7. La sexualité et ses troubles

Depuis Freud nous savons que le développement psycho-sexuel ne débute pas à l’adolescence. À travers des activités intéressant directement les organes génitaux, comme par exemple la masturbation, ou à partir des questions posées par l’enfant sur la différence entre un petit garçon et une petite fille, les adultes ne peuvent pas ignorer les préoccupations sexuelles infantiles. Pour les psychanalystes la sexualité infantile ne se limite pas aux activités et aux plaisirs qui dépendent du fonctionnement de l’appareil génital proprement dit, mais concerne en réalité l’ensemble du corps. L’adolescence et l’avènement de la puberté marquent cependant un tournant dans la sexualité de l’individu. Le développement de l’appareil génital, l’activité sexuelle qui y est liée et les modifications intrapsychiques qui en découlent, caractérisent en grande partie l’adolescence. En effet, la sexualité est un point focal de la vie de l’adolescent. Si ce chapitre se situe au terme de cette seconde partie consacrée aux diverses conduites de l’adolescence c’est parce que nous estimons que, à travers la sexualité, transparaît l’harmonisation possible ou non, de ces diverses conduites. En effet la sexualité inclue en elle-même une part d’agir, nécessite une élaboration mentale et mobilise le corps et son image. La mise en place d’une organisation sexuelle définitive c’est-à-dire d’une organisation qui d’un point de vue somatique, psychologique et sociologique inclue maintenant les organes génitaux physiquement matures représente une des tâches fondamentales de l’adolescence. L’établissement de cette organisation ne se fait pas sans variation selon l’environnement socio-culturel et selon les individus. En tout état de cause la tâche de l’adolescent sera de faire coïncider, et si possible de rendre satisfaisant à travers la réalisation sexuelle, l’impératif du besoin sexuel et le déploiement de ses fantasmes sexuels. Il est important chez l’adolescent de distinguer la réalisation sexuelle qui se situe au niveau comportemental, du fantasme et des fantaisies sexuelles qui se situent au niveau de la psyché.

Des difficultés inéluctables surgissent dans ce déroulement et peuvent

prendre une signification psychopathologique. De ce point de vue une distinction fondamentale doit cependant toujours être présente à l’esprit : la distinction entre, d’un côté un comportement sexuel qui peut parfois prendre des allures inquiétantes par sa répétition ou son intensité sans pour autant rompre le développement psychique, et de l’autre des activités sexuelles qui représentent invariablement une dislocation dans ce développement psychique. En d’autres termes, il faut distinguer le comportement en soi et la façon dont il retentit sur la personnalité puis s’y intègre.

La sexualité de l’adolescent est sujet de curiosité, sujet d’inquiétude, sujet de nostalgie, sujet révélateur de l’évolution sociale… Toutefois les travaux sur cette question sont très hétérogènes. Il existe en effet une grande différence d’évaluation de la sexualité de l’adolescent selon la manière dont elle est appréhendée à travers diverses méthodes : enquêtes, le plus souvent statistiques anonymes et sur un grand nombre, des pratiques sexuelles des adolescents et des fantaisies conscientes ; ou au contraire analyse des fantaisies, des fantasmes sexuels et de leur retentissement dynamique sur l’équilibre psychoaffectif à travers le déroulement d’une psychothérapie individuelle.

Ceci nous a conduit à distinguer deux chapitres différents avec d’une part les études quantitatives et épidémiologiques et d’autre part la dynamique de la pulsion sexuelle et de la sexualité avec ses avatars (la physiologie de la puberté a été brièvement envisagée dans la première partie de cet ouvrage : cf. p. 5).

I. – Données quantitatives et épidémiologiques

Plusieurs enquêtes françaises et étrangères ont étudié quantitativement les divers aspects du comportement sexuel et même certaines fantaisies sexuelles des adolescents. Nous ne citerons que quelques-unes d’entre elles.

A. – L’orgasme

Selon le rapport Kinsey, il semble exister une brusque augmentation de l’activité sexuelle surtout dans l’année qui précède la puberté. La fréquence maximale des orgasmes est atteinte dans la deuxième année qui suit la puberté. Chez la fille il existe une augmentation régulière de l’activité sexuelle qui commence bien avant la puberté et qui se poursuit après cette dernière. Dans l’enquête de Kinsey, 20 % seulement des filles de 15 ans ont eu au moins un orgasme.

B. – La masturbation

Bien que la masturbation comme activité sexuelle n’apparaisse presque jamais dans le discours spontané des adolescents (discours aux adultes, dans le cadre d’une enquête par entretiens non directifs réalisée par M.F. Castarede en 1976 à propos de la « vie psychosexuelle ») 90 % des garçons et 40 % des filles s’y adonnent pendant une période plus ou moins longue et avec une fréquence variable à l’adolescence (enquête faite anonymement). La masturbation amène à la première éjaculation dans 68 % des cas chez les garçons et au premier orgasme dans 84 % des cas chez les filles (Kinsey).

C. – Les fantaisies sexuelles conscientes

Une enquête américaine sur les collégiens (enquête réalisée sur 1 177 collégiens) a étudié quantitativement les fantaisies sexuelles conscientes des adolescents. La très grande majorité des pensées ou rêveries citées en premier par ces adolescents était de caresser un partenaire que l’on aime ou de lui faire l’amour. Des fantaisies homosexuelles étaient citées par 3 % des adolescents ; des fantasmes sadiques par 24 % des garçons et 6 % des filles ; des fantasmes masochiques par 21 % des filles et 11 % des garçons ; des fantasmes voyeuristes par 35 % des garçons et 25 % des filles.

D. – La première relation sexuelle

La date de survenue de la première relation sexuelle est particulièrement étudiée dans les différentes enquêtes ou études épidémiologiques. Dans les années 60 le rapport Simon en France apprécie la moyenne de l’âge du premier rapport sexuel à 19,2 pour les hommes et 20,5 ans pour les femmes ; 18 % des garçons et 4 % des filles ont eu leur premier rapport sexuel avant l’âge de 16 ans ; à 18 ans 46 % des garçons et seulement 20 % des filles. Dans l’enquête de M.F. Castarede, l’âge moyen des rapports sexuels des garçons est de 17 ans, celui des filles de 18 ans. Selon les Dossiers de l’Etudiant, en 1980, à 16 ans près de 37 % des lycéens ont déjà fait l’amour et seulement 19 % des lycéennes ; à 18 ans plus de la moitié des lycéens et 35 % des lycéennes. À travers la question souvent posée concernant la date de ces premiers rapports sexuels on s’interroge sur l’évolution des mœurs au cours des années. Aux Etats-Unis, une enquête a été effectuée à trois ans d’intervalle auprès d’adolescents âgés de 15 ans dans le même contexte socio-culturel : en 1970, 25 % des garçons et 13 % des filles avaient eu un premier rapport ; en 1973, 38 % des garçons et 24 % des filles déclaraient avoir eu un premier rapport ; un tiers des adolescents âgés de 17 ans avaient eu un rapport sexuel, chiffre nettement plus élevé que celui du rapport de Kinsey vingt ans plus tôt. En France les trois enquêtes citées ci-dessus montre une évolution comparable sur une période plus longue mais avec des populations étudiées différentes.

Trois autres données semblent caractériser l’évolution du comportement sexuel des adolescents au cours de ces vingt dernières années : les filles évoluent beaucoup plus rapidement que les garçons (les pourcentages statistiques ont beaucoup moins changé pour ces derniers que pour les premières) ; conséquence de ce changement, les jeunes font de plus en plus leurs premières expériences sexuelles avec des camarades du même âge ; enfin on note une homogénéisation progressive des comportements selon les différents milieux (Le Monde de l’Education).

En revanche une distinction subsiste entre les garçons et les filles en ce qui concerne : 1) la poursuite des relations sexuelles : 8 % des garçons seulement contre 29 % des filles continuent avec le même partenaire ; 2) l’implication affective de ce premier rapport : 46 % des garçons disent ne pas être pour autant impliqués affectivement contre 8 % des filles (Etude américaine précédemment citée et ayant eu lieu au cours des années 70).

E. – L’homosexualité

L’homosexualité est souvent étudiée dans les enquêtes épidémiologiques. Il semble que les relations sexuelles proprement dites avec des personnes du même sexe restent rares à l’adolescence. Selon l’enquête des « Dossiers de l’Etudiant » citée précédemment, 4,6 % des lycéens et 2,9 % des lycéennes seraient concernés. La proportion de relations homosexuelles s’accroît à partir de 18-19 ans. Dans l’étude de M.F. Castarede aucun adolescent ne mentionne spontanément une expérience homosexuelle dans son discours.

F. – Conduites liées à la sexualité : contraception, avortement, grossesse

Nous citerons ici quelques chiffres concernant la contraception, l’avortement et la grossesse. La contraception chez les adolescentes reste semble-t-il assez peu utilisée puisque environ une fille sur quatre recourerait à un moyen contraceptif efficace. La nécessité de l’information sexuelle auprès des adolescentes apparaît encore plus clairement quand on sait qu’en France, en 1980, environ dix mille interruptions de grossesses sont pratiquées et trois mille accouchements se produisent chez des adolescentes entre 14 et 18 ans. Aux Etats-Unis, une étude datant de 1975 apprécie le nombre de grossesses chez les adolescentes à un million aboutissant à six cent mille naissances et quatre cent mille avortements. Le nombre de grossesses « illégitimes » aurait été multiplié par trois entre 1940 et 1975.

G. – Les conduites sexuelles déviantes

Pour être complet, nous citerons la prostitution et les actes de viols qui semblent actuellement augmenter chez les adolescents. Ces conduites sexuelles déviantes s’inscrivent en général dans le vaste cadre de la délinquance juvénile.

II. – Le développement psychosexuel à l’adolescence

Le développement psychosexuel à l’adolescence est sous la dépendance d’une série de facteurs organiques, cognitifs et socio-culturels.

1 » Facteurs organiques. – L’existence de facteurs organiques dont l’importance reste cependant inconnue est acceptée par tous dans le développement psychosexuel des adolescents : la libido est en partie sous la dépendance des hormones. Les stéroïdes sexuels ont un effet sur le comportement d’agressivité. À l’inverse, toute situation chronique de stress tend à bloquer l’activité gonadique et retarde ou atténue l’apparition des caractères sexuels. Cette apparition des caractères sexuels secondaires, la capacité physiologique d’avoir des relations sexuelles, la capacité de procréer représentent incontestablement un bouleversement physiologique et psychologique. « L’acquisition de la puberté est toujours une surprise. L’enfant en guette les signes, les constate, n’y croit pas, se met à y croire, à les intégrer semble-t-il et… se retrouve totalement étranger à ce qu’il était auparavant (et ceci quelque soit le sexe), que va-t-il faire de cette inquiétante étrangeté ? Je crois que pour tous, et pour refoulé que cela soit, il en aura éprouvé, ne serait-ce que fugacement, un moment de gloire auquel succède, tantôt comme une vague, tantôt comme une marée sournoise, l’angoisse. De l’aménagement de cette angoisse va dépendre l’avenir » (E. Kestemberg, 1980).

2° Facteurs cognitifs. – La capacité cognitive nouvelle d’accéder au stade des opérations formelles et de les comprendre interfère avec la symbolisation de l’érotisme, l’appréhension, l’abstraction et la rationalisation nécessaire des transformations sexuelles, des scénarios imaginables, des relations sexuelles interpersonnelles et des conflits qui y sont associés. Sans que cette capacité cognitive soit le facteur déterminant d’une sexualité satisfaisante, elle est un élément du sens de la réciprocité et un moyen de modulation vis-à-vis des exigences pulsionnelles. A contrario, l’exemple des adolescents encéphalopathes et débiles profonds montre le rôle potentiellement aggravant d’une sexualité non intégrable. Il est d’observation courante de voir apparaître chez ces adolescents, lorsque émerge le besoin sexuel, des conduites chaotiques : masturbation violente, hétéro-agressivité sexuelle, provocation, exhibitionnisme sans contrôle, etc. Le plus souvent ces conduites sont immédiatement réfrénées par l’entourage, mais cette répression suscite alors une exacerbation des troubles symptomatiques antérieurs (stéréotypie, automutilation, etc.). L’intégration de la sexualité chez ces adolescents reste un problème majeur, souvent mal résolu, qu’il concerne la famille ou les diverses institutions où séjournent les adolescents.

3° Facteurs affectifs et relationnels. – Nous insisterons plus largement sur les facteurs affectifs et relationnels. Les transformations intrapsychiques sont largement étudiées par les psychanalystes. Nous pouvons distinguer deux courants. D’un côté il y a ceux qui, dans la lignée de Freud, voient dans le développement psychosexuel de l’adolescence une nouvelle étape à laquelle l’individu accède avec une sexualité déjà établie et organisée dès l’enfance : l’adolescence n’est qu’une terminaison ou une reviviscence des expériences sexuelles infantiles déjà exprimées, qui seront complétées puis réalisées grâce à la transformation de l’appareil génital ; dans ce cadre on insiste sur la notion d’après-coup. D’autre part, il y a ceux qui, avec Erikson, insistent sur l’originalité profonde de l’adolescence, originalité liée justement aux nouvelles potentialités et aux nouvelles capacités.

Tous les psychanalystes sont cependant d’accord pour reconnaître qu’une partie importante de ce qui survient au cours du développement psychosexuel de l’adolescent dépend de ce qui s’est passé dans l’enfance, mais que l’expérience de la sexualité lors de l’adolescence est liée aux expériences actuelles et nouvelles.

Deux points particuliers méritent d’être abordés : l’image du corps et l’identité sexuelle.

a) L’image du corps. – S’appuyant sur la théorie de la sexualité de Freud, P. Schilder fait correspondre la construction définitive de l’image du corps à la phase de l’accession à la génitalité. L’homme ne perçoit son corps comme un tout, comme une unité qu’après avoir accédé à la génitalité, donc au cours de l’adolescence. Mais la théorie de Schilder prend aussi en compte le registre relationnel : l’adolescent découvre l’image de son corps grâce aux tendances libidinales des autres dirigées vers lui. Il existe un courant permanent d’échanges mutuels entre l’image du corps de chacun et l’image du corps de tous les autres. Ceci rejoint la pensée de Freud, à savoir que le choix de l’objet à la puberté est un élément intégrateur de la personnalité. Pour Schilder, l’image du corps n’est jamais isolée, toujours accompagnée par celle des autres, se structurant plus précisément à la génitalité, mais de façon définitive. La construction de l’image du corps n’est pas un acquis figé, elle peut être influencé par le vécu physique, les émotions, les sensations, le regard d’autrui (les notions de schéma corporel, de corps social, d’image du corps ont été traitées, p. 117).

b) Le choix d’objet 5 sexuel. – Le choix d’objet sexuel est soumis à l’ensemble des remaniements que constitue l’adolescence (cf. p. 14). Cependant deux éléments nous paraissent prépondérants : 1) le regroupement des pulsions partielles au sein de la pulsion génitale subordonnée à l’aménagement de la capacité reproductive ; 2) l’harmonisation et la mise en équilibre à l’adolescence entre la lignée objectale et la lignée narcissique.

Tout choix d’objet sexuel à l’adolescence est soumis à ces deux éléments. De plus une série de passages, mouvements dynamiques, progrédients et régrédients, caractérisent le processus de l’adolescence, infiltrent le choix d’objet sexuel et ses difficultés et s’y reconnaissent :

— Le désengagement progressif des objets parentaux est source de difficultés, comme en témoignent des choix d’objet sexuel d’aspect incestueux ou un rejet de soi en temps qu’être sexué pour bien marquer ce désengagement à des images intériorisés et sexués.

— Le passage progressif de l’autoérotisme à l’hétérosexualité : la conduite masturbatoire, son importance et le fantasme qui y est associé en sont les signes révélateurs.

— Enfin la résolution de la bisexualité : les aléas de cette résolution se marquent dans la succession des choix d’objet sexuel au cours de l’adolescence.

Ces mouvements dynamiques s’expriment à travers le flottement transitoire dans le choix d’objet sexuel, flottement qui s’illustre lui-même à travers la multiplicité des conduites sexuelles. C’est le sens des oscillations entre l’hétérosexualité et l’homosexualité, entre l’attachement aux parents et l’amour porté à un nouvel objet, entre le groupe ou la bande et l’ami unique et idéalisé, entre le premier amour et la relation sexuelle de passage sans investissement affectif et durable.

Ainsi le choix d’objet sexuel peut-il prendre une forme particulière à l’adolescence dans cette passion amoureuse qu’on appelle « premier amour » ; « il s’agit d’une brutale effraction narcissique, d’une violence faite au Moi par un objet extérieur d’autant plus réel que ses qualités sont projectivement celles qui, dans le passé non mémorisable où s’est construit le narcissisme primaire, dans ce temps de la mégalomanie infantile, était celle de la mère : odeur, saveur, traces acoustiques… Cette trace heureusement traumatique ordonnera d’autres amours, des amours d’adultes… » (S. Daymas, 1980).

c) L’identité sexuelle. – L’identité du Moi, concept développé par Erikson, diffère de l’image corporelle parce qu’elle englobe les identifications de l’individu et qu’elle met l’accent sur les interactions psychosociales. La recherche, puis la constitution de l’identité sont une des tâches importantes de l’adolescence. Une organisation stable de l’identité est considérée par les tenants de la psychanalyse dite génétique comme le signe de la fin de l’adolescence. Cette organisation stable de l’identité est acquise lorsque l’individu est parvenu à s’identifier de façon permanente dans ses objectifs, dans ses ambitions, dans sa sexualité et dans ses rapports avec l’autre sexe, à la fois sur le plan collectif social et sur le plan individuel, éthique. Ainsi vis-à-vis de la question « quel type de personne suis-je ? », « les sentiments concernant la masculinité ou la féminité et les caractères qui y sont associés, tels que l’activité ou la passivité, la domination ou la soumission, jouent un rôle essentiel dans la réponse ». Cette identité sexuelle, partie intégrante et même souvent fondamentale de l’identité du Moi est appelée identité de genre. L’identité de genre (Gender Identity) rend compte du sexe psychique qu’on doit différencier du sexe biologique se manifestant à la puberté par l’apparition des caractères sexuels secondaires. Ce rappel est nécessaire pour mieux comprendre la divergence entre la position freudienne et la position des post-freudiens comme R.J. Stoller. Pour Freud, l’opposition féminin-masculin ne s’établit clairement qu’à l’adolescence, la sexualité étant caractérisée par l’opposition phallique-castré ; l’œdipe modifie la bisexualité psychique avec chez le garçon une identification masculine prépondérante sur l’identification féminine, et l’inverse chez la fille. Pour les auteurs qui ont succédé à Freud, l’identité sexuelle est acquise bien antérieurement à la puberté. R.J. Stoller distingue le sentiment précoce d’appartenir à un sexe et la réalité anatomique de son propre sexe, « identité nucléaire de genre » (apparaissant dans la petite enfance), du sentiment qui s’appuyant sur le premier s’élabore ultérieurement grâce à l’évolution libidinale décrite par Freud : identité sexuelle proprement dite ou « identité de genre ». Cette dernière s’établit pour Stoller avant la puberté car elle est issue directement du conflit œdipien. La masculinité et la féminité correspondent aux identifications secondaires constituées par l’enfant grâce au fantasme du complexe d’œdipe. Le développement de cette identité de genre se poursuit intensément au moins jusqu’au terme de l’adolescence. Cette période, comme le souligne Erikson représente à la fois la dernière étape, mais également une menace pour l’achèvement de cette identité de genre.

4° Facteurs socio-culturels. – Si la sexualité et les principaux fantasmes sexuels sont communs à tous les adolescents quelque soient les époques ou les cultures, il n’en demeure pas moins que les relations sexuelles, leur préparation, leur fréquence, leur plus ou moins grande facilité, leur acceptation par le groupe ou les parents varient selon la culture et selon les époques ; les récits et les travaux des ethnologues en sont une illustration évidente. Citons à titre d’exemple l’étude de la sexualité chez les adolescents d’une tribu indienne, les Muria dans l’état de Bastar. Dans cette tribu, la vie sexuelle des adolescents est centrée autour d’une institution appelée le Ghotul ou maison des jeunes. Cette maison est une institution hautement hiérarchisée où le Chef représente le père et la Cheftaine la mère. Dans cette maison, véritable établissement de nuit, les rencontres ont lieu souvent le soir, les garçons arrivant un par un, portant leurs nattes de couchage, puis les filles toutes ensemble. Après des activités préliminaires (coiffure, massage), tout le monde se prépare à aller au lit. Le matin les filles doivent être sorties du Ghotul avant l’aube. Une fille ne doit en effet se laisser voir de ses parents ni quand elle sort de chez elle pour aller au Ghotul ni quand elle en revient. Le système du Ghotul oblige les jeunes à changer de partenaire tous les deux ou trois jours. En revanche, si des futurs époux vivent dans le même Ghotul, ils ne doivent en rien avoir à faire l’un avec l’autre. Il y a également tout un cercle de parenté interdit. Nous pourrions évidemment citer d’autres exemples, dans d’autres cultures, décrits remarquablement par Mead ou Malinowski. La preuve des liens existant entre l’organisation sociale et la sexualité des adolescents n’est plus à faire. Pour rester dans la civilisation occidentale, les changements constatés au niveau des comportements sexuels des adolescents ne peuvent pas être isolés des modifications sociales globales concernant cette tranche d’âge au cours de ces trente dernières années.

Une constante peut cependant être retrouvée quelque soient les époques ou les sociétés. O.F. Kemberg suggère en effet que la « moralité conventionnelle » (c’est-à-dire les règles sociales) peut protéger le couple et son intimité contre l’agression du groupe élargi dont il fait parti, mais au prix d’une sexualité « autorisée ». L’hypothèse de Kemberg repose en effet sur l’idée que la réaction du groupe vis-à-vis du couple est fondamentalement ambivalente : l’idéalisation, l’espoir que le couple évoque dans le groupe dont il fait parti sont contrebalancés par l’envie, le ressentiment et le désir du groupe de détruire cette union. Ceci explique que les individus ou les couples réagissent toujours par une distanciation vis-à-vis de 1’ « idéologie officielle ». Cette remarque est importante pour l’adolescent dont une des tâches est la capacité d’établir peu à peu une sexualité personnelle satisfaisante et de la réaliser dans l’intimité d’un couple. Ainsi, il convient d’apprécier chez les adolescents leur capacité de se réaliser dans une vie de couple avec une certaine indépendance vis-à-vis du groupe social environnant. Ce dernier peut être le groupe social des adultes et des parents, mais aussi le groupe social des pairs, c’est-à-dire des autres adolescents. Il n’est pas exceptionnel par exemple de voir des adolescents présentant des comportements faisant croire à une très grande libération sexuelle, mais qui masquent en fait une sévère inhibition et qui reflètent en réalité un échec dans la différenciation du couple ou de l’individu vis-à-vis des valeurs idéologiques conventionnelles du groupe des pairs.

III. – Psychopathologie des principales conduites sexuelles

L’appréciation des conduites sexuelles en psychopathologie pose un problème complexe centré sur la notion de normalité. Il faut une fois de plus distinguer le point de vue sociologique de l’anormalité et le point de vue clinique et psychopathologique sur l’anormalité en rapport avec le développement psychique. M. Laufer pose le problème de la façon suivante :

— d’un point de vue sémiologique, certaines formes d’activités ou de comportements sexuels durant l’adolescence représenteraient invariablement une rupture dans le développement psychologique ;

— d’un point de vue struturel, certaines ruptures quand elles surviennent se manifestent par une activité ou un comportement qui apparaît comme anormal dans l’évolution ou le traitement ;

— d’un point de vue épistémologique, enfin le psychanalyste doit-il établir un jugement sur telle activité ou tel comportement dans l’évolution d’un traitement ?

Pour cet auteur, il faut être clair : « les formes d’activités sexuelles qui nécessitent d’être considérées comme anormales en terme de développement psychologique… sont celles qui excluent l’hétérosexualité comme l’activité sexuelle primaire entre deux individus ». Ainsi l’homosexualité, le fétichisme, le travestissement et les perversions appartiennent à cette catégorie. Cependant ces conduites peuvent être considérées comme pathologiques uniquement dans la mesure où elles sont le signe que l’adolescent n’a pas intégré une image du corps physiquement mâture ou n’a pas établi une identité sexuelle personnelle. Une telle évaluation nécessite d’attendre la fin de l’adolescence. Antérieurement, ces conduites peuvent apparaître parfois comme le signe d’un effort du Moi pour établir cette identité sexuelle. M. Laufer insiste sur le fait qu’il est souhaitable d’informer l’adolescent avant tout traitement de la propre conception du thérapeute concernant la normalité de telle conduite sexuelle.

Nous pouvons distinguer trois catégories de difficultés dans le domaine de la sexualité de l’adolescent :

— la réalisation sexuelle et ses difficultés : absence de relations sexuelles, frigidité, éjaculation précoce, impuissance ;

— le choix d’objet sexuel et ses difficultés : masturbation, homosexualité, conduite incestueuse ;

— l’identité sexuelle et ses difficultés : transexualisme, ambiguïté sexuelle.

Rappelons une fois de plus que cette distinction en trois catégories est schématique. Il est incontestable par exemple que si l’homosexualité renvoie à une difficulté du choix d’objet sexuel, elle pose en même temps le problème de la constitution de l’identité sexuelle de l’individu.

A. – Les difficultés de la réalisation sexuelle

Les difficultés de la réalisation sexuelle peuvent prendre différentes formes plus ou moins intriquées :

1) L’absence totale de relations sexuelles au cours de l’adolescence représente incontestablement de nos jours une anormalité au sens statistique du terme. Qualitativement cette absence peut être le signe d’une inhibition névrotique, massive ou d’une angoisse encore plus archaïque.

2) À l’inverse des rapports sexuels multiples avec des changements de partenaire quasi systématiques dans une sexualité en apparence tout à fait libre de culpabilité et de conflit peut être le signe d’une dépression à vif se centrant non pas tant sur le plaisir ou le non plaisir du fonctionnement du corps que sur une inhibition intellectuelle : « on assiste à une resexualisation du fonctionnement mental qui devient alors la seule castration, et une désexualisation de la sexualité » (E. Kestemberg, 1978).

3) Le premier orgasme, la première éjaculation, la première masturbation, les premières règles, les premières relations sexuelles peuvent être à l’origine d’un traumatisme psychique, traumatisme écran vis-à-vis des traumatismes sexuels infantiles. À un niveau inconscient cette première expérience marque la participation à la scène primitive et ravive l’angoisse inhérente au conflit œdipien : angoisse de castration puis plus profondément angoisse de morcellement. Cliniquement nous pouvons assister alors à des attitudes de repliement manifestant une inhibition névrotique sous-jacente, en particulier dans le domaine intellectuel ou à des envahissements psychotiques chez des adolescents plus fragiles.

4) La frigidité primaire ou secondaire, l’éjaculation précoce et l’impuissance. Après avoir éliminé une cause organique, ces troubles relèvent du même type de mécanisme psychopathologique et se rapportent à l’angoisse liée au conflit œdipien. Ces difficultés dans la réalisation sexuelle sont fréquentes à l’adolescence, mais sont souvent transitoires. Elles peuvent cependant perdurer et devenir des manifestations particulièrement invalidantes dont ne viendront se plaindre que bien plus tard ces patients devenus adultes.

5) Enfin nous en rapprocherons les différents troubles menstruels de l’adolescence : aménorrhée primaire ou secondaire, dysménorrhée, métrorragie ou ménorragie. Ils nécessitent un bilan organique, mais traduisent souvent chez l’adolescente une acceptation difficile de sa féminité et de sa sexualité. Un soutien psychologique est trop souvent négligé dans ces problèmes quotidiens de médecine.

B. – Les difficultés du choix sexuel

Le choix d’objet sexuel dont nous avons parlé précédemment connaît tout au long de l’adolescence des aléas pluis ou moins importants. Nous pourrions les différencier selon les étapes successives de l’adolescence telles que les a décrites par exemple P. Bios. Trois conduites particulières illustrent bien le problème du choix d’objet : la masturbation, l’homosexualité et les conduites incestueuses. En revanche, nous ne traiterons pas les différentes conduites sexuelles perverses (fétichisme, zoophilie, exhibitionnisme, sadisme sexuel, etc.). Elles sont rares à l’adolescence, nous renvoyons le lecteur à l’Abrégé de Psychiatrie de l’adulte.

1° La masturbation. – Le temps est déjà lointain où la masturbation apparaissait comme un vice ou une maladie. De nos jours la masturbation est considérée comme une activité naturelle, si ce n’est nécessaire. La question que l’on doit se poser maintenant est la suivante : comment cette conduite banale, et qui appartient au registre de la psychologie normale peut-elle entrer chez l’adolescent dans le champ de la psychopathologie ? Joyce Mac Dougall parle de « processus masturbatoire » et en décrit deux versants : un acte et un fantasme. Ces deux versants peuvent trouver des destins différents dans la vie psychique.

Si l’acte masturbatoire, comme chacun sait, apparaît bien avant l’adolescence, à cet âge il débouche sur la possibilité d’une éjaculation et donc d’un orgasme.

Le lien entre l’acte masturbatoire et le fantasme intéresse tout particulièrement le clinicien : pour les psychanalystes l’adolescent qui se masturbe introjecte une image de la scène primitive dans laquelle par son acte il peut être père et mère à la fois. Le « processus masturbatoire » réalise alors par excellence l’illusion bisexuelle de la vie érotique, l’idéal hermaphrodite. En se masturbant l’adolescent contrôle ainsi magiquement ses parents et nie le danger de la castration. L’acte et le fantasme qui y est associé sont donc le lieu d’un désir profondément interdit et entraînent des sentiments de culpabilité, de honte et d’anxiété.

Si l’acte masturbatoire est facilement reconnaissable et avouable, il n’en est pas de même du fantasme qui l’accompagne. Le contenu des fantasmes masturbatoires traverse pour certains deux étapes. Au début de l’adolescence les fantasmes masturbatoires sont de nature volontiers régressive ; on y retrouve les phases érotiques du début de la vie, orales, anales, sadiques, narcissiques, homosexuelles et hétérosexuelles ; ultérieurement, ils deviennent plus hétérosexuels et se centrent sur un partenaire sexuel précis. La masturbation est vécue alors par le Moi comme une préparation à assumer le rôle de partenaire sexuel ce qui lui donne une valeur positive. Au moment de la résolution du complexe d’Œdipe et de l’internalisation du Surmoi, M. Laufer décrit le « fantasme masturbatoire central », fantasme dont le contenu est constitué des différentes satisfactions agressives et des principales identifications sexuelles. Il ne dépend pas de l’existence ou non d’une conduite masturbatoire agie de l’enfance. Il est universel. Durant la période de latence le contenu de ce fantasme reste inconscient. À l’adolescence il prend un nouveau sens en raison de la maturation physiologique des organes génitaux et entraîne de nouvelles demandes au Moi.

À l’adolescence le processus masturbatoire associant masturbation et fantasme, rend possible l’intégration puis l’évolution des fantasmes pervers de l’enfance : il aide le Moi à s’organiser autour de la suprématie de la génitalité et du plaisir terminal. Pour certains ceci est surtout vrai pour le garçon. Chez l’adolescente il semblerait que l’acte masturbatoire soit moins fréquent et que le processus masturbatoire tel qu’on vient de le décrire affecte plutôt la totalité de son corps.

Dans le cas où l’acte masturbatoire est absent ou réprimé, le fantasme n’a plus d’issue corporelle, la libido et l’énergie agressive qui auraient été déchargées dans l’acte peuvent dans de telles conditions infiltrer des activités du Moi et en altérer le développement. Rappelons à cet égard l’article de M. Klein de 1927 intitulé « contribution à la psychogenèse des tics » ; M. Klein montre combien une suppression radicale de la masturbation a engendré chez un pré-adolescent, en plus d’une grande inhibition portant sur les intérêts intellectuels et les relations sociales, l’apparition d’un tic important et gênant. En accord avec Ferenczi, elle affirme que le « tic est l’équivalent de la masturbation », et que, plus que cela encore, des fantasmes masturbatoires lui sont attachés. C’est ainsi que l’analyse de ces fantasme masturbatoires fut la clé de la compréhension du tic, puis de sa disparition. Cette analyse permit à ce pré-adolescent de surmonter sa peur, de toucher ses organes génitaux et de vaincre ainsi sa crainte devant la masturbation.

Au moment de l’adolescence on peut considérer que l’absence totale de masturbation ou son apparition très tardive, traduisent plus souvent que les conduites masturbatoires très fréquentes, un état pathologique. Toutefois les liens entre certains aspects psychopathologiques et le retard ou l’absence de masturbation sont complexes. M. Laufer a montré que, dans le traitement d’adolescents présentant un « effondrement psychique » ou une perturbation mentale grave, la masturbation est ressentie comme quelque chose de profondément angoissant ou même discordant avec eux-mêmes. Toute sensation par et dans le corps est vécue comme une véritable effraction et une menace pour leur propre Moi : l’éjaculation nocturne, les relations sexuelles et la masturbation représentent pour ces adolescents une perpétuelle demande par le corps de sentir quelque chose qu’ils tentent précisément de nier. Au niveau du fantasme masturbatoire, une confusion apparaît à propos du rôle respectif de l’homme et de la femme dans l’acte sexuel, il n’y a plus d’illusion bisexuelle, mais une confusion de l’identité (M. Laufer).

2° L’homosexualité. – Les données épidémiologiques nous ont montré que la pratique régulière de l’homosexualité ne s’installe généralement qu’après 21 ans. Pourtant, lorsqu’on consulte les ouvrages traitant de l’homosexualité à l’adolescence, la grande majorité des auteurs s’entendent pour dire qu’elle est fréquente. En fait, tout dépend de ce que l’on entend par le terme d’homosexualité.

a) Les différents types cliniques d’homosexualité chez l’adolescent.

— Lebovici et Kreisler distinguent neuf types de conditions dans lesquelles on évoque l’homosexualité au cours de consultations d’adolescents ou de leurs parents :

1) Parfois il s’agit d’adolescents qui se sentent attirés par les hommes et s’étonnent de ne pas s’intéresser au sexe féminin. Cette inquiétude les pousse d’eux-mêmes à venir consulter.

2) Plus fréquemment, les adolescents sont amenés chez le psychiatre par des parents qui redoutent avant toute chose le scandale de l’homosexualité, négligeant souvent d’autres domaines plus inquiétants dans le comportement de leur enfant. Dans ce cas, l’homosexualité risque de s’organiser rigidement, les conflits avec les parents renforçant la pratique homosexuelle de ces adolescents.

3) L’homosexualité peut apparaître comme un des aspects d’un déséquilibre de la personnalité. Dans ce cas, le passage à l’acte homosexuel est fréquent sans être ni significatif, ni organisateur (l’homosexualité vénale que nous verrons plus loin en est un exemple).

4) Parmi les adolescents s’inquiétant de leur attirance particulière, il arrive que les désirs qui sont l’expression de cette homosexualité prennent la forme de véritables compulsions. Ainsi, la névrose obsessionnelle peut avoir comme thème la répudiation constante de désirs homosexuels.

5) L’homosexualité apparaît aussi comme une thématique assez fréquente dans des délires schizophréniques et d’influence. L’entrée dans la schizophrénie débute relativement souvent par des idées obsédantes concernant les désirs de l’adolescent pour les hommes, sa crainte ou son désir de féminisation.

6) Dans certains cas on rencontre non plus une homosexualité manifeste mais une homosexualité latente chez l’adolescent, comme on l’évoque parfois en psychothérapie : ainsi le concept d’homosexualité latente permet par exemple d’expliquer des conduites telles que des violences contre les parents.

7) Le début du transsexualisme apparaît souvent à l’adolescence. Nous en reparlerons. Mais les cas qui nous intéressent ici sont ceux où il existe un choix d’objet homosexuel et ceci par identification à la femme.

8) Mis à part les contacts homosexuels chez de nombreux adolescents, certains sont victimes de traumatismes homosexuels réels. Mais dans ce cas, il semble que l’attitude de l’entourage, les mesures judiciaires associées produisent parfois plus de conséquences que les faits eux-mêmes, tout du moins en ce qui concerne les adolescents ne présentant pas de déséquilibre psychique.

9) L’homosexualité vénale chez l’adolescent représente le dernier cas cité par Lebovici et Kreisler. Cette situation polymorphe peut s’intégrer dans de nombreux contextes cliniques. Elle peut marquer :

— l’entrée dans la psychose ;

— la lutte contre l’anxiété névrotique ;

— le plus souvent elle s’inscrit dans le cadre des conduites psychopathiques accompagnées alors d’autres manifestations comme la prostitution ou la toxicomanie.

L’homosexualité à l’adolescence présente donc une grande diversité de formes. Sans dénier cette diversité renvoyant à des situations différentes, Lebovici et Kreisler estiment qu’on doit réserver le terme d’homosexuel pour les adolescents qui « s’adonnent à des pratiques homoérotiques avec un goût exclusif et d’une façon répétée ». Ainsi, on ne peut qualifier d’homosexuels les adolescents ayant des contacts homosexuels isolés ou chez lesquels alternent des expériences homosexuelles et hétérosexuelles, ni ceux où la répétition de ces expériences n’apparaît pas. Ceci explique sûrement le faible taux d’homosexualité manifeste chez l’adolescent dans les études épidémiologiques.

b) Significations psychologiques et psychopathologiques. – Nous ne citerons ici que des modèles de compréhension se référant à la théorie psychanalystique ; cette approche est la plus prédominante dans les travaux consacrés à l’adolescence. La majorité des études distingue en fait l’homosexualité de la première partie de l’adolescence qui correspond à une phase normale de développement et l’homosexualité de la seconde partie de l’adolescence qui peut avoir une signification différente, plus inquiétante ouvrant la voie à l’homosexualité de l’adulte.

Pour Freud, l’homosexualité est une inversion quant à l’objet sexuel. L’inversion à l’adolescence est fréquente et normale ; trois données expliquent que l’inversion ne se prolonge pas à l’âge adulte :

1) L’attraction que les caractères des sexes opposés exercent l’un sur l’autre.

2) L’influence inhibante qu’exerce la société.

3) Les souvenirs d’enfance :

— chez l’homme, ce sont les souvenirs de la tendresse qui lui fut donnée par sa mère et qui le pousse à diriger son choix d’objet vers la femme, et les souvenirs d’intimidation sexuelle de la part du père qui le pousse à se détourner des objets masculins ;

— chez la femme, ce sont les souvenirs de la tutelle de la mère qui favorisera l’attitude hostile vis-à-vis de son propre sexe et qui la pousse vers un choix d’objet hétérosexuel.

Anna Freud considère les manifestations homosexuelles de l’adolescence comme normales. Elles sont « des récurrences de liens objectaux prégénitaux, sexuellement indifférenciés qui redeviennent actifs au cours de la pré-adolescence, en même temps que beaucoup d’autres attitudes prégénitales et œdipiennes. Le choix d’objet sexuel à l’adolescence est dû aussi à la régression de l’investissement d’objet vers l’amour pour sa propre personne et l’identification à l’objet ». L’objet représente donc alors le Soi réel et l’idéal de Soi. Les manifestations homosexuelles sont donc des phénomènes d’ordre narcissique. « Elles (les manifestations homosexuelles) sont plus significatives de la profondeur de la régression que du rôle sexuel ultérieur de l’individu ». Ainsi pour Anna Freud la distinction entre l’homosexualité latente et l’homosexualité manifeste s’appliquent à la sexualité adulte et ne peut servir à expliquer la masturbation mutuelle et autres jeux sexuels entre adolescents.

Bios et surtout M. Laufer poursuivent en ce sens et distinguent clairement l’homosexualité correspondant à une phase normale du développement pendant la première adolescence (ou « adolescence proprement dite », cf. p. 29) et l’homosexualité pour ainsi dire fixée (comparable à celle de l’adulte) pouvant s’observer au cours de l’adolescence dite tardive. Pendant la première période, les relations homosexuelles peuvent être pour l’adolescent « un moyen d’expérimenter sa maturité physique et les sensations corporelles qui s’y rapportent ». Pendant la dernière période, les relations homosexuelles sont toujours le signe d’une perturbation car « il devra avoir accepté sa maturité corporelle et être capable de relations hétérosexuelles ». Entre ces deux types d’homosexualité P. Bios évoque la nécessité d’une résolution du complexe d’Œdipe inversé, résolution qui ouvre la voie du choix d’objet sexuel de l’adulte. M. Laufer insiste sur deux critères pour évaluer les conduites homosexuelles à l’adolescence : l’un temporel car elles peuvent être considérées comme pathologiques à une époque et normales à une autre ; l’autre qualitatif, une même conduite peut avoir des significations différentes à une même époque de l’adolescence : par exemple au cours de la première période, une conduite homosexuelle n’a pas systématiquement une signification favorable car des relations homosexuelles prématurées peuvent cacher à cet âge le refus du changement corporel obligeant l’adolescent à renoncer au secret de son corps.

Enfin, en inscrivant la signification de la conduite homosexuelle dans le processus entier de l’adolescence, il faut souligner l’importance du groupe identificatoire des pairs qui a comme fonction l’intégration de la libido homosexuelle et la résolution des problèmes posés par l’identification au parent du sexe opposé.

3° Les conduites incestueuses. – « L’inceste est un type particulier d’attentat sexuel qui répond au dépassement d’un tabou qui se retrouve dans presque toutes les sociétés » (J. de Ajuriaguerra, 1970).

La fréquence des relations incestueuses à l’adolescence est difficile à évaluer en raison du silence et du secret qui recouvrent nombre d’entre elles. Classiquement ont admet que l’inceste se rencontre particulièrement dans les milieux socio-culturels bas ou dans les milieux ruraux. L’inceste en ville ou dans les milieux plus aisés reste sans doute plus facilement un secret de famille. Les relations incestueuses sont plus souvent hétérosexuelles, qu’homosexuelles.

a) Inceste père-fille. – Il est de loin le plus fréquent. Selon qu’il s’agisse du père, de la fille ou même de la mère, plusieurs caractéristiques psychopathologiques ont été décrites. Deux types de pères incestueux ont été distingués :

— celui dont l’organisation défectueuse de la personnalité se satisfait économiquement de l’objet à portée de son désir, objet livré à ses exigences primaires par sa dépendance (on retrouve ici fréquemment un alcoolisme associé) ;

— celui qui remplace sa femme ou a tendance à la remplacer par une fille devenue véritable compagne avec laquelle se noue des liens amoureux plus ou moins forts.

En ce qui concerne les filles, on peut établir trois formes cliniques d’inceste selon leur tolérance (J. Noël et coll., 1965) :

— l’inceste est subi dans la terreur ;

— l’inceste est accepté mais reste conflictuel ;

— l’inceste est intégré sans conflit et sans symptôme apparent.

L’évolution psychologique de ces adolescentes est variable et mal connue.

Il peut paraître étonnant d’introduire le problème de la psychopathologie des mères. Il s’avère en fait que bien souvent on constate une complicité plus ou moins tacite de l’épouse-mère. Fréquemment en effet elle a découvert la relation incestueuse qu’elle accepte plus ou moins passivement, parfois même elle en devient complice.

b) Inceste mère-fils. – Il est rare (moins de 10 % des cas d’inceste). Il est classique de reconnaître chez le fils des troubles émotionnels sérieux et même des épisodes psychotiques. La psychopathologie de la mère est beaucoup moins décrite.

c) Inceste frère-sœur. – Il ne s’agit pas ici de jeux sexuels (hétéro ou homosexuels) plus fréquents du reste à la préadolescence qu’à l’adolescence proprement dite. La majorité des auteurs s’accordent à reconnaître que ces relations produisent moins de dommages que l’inceste parent-enfant.

Peut-on réellement parler de difficulté de choix d’objet sexuel dans le cas de conduites incestueuses de l’adolescent ? 11 peut s’agir plutôt, dans un nombre non négligeable de cas, d’une absence de possibilité de choix. Il n’en demeure pas moins que par la réalisation de l’inceste, l’adolescent est confronté à une complexité supplémentaire quant au dégagement qu’il doit effectuer vis-à-vis des objets parentaux.

C. – Les difficultés spécifiques de l’établissement de l’identité sexuelle

Nous avons traité ici deux problèmes : le transsexualisme et l’intersexua-lité ambiguë. Le transsexualisme est un trouble spécifique de l’identité sexuelle. Le transsexuel, comme le sujet normal qui refoule l’altérité sexuelle, la participation de l’autre sexe en lui, a le sentiment d’appartenir exclusivement à un sexe. Mais, contrairement au sujet normal ou à l’homosexuel, il n’y a pas chez le transsexuel choix sexuel, tous les problèmes se posent au niveau de l’identité sexuelle. L’intersexualité ambiguë représente également un trouble de l’identité car le choix ne se pose plus par rapport à l’objet sexuel support de l’objet interne mais par rapport aux représentations de soi en tant qu’objet sexuel, et donc en tant que soi dans son identité sexuelle.

1° Le transsexualisme. – Le transsexualisme commence le plus souvent au cours de l’enfance. Il s’agit du « sentiment éprouvé par un sujet de sexe déterminé d’appartenir au sexe opposé et le désir intense, souvent obsédant, de changer de conformation sexuelle, pour vivre sous une apparence conforme à l’image qu’il s’est faite de lui-même » (J.M. Alby, 1959).

À l’adolescence le sujet transsexuel (plus fréquemment un garçon qu’une fille) expérimente une crise d’identité et se trouve lui-même dans un conflit :

— interne : à cause de l’impact du développement de sa puberté qu’il ne désire pas ou dont il n’accepte pas le déroulement ;

— externe : à cause de la pression croissante de sa famille et de la société par rapport à ses aspirations.

La puberté avec l’apparition des seins et des règles chez les filles et des érections chez les garçons peut être vécue comme catastrophique. Très souvent on observe alors des crises de dépression et des gestes suicidaires. Des aspects pervers, névrotiques ou psychotiques peuvent être prévalents suivant les sujets, mais il s’agit de toutes façons d’un trouble profond de l’image de soi que l’adolescence vient raviver. Tous les adolescents transsexuels ne trouvent cependant pas la puberté intolérable ; quelques-uns se résignent aux changements corporels, essaient longtemps de rendre compatibles leur personnalité avec leur corps et se conduisent en concordance avec ce que l’entourage attend d’eux, mais ils ne réussissent jamais à supprimer leurs sentiments (J. Kronberg et coll., 1981). Le transsexualisme peut être compris comme faisant partie du groupe des perversions, dernière défense contre la psychose.

Les limites avec le travestissement et l’homosexualité ne sont pas toujours nettes, mais la plupart des auteurs reconnaissent une autonomie clinique au transsexualisme : « le transsexuel qui bafoue ainsi la réalité biologique n’a pas d’anomalies physiques. Il ne délire pas non plus dans un délire de transformation, tel le Président Schreber. il ne fait pas de clin d’œil pervers au public comme le travesti. Il a l’assurance tranquille d’être dans la vérité » (S. Daymas, 1980).

La compréhension psychanalytique du transsexualisme est mieux établie pour le transsexualisme masculin que pour le transsexualisme féminin. Pour le premier, l’inhibition ou l’annihilation de toute angoisse de castration jusqu’à la castration réelle trouverait son orgine dans la symbiose originelle et excessive avec la mère et la carence paternelle. En d’autres termes, la castration symbolique devient la castration réelle en raison de la carence de la fonction constituante de la parole qui fait perdre la dimension symbolique au profit de l’imaginaire (Safouan).

Bien que la majorité des demandes chirurgicales et/ou endocrinologiques des transsexuels surviennent à l’âge adulte, l’adolescence paraît une période privilégiée pour un abord psychopathologique de ce problème avant qu’il ne soit cristallisé dans la personnalité adulte.

2° L’inter sexualité ambiguë – L’intersexualité ambiguë est caractérisée avant tout par l’anomalie des organes génitaux externes. Il s’agit certes d’une anomalie d’origine organique, mais son retentissement sur l’équilibre psychoaffectif est toujours important. Nous les décrirons brièvement. On distingue deux catégories principales :

— le pseudohermaphrodisme féminin, le plus fréquent. Il s’agit de filles porteuses d’ovaires, de trompes, d’un utérus et dont les organes génitaux externes sont d’apparence virile. L’origine de cette apparence virilisante est diverse. Laissés à leur sort, ils évoluent vers une morphologie corporelle franchement masculine ;

— le pseudohermaphrodisme masculin, plus rare. Il s’agit de garçons porteurs de testicules, habituellement en position ectopique, d’un épididyme, des canaux déférents, d’un bourgeon génital réduit, d’aspect clitorien, d’une fente vulviforme et éventuellement d’une cavité vaginale. Il n’existe pas de troubles endocriniens évolutifs de telle sorte qu’à la puberté on assiste à l’éclosion des caractères secondaires masculins : la voix, le système pileux, la morphologie.

À l’adolescence, deux types de problèmes se posent :

— dans certains cas, aucun diagnostic ou aucun traitement n’a été entrepris. L’évolution psychosexuelle s’est faite selon le sexe attribué au sujet, il est alors confrontré à des questions sur son corps ou à des élans amoureux vers l’autre sexe ;

— parfois un diagnostic a été porté précocement et le moment est venu d’une intervention chirurgicale conforme à « l’identité de genre ».

Les problèmes psychopathologiques sont alors variables : tantôt le sujet accepte bien cet état et le traitement qui est nécessaire, tantôt un état dépressif s’installe, des gestes suicidaires surgissent, parfois la condition d’ambiguïté s’établit au sein même de la personnalité : le sujet s’organise alors selon une « identité hermaphrodite » avec une capacité d’interchanger le partenaire sexuel (R. Stoller, 1978). Contrairement à l’homosexualité les troubles ne portent pas sur l’objet sexuel, mais sur l’identité sexuelle.

IV. – Grossesse et accouchement

Nous avons vu que le nombre de grossesses à l’adolescence avait considérablement augmenté au cours de ces vingt dernières années. Médicalement les risques de ces grossesses et le taux élevé de mortalité et de morbidité chez les bébés des mères âgées de moins de 17 ans sont connus. Au niveau psychosociologique, on constate une augmentation parallèle du nombre des relations sexuelles chez les jeunes adolescents et des grossesses. Ceci est logique d’un point de vue quantitatif, mais l’est moins d’un point de vue psychologique. On pourrait en effet comprendre la précocité des relations sexuelles comme une recherche d’autonomie vis-à-vis de l’image de la famille et donc un refus de recréer une nouvelle famille, d’autant que la maternité des célibataires mineures s’inscrit souvent dans un contexte de difficultés familiales sévères. Or, il semble plutôt qu’une grossesse est souvent désirée par l’adolescente en identification à sa mère, renforçant par là le lien de dépendance à cette dernière, d’autant que la mère de cette adolescente a souvent elle-même été enceinte très jeune. En faveur de cette constatation plaide l’augmentation franche au cours de ces vingt dernières années du nombre d’enfants gardés par leur jeune mère et non plus placés ou proposés pour l’adoption : l’adolescente a envie de vivre une expérience de mère. Mais si rien ne permet de conclure aux effets néfastes des relations sexuelles précoces sur le développement de l’identité à l’adolescence, il n’en est pas de même en ce qui concerne les grossesses précoces. La maternité précoce semble plutôt inhiber la croissance de l’identité individuelle et de la personnalité. Ces jeunes mères adoptent volontiers comme attitude, soit un repli infantilisant vers leur propre mère, soit un repli symbiotique avec leur enfant s’accompagnant de difficultés scolaires, professionnelles ou matérielles. Toute généralisation serait évidemment abusive, une grossesse et un accouchement ne sont pas systématiquement dommageable pour la très jeune mère ou l’enfant. Il n’empêche qu’en général, la grossesse et par conséquent la maternité semblent interférer avec un développement harmonieux du processus de l’adolescence, d’autant que la maternité hors mariage d’une adolescente reste un fait humain mal toléré par les adultes (Cl. Martin, 1976).

V. – Attitudes des parents

La sexualité des adolescents n’est jamais sans retentissement sur les parents. Deux paliers peuvent être distingués : celui des attitudes concrètes des parents face au changement récent de la sexualité des adolescents (relations sexuelles plus précoces, vie de couple sans mariage, contraception, etc.) et celui des modifications intrapsychiques des parents face aux questions soulevées de tout temps par l’apparition des nouvelles potentialités de leur adolescent.

A. – Les parents et la sexualité de leurs adolescents : changements récents d’attitudes

Le changement d’attitude des parents face aux problèmes de la sexualité vis-à-vis de leurs enfants se manifeste dans divers domaines :

— L’information sexuelle : l’attitude des parents a réellement changé, ce qui paraissait nécessaire compte tenu de l’évolution socio-culturelle. Les parents sont en effet très favorables actuellement à l’éducation sexuelle de leurs enfants et de leurs adolescents. Certes des facteurs socio-culturels ou d’âge des parents jouent encore un rôle dans l’acceptation et la réalisation de cette information, mais le mouvement général semble irréversible. Cependant ce changement d’attitude n’est pas aussi facilement assumé par les parents que les chiffres pourraient le laisser croire. Les parents sont par exemple de plus en plus favorables à une information sexuelle à condition qu’elle soit faite par les autres (56 % des parents dans une enquête récente estimaient que c’était le rôle des éducateurs, professeurs, etc.), de même les parents manifestent un malaise évident sur certains sujets qui concernent l’information sexuelle. En effet les sujets les plus facilement abordés sont la grossesse, l’accouchement, la puberté, l’anatomie ; en fin de liste loin derrière, sont cités l’acte sexuel, l’aspect affectif et moral et en tout dernier les maladies vénériennes, les perversions et les désirs.

— La contraception : il semble que les parents acceptent beaucoup plus facilement la contraception pour leur fille et parfois même anticipent sur la demande de cette dernière.

— Les repères institutionnels et moraux liés à la sexualité : les parents semblent manifester une résistance assez vive aux changements que sont en train de réclamer ou de vivre leurs enfants. La question du mariage reste par exemple un fréquent facteur de conflits rencontrés entre les parents et leurs adolescents à propos du problème d’une pratique sexuelle régulière et ceci principalement pour les filles. Dans ce domaine les parents restent encore surpris par les changements socio-culturels.

B. – Les parents et la sexualité de leurs adolescents : remaniements intrapsychiques

Face à des adolescents bouleversés et transformés dans leurs corps et leur sexualité, les parents sont conduits également à de profonds remaniements concernant leur propre corps et sexualité. La sexualité de leur adolescent peut être vécue par les parents comme une menace pour eux-mêmes, pour plusieurs raisons :

— Les liens incestueux inconscients qui existaient entre leur enfant et eux-mêmes sont ravivés et surtout surgissent brutalement à la conscience. Aussi longtemps que l’immaturité physiologique de l’enfant se maintient, les désirs incestueux, inconscients peuvent être facilement occultés : jeux de caresses, câlineries diverses sont possibles et non angoissants dans la mesure où l’un des partenaires est, de par sa physiologie, immature. C’est tout autre chose à l’adolescence.

— La sexualité des adolescents fait revivre à l’un ou aux deux parents leurs propres traumatismes. Une mère particulièrement soumise à sa propre mère au cours de son adolescence peut par exemple revivre cruellement le conflit avec sa fille et mal supporter la sexualité de cette dernière. Ceci peut du reste déboucher aussi bien sur un libéralisme excessif que sur une rigidité abusive de la part des parents.

— La sexualité naissante des adolescents est inconsciemment perçue par les parents comme la fin de la leur. Si les adolescents doivent réaliser un travail de deuil (cf. p. 211), les parents doivent également produire en retour un tel travail, en particulier à propos de leur propre vie sexuelle (A. Braconnier et D. Marcelli, 1980 : voir l’adolescent et sa famille, p. 348).

La sexualité à l’adolescence est un vaste sujet dont l’abord présente deux risques : un risque extensif en considérant que la sexualité est présente dans tout ce qui concerne l’adolescent et ses problèmes ; un risque réducteur en limitant au seul aspect comportemental ce domaine fondamental pour l’individu à cet âge. Nous avons choisi, dans un but didactique de distinguer plusieurs paliers sans en ignorer les multiples intrications :

— au niveau des conduites : étude des comportements sexuels, la réalisation de la sexualité et des fantasmes sexuels qui l’accompagnent ;

— au niveau du développement psychosexuel et de ses difficultés : au-delà de la réalisation sexuelle, le problème du choix d’objet sexuel et de l’identité sexuelle ;

— au niveau du problème du normal et du pathologique ; étude des conduites sexuelles moralement ou socialement déviantes, sans retentissement sur le développement de la personnalité, opposées aux conduites sexuelles posant un problème psychopathologique en raison de leur retentissement sur le développement de la personnalité.

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Troisième partie. Les grands regroupements nosographiques