’œuvre si riche de M. Klein.

Deux mécanismes mentaux particuliers opèrent dès le début grâce auxquels les préformes de l’appareil psychique et des objets vont se constituer : il s’agit de l’introjection et de la projection. Les toutes premières expériences instinctuelles, en particulier celle de l’alimentation, servent à organiser ces opérations psychiques : 1°) les bonnes expériences de satisfaction, de gratification sont liées à la pulsion libidinale ; ainsi se trouve introjecté à l’intérieur du bébé un affect lié à un fragment de bon objet qui servira de base à l’établissement du premier Moi fragmenté interne du bébé ; 2°) les mauvaises expériences de frustration, de déplaisir sont liées à la pulsion de mort : comme telles elles sont vécues comme dangereuses et sont projetées à l’extérieur. Ainsi se constitue une première unité fragmentaire faite d’un affect agressif et d’un fragment de mauvais objet rejeté dans l’extérieur, dans le non-Moi.

Cette première dichotomie prend un sens surdéterminé puisque autour d’elle s’organiseront les notions concomitantes suivantes : Moi-non-Moi ; bon fragment d’objet-mauvais fragment d’objet ; intérieur-extérieur. Toutefois le retour permanent de la pulsion de mort contraint le bébé à renforcer sans cesse son système défensif en projetant sur l’extérieur toutes les mauvaises expériences et en introjectant à l’intérieur les bonnes. Se trouvent ainsi progressivement constitués : 1°) un objet dangereux, mauvais, persécuteur, à l’extérieur du bébé, objet dont il doit se protéger. Cet objet constitue la préforme du Surmoi archaïque maternel ; 2°) un objet bon, idéalisé, gratifiant, à l’intérieur du bébé, objet qu’il doit protéger. Cet objet constitue la préforme du Moi archaïque.

Cette phase constitue l’essence même de la position schizo-paranoïde. Ultérieurement de nouveaux mécanismes mentaux vont rendre plus complexe et moins nette cette séparation. Il s’agit en particulier de l’identification projective (mécanisme par lequel le bébé s’identifie aux fragments d’objets projetés à l’extérieur), du clivage, de l’idéalisation, du déni, etc.

M. Klein situe grossièrement cette phase schizo-paranoïde dans les premiers mois de la vie de l’enfant ; elle est suivie à partir de 12-18 mois par la position dépressive.

La position dépressive provient de la possibilité nouvelle pour l’enfant de reconnaître, grâce aux expériences répétées du maternage, l’unicité de l’objet bon et mauvais, l’unicité du bon sein et du mauvais sein, de la bonne mère et de la mauvaise mère. Face à cette unicité l’enfant ressent une angoisse dépressive et une culpabilité en raison de la haine et de l’amour qu’il porte envers le même objet.

Cependant si les bonnes expériences l’emportent sur les mauvaises, si le bon objet n’est pas trop menacé par le mauvais, le Moi investi par la pulsion libidinale peut accepter ses pulsions destructrices. Cette acceptation, si elle est source de souffrance transitoire permet une atténuation du clivage et des mécanismes qui l’accompagnent (idéalisation, projection persécutive, déni…) rendant plus réaliste la perception de l’objet et du Moi de l’enfant. L’enfant passe alors d’une relation d’objet fragmenté (bon sein-mauvais sein) à une relation d’objet clivé (bonne mère-mauvaise mère) avant de parvenir à une relation d’objet total où la mère apparaît comme une personne totale, entière sur laquelle le nourrisson fait l’expérience de ses sentiments d’ambivalence. La recrudescence de l’angoisse dépressive peut provoquer un retour en arrière défensif : ce sont les défenses maniaques. L’acceptation de l’angoisse dépressive conduit aux sentiments de deuil, de nostalgie, au désir de réparation, puis à l’acceptation de la réalité. En même temps l’enfant accède, grâce à l’atténuation des mécanismes de la série psychotique, au symbolisme et par conséquent au développement de la pensée.

D. – Psychanalyse génétique : R. A. Spitz, M. Malher

La psychanalyse génétique dont les deux principaux représentants chez l’enfant sont deux psychanalystes américains : Spitz et M. Malher, se situe dans le droit fil de l’école américaine de psychanalyse ou école de Fégo-psychology d’Hartmann. Ce courant distingue classiquement dans la croissance deux types de processus :

■ les processus de maturation : ils s’inscrivent dans le patrimoine héréditaire de l’individu et ne sont pas soumis à l’environnement ;

■ les processus de développement qui dépendent de l’évolution des relations objectales et par conséquent de l’apport de l’entourage.

Les stades décrits par ces auteurs correspondent toujours à des époques où ces deux types de processus sont en étroite relation permettant l’accession à un nouveau type de fonctionnement mental.

1°) R. A. Spitz

C’est l’un des premiers psychanalystes a avoir utilisé l’observation directe d’enfant pour repérer, puis décrire les étapes de l’évolution psychogénétique de l’enfant. Ainsi l’évolution normale est scandée par ce que Spitz appelle les organisateurs du psychisme : ceux-ci marquent certains niveaux essentiels de l’intégration de la personnalité. À ces points, les processus de maturation et de développement se combinent l’un avec l’autre pour former un alliage. Après qu’une telle intégration ait été réalisée, le mécanisme psychique fonctionne suivant un mode nouveau et différent. Spitz note que l’établissement d’un organisateur du psychisme se marque par l’apparition de nouveaux schèmes spécifiques du comportement qu’il appelle indicateurs.

Dans les deux premières années trois grands organisateurs sont décrits :

■ Premier organisateur spécifié par l’apparition du sourire

au visage humain. À partir des 2e-3e mois le bébé sourit lorsqu’un visage humain se présente de face. Cet indicateur, le sourire, témoigne de la mise en place des premiers rudiments du Moi et de l’établissement de la première relation préobjectale encore indifférenciée. L’apparition du sourire marque le passage du stade anobjectal dominé par la seule nécessité de satisfaction des besoins instinctuels internes au stade préobjectal marqué par la primauté de la perception externe : le principe de réalité commence à fonctionner même s’il ne permet pas encore une discrimination fine de l’environnement.

■ Deuxième organisateur spécifié par l’apparition de la réaction d’angoisse au visage de l’étranger vers le 8e mois (souvent nommé angoisse du 8e mois). Ce second organisateur témoigne de l’intégration progressive du Moi du bébé (grâce aux traces mnésiques accumulées) et de sa capacité nouvelle à distinguer un Moi et un non-Moi. De même l’angoisse du 8e mois témoigne du partage entre mère et non-mère, c’est-à-dire qu’elle caractérise l’établissement de la relation au premier objet libidinal, la mère, avec en concomitance la menace de perdre cette relation. En effet le visage étranger, par le décalage qu’il introduit dans l’appareil perceptif du bébé, réveille le sentiment d’absence du visage maternel et suscite l’angoisse.

L’enfant accède ainsi au stade objectai et à l’établissement de relations d’objets diversifiés. La discrimination de l’environnement s’affine à partir des conduites d’imitation et d’identification à l’objet maternel.

■ Troisième organisateur spécifié par l’apparition du « non »

(geste et mot) dans le courant de la seconde année. L’apparition du « non » repose sur des traces phylogénétiques et ontogénétiques à partir du réflexe de fouissement (rooting-reflexe) et du réflexe des points cardinaux qui sont tous les deux des réflexes d’orientation céphalogyres de l’enfant vers le mamelon du sein, puis sur la réaction de secouement de la tête en signe de refus (refus du biberon par exemple). Selon Spitz l’accession au « non » permet à l’enfant d’accéder à une complète distinction entre lui-même et l’objet maternel (stade de reconnaissance de soi) et par conséquent d’entrer dans le champ des relations sociales. En même temps le « non » constitue la première acquisition conceptuelle purement abstraite de l’enfant : ceci caractérise l’accession au monde symbolique et la capacité nouvelle de manier des symboles.

À partir de ces études sur le développement normal Spitz repère des distorsions pathologiques propres à certaines situations traumati-

ques. On connaît le succès de ses études sur l’hospitalisme (v. p. 325 et p. 382) et sur la pathologie psychosomatique du nourrisson (v. p. 339).

2°) Margaret Malher

Elle étudie l’enfant dans son interaction avec la mère et observe les progrès de son individuation. Sur le chemin de cette autonomie M. Malher est ainsi conduite à décrire plusieurs phases.

■ Phase symbiotique au cours de laquelle l’enfant est en situation de dépendance absolue à l’égard de sa mère : il s’agit d’une fusion psychosomatique qui apporte au bébé l’illusion de la toute-puissance et de l’omnipotence. Cette phase se divise selon M. Malher en une première période de quelques semaines d’« autisme primaire normal » (correspondant au stade narcissique primaire de Freud) et une seconde période « symbiotique proprement dite » (du 3e mois au 10e mois) où le bébé commence à percevoir peu à peu l’origine externe des sources de gratification.

■ Processus de séparation-individuation : il commence à partir de 8-10 mois et va jusqu’à 2 ans 1/2-3 ans. Il est d’abord marqué par un premier déplacement partiel de l’investissement libidinal entre 10 et 18 mois, à une époque où les progrès de la motricité (dus au processus de maturation) conduisent l’enfant à une extension hors de la sphère symbiotique. M. Malher utilise d’ailleurs le terme d’« éclosion ». Par un second déplacement plus massif d’investissement l’enfant retire une grande partie de ses investissements de la sphère symbiotique pour les fixer sur « les appareils autonomes du self et des fonctions du Moi : locomotion, perception, apprentissage ». Néanmoins une longue étape transitoire caractérisée par son aspect fluctuant et incertain sépare l’accession à la notion de permanence de l’objet au sens piagétien (notion acquise en grande partie, selon M. Malher, grâce à l’investissement des appareils autonomes du self et des fonctions du Moi), de l’accession à la notion de permanence de l’objet libidinal. La permanence de l’objet libidinal signifie que l’image maternelle est intrapsychiquement disponible pour l’enfant, lui donnant soutien et réconfort, c’est-à-dire qu’une bonne image d’objet interne stable et sûre est acquise. Ce décalage entre la notion de permanence de l’objet au sens piagétien (acquise vers 8-10 mois) et les aléas de la permanence de l’objet libidinal (qui n’est pas acquise avant 2 ans 1/2) rend compte des nombreux atermoiements dans le processus d’individuation marqué en particulier par des périodes transitoires de rapprochement au moment où l’enfant redoute de perdre son objet libidinal interne. Ceci s’observe en particulier quand l’enfant développe une ambivalence particulièrement forte à l’égard de son objet libidinal, et rend compte des nombreuses régressions observées dans le processus d’individuation.

C’est à partir de cette théorie génétique centrée sur les processus d’individuation que M. Malher en décrit les échecs ou les impossibilités

aboutissant aux hypothèses pathogéniques sur les psychoses précoces : psychose autistique, psychose symbiotique (v. p. 276). Certains auteurs ont également rapproché les perturbations observées à l’adolescence de la reviviscence des conflits inhérents au processus de séparation-individuation.

E. – Marginalité de D. W. Winnicott

Winnicott, psychanalyste anglais de formation pédiatrique, a toujours occupé une place originale dans le champ de la psychanalyse d’enfant. Peu soucieux de placer des repères chronologiques dans le développement, il a avancé des propositions qui, elles aussi, se laissent difficilement conceptualiser de façon dogmatique. Ces hypothèses, fruits de sa pratique, correspondent mieux selon M.R. Khan à des « fictions régulatrices ».

Au début, un nourrisson n’existe pas sans sa mère, son potentiel inné ne pouvant se révéler qu’avec les soins maternels. La mère du nouveau-né est d’abord en proie à ce que Winnicott appelle une maladie normale la préoccupation maternelle primaire. Cette préoccupation maternelle primaire donne à la mère la capacité de se mettre à la place de son enfant et de répondre à ses besoins : grâce à cette adéquation précoce le bébé n’éprouve aucune menace d’annihilation et peut investir son self sans danger. Du côté de la mère, la préoccupation maternelle primaire se développe peu à peu durant la grossesse, dure quelques semaines après la naissance et s’éteint progressivement. Cet état peut, selon Winnicott, être comparé à un état de repli, de dissociation ou même à un état schizoïde. Ultérieurement la mère guérit de cet état qu’elle oublie, accepte de ne plus être totalement gratifiante pour son enfant : elle devient simplement une mère suffisamment bonne c’est-à-dire une mère qui présente des défaillances transitoires mais qui ne sont jamais supérieures à ce que son enfant peut éprouver.

Lorsque la mère ne peut se laisser spontanément envahir par la préoccupation maternelle primaire, elle risque alors de se conduire en mère thérapeute, incapable de satisfaire les besoins précocissimes de son bébé, empiétant ensuite constamment dans son espace, angoissée et culpabilisée par le défaut initial. Elle « soigne » alors son enfant au lieu de lui laisser faire ses expériences.

Winnicott distingue dans la fonction maternelle trois rôles qu’il dénomme holding, handling et object-presenting. Le « holding » correspond au soutien, à la maintenance de l’enfant, non seulement physique mais aussi psychique, l’enfant étant inclus initialement dans le fonctionnement psychique de la mère. Le « handling » correspond aux manipulations du corps : soins de toilette, habillage mais aussi caresses, échanges cutanés multiples. L’« object-presenting » enfin caractérise la capacité de la mère de mettre à la disposition de son bébé l’objet au moment précis où celui-ci en a besoin, ni trop tard

ni trop tôt, de telle sorte que l’enfant a le sentiment tout-puissant d’avoir créé magiquement cet objet. La présentation trop précoce de l’objet ôte à l’enfant la possibilité de faire l’expérience du besoin, puis du désir, représente une irruption brutale dans l’espace de cet enfant, irruption dont il doit se protéger en créant un faux self. À l’inverse, la présentation trop tardive de l’objet conduit le bébé à supprimer son désir pour n’être pas anéanti par le besoin et la colère. Le bébé risque ainsi de se soumettre passivement à son environnement.

En revanche lorsque la mère est suffisamment bonne, l’enfant développe un sentiment de toute-puissance, d’omnipotence : il a l’illusion active de créer le monde autour de lui. Cette « activité mentale de l’enfant transforme un environnement suffisamment bon en un environnement parfait ». Ceci permet à la psyché de l’enfant de résider dans le corps, parvenant à l’imité psyché-soma, base d’un self authentique. En même temps, face aux inéluctables petites défaillances de la mère, l’enfant éprouve une désillusion modérée. Celle-ci est nécessaire, l’enfant s’y adapte activement en remplaçant l’illusion primitive par une aire intermédiaire, aire de la créativité primaire : c’est ce que Winnicott appelle l’aire transitionnelle dont le représentant le plus caractéristique est l’objet transitionnel. Cet objet n’est ni interne, ni externe, il appartient au monde de la réalité mais l’enfant l’inclut au début dans son monde d’illusion et d’omnipotence ; il est antérieur à l’établissement de l’épreuve de réalité et représente le sein ou l’objet de la première relation. Cet objet transitoire et, plus généralement, cet espace transitionnel sont le lieu de projection de l’illusion, de l’omnipotence et de la vie fantasmatique de l’enfant. C’est par essence même l’espace du jeu chez l’enfant (v. p. 187).

Enfin la notion de faux self est particulièrement difficile à saisir : il s’agit d’une sorte d’écran artificiel entre le vrai self caché, protégé et l’environnement quand cet environnement est de mauvaise qualité, trop intrusif. Contrairement au vrai self, le faux self n’est pas créatif, ne donne pas à l’enfant le sentiment d’être réel. Il peut être à l’origine d’une construction défensive contre la crainte d’un effrondrement et représente le concept qui fait le lien entre le développement normal et le champ du pathologique.

F. – Tendances récentes

1°) Continuateurs d’A. Freud

Même si la querelle entre M. Klein et A. Freud est bien atténuée, l’impulsion donnée par ces deux chefs d’École persiste à travers les travaux de leurs continuateurs. Dans le cadre de la Hampstead clinic, Joffe, Sandler et Bolland poursuivent les travaux d’A. Freud.

À partir d’une illustration clinique {Psychanalyse d’un enfant de deux ans : P.U.F. éd., Paris 1973), Bolland et Sandler ont cherché à établir un index analytique permettant de mieux repérer et codifier l’investigation psychanalytique d’un enfant. JofFe, J. et A.M. Sandler se préoccupent de distinguer dans le développement précoce de l’enfant d’un côté les complexes psychopathologiques structurants (position dépressive, évolution de la relation d’objet), et de l’autre les premières expériences affectives de base en tenant compte aussi bien des apports de l’environnement que de la structuration précoce de l’appareil psychique. Pour J. et A.M. Sandler, l’établissement des relations représente une quête de la relation primaire à un bon objet qui n’est autre que « la tentative de maintenir des relations étroites, joyeuses et heureuses avec son « bon » état affectif de base, avec une constellation de plaisir, de bien-être et de sentiments de sécurité ». En même temps l’enfant cherche à faire « disparaître », selon les auteurs, l’autre objet affectif primaire, celui auquel sont liés le déplaisir et la douleur. Ces deux états affectifs de base organisent et dirigent l’établissement des diverses relations d’objet et, par conséquent, la structuration du psychisme de l’enfant puis de l’adulte. Selon eux il convient de distinguer l’expression clinique d’une conduite et l’état affectif de base avec lequel cette conduite est articulée : ainsi, chez l’enfant il est souhaitable de séparer la dépression, l’individuation et la souffrance qui renvoient à des séries signifiantes différentes (v. p. 326).

2°) Continuateur de M. Klein : W. Bion

W. Bion est un psychanalyste anglais qui a approfondi les premiers stades de l’organisation de la pensée en prolongeant les théories kleiniennes. Toutefois les hypothèses de Bion proviennent de son travail analytique avec des patients adultes profondément régressés et non d’observations directes sur l’enfant. Bion a ainsi été conduit à élaborer une théorie sur Y appareil à penser les pensées qui, à l’origine, a pour but de décharger le psychisme de l’excès de stimuli qui l’accable. Pour Bion les pensées primitives portent sur des impressions sensorielles ou des vivances émotionnelles très primitives et de qualité mauvaise : les protopensées ne sont que de mauvais objets dont le nourrisson doit se libérer. La pensée prend son origine dans l’établissement d’une correspondance entre une préconception (par exemple la préconception du sein réel) et une frustration. La tolérance à la frustration est pour Bion un facteur fondamental qui détermine la capacité à former des pensées : lorsque la tolérance est suffisante, le nourrisson utilise des mécanismes qui tendent à modifier l’expérience et qui aboutissent à la production d’éléments a. En l’absence de tolérance à la frustration le nourrisson n’a d’autres recours que de se soustraire à l’expérience par l’expulsion d’éléments /3 (choses en soi). Les « éléments a » sont les impressions sensorielles et les vivances émotionnelles primitives

(dans un autre type de formulation on pourrait les appeler les affects de base : Sandler, Joffe) : ils servent à former les pensées oniriques, le penser inconscient, les rêves et les souvenirs. Les « éléments fi », en revanche, ne servent pas à penser ; ils constituent des « choses en soi » et doivent être expulsés par l’identification projective. Quant à Xappareil à penser les pensées lui-même il s’organise autour de deux concepts mettant en relation, pour le premier les notions de contenu-contenant, pour le second la relation dynamique entre position schizo-paranoïde et position dépressive (P.S.D.). La mère fonctionne comme un contenant des sensations du nourrisson et sa capacité de rêverie lui permet d’accueillir les projections-besoins du bébé en leur donnant un sens. La position dépressive, quant à elle, permet la réintégration dans le psychisme de l’enfant des éléments dissociés et fragmentés de la phase précédente.

Bion prolonge ainsi de manière très intéressante les formulations théoriques de M. Klein en se centrant en particulier sur l’organisation de la pensée, domaine peu exploré en dehors de l’abord des processus primaires et des processus secondaires avec lesquels il reste difficile d’avancer une comparaison.

III. – Le développement cognitif selon J. Piaget

Parallèlement à ses recherches épistémologiques Piaget s’est attaché à décrire l’évolution du fonctionnement cognitif de l’enfant à partir de l’observation directe et par l’étude longitudinale de l’évolution des diverses stratégies que celui-ci utilise pour résoudre un problème expérimental.

Pour Piaget la finalité recherchée est l’adaptation de l’individu à son environnement. L’adaptation est une caractéristique de tout être vivant : l’intelligence humaine est comprise comme la forme d’adaptation la plus raffinée qui, grâce à une série d’adaptations successives, permet d’atteindre un état d’équilibration des régulations entre le sujet et le milieu.

Outre la maturation neurologique, deux séries de facteurs interviennent : d’un côté le rôle de l’exercice et de l’expérience acquise dans l’action effectuée sur les objets ; de l’autre les interactions et transmissions sociales. Ces facteurs issus de trois plans différents concourent à une construction progressive « telle que chaque innovation ne devient possible qu’en fonction de la précédente ». Cette construction a pour objectif de parvenir à un état d’équilibration que

Piaget décrit comme « une autorégulation, c’est-à-dire une suite de compensations actives du sujet en réponse aux pertubations extérieures et d’un réglage à la fois rétroactif et anticipateur constituant un système permanent de telle compensation ».

Deux concepts permettent de comprendre ce processus d’adaptation puis d’équilibration : il s’agit de l’assimilation et de l’accommodation.

■ L’assimilation caractérise l’incorporation d’éléments du milieu à la structure de l’individu.

■ L’accommodation caractérise les modifications de la structure de l’individu en fonction des modifications du milieu.

« L’adaptation est un équilibre entre l’assimilation et l’accommodation. » L’adaptation cognitive est considérée comme le prolongement de l’adaptation biologique ; elle représente la forme d’équilibration supérieure. Elle n’est achevée que lorsqu’elle aboutit à un système stable, c’est-à-dire lorsqu’il y a un équilibre entre l’assimilation et l’accommodation. Ces systèmes stables définissent plusieurs paliers ou stades dans l’évolution génétique de l’enfant.

■ La notion de stade en épistémologie génétique est fondamentale. Elle repose sur les principes suivants :

1°) les stades se caractérisent par un ordre de succession invariant (et non pas une simple chronologie) ;

2°) chaque stade a un caractère intégratif, c’est-à-dire que les structures construites à un âge donné deviennent partie intégrante des structures de l’âge suivant ;

3°) un stade est une structure d’ensemble non réductible à la juxtaposition des sous-unités qui la composent ;

4°) un stade comporte à la fois un niveau de préparation et un niveau d’achèvement ;

5°) dans toute succession de stades, il est nécessaire de distinguer le processus de formation, de genèse, et les formes d’équilibre final.

Ces définitions d’un stade sont sensiblement différentes des notions de stade telles qu’on les retrouve dans les théories psychanalytiques (v. p. 14). En particulier l’accession à un nouveau stade se traduit par une forme radicalement nouvelle d’organisation des processus cognitifs, résolument hétérogène à l’organisation du stade précédent.

Quatre grandes périodes peuvent être ainsi distinguées :

1°) période de l’intelligence sensori-motrice de 0 à 24 mois (A) ;

2°) période préopératoire de 2 à 6 ans (B) ;

3°) période des opérations concrètes de 7 à 11-12 ans (C) ;

4°) période des opérations formelles enfin, à partir de 11-12 ans (D).

A. – Période de l’intelligence sensori-motrice

Piaget subdivise cette période préverbale en 6 stades. Le schème d’action y représente l’équivalent fonctionnel des opérations logiques de pensée. Un schème d’action est ce qui est transposable, généralisable ou différenciable d’une situation à la suivante, autrement dit ce qu’il y a de commun aux diverses répétitions ou applications de la même action (Biologie et Connaissance). Exemples de schème d’action : schème de balancer un objet suspendu, de tirer un véhicule, de viser un objectif, ou de façon plus complexe schème de réunion (tout ce qui unit), schème d’ordre (toute conduite de classement). Ces schèmes d’actions motrices représentent ainsi des unités comportementales élémentaires, non liées directement aux objets ; mais ces schèmes d’actions permettent l’assimilation progressive de nouveaux objets en même temps que ces derniers, par accommodation, provoquent l’apparition de nouveaux schèmes. Il existe aussi une circularité d’action entre l’enfant et son environnement.

Stade de l’exercice réflexe (de 0 à 1 mois)

Les réactions du bébé sont essentiellement liées aux tendances instinctives.

Stade des premières habitudes (de 1 à 4 mois)

Les diverses réactions réflexes se répètent mais « assimilent » de nouveaux stimuli qui sont le point de départ de nouvelles conduites. C’est la période de réactions circulaires primaires qui concernent le corps du bébé lui-même : schème de fixation du regard et de poursuite oculaire, prémice de la préhension, schème des mains…

Stades des adaptations sensori-motrices intentionnelles (4 mois à 8-9 mois)

Les réactions circulaires qui concernaient essentiellement le corps s’appliquent maintenant à des objets. Ces réactions circulaires secondaires se caractérisent par l’intentionnalité du bébé qui cherche par répétition comportementale à retrouver les résultats de son action sur le milieu extérieur. Exemple : agiter un objet en tirant sur une ficelle. Si, au stade précédent, tous les schèmes d’actions étaient équivalents, il apparaît à ce stade une hiérarchie dans les schèmes d’actions afin de reproduire les schèmes qui permettent de faire durer « les spectacles intéressants ».

Stade de coordination des schèmes secondaires et leur application aux situations nouvelles (9 mois à 11-12 mois)

L’enfant commence à agir sur le milieu en mettant en œuvre des schèmes jusque-là relatifs à d’autres situations. Le bébé est en outre capable de coordonner plusieurs schèmes en les hiérarchisant pour agir sur l’objet. Cette période se caractérise par le début d’une décentration par rapport au Moi, l’objet acquérant une existence propre (permanence de l’objet dans le sens piagétien).

Stade de la réaction circulaire tertiaire et de la découverte des moyens nouveaux par expérimentation active (11-12 mois à 18 mois)

L’objet s’élabore, l’expérimentation se tourne vers la nouveauté. L’accommodation fonctionne pour elle-même, elle précède de nouvelles assimilations et différencie les schèmes dont elle est issue. Néanmoins le champ perceptif reste nécessaire à l’élaboration de tout nouveau schème.

Stade de l’invention des moyens nouveaux par combinaison mentale (18 mois-2 ans)

Ce stade représente la transition entre l’intelligence sensori-motrice et l’intelligence représentative. Les inventions se font directement au niveau mental par recombinaison de schèmes déjà constitués. L’accommodation passe à un niveau supérieur à celui du champ perceptif : elle devient représentative et introduit par conséquent l’intelligence représentative.

B. – Période préopératoire (2 à 6 ans)

Cette période marque l’accession progressive à l’intelligence représentative ; chaque objet est représenté, c’est-à-dire qu’il correspond à une image mentale permettant d’évoquer cet objet en son absence. L’enfant est amené à développer sa fonction symbolique (ou sémiotique) : le langage, l’imitation différée, l’image mentale, le dessin, le jeu symbolique. Piaget appelle fonction symbolique « la capacité d’évoquer des objets ou des situations non perçues actuellement en se servant de signes ou de symboles ». Cette fonction symbolique se développe entre 3 et 7 ans par imitation sous forme d’activités ludiques : l’enfant reproduit dans le jeu les situations qui l’ont frappé, l’ont l’intéressé, l’ont inquiété. Le langage accompagne le jeu et permet l’intériorisation progressive. Cependant l’enfant n’est

pas encore capable de se décentrer de son propre point de vue et ne peut mettre ses perceptions successives en relation réciproque : la pensée n’est pas encore réversible, d’où le terme de préopérati-vité.

La pensée repose sur l’intuition directe : ainsi pour la même quantité de liquide dans des tubes de sections différentes, il y aura selon lui d’autant plus d’eau que le niveau est plus haut car l’enfant est incapable, à cet âge, de mettre en relation la hauteur de la colonne d’eau et la section du tube.

C. – Période des opérations concrètes (7 à 11-12 ans)

Cette période marque un grand progrès dans la socialisation et l’objectivation de la pensée. L’enfant devient capable de décentration, il n’est plus limité à son seul point de vue, il peut coordonner plusieurs points de vue et en tirer des conséquences. Il devient capable de se libérer des aspects successifs de ses perceptions pour distinguer à travers le changement ce qui est invariant. La limite opératoire de cette période reste marquée par la nécessité du support concret : l’enfant ne peut pas encore raisonner à partir des seuls énoncés verbaux.

À partir des manipulations concrètes, l’enfant peut saisir à la fois les transformations et les invariants. Il accède à la notion de réversibilité et met en place les premiers groupements opératoires : sériation, classification. La pensée procède par tâtonnements, par aller-retour (opération inverse et réciprocité). Se mettent ainsi en place les notions de conservation de substances (poids, volumes), puis de conservations spatiales et les conservations numériques.

En même temps, dans le champ social l’enfant prend conscience de sa propre pensée, de celle des autres ce qui prélude à l’enrichissement des échanges sociaux. Il accepte le point de vue des autres, leurs sentiments. Une véritable collaboration et coopération de groupe devient possible entre plusieurs enfants. La complexification des jeux rend compte de ces données.

D. – Période des opérations formelles (à partir de 11-12 ans)

Cette période qui marque l’entrée dans l’adolescence n’est pas traitée dans cet ouvrage (voir avant-propos p. 2).

IV. – Psychologie de l’enfant selon H. Wallon

À partir d’observations d’enfants arriérés, puis d’études longitudinales et d’enquêtes par tranches d’âges, Wallon étudie le développement de l’enfant, d’abord dans l’interaction entre l’équipement moteur et Palfectivité du nouveau-né, puis entre l’enfant et le champ social.

Wallon décrit une série de stades qui répondent à un état transitoire d’équilibre plongeant ses racines dans le passé, mais empiétant aussi sur l’avenir. Les contradictions vécues par l’enfant provoquent des crises à l’origine de remaniements permettant l’accession à un nouveau stade. Les travaux de Wallon gardent toute leur valeur par la primauté qu’il a accordée à deux axes de références : l’axe de l’affectivité-émotivité et l’axe de l’équilibre tonico-moteur. C’est en particulier à Wallon que l’on doit la notion du dialogue tonique, véritable échange préverbal entre l’enfant et son entourage. L’éthologie (v. p. 35), dans un autre type de formulation, attache de nos jours une grande importance à la motricité précoce et aux systèmes de communication préverbale que la gestualité et la tonicité impliquent.

■ Stade impulsif pur : il caractérise le nouveau-né. La réponse motrice aux divers types de stimulation est une réponse réflexe : tantôt grande décharge motrice sans contrôle supérieur, tantôt réflexe adapté à son objet (succion, préhension-réflexe).

■ Deuxième stade dit émotionnel : il est marqué aux environs du 6e mois par la prévalence des signaux orientés vers le monde humain, à partir des signaux réflexes (pleurs ou sourires) présents au stade précédent. Le bébé a non seulement des besoins physiologiques (être nourri, être lavé…), mais aussi des besoins affectifs et émotionnels : il a besoin de caresses, de bercement, de baisers, de rires, etc. Le bébé réclame des apports affectifs qu’il partage avec son ou ses partenaires adultes.

À ce stade l’enfant réagit devant l’image qu’il voit dans le miroir. Selon Wallon il croit être l’image qu’il voit, « raison pour laquelle il lui rit, lui tend les bras, l’appelle de son prénom ». Il n’y a pas de représentation puisque « l’objet doit d’abord devenir extérieur pour être représenté. Entre l’expérience immédiate et la représentation des choses, il faut nécessairement qu’intervienne une dissociation » (Wallon, cité par J. Constant).

■ Stade sensori-moteur (fin de la première année, début de la deuxième) : il marque la prévalence de l’acte moteur dans la connaissance des objets. D’abord impulsive pure, l’activité sensori-motrice évolue vers l’invention de conduites propres à la découverte d’expériences nouvelles. Deux activités sensori-motrices jouent un rôle considérable : la marche et la parole. La marche ouvre au jeune enfant un espace qui transforme complètement ses possibilités d’investigation.

La parole ouvre le champ des activités symboliques après avoir dépassé le niveau de la simple activité arthro-phonatoire (lallation, babil).

■ Stade projectif (vers 2 ans) : c’est le stade où l’activité motrice elle-même stimule l’activité mentale (la conscience selon Wallon) : l’enfant connaît l’objet par l’action qu’il y exerce. L’acte est l’accompagnement nécessaire de la représentation. De ce point de vue l’équipement tonique de base qui permet la réalisation praxique est essentiel.

■ Stade du personnalisme (de 2 ans 1/2 à 4-5 ans) : l’enfant arrive à se dégager lui-même des situations où il est impliqué, il parvient à une « conscience de soi ». Cette « conscience de soi » implique que l’enfant soit capable d’avoir une image de soi, une représentation de soi dont la traduction clinique est le négativisme et la phase d’opposition vers 2 ans 1/2-3 ans. Cette conscience de soi s’oppose de façon dialectique à la conscience de l’autre : l’enfant développe une excessive sensibilité à autrui d’où « la réaction de prestance », la gêne et la honte. Après cette période l’enfant cherche à s’affirmer aux yeux d’autrui, à obtenir une reconnaissance : opposition, pitreries et bêtises. Après cette période d’opposition, et grâce aux progrès de la maîtrise motrice, l’enfant peut se faire admirer, aimer et séduire son entourage (phase de grâces).

■ Stade de la personnalité polyvalente (à partir de 6 ans) : jusque-là les précédentes étapes avaient pour cadre la « constellation familiale » ; avec le début de la scolarité l’enfant noue des contacts avec l’entourage social mais marqués d’abord par une période d’incertitude, de changements rapides en fonction des intérêts et des circonstances. L’enfant participe à de nombreux jeux de groupes, change de rôle et de fonction, multiplie les expériences sociales.

V. – Théories centrées sur le comportement et/ou l’environnement : behaviorisme, éthologie, théories systémiques

A. – Théories behavioristes et néobehavioristes

Watson, psychologue américain (1913), a voulu situer l’étude du comportement en dehors de toute subjectivité. Pour lui tout comportement est le résultat d’un apprentissage secondaire à un conditionnement : l’ensemble du comportement se réduirait selon Watson à une série de réflexes conditionnés sans retentissement

réciproque entre le sujet et son environnement. Le conditionnement d’apprentissage est le conditionnement pavlovien simple ou conditionnement répondant (d’où le nom de : S.R. théorie : Stimulus – Réponse).

S’élevant contre un schéma réflexe par trop simpliste, Skinner, dès 1937, propose à partir d’expériences sur le rat, le modèle du conditionnement opérant.

Un rat est placé dans un bac où se trouve un petit levier dont la manœuvre déclenche l’arrivée de nourriture. Après une phase d’exploration le rat finit par hasard par appuyer sur le levier. On observe par la suite que l’animal limite progressivement ses mouvements à cette activité. Les mêmes résultats sont obtenus dans un labyrinthe au centre duquel on a placé de la nourriture ; l’animal gagne le but de plus en plus vite. Ce type de conditionnement est d’autant plus rapide que la motivation est puissante et que la récompense est gratifiante.

Contrairement au conditionnement répondant, le conditionnement opérant est sous la volonté de l’animal ; c’est un véritable programme de réalisation, la conduite s’organisant peu à peu à partir d’essais et d’erreurs pour atteindre un but ; enfin par son comportement l’animal modifie la nature de son environnement. Pour Skinner l’ensemble du comportement humain et de l’apprentissage de l’enfant peut se comprendre en termes de conditionnement opérant. Ultérieurement Wolpe appliquera directement ces théories au comportement humain avec les premières tentatives de thérapies comportementales (v. p. 476).

Qu’il s’agisse de behaviorisme ou de néobehaviorisme, pour ces théories S.R. la personnalité n’est qu’un assemblage de conditionnements de plus en plus complexes ; les problèmes de l’image mentale et de la structuration du psychisme sont considérés comme superflus. L’habitude représente la seule structure de base qui maintient le lien entre le stimulus et la réponse ; la dynamique est représentée par la pulsion dans son sens le plus physiologique. En revanche ces théories se sont peu préoccupées du point de vue génétique, aucun stade évolutif n’est décrit chez l’enfant.

Les applications cliniques de ces théories jouissent actuellement d’une grande faveur. Il est bon d’en connaître le support théorique avec ses limites. On trouvera dans les ouvrages de Eysenck, de Le Ny et de Cottraux l’illustration de ces applications et dans l’article de J. Hochmann une critique rigoureuse de leur abus.

B. – L’apprentissage vu par l’École russe

Peu connus en Occident les travaux de Vigotsky, Leontiev, Anokhin, Zaporozhets ont tenté de proposer une théorie de l’apprentissage qui, outre le conditionnement réflexe, prend en considération le processus de développement interne de l’acte. Il en est ainsi du concept

d’« afférentation en retour ». Celle-ci a un double rôle : d’un côté elle joue le rôle d’un signal pour le passage au chaînon comportemental suivant en cas de succès, et d’un autre côté de signal de répétition comportementale en cas d’échec de la tentative. Vigotsky et ses collaborateurs ont étudié le problème de la transformation des actions extérieures en processus intellectuel interne, c’est-à-dire le problème de l’intériorisation. À titre d’exemple, nous citerons le cas bien étudié par Vigotsky du pointing chez l’enfant (in : L’évolution des praxies idéomotrices, J. Galifret-Granjon) : il s’agit du geste courant de montrer un objet de la main ou même de l’index en le nommant (entre 12 et 30 mois). Pour Vigotsky le pointing joue un rôle essentiel dans le développement du langage de l’enfant et serait à la base de toutes les formes supérieures de développement psychologique : la base de ce geste serait primitivement un essai infructueux pour prendre, pour saisir un objet vers lequel l’enfant est tout entier orienté, dirigé. De ce geste une nouvelle signification va surgir lorsque l’enfant trop éloigné ne pourra attraper l’objet : sa main reste en l’air, les doigts poursuivant leur tentative de préhension. Au départ ce geste est purement moteur. Cependant un chaînon intermédiaire venant de l’expérience va le transformer : en effet la mère donne à l’enfant l’objet vers lequel il tend la main. Bientôt l’enfant dirige son index vers l’objet, sans aucune recherche de préhension : le geste est devenu un geste pour autrui, c’est-à-dire que le geste ne concerne plus un objet mais une personne. Le mouvement « pointer un doigt » est devenu un moyen de communication.

Pour Vigotsky cette séquence démontre l’importance de la socialisation ; le geste propre de l’enfant, au départ purement moteur, ne prend un sens que par une intervention sociale externe. Le développement psychique apparaît d’abord comme relevant de « catégories intermentales » (c’est-à-dire engendrées par les relations entre individus) avant de s’organiser en « catégories intramentales » [il faut signaler que ce geste de « pointer du doigt » : a été ensuite repris par de très nombreux auteurs (Wemer et Kaplan, Bruner) mais c’est Vigotsky qui, sans l’avoir décrit réellement le premier, lui a donné toute son importance].

Par la suite Leontiev, élève de Vigotsky, appellera paramètres d’actions les facteurs conduisant à l’intériorisation et à la symbolisation progressive des comportements moteurs (généralisation de l’acte, réduction de l’acte, assimilation, degré d’intériorisation).

Dans leur ensemble ces travaux sont assez proches des théories piagétiennes encore que le passage de l’acte moteur à l’acte symbolique soit dans le cas des auteurs de l’école russe suscité essentiellement par un apport externe ne répondant pas à une structuration interne, ce qui les oppose aux auteurs piagétiens.

C. – L’éthologie et ses applications : J. Bowlby

L’éthologie étudie l’animal dans son cadre de vie normal et non en laboratoire comme le font behavioristes et néobehavioristes. On pourrait dire qu’en éthologie, l’animal pose un problème à l’homme tandis qu’en expérimentation pavlovienne l’homme pose un problème à l’animal. Les fondateurs de l’éthologie sont K. Lorenz et N. Tinber-gen, mais c’est avec les expériences de Harlow (1958) sur les singes Rhésus et les travaux parallèles de Bowlby sur le bébé humain que l’éthologie a vu s’ouvrir le champ des applications au comportement humain. L’ouvrage de Eibl-Eibesfeldt représente une indispensable introduction théorique pour qui veut se familiariser plus à fond avec la méthodologie de travail en éthologie. Les notions d’empreinte et de territoire, bien qu’essentielles, ne seront pas explicitées ici.

1°) Les Travaux de Harlow

Dans une série d’expériences devenues célèbres, Harlow a démontré la nécessité d’un lien d’attachement entre le bébé Rhésus et la mère, ainsi que toutes les implications qu’entraînait ce manque d’attachement.

Des jeunes singes Rhésus sont élevés dans un isolement social plus ou moins complet dès la naissance. Quand l’isolement social est total pendant les trois premiers mois on observe après l’arrêt de l’isolement quelques lacunes dans le développement social, mais un développement satisfaisant des fonctions cognitives. Quand l’isolement social dure plus de 6 à 12 mois, on observe une incapacité à tout développement social (pas de manipulation, ni de jeux sexuels).

Quand on propose aux bébés singes des mères artificielles, les bébés singes préfèrent les mères revêtues de chiffons doux aux mères en fils métalliques. Cette variable ne change pas, même si les « mères métalliques » ont un biberon : pour Harlow ceci signifie que le réconfort du contact ou « l’attachement » constitue une variable majeure dans le lien avec la mère, supérieur même à l’apport de nourriture. Plusieurs variables secondaires ont été étudiées (mère à bascule, mère stable, mère chauffée, mère froide) : les bébés Rhésus préfèrent, parmi les « variables secondaires », les mères à bascules et les mères chauffées, mais ces variables changent avec le temps.

Les bébés Rhésus séparés de leur mère mais élevés ensemble présentent un meilleur comportement social que ceux maintenus en isolement. Les femelles élevées en isolement total ont ultérieurement un comportement très rejetant à l’égard de leur propre bébé.

Ces expériences montrent l’importance du besoin précoce d’attachement et les séquelles durables, voire définitives, qu’une carence précoce d’attachement provoque chez le bébé Rhésus.

Il existe une période sensible au-delà de laquelle la récupération n’est plus possible.

2°) Travaux de J. Bowlby

Dès 1958 Bowlby est conduit à réfuter la théorie de l’étayage de la pulsion libidinale par la satisfaction orale (théorie de Freud) pour reconsidérer à la lumière des travaux d’éthologie la notion d’attachement à la mère. Notons qu’auparavant existait déjà dans l’école hongroise de psychanalyse (P. Hermann) la théorie de l’agrippement primaire. Bowlby considère que l’attachement du bébé à sa mère et de la mère au bébé résulte d’un certain nombre de systèmes de comportement caractéristiques de l’espèce. Ces systèmes s’organisent autour de la mère. Originairement Bowlby a décrit cinq systèmes comportementaux : sucer – s’accrocher – suivre – pleurer – sourire. Ces cinq modules comportementaux définissent la conduite d’attachement. Cette conduite est primaire ; elle a pour but, selon Bowlby (1969), de maintenir l’enfant à proximité de la mère (ou la mère à proximité de l’enfant car certaines conduites sont des conduites de suite, mais d’autres sont des conduites d’appel : pleurer – sourire).

Cette approche réfute en particulier la notion fondamentale dans la théorie freudienne de l’établissement de la relation d’objet libidinal par étayage sur la satisfaction du besoin oral. Elle a été à l’origine de nombreuses controverses entre les psychologues comportementalistes ou de formation éthologique et les psychanalystes. On lira à ce sujet l’intéressante confrontation (in : Lattachement, Delachaux et Niestlé éd., 1974) entre des points de vue très différents.

Dans le domaine psychopathologique Bowlby a décrit, s’inspirant en partie des travaux d’Harlow, les réactions de jeunes enfants à une séparation maternelle. Il a isolé chez des enfants de 13 à 32 mois une série de trois grandes phases consécutives à la disparition de la mère (v. la description p. 325) :

1°) phase de protestation ;

2°) phase de désespoir ;

3°) phase de détachement.

Pour Bowlby cette réaction à la séparation est à la base des réactions de peur et d’anxiété chez l’homme. Il décrit d’ailleurs chez des enfants qui ont déjà subi des séparations ou qui en ont été menacés la conduite d’attachement anxieux.

3° Études éthologiques récentes

Des équipes de plus en plus nombreuses effectuent des recherches sur le nourrisson et le jeune enfant en s’inspirant des principes éthologiques. Ces études se centrent en général sur les interactions mère-enfant ou entre enfants du même âge (observations dans les écoles

maternelles ou les crèches). L’accent est mis sur les comportements préverbaux de l’enfant, les travaux récents cherchant à « décrypter » un véritable code de communication préverbale. Ainsi Schaal décrit une réaction précoce d’orientation de la tête du bébé en direction d’un coton imprégné de l’odeur maternelle dès le deuxième jour de vie ; les mères, de leur côté, tournent la tête dès le quatrième jour vers un coton imprégné de l’odeur du bébé. Menneson a tenté d’établir une corrélation entre la gestualité de l’enfant face au miroir et le comportement de l’adulte : face au miroir un enfant seul s’y regarde souvent ; mais en présence d’un adulte l’enfant délaisse le miroir si l’adulte ne s’y regarde pas, et s’observe dans le miroir si l’adulte s’y observe.

Montagner étudie les comportements entre enfants et définit diverses séquences comportementales. Il distingue ainsi parmi les interactions entre enfants des séquences comportementales qui ont pour but d’apaiser et de créer des liens (offrande, caresse, baiser, inclinaison latérale de la tête…) et des séquences qui entraînent une rupture de lien, un recul, une fuite ou une agression (ouverture de la bouche avec émission d’une vocalisation aiguë et projection en avant d’un bras ou d’une jambe). En fonction de la fréquence d’occurrence de ces conduites, Montagner décrit divers types comportementaux (leaders, dominants agressifs, dominants fluctuants, dominés craintifs, dominés agressifs…) qui semblent en partie corrélés au type d’attitude de la mère et changer avec l’attitude de cette dernière, du moins jusqu’à 3 ans. Toutefois cet essai de typologie n’est pas admis par certains auteurs.

Ainsi les études éthologiques les plus récentes cherchent à isoler des unités comportementales « signifiantes » en précisant les caractéristiques génétiques (âge d’apparition puis de disparition) et environnementales (types de déclencheurs, conséquences sur l’entourage). À titre d’exemple citons les sourires et les rires, l’écarquillement des yeux, l’inclinaison latérale de la tête, le jet de la tête en avant, etc. Dans tous les cas rappelons que, de parti pris pour ces auteurs, il s’agit toujours de comportements observables ; en revanche, les effects intériorisés, les fantaisies et fantasmes s’ils ne sont pas ignorés, ne sont pas étudiés.

D. – Théories de la communication et théories systémiques

Encore plus qu’avec les théories précédentes, il ne s’agit plus ici de l’étude d’un individu, enfant ou adulte, mais d’une approche centrée avant tout sur les interactions entre individus ou au sein d’un ensemble.

Ces théories ne proposent aucun modèle du développement de l’enfant, ne se préoccupent pas de connaître l’organisation psychopathologique interne de l’enfant ou de ses parents : leur attention se porte exclusivement sur les modes de communication.

Les principes de base sur lesquels reposent ces théories sont relativement simples, aisément perceptibles de l’extérieur : ce sont en partie les raisons qui ont rendu ces approches si populaires. Leur connaissance n’a pas un intérêt très grand pour ce qui concerne l’enfant et les étapes de son développement. En revanche, la connaissance de ces théories est utile dans certaines approches thérapeutiques avec certaines familles (v. p. 489).

■ La théorie de la communication a été initialement élaborée par des psychiatres de l’université californienne de Palo Alto, très imprégnés des théories cybernétiques : celles-ci leurs ont servi de modèle avec les notions de rétroaction positive ou négative, de boucle régulatrice, de système homéostatique, etc.

En effet d’un modèle explicatif linéaire (modèle de la thermodynamique du xixe siècle), les théoriciens de la communication sont passés à un modèle circulaire où chaque terme est déterminé par le précédent, mais détermine aussi le suivant qui rétroagit sur le premier, etc. (v. fig. 1 et 2).

A —► B —► C

Fig. 1. – Modèle d’interaction linéaire.

Image2

Fig. 2. – Modèle d’interaction circulaire.

Nous énoncerons très brièvement les principes de la communication qui sont au nombre de cinq :

1°) Il est impossible pour un individu placé dans une interaction de ne pas communiquer : refuser de communiquer n’est qu’un type particulier de communication.

2°) Toute communication présente deux aspects : le contenu de la communication et le type de relation établie entre les deux protagonistes. Ceci définit le niveau explicite de communication et le niveau implicite. Passer du niveau explicite au niveau implicite implique la capacité de communiquer sur la communication : c’est la métacommunication.

3°) La nature de la relation entre deux partenaires dépend pour chacun de la ponctuation des séquences de communication.

4°) Il existe deux modes hétérogènes de communication, la communication digitale (le langage lui-même) et la communication analogique (tout ce qui est autour du langage : intonation, mimique, posture…).

5°) Les interactions sont de nature soit symétrique (tendance à l’égalité et à la minimisation de la différence), soit complémentaire (tendance à la maximalisation de cette différence et à son utilisation dans la communication).

À partir de ces bases théoriques Bateson puis Jackson et coll. ont proposé un modèle particulier de compréhension des familles où se trouve un malade mental, généralement un malade schizophrène. Nous renvoyons le lecteur à la partie thérapeutique p. 489.

■ Les théories systémiques représentent l’application à un groupe particulier de ces principes de communication. La famille est le modèle même d’un système qui, comme tout système, se caractérise par deux tendances contradictoires :

1°) la tendance homéostatique ;

2°) la nécessité de changement, en particulier quand l’un des membres change.

Dans de nombreuses familles l’enfant est au centre d’un réseau serré d’interactions, particulièrement en cas de conduite déviante, ce qui a conduit de nombreux psychiatres et/ou psychologues d’enfants à utiliser des référents systémiques et les théories de la communication dans leur approche thérapeutique. Le lecteur se rapportera au dernier chapitre de cet ouvrage (v. p. 489) ou à la lecture des ouvrages de base de Jackson et coll. et de Selvini et coll.

Nous avons fait très brièvement référence à ces théories, non pas parce qu’elles prennent en considération le point de vue du développement (l’attitude est même totalement opposée, car à lire les comptes rendus de thérapie systémique on a le sentiment que la nature des interactions est rigoureusement la même à tout âge, qu’il s’agisse d’un jeune enfant de 5 ans ou d’un adolescent de 17 ans), mais en raison de leur extension actuelle. Avec les thérapies comportementales, les thérapies centrées sur la communication ou le système (thérapie systémique) veulent souvent s’opposer de façon polémique aux thérapies centrées sur l’organisation psychique interne. Il serait souhaitable que des confrontations moins passionnées entre ces divers théoriciens puissent déterminer les champs d’activité les plus pertinents : c’est ce que nous avons en partie tenté de faire dans la dernière partie de cet ouvrage.

VI. – L’interaction

Nous regrouperons dans ce dernier paragraphe les études de plus en plus nombreuses où « l’interaction » entre les partenaires est prise en compte dans l’observation. Il ne s’agit plus cette fois de décrire soit les performances ou la psychopathologie d’un bébé ou d’un enfant, soit la psychopathologie d’un adulte (en général la mère), mais bien

d’analyser le type de rapport qui unit les deux partenaires et comment ce rapport structure la vie psychique de l’un et de l’autre. Les premières études sur « l’interaction » proviennent de deux domaines différents :

— l’approche dite « systémique », dont l’objectif initial était de comprendre puis de traiter la pathologie d’un patient au sein de sa famille (voir ci-dessus) ;

— les études sur les relations entre la mère et son bébé.

Nous avons déjà succinctement résumé les principes des théories systémiques. Nous centrerons notre attention sur les interactions entre le bébé et sa mère.

Depuis plusieurs années toutes les études et observations du nourrisson et même du nouveau-né montrent que ce dernier ne peut plus être considéré comme un organisme passif, inerte, une sorte de « pâte molle » livré aux soins maternels, mais qu’il est au contraire un partenaire à part entière de la relation, capable de l’orienter et de l’influer. Ceci aboutit à la notion que le bébé est certes un être vulnérable, mais aussi un partenaire doué d’une évidente compétence. Ces deux notions conjointes, celle de vulnérabilité et celle de compétence, guident les études récentes des interactions entre l’enfant et son environnement (voir toute la 4e partie de cet ouvrage p. 370).

1°) La compétence

Ce terme, d’apparition récente dans les études psychologiques du nourrisson désigne la capacité active de celui-ci à utiliser ses aptitudes sensorielles et motrices pour agir ou tenter d’agir sur son environnement : « Le bébé naît avec d’excellents moyens pour signaler ses besoins et sa gratitude à son entourage : de fait il peut même choisir ce qu’il attend de ses parents ou repousser ce qu’il ne veut pas avec des moyens si puissants qu’au lieu de le percevoir comme une argile à modeler, je le considère comme un être d’une très grande force » (Brazelton). Bruner propose de classer les formes que présente la première compétence en « (1) formes régulatrices des interactions avec d’autres membres de la même espèce d’une part, et (2) formes impliquées dans la maîtrise des objets, des outils et des séquences d’événement à organisation spatiale et temporelle d’autre part ».

Le second type de compétence a fait l’objet de multiples études en particulier grâce aux magnétoscopes et aux enregistrements cinématographiques dont l’intérêt est, dans ce domaine, irremplaçable. Ces études s’inspirant souvent de la méthodologie utilisée en éthologie dévoilent les multiples « compétences » du nouveau-né ou du nourrisson. Citons à titre d’exemple (il ne saurait être question dans ce simple paragraphe d’introduction de prétendre être complet dans un champ si vaste et en exploration continuelle) :

— la vision : capacité du nouveau-né de suivre des yeux un objet de couleur vive, de fixer une forme structurée (visage, cercle concentrique…) plus longtemps que des cibles de couleur unie ;

— l’audition : capacité du nouveau-né de réagir aux sons purs, mais surtout de montrer sa préférence pour les sons humains, en particulier la voix de sa mère, en inhibant partiellement le reste de sa motricité ;

— l’odorat : capacité de discrimination olfactive permettant de distinguer l’odeur de sa mère, préférence pour l’odeur du lait par rapport à celle de l’eau sucrée ;

— le goût : capacité de discerner et de préférer le lait maternel par rapport au lait dit « maternisé » ;

— la motricité : capacité d’imitation très précoce de certaines mimiques (dès la troisième semaine : tirer la langue, ouvrir la bouche…), de tendre la main vers un objet-cible et d’ébaucher des comportements de préhension complexe, etc.

Il existe cependant des différences individuelles extrêmement importantes d’un nourrisson à l’autre dans leur degré d’activité motrice, de réactivité aux stimuli, de compétence pour discerner les signaux reçus, et surtout dans leur capacité d’excitabilité ou d’apaisement (« l’irritabilité » et la « consolabilité »), capacités différentielles qui sont à la base des échelles d’évaluation (v. p.377).

Toutefois, tous les auteurs s’accordent pour reconnaître l’importance des échanges affectifs et sociaux qui entourent et conditionnent le développement de ces diverses compétences. Nous rejoignons ici la première forme de compétence décrite par Bruner, celle qui joue un rôle régulateur des interactions humaines. En effet « pour que l’enfant puisse suivre la progression du développement des savoir-faire, il faut que lui soient assurés les rapports sociaux adéquats, le type de soutien diffus, affectif, mais si vital, sans lequel il ne saurait avancer » (Bruner).

2°) L’interaction observée

Le pont entre la compétence à l’égard des objets telle que nous venons de la décrire brièvement, et la compétence interactive, c’est-à-dire la capacité du bébé de participer activement à une interaction sociale, peut être retrouvée dans le concept de « zone proximale du développement » de Vigotsky : cette zone « est la distance entre le niveau de développement actuel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout les problèmes seul, et le niveau de développement potentiel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout les problèmes lorsqu’il est assisté par l’adulte ou collabore avec d’autres enfants plus avancés ». Nous avons vu précédemment (v. p. 34) un excellent exemple de cette zone proximale du développement à propos du geste « pointer du doigt » et comment la compréhension anticipée de la mère donne un sens au geste de l’enfant, sens qui organise secondairement la symbolisation de ce geste. Dans cette « zone proximale du développement », la compétence du nourrisson et la compétence de la mère pourront s’exercer, créant un effet de renforcement mutuel quand l’un s’associe à l’autre, désorganisant le comportement de l’un et de l’autre quand l’« accordage »

(M. Stem) ne peut être trouvé : « à mesure que les partenaires sentent qu’ils contrôlent mutuellement leur état d’attention, ils apprennent à se connaître et à s’influencer et il en résulte une sorte de réciprocité ou d’interaction affective » (Brazelton). Cette interaction comportementale était déjà décrite dans certains domaines tel que la tonicité à travers la notion de « dialogue tonique » entre mère et bébé : manière dont la mère porte le bébé, l’installe pour l’allaitement, etc. (J. de Ajuriaguerra). Plus récemment l’accent a été mis (Brazelton, Stem, de Ajuriaguerra, Casati) sur la nature cyclique de cette interaction, en particulier dans les états de vigilance, d’attention et de retrait. Cette rythmicité, primitivement mise au service du contrôle et du maintien des états physiologiques internes, permet progressivement au nourrisson « d’incorporer des séries de messages plus complexes, puis de réaliser que ce qu’il incorpore fait partie de son propre répertoire ». À l’opposé l’absence ou l’excès de réponse de la part du partenaire augmente considérablement les périodes de retrait et va jusqu’à désorganiser les conduites du nourrisson : l’excès de stimulation provoque le retrait, ce qu’on observe bien chez les nourrissons vulnérables tels que les prématurés (v. p. 445), la non-réponse maternelle (la mère garde pendant 2-3 minutes un visage impassible face à son nourrisson) provoque un désarroi et un retrait majeur chez le bébé.

Si du côté du nourrisson, l’interaction se caractérise par sa compétence et sa capacité « d’accordage » ou de modelage sur les conduites maternelles, du côté de la mère l’interaction se caractérise par sa capacité à « cueillir » dans les conduites du nourrisson des séquences préférentielles auxquelles elle donne un sens par anticipation. « Lorsqu’il fonctionne bien ce système de réciprocité pourvoit l’enfant de l’information nécessaire pour poursuivre son développement. Chaque fois qu’il fait l’apprentissage d’une nouvelle tâche, il reçoit un feedback de son entourage qui a pour effet de le réalimenter intérieurement » (Brazelton). Cette capacité de la mère de donner une signification par anticipation aux conduites du bébé, capacité proche de l’illusion anticipatrice (Diatkine), dépend en grande partie de la place préconsciente et inconsciente que la mère assigne à son bébé, non seulement le bébé bien vivant qui occupe ses bras, mais aussi le bébé fantasmatique qui occupe son imaginaire. Ceci nous conduit à l’interaction dite « fantasmatique ».

3°) L’interaction fantasmatique

Certains auteurs (Cramer, Kreisler, Lébovici) ont tenté une synthèse entre les multiples données tirées des observations sur l’interaction mère-enfant et la théorie psychanalytique. Une telle tentative revient à poser le problème du passage du champ de l’observation interpersonnelle au champ de l’analyse des déterminants intrapsychiques. Les systémiciens refusent un tel saut théorique laissant délibérément dans l’ombre le contenu de la « boîte noire ». À l’inverse certains

thérapeutes de la famille utilisent parfois des concepts psychanalytiques sans réélaboration rigoureuse pour comprendre les relations interindividuelles, dans un glissement théorique dont la validité peut être considérée comme douteuse. En se servant de la notion « d’interaction fantasmatique », S. Lébovici propose un modèle de compréhension qui tient compte à la fois des observations directes mère-enfant et du réseau fantasmatique intrapsychique qui sous-tend, organise et donne un sens à cette interaction. Selon Lébovici, « puisque le bébé est une figuration des images parentales, puique les objets internes créés par l’enfant sont modulés par ces derniers et donc par les productions fantasmatiques de la mère, on peut saisir tous les éléments de ce que nous décrirons sous le nom d’interactions fantasmatiques ». Kreisler et Cramer définissent « l’interaction fantasmatique » par « les caractéristiques des investissements réciproques entre mère et enfant : que représente l’enfant pour la mère et vice versa ?, que représente l’oralité ?, etc. ». Il s’agit de la part de l’observateur de prendre conscience que dans l’interaction mère-enfant, plusieurs bébés : bébé réel – bébé fantasmatique – bébé imaginaire, interfèrent et que ces interférences peuvent faciliter ou entraver l’adéquation entre la mère et son bébé. L’enfant fantasmatique correspond à l’enfant du désir de maternité ; il est directement issu des conflits libidinaux et narcissiques de la mère, c’est-à-dire qu’il est lié au conflit œdipien maternel. L’enfant imaginaire est l’enfant désiré ; il s’inscrit dans la problématique du couple qui est sous-tendue par la vie fantasmatique de la mère et du père. L’enfant de la réalité matérielle enfin est celui qui interagit concrétement avec son bagage génétique et ses compétences particulières toujours susceptibles d’entrer en résonance avec la fantasmatique maternelle : cette résonance peut combler des désirs ou au contraire confirmer des craintes fantasmatiques et « ce faisant » la mère donnera un sens précis aux conduites de son nourrisson, puis répondra à ces conduites en fonction de ce sens supposé, réponses qui dans un second temps structurent elles-mêmes le comportement du bébé. C’est à travers le « ce-faisant interactif » que s’organise la vie fantasmatique de la mère et du bébé : les interactions précoces mobilisent les fantasmes maternels qui eux-mêmes contribuent au développement épigénétique de la vie fantasmatique du bébé.

L’étude des rapports entre ce « fantasme du bébé », ce « bébé imaginaire » et ce qui suscite les comportements du bébé vivant, permet une évaluation du potentiel évolutif de l’interaction mère-bébé. Lorsque ces rapports satisfont les désirs, apaisent les craintes, l’interaction a toute chance d’être enrichissante et stimulante pour les deux partenaires. Lorsqu’ils confirment les craintes ou apportent des déceptions, les interactions risquent de se figer dans des conduites répétitives de plus en plus pathologiques. Enfin quand ces rapports ne peuvent s’établir, le risque d’un investissement partiel ou déréel de l’enfant peut se produire.

Cette observation théorique n’est pas sans importance puisqu’elle débouche directement sur la pratique des thérapies « mère-nourris-

son » où le rôle du clinicien sera précisément « de donner un sens au comportement qu’il observe, de le dire, de l’énoncer : il en révèle le contenu. Tout se passe comme s’il parlait au préconscient de la mère et à ce qui va se lier entre le système primaire et le système secondaire du bébé » (voir Thérapie mère-enfant p. 484).

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