Frissons provoqués par le crissement du verre, etc.

L’analyse des névroses a permis de découvrir le sens de ces idiosyncrasies très répandues. Le premier élément de l’interprétation me fut fourni par un patient dont le « sang se glaçait » à la vue de pommes de terre qu’on épluchait : inconsciemment il identifiait ces végétaux à quelque chose d’humain, de sorte qu’éplucher des pommes de terre signifiait pour lui écorcher, retirer la peau, et cela de manière aussi bien active (sadique) que passive (masochiste), au sens de la peine du talion. Fort de cette expérience, il me faut ramener également la particularité citée dans le titre de cet article à des impressions d’enfance, à une époque ancienne où la conception animiste et anthropomorphe de la matière inerte est chose courante. Le son aigu produit par le verre qu’on raye évoque pour l’enfant la plainte d’un objet maltraité, tout comme le tissu qui pousse — pense-t-il — des cris de douleur quand on le déchire. Toucher des matières rêches, caresser de la soie s’accompagnent souvent aussi de « frissons », sans doute à cause du bruit « désagréable » que produisent ces matières quand on y passe la main. Mais la rugosité par elle-même peut suffire à provoquer par empathie la sensation de quelque chose de rugueux ou d’une blessure sur sa propre peau, tandis que caresser des objets lisses et doux semble avoir un effet apaisant sur les nerfs de la peau. La tendance à développer ce genre d’idiosyncrasies dérive le plus souvent des fantasmes inconscients de castration. Il n’est pas impossible que ces facteurs et d’autres similaires jouent un rôle dans l’effet esthétique produit par diverses matières ou substances.