Représentation

= D. : Vorstellung. – En. : idea ou présentation. – Es. Representación. – I. : rappresentazione. – P. : representação.

● Terme classique en philosophie et en psychologie pour désigner « ce que l’on se représente, ce qui forme le contenu concret d’un acte de pensée » et « en particulier la reproduction d’une perception antérieure » (1). Freud oppose la représentation à l’affect*, chacun de ces deux éléments subissant, dans les processus psychiques, un sort distinct.

◼ Le terme Vorstellung fait partie du vocabulaire classique de la philosophie allemande. L’acception n’en est pas modifiée au départ par Freud, mais l’usage qu’il en fait est original (α). Nous indiquerons ici brièvement en quoi.

1° Les premiers modèles théoriques destinés à rendre compte des psychonévroses sont centrés sur la distinction du « quantum d’affect* » et de la représentation. Dans la névrose obsessionnelle, le quantum d’affect est déplacé de la représentation pathogène liée à l’événement traumatisant sur une autre représentation, tenue par le sujet pour insignifiante. Dans l’hystérie, le quantum d’affect se voit converti en énergie somatique et la représentation refoulée est symbolisée par une zone ou une activité corporelles. Cette thèse, selon laquelle la séparation de l’affect et de la représentation est au principe du refoulement, conduit à décrire un destin différent pour chacun de ces éléments et à envisager l’action de processus distincts : la représentation est « refoulée », l’affect « réprimé », etc.

2° On sait que Freud parle de « représentations inconscientes » en marquant par la réserve sit venia verbo que le paradoxe qu’il y a dans l’accolage de ces deux termes ne lui échappe pas. S’il maintient cependant cette expression, c’est bien là l’indication que, dans l’usage qu’il fait du terme de Vorstellung, un aspect prévalent dans la philosophie classique, passe au second plan, celui de se représenter, subjectivement, un objet. La représentation serait plutôt ce qui, de l’objet, vient s’inscrire dans les « systèmes mnésiques ».

3° Or, l’on sait que Freud ne se représente pas la mémoire comme un pur et simple réceptacle d’images, selon une conception strictement empirique, mais parle de systèmes mnésiques, démultiplie le souvenir en différentes séries associatives et désigne finalement sous le nom de trace mnésique*, moins une « impression faible » restant dans une relation de ressemblance avec l’objet, qu’un signe toujours coordonné avec d’autres et qui n’est pas lié à telle ou telle qualité sensorielle. Dans cette perspective, la Vorstellung de Freud a pu être rapprochée de la notion linguistique de signifiant.

4° Cependant il y aurait lieu ici de distinguer avec Freud deux niveaux de ces « représentations » : les « représentations de mot »* et les « représentations de chose »*. Cette distinction souligne une différence, à laquelle Freud accorde d’ailleurs une valeur topique fondamentale ; les représentations de chose, qui caractérisent le système inconscient, sont dans un rapport plus immédiat avec la chose : dans l' « hallucination primitive », la représentation de chose serait tenue par l’enfant comme équivalent de l’objet perçu et investie en son absence (voir : Expérience de satisfaction).

De la même façon, quand Freud, en particulier dans les premières descriptions qu’il ait données de la cure dans les années 1894-96 (2) recherche, au terme des voies associatives, la « représentation inconsciente pathogène », ce qui serait visé, c’est le point ultime où l’objet est indissociable de ses traces, le signifié inséparable du signifiant.

5° Dans l’usage freudien, la distinction entre la trace mnésique et la représentation comme investissement de la trace mnésique, si elle est toujours implicitement présente (3), n’est cependant pas toujours nettement posée (4). C’est sans doute qu’il est difficile de concevoir dans la pensée freudienne une trace mnésique pure, c’est-à-dire une représentation qui serait totalement désinvestie, aussi bien par le système inconscient que par le système conscient.

▲ (α) On a souvent noté l’influence qu’avait pu avoir sur Freud, la conception, développée par Herbart, d’une véritable « mécanique des représentations » (Vorstellungsmechanik). Comme l’indique Ola Andersson, « … l’herbartianisme était la psychologie dominante dans le monde scientifique où vivait Freud pendant les années de formation de son développement scientifique » (5).

(1) Lalande (A.). Vocabulaire technique et critique de la philosophie, P.U.F., Paris, 1951.

(2) Cf. Freud (S.). Studien über Hysterie, 1895. Passim.

(3) Cf. Freud (S.). Das Unbewusste, 1915. G.W., X, 300 ; S.E., XIV, 201-2 ; Fr., 155-6.

(4) Cf. Freud (S.). Das Ich und das Es, 1923. G.W., XIII, 247 ; S.E., XIX, 20 ; Fr., 173.

(5) Andersson (O.). Studies in the Prehistory of Psychoanalysis, Svenska Bokfôrlaget, Norstedts, 1962, 224.