Quelques remarques sur le culte de la mère et sur sa symbolique dans la psychologie individuelle et populaire

L’analyse des rêves et des névroses nous a appris que le corps maternel est fréquemment représenté par certains symboles répétitifs. Deux images reviennent plus particulièrement : soit une maison isolée dans un jardin ou une foret ou l’on pense avoir vécu jadis, soit un espace dérobé avec un accès étroit ou l’on voudrait se réfugier pour fuir une situation effrayante. J’apporte quelques exemples en renonçant par souci de brièveté à une démonstration analytique précise de mon interprétation. Il s’agit au demeurant de phénomènes psychiques familiers à tout psychanalyste :

  • Le patient A, depuis son jeune age, ne cesse de prouver une grande capacité à développer une vive imagination visuelle. Il s’imagine une villa somptueuse située dans un vaste parc méridional ou il a le sentiment d’avoir vécu, petit garçon.
  • Le patient B, qui souffre de graves crises d’angoisse, se laisse entraîner par ses rêveries dans un lieu caché. Au fond de la foret, il y a une chambre souterraine, que lui seul connaît. Son souhait le plus grand serait d’y vivre ses fantasmes dans la solitude.
  • Le patient C fait un jour le rêve suivant : il se trouve dans une région désertique horrible entre des rochers. Tout à coup des pierres qui l’atteignent. Tandis qu’il est saisi d’une peur intense, il a le sentiment que quelque part il y a une ouverture dans le sol. Il devrait s’y introduire pour être en totale sécurité. « J’ai alors le sentiment délicieux de quelque chose de chaud, de maternel. » Enfant, ce patient fut souvent et brutalement corrigé par un père fort tyrannique (la grêle de pierres qui s’abat sur lui). Une peur intense était liée à ces scènes. En imagination, il échappe à cette peur en se réfugiant dans le corps de sa mère.

Ces exemples illustrent des « fantasmes du corps maternel » plus ou moins facilement reconnaissables. Les observations citées ne sont cependant pas destinées à enrichir la casuistique de telles imaginations, mais à démontrer les similitudes avec des phénomènes proches de la psychologie populaire. Je mentionne d’abord brièvement les mythes bibliques de la naissance et de la renaissance du genre humain. Le premier de ces mythes comprend le jardin symbolique de l’Éden, le dernier la maison (l’« arche »). Noah y séjourne pendant une durée qui correspond exactement à celle de la gravidité humaine.

Dans ce contexte, je voudrais souligner particulièrement un culte religieux peu connu du corps maternel. Il existe en Russie une secte religieuse dont les fidèles sont appelés « les adorateurs du trou ». Ils percent dans le mur de leur logis un trou devant lequel ils célèbrent leur culte et formulent leur prière ainsi : « Ma maison, mon trou, délivre-moi. » Malheureusement le rythme de cette prière n’est pas sensible dans la traduction.

Nous retrouvons avec ce culte une symbolique identique à celle que nous avons rencontrée dans les productions imaginaires déjà mentionnées.