Compulsion, compulsionnel
= D. : Zwang, Zwangs-. – En. : compulsion, compulsive. – Es. : compulsion, compulsivo. – I. : coazione, coattivo. – P. : compulsão, compulsivo.
● Cliniquement, type de conduites que le sujet est poussé à accomplir par une contrainte interne. Une pensée (obsession), une action, une opération défensive, voire une séquence complexe de comportements sont qualifiés de compulsionnels lorsque leur non-accomplissement est ressenti comme devant entraîner une montée d’angoisse.
◼ 1. Dans le vocabulaire freudien, Zwang est utilisé pour désigner une force interne contraignante. Le plus souvent c’est dans le cadre de la névrose obsessionnelle qu’il est employé : il implique alors que le sujet se sent contraint par cette force à agir, à penser de telle façon et lutte contre elle.
Parfois, en dehors de la névrose obsessionnelle, cette implication n’est pas présente : le sujet ne se sent pas consciemment en désaccord avec les actes qu’il accomplit cependant, conformément à des prototypes inconscients. C’est le cas notamment pour ce que Freud nomme Wiederholungszwang (compulsion de répétition*) et Schicksalszwang (compulsion de destinée) (voir : Névrose de destinée).
Pour Freud, d’une façon générale, le Zwang, pris dans un sens plus large et plus fondamental que celui qu’il a dans la clinique de la névrose obsessionnelle, trahit ce qu’il y a de plus radical dans la pulsion : « Dans l’inconscient psychique, on peut reconnaître la suprématie d’une compulsion de répétition provenant des motions pulsionnelles et dépendant vraisemblablement de la nature la plus intime des pulsions, suffisamment puissante pour se placer au-dessus du principe de plaisir, prêtant à certains aspects de la vie psychique leur caractère démoniaque… » (1).
Cette signification fondamentale du Zwang, qui l’apparente à une sorte de fatum, se retrouve lorsque Freud parle du mythe d’Œdipe, allant jusqu’à désigner ainsi la parole de l’oracle, comme en témoigne ce passage de l’Abrégé de psychanalyse (Abriss der Psychoanalyse, 1938) « … le Zwang de l’oracle, qui doit ou devrait innocenter le héros, est une reconnaissance de l’implacabilité du destin qui condamne tous les fils à passer par le complexe d’Œdipe » (2, a).
2. En français, les mots compulsion, compulsionnel ont la même origine latine (compellere) que compulsif : qui pousse, qui contraint. Ils ont été choisis pour fournir les équivalents de l’allemand Zwang. Mais, d’autre part, la clinique française utilisait le terme d’obsession pour désigner des pensées que le sujet se sent contraint d’avoir, par lesquelles il se sent littéralement assiégé. Aussi, dans certains cas, le terme Zwang est rendu par obsession : ainsi Zwangsneurose est traduit par névrose obsessionnelle ; Zwangsvorstellung, par représentation obsédante ou obsession de… En revanche, quand il s’agit de conduites, on parle de compulsion, d’action compulsionnelle (Zwangshandlung), de compulsion de répétition, etc.
Notons enfin que, par sa racine, compulsion s’inscrit en français dans une série, aux côtés de pulsion* et impulsion. Entre compulsion et pulsion, cette parenté étymologique correspond bien à la notion freudienne du Zwang. Entre compulsion et impulsion, l’usage établit des différences sensibles. Impulsion désigne la survenue soudaine, ressentie comme urgente, d’une tendance à accomplir tel ou tel acte, celui-ci s’effectuant hors de tout contrôle et généralement sous l’empire de l’émotion ; on n’y retrouve ni la lutte ni la complexité de la compulsion obsessionnelle, ni le caractère agencé selon un certain scénario fantasmatique de la compulsion de répétition.
▲ (α) Cf. déjà ce passage d’une lettre à W. Fliess, du 15-10-97 : « La légende grecque saisit un Zwang que chacun reconnaît parce qu’il en a aperçu l’existence en lui » (3).
(1) Freud (S.). Dos Unheimliche, 1919. GAV., XII, 251 ; S.E., XVII, 238 ; Fr., 191.
(2) Freud (S.). G.W., XVII, 119 ; S.E., XXIII, 192 ; Fr., 63.
(3) Freud (S.). Aus den Anfängen der Psychoanalgse, 1887-1902. Ail., 238 Ang !., 223 ; Fr., 198.