Symbolique (s. m.)

= D. : Symbolische. – En. : symbolic. – Es. : simbôlico. – I. : simbolico. – P. : simbôlico.

● Terme introduit (sous sa forme de substantif masculin) par J. Lacan qui distingue dans le champ de la psychanalyse trois registres essentiels : le symbolique, l’imaginaire et le réel. Le symbolique désigne l’ordre de phénomènes auxquels la psychanalyse a affaire en tant qu’ils sont structurés comme un langage. Ce terme se réfère aussi à l’idée que l’efficacité de la cure trouve son ressort dans le caractère fondateur de la parole.

◼ 1. On trouve le mot symbolique sous sa forme substantive chez Freud : dans L’interprétation du rêve (Die Traumdeutung, 1900) par exemple, il parle de la symbolique (die Symbolik), entendant par là l’ensemble des symboles à signification constante qui peuvent être retrouvés dans diverses productions de l’inconscient.

Entre la symbolique freudienne et le symbolique de Lacan, il y a une différence manifeste : Freud met l’accent sur le rapport unissant – si complexes que puissent être les connexions – le symbole à ce qu’il représente, alors que, pour Lacan, c’est la structure du système symbolique qui est première ; la liaison avec le symbolisé (par exemple le facteur de ressemblance, l’isomorphisme) étant seconde et imprégnée d’imaginaire*.

Toutefois, on pourrait retrouver dans la symbolique freudienne une exigence permettant de relier les deux conceptions : Freud dégage de la particularité des images et des symptômes une sorte de « langue fondamentale » universelle, même s’il porte plus son attention sur ce qu’elle dit que sur son agencement.

2. L’idée d’un ordre symbolique structurant la réalité interhumaine a été dégagée dans les sciences sociales notamment par Claude Lévi-Strauss sur le modèle de la linguistique structurale issue de l’enseignement de F. de Saussure. La thèse du Cours de linguistique générale (1955) est que le signifiant linguistique pris isolément n’a pas de lien interne avec le signifié ; il ne renvoie à une signification que parce qu’il est intégré à un système signifiant caractérisé par des oppositions différentielles (α).

Lévi-Strauss étend et transpose les conceptions structuralistes à l’étude de faits culturels où ce n’est pas seulement la transmission de signes qui est à l’œuvre et il caractérise les structures envisagées par le terme de système symbolique : « Toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l’art, la science, la religion » (2).

3. L’utilisation par Lacan, en psychanalyse, de la notion de symbolique nous paraît répondre à deux intentions :

a) Rapprocher la structure de l’inconscient de celle du langage et lui appliquer la méthode qui a prouvé sa fécondité en linguistique ;

b) Montrer comment le sujet humain s’insère dans un ordre préétabli, lui-même de nature symbolique, au sens de Lévi-Strauss.

Prétendre enfermer le sens du terme « symbolique » dans des limites strictes – le définir – serait aller contre la pensée même de Lacan qui se refuse à assigner à un signifiant une liaison fixe avec un signifié. Nous nous bornerons donc à remarquer que le terme est utilisé par Lacan dans deux directions différentes et complémentaires :

a) Pour désigner une structure dont les éléments discrets fonctionnent comme des signifiants (modèle linguistique) ou plus généralement le registre auquel appartiennent de telles structures (l’ordre symbolique) ;

b) Pour désigner la loi qui fonde cet ordre : c’est ainsi que Lacan, par le terme de père symbolique, ou de Nom-du-père, envisage une instance qui n’est pas réductible aux avatars du père réel ou imaginaire et qui promulgue la loi.

▲ (α) On notera, du point de vue terminologique, que pour Saussure le terme de symbole, dans la mesure où il implique une relation « naturelle » ou « rationnelle » avec le symbolisé, n’est pas admis comme synonyme de signe linguistique (3).

(1) Cf. Lévi-Strauss (C.). Les structures élémentaires de la parenté, P.U.F., Paris, 1949, et Anthropologie structurale, Pion, Paris, 1958.

(2) Cf. Lévi-Strauss (C.). Introduction à l’ouvrage de Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, P.U.F., Paris, 1950.

(3) Cf. Saussure (F. de). Payot, Paris, 1955, 101.