Détresse (état de —)

= D. : Hilflosigkeit. – En. : helplessness. – Es. : desamparo. – I. : l' essere senza aiuto. – P. : desamparo ou desarvoramento.

● Terme de la langue commune qui prend dans la théorie freudienne un sens spécifique : état du nourrisson qui, dépendant entièrement d’autrui pour la satisfaction de ses besoins (soif, faim), s’avère impuissant à accomplir l’action spécifique propre à mettre fin à la tension interne.

Pour l’adulte, l’état de détresse est le prototype de la situation traumatique génératrice d’angoisse.

◼ Le mot Hilflosigkeit, qui constitue pour Freud une référence constante, mérite d’être dégagé et rendu en français par un terme unique. Nous proposons état de détresse, plutôt que détresse tout court, car il s’agit pour Freud d’une donnée essentiellement objective : l’impuissance du nouveau-né humain ; celui-ci est incapable d’entreprendre une action coordonnée et efficace (voir : Action spécifique) ; c’est là ce que Freud a désigné du terme de motorische Hilflosigkeit (1 a). Du point de vue économique, une telle situation aboutit à l’accroissement de la tension du besoin que l’appareil psychique est encore impuissant à maîtriser : c’est là la psychische Hilflosigkeit.

L’idée d’un état de détresse initial est au principe de plusieurs ordres de considérations.

1° Sur le plan génétique (2), c’est à partir d’elle que peuvent se comprendre la valeur princeps de l’expérience de satisfaction*, sa reproduction hallucinatoire et la différenciation entre processus primaire et secondaire*.

2° L’état de détresse, corrélatif de la totale dépendance du petit humain à l’égard de sa mère, implique l’omnipotence de celle-ci. Il influence ainsi de façon décisive la structuration du psychisme, voué à se constituer entièrement dans la relation avec autrui.

3° Dans le cadre d’une théorie de l’angoisse, l’état de détresse devient le prototype de la situation traumatique. C’est ainsi que dans Inhibition, symptôme et angoisse (Hemmung, Symplom und Angst, 1926), Freud reconnaît aux « dangers internes » un caractère commun : perte ou séparation qui entraîne une augmentation progressive de la tension, au point qu’à la limite le sujet se voit incapable de maîtriser les excitations et débordé par elles : ce qui définit l’état générateur du sentiment de détresse.

4° Notons enfin que Freud rattache explicitement l’état de détresse à la prématuration de l’être humain : son « … existence intra-utérine semble relativement raccourcie en comparaison de celle de la plupart des animaux ; il est moins achevé que ceux-ci lorsqu’il est jeté dans le monde. De ce fait, l’influence du monde extérieur est renforcée, la différenciation précoce du moi d’avec le ça est nécessaire, l’importance des dangers du monde extérieur est majorée et l’objet, seul capable de protéger contre ces dangers et de remplacer la vie intra-utérine, voit sa valeur énormément accrue. Ce facteur biologique établit donc les premières situations de danger et crée le besoin d’être aimé, qui n’abandonnera plus jamais l’homme » (1 b).

(1) Cf. Freud (S.). Hemmung, Symptom und Angst, 1926. – a) G.W., XIV, 200 ; S.E., XX, 167 ; Fr., 97. – b) G.W., XIV, 186-7 ; S.E., XX, 155 ; Fr., 83.

(2) Cf. particulièrement. Freud (S.). Entwurf einer Psychologie, 1895, Ire partie.