II. — Diverses méthodes de réunions-discussions

4. La méthode des cas (par H. Touzard)

La méthode des cas est née aux Etats-Unis aux alentours de 1920, à la Business School d’Harvard.

C’est une méthode pédagogique active qui a été créée pour donner aux étudiants de cette école une connaissance plus concrète des réalités de la vie économique, essayant ainsi de pallier leur manque de réalisme, leurs connaissances essentiellement théoriques et livresques qui les rendaient peu utilisables à leur arrivée dans l’entreprise.

C’est pourquoi la Business School a opéré une véritable révolution pédagogique. Il a été décidé que tout l’enseignement ne se ferait plus que sur la base de cas concrets.

La méthode est la suivante :

Les étudiants sont réunis en petits groupes. Le cours consiste à commenter un cas écrit, étudié à l’avance par chacun. Ce cas pose un problème concret dans des domaines qui peuvent être les plus divers : technique, administration, comptabilité, gestion du personnel, problèmes de production, problèmes de vente et, évidemment, relations humaines.

Le cours consiste en une discussion entre les membres du groupe, animée et dirigée par le professeur.

Le déroulement du cours comprend deux temps : une analyse du cas (quels sont les éléments de la situation ? quel est le problème qui se pose ?). Le deuxième temps consiste en une recherche des solutions que l’on peut proposer ou de la meilleure, s’il en est une qui semble plus adaptée que les autres.

—    Cette méthode a le mérite de favoriser, chez les étudiants, une participation active, car ce sont eux qui font le cours. Chacun a le devoir de participer à la discussion, de donner son opinion ;

—    Cette technique, de plus, entraîne ceux qui s’y soumettent, à la pratique de la discussion et du travail en groupe ;

—    Enfin, la méthode des cas est un entraînement à l’analyse d’un problème et à la prise de décision. C’est là, sans doute, la qualité la plus originale de cette pédagogie : elle vise à mettre l’étudiant le plus possible en face de la réalité concrète, à lui faire envisager tout un éventail de solutions possibles que seul il n’aurait pu inventorier, et à l’obliger à prendre une décision, cette prise de décision étant l’une des fonctions essentielles du cadre supérieur dans les entreprises.

Cette méthode est parvenue jusqu’en France. Elle est utilisée, non pas comme seule méthode pédagogique, mais comme technique parmi d’autres plus traditionnelles, dans certains établissements d’enseignement.

En ce qui concerne la formation psychologique des cadres, la méthode trouve tout naturellement son utilisation dans l’étude de cas concrets de problèmes humains dans l’entreprise. Dans ce domaine, on utilise concurremment le cas écrit et le cas filmé. Grâce à la discussion en groupe, l’analyse du cas est plus fouillée, plus exhaustive grâce à l’apport de chacun et l’éventail des solutions plus large.

Plus qu’un exposé, plus qu’une conférence, cette méthode permet aux cadres de participer activement et personnellement à la recherche des solutions aux problèmes humains qu’on leur soumet et elle présente l’avantage d’être moins scolaire et moins rébarbative.

5. La méthode de discussion en Phillips 66 (par Didier Anzieu)

Historique. — Méthode inventée en 1948 par l’Américain Donald J. Phillips, pour faire participer un auditoire d’une centaine de personnes à une discussion.

Technique. — 1° L’animateur de la réunion expose un problème précis et délimité, qui doit être soigneusement énoncé ;

2° L’auditoire est invité à se fragmenter en comités de six personnes, qui peuvent rester sur place pour discuter. Les gens qui se connaissent à l’avance sont priés de ne pas se réunir dans le même comité ;

3° Chaque comité consacre une ou deux minutes à faire connaissance, à élire un président qui assure la participation de chacun sans exception, et à désigner un secrétaire qui sera le rapporteur du groupe auprès de l’assemblée générale ;

4° Chaque comité discute le problème énoncé en i°. Chaque participant exprime d’abord son opinion. Puis le groupe discute de la valeur des opinions ou suggestions émises et retient celles qui lui paraissent les meilleures pour le rapport du secrétaire ;

5° La discussion n° 4 en comité dure six minutes ; d’où le nom de la méthode : 66 = un groupe de 6 personnes discutant pendant 6 minutes ;

6° Après l’arrêt des discussions, chaque rapporteur vient présenter les résultats de son comité devant l’assemblée générale ;

7° Le travail peut continuer en assemblée générale soit sous forme classique (exposé suivi de réponses aux questions), soit avec un nouveau Phillips 66 portant sur un nouveau problème précis.

Variantes. — On peut augmenter à 7 ou 8 le nombre des membres de chaque comité ;

—    on peut augmenter jusqu’à 15 minutes maximum la discussion en comité ;

—    on peut demander aux comités de désigner seulement un secrétaire, qui donne aussi la parole ;

—    on peut combiner Phillips 66 et Panel, en organisant une discussion au second degré entre les rapporteurs devant tout l’auditoire, avec possibilité pour chaque comité d’envoyer des messages à son représentant.

Efficacité. — On obtient rapidement et sans désordre une participation complète d’un grand auditoire ; d’où utilité de cette méthode pour dégeler un auditoire, pour l’intéresser à une question, pour amener les gens à s’exprimer et à échanger les idées, pour obtenir une meilleure attention aux exposés et débats ultérieurs.

—    On recueille rapidement toute la gamme des opinions d’une assemblée, ses suggestions, les questions à poser au conférencier, etc. ; ceci est facilité par deux raisons :

a)    L’anonymat est respecté : le rapporteur communique les conclusions de son groupe et ne cite personne individuellement ; il peut parler librement, car il exprime l’opinion des autres, non la sienne propre ;

b)    Les remarques aberrantes par rapport au problème posé, les opinions excentriques (si fréquentes dans les discussions habituelles), sont éliminées sans heurt par les comités et les rapporteurs, d’où utilité pour les contacts direction-personnel, etc.

—    On peut faire travailler une assemblée sur une question en demandant à chaque comité d’établir des inventaires, des listes, etc. ; chaque rapporteur ne mentionne que le premier point de sa liste qui n’a pas été encore mentionné par les précédents rapporteurs, ceci afin que chaque comité ait une satisfaction ; si on fait un deuxième Phillips 66, on inverse l’ordre des rapporteurs ; on s’aperçoit qu’une question de relations humaines est, en général, traitée de façon exhaustive de cette façon, que les comités discutent d’un point de vue pratique, qu’au fur et à mesure qu’on emploie cette méthode, les groupes amorcent le travail de discussion de plus en plus rapidement ; d’où utilité de la méthode dans la réalisation des programmes de formation, notamment au début pour permettre aux participants de lier connaissance et de se mettre au travail, à la fin pour dresser un bilan critique de la session, au milieu pour les entraîner à la discussion libre.

Limites. — L’animateur général de la réunion est sous-employé :

—    les questions complexes ne peuvent être ainsi abordées ;

—    le niveau des opinions recueillies est conscient et superficiel ; les sentiments indéfendables, les craintes profondes, par exemple, ne s’expriment point par cette méthode, pas plus que les suggestions vraiment originales ; là, la discussion non directive en petit groupe ou le brainstorming sont plus efficaces, mais requièrent plus de temps et moins de participants.

6. La discussion en panel (par Jean Muller)

Le terme de Panel vient de l’anglais et il désigne un jury ou encore un groupe de jurés compétents et représentatifs des opinions, tendances, partis divers.

La technique de discussion en Panel va donc reposer sur un noyau de participants qui seront les témoins des différents points de vue mis en jeu dans la discussion. Par exemple, pour étudier les problèmes généraux d’une affaire, on fera appel à un représentant des divers services (administratif, commercial, technique, personnel, etc.), qui échangeront leurs impressions et leurs avis, mais en présence de l’ensemble des personnes concernées par ces problèmes. Celles-ci seront là pour être informées, mais aussi éventuellement pour faire part d’une impression, d’un avis personnel.

Techniquement, la discussion en Panel comporte donc deux groupes :

—    d’une part, le groupe de ceux qui discutent, réunis autour d’une table sous la conduite d’un animateur (qui conduira la réunion dans un style directif ou semi-directif) ;

—    d’autre part, un groupe composé des autres participants, assis autour ou en face du Panel, de façon à suivre les débats. Si l’on veut, cette méthode de discussion peut ressembler à une discussion entre experts devant une assemblée qui participe, sous certaines conditions, aux échanges.

Il est important de souligner que ce deuxième groupe n’est pas inactif. Dans la mesure où l'un des membres veut exprimer quelque chose, l’animateur aura souligné au départ que chacun peut se faire entendre et exprimer son opinion. En effet, il importe que ceux qui ne sont pas du Panel à proprement parler, puissent s’exprimer s’ils en ont le désir ou la compétence. On évite ainsi de tomber dans le style de la conférence où chacun écoute d’une oreille distraite quelque chose qui l’intéresse plus ou moins. Dans la mesure où la liberté d’intervention au cours des débats est assurée, l'effort de participation devient beaucoup plus intense.

Comment canaliser l’intervention de la part de ceux qui ne sont pas les membres du Panel ? Ils ont la possibilité de s’exprimer de différentes manières, soit en levant la main pour demander la parole que l’animateur leur donne au moment choisi par lui, soit en envoyant des billets (remis en blanc à l’avance) sur lesquels ils inscrivent une impression, une question, une demande de renseignements et en faisant passer ce billet à l’animateur ou à l’un des participants du panel (on risque d’assister à un engorgement de papiers considérable, ou de voir les choses tourner quelquefois au « canular »). Autre méthode encore, toutes les S minutes, 10 minutes ou toutes les fois qu’on a déjà bien circonscrit une question de l’ordre du jour, les participants sont invités à donner leurs avis ou à poser des questions, l’animateur interrompant la discussion au niveau du Panel.

L’essentiel est d’établir un courant de communications entre un petit groupe très engagé et un grand groupe dont l’activité est limitée.

Ce type de discussion permet donc des prises de décisions. En admettant par exemple que ce soient les directeurs techniques, commerciaux, administratifs d’une affaire qui discutent, ils pourraient très bien, devant le groupe, prendre une décision concernant l’ensemble. Le mérite est de voir des personnes concernées être informées des décisions qui sont prises et pourquoi elles le sont.

Cette forme de discussion permet aussi une information mutuelle au sein d’un groupe étendu, chacun donnant ses arguments. Le rôle essentiel de l’animateur est de ne pas laisser le Panel tourner à la joute oratoire entre des clans ennemis, mais cette tendance à tourner au duel entre deux participants est assez limitée par le fait que les personnes qui discutent se sentent, se savent et se voient contrôlées, observées par l’ensemble du groupe et que, par conséquent, les arguments de mauvaise foi ou trop personnels ont tendance à être éliminés d’eux-mêmes à cause du « qu’en-dira-t-on », du jugement des autres.

Ce type de discussion ne peut pas être très prolongé, l’auditoire se sentant moins impliqué, moins concerné que dans la discussion en Phillips 66 par exemple.

Consignes

Consignes à donner aux membres du Panel

« Vous êtes ici les porte-parole des diverses opinions ou tendances qui existent dans le groupe qui est autour de nous. Les débats que je dirigerai pour ordonner un peu les échanges se dérouleront entre nous, mais nos auditeurs nous compléteront, nous nuanceront, nous questionneront tout à l’heure. Nous allons d’abord limiter les échanges à notre cercle. »

Consignes à donner à l’assistance

« Vous allez entendre exprimer, à cette table, les différents points de vue que l’on peut prendre à propos du problème qui nous réunit. Nous avons essayé de choisir les membres du Panel pour que les opinions les plus diverses soient exprimées.

« Vous pourrez, vous aussi, vous exprimer de la façon suivante : « 1) Envoyer des questions, des opinions à qui vous voulez dans le panel, en écrivant sur ces feuillets qui vous ont été remis.

« 2) Lever la main si vous souhaitez vous exprimer.

• 3) Je vous donnerai la parole, lorsque le débat élargi à tous se sera engagé. »

Conclusion

Voilà donc une méthode de discussion en groupe élargi, qui est actuellement de plus en plus connue et pratiquée dans la perspective d’une meilleure information et d’une élaboration plus démocratique des solutions, lorsque des problèmes collectifs se posent.

Cette méthode correspond donc à des besoins psychologiques et il y a lieu de l’utiliser lorsque ces besoins se font sentir, quelquefois avant même que les besoins d’information se soient exprimés, car elle est un moyen d’intégrer dans l’ensemble d’un groupe les participants qui seraient restés jusque-là marginaux.

Il est évident que ces réunions ne peuvent être fructueuses que dans la mesure où l’animateur n’improvise pas. Pas plus que dans une réunion en petit groupe, on ne peut se dispenser ici de faire attention à l’ordre du jour, à la répartition de la parole et aux phénomènes qui se passent entre les participants. Il y a lieu de faire des synthèses, des résumés, de poser des questions, de marquer les étapes de la discussion, tout ceci entrant dans le cadre général de la méthode elle-même des réunions-discussions.

Il ne faut pas oublier non plus que cette méthode fait partie des méthodes d’information à double sens, bilatérales, ascendantes et descendantes, et que ce n’est pas la méthode la plus adaptée pour faire passer l’information du haut vers le bas.

7. Le « brainstorming » ou réunion de créativité (par Guy Serraf)

L’évolution des techniques modernes et la spécialisation de plus en plus poussée que l’on exige de chacun aboutissent à la nécessité pour chaque membre d’une entreprise de posséder à fond un corps de doctrines et un éventail d’instruments relativement étroits. De ce fait, si chacun a tendance à devenir un expert en quelque chose, il lui est de plus en plus difficile de posséder une vue globale d’une situation : partant, il est quasiment impossible à un seul homme de poser un problème en tenant compte de tous ses aspects. On comprendra qu’il lui est de la même façon aussi impossible de prétendre pouvoir découvrir et élaborer seul une solution étendue et articulée à toute l’ampleur du problème posé.

Or, le rythme de la production industrielle, comme l’accumulation des connaissances nouvelles qui déboucheront tôt ou tard sur des utilisations pratiques à découvrir, rendent impérative l’existence d’esprits suffisamment cultivés, mais en même temps suffisamment libres par rapport à la matière de leurs connaissances, capables d’envisager de nouvelles perspectives, de découvrir de nouvelles méthodes, de prévoir de nouveaux problèmes.

On voit que le caractère d’efficacité et de rendement n’est pas la seule façon d’apprécier le capital technique et intellectuel d’une organisation humaine ; la créativité, loin d’être un luxe ou l’apanage d’un bureau d’études hautement spécialisé, devient un besoin important et pressant à tous les niveaux d’activité.

« Le capital imagination d’une société est la somme des imaginations individuelles mises à contribution et coordonnées dans le but d’activer la recherche, d’améliorer la technique, d’augmenter la productivité ainsi que le volume des ventes », propose A. Virenque. L’enseignement secondaire classique nous a donné l’habitude du travail intellectuel isolé, de la recherche individuelle : ceci, évidemment, permet de dégager des élites, mais l’ampleur des problèmes de toutes natures susceptibles d’apparaître exige une véritable prospection des idées partout où les hommes sont obligés de se distribuer les angles de vue pour cerner une réalité complexe. Donc, s’il est bon de s’entraîner soi-même à manipuler et à combiner des idées, il est nécessaire de rechercher des idées autour de soi et d’entraîner les autres à en produire.

Traditionnellement, lorsqu’on considère le développement méthodique de la pensée, qu’il s’agisse de la pensée isolée ou de celle d’un groupe réuni pour travailler ou pour faire une étude, on s’accorde à observer trois moments logiques : tout d’abord une position du problème, ensuite une analyse des faits conduisant à leur discussion, enfin le choix d’une solution permettant de faire la synthèse finale ouvrant sur une utilisation pratique. L’homme seul ou en groupe procède donc à une démarche dialectique : il suscite des idées, les confronte, les critique ou les combine sur le mode du dialogue.

Le brainstorming constitue un mode d’atteinte de nouvelles idées, qui est radicalement différent. Cette méthode se fonde sur le projet de saisir à l’état naissant les idées, telles qu’elles surviennent à la formulation consciente, avant d’être engagées dans les systèmes clos et rigides des processus de la pensée logique. On s’engage donc à privilégier et à considérer comme un tout la phase imaginative qui, habituellement, apparaît de façon diffuse au long d’une séance de travail. On pose en même temps la règle que chacun est capable de produire des idées. Le brainstorming propose donc une méthode qui préserve l’attitude libre de chacun, et laisse s’épanouir son aptitude à la création spontanée. Au lieu de viser tout de suite à l’analyse critique des éléments possédés, on invite le groupe des participants à laisser fonctionner son imagination en évitant le contrôle, soit par rapport à des critères extérieurs à l’activité présente, soit par rapport aux critères de cohérence interne de la série des idées produites. Les problèmes d’utilisation pratique du matériel ainsi recueilli sont laissés délibérément à une phase ultérieure du travail de groupe. Ainsi, le brainstorming (littéralement « suractivation du cerveau », ou autrement « tempête sous un crâne »)> est une méthode de libération spontanée des idées, une technique pour débrider l’imagination.

La technique du brainstorming ne prétend pas se substituer ou s’opposer aux techniques classiques de réflexion. Elle cherche simplement à préserver la part habituellement trop petite de l’imagination créatrice. Il convient donc de se souvenir que préalablement chaque participant peut avoir procédé à des réflexions personnelles, que le groupe peut avoir commencé par définir son sujet ou son cadre général de préoccupations ; de même, la phase ultérieure sera nécessairement consacrée à une analyse logique du contenu de la production commune, en vue de sélection des éléments les plus efficaces.

Le brainstorming propose que chacun se laisse aller à ses associations libres, sans leur appliquer une quelconque censure et accueillant les productions tout aussi spontanées de ses voisins comme le bien commun de tous sur lequel il peut, sans façons, continuer d’associer. L’esprit de critique, vis-à-vis de soi-même ou vis-à-vis des autres, doit nécessairement être totalement banni. Dans les situations traditionnelles de travail, on se heurte constamment à l’obligation de valider sa pensée par rapport à certains systèmes de critères ; il faut rester dans un certain cadre ; on doit s’en tenir à un certain esprit. Les remarques et les contestations n’ont pas toujours un effet galvanisant, mais bien plus souvent inhibent l’imagination et l’esprit d’initiative. Directement liés à l’estime de soi, la crainte de l’opinion de l’entourage et le sens du ridicule sont d’autres freins à la libre imagination.

Avec la même conception de l’imagination créatrice, se sont développées plusieurs méthodes de brainstorming, qui tendent chacune à trouver leur application spécifique dans certains domaines de l’activité humaine.

La méthode d’Osborn

Elle propose de travailler en trois temps :

1.    Un premier temps d’analyse et de préparation, dans le cadre des exigences du niveau directionnel dont dépend le groupe et avec le concours d’un spécialiste de la méthode.

2.    L’activité de recherche en commun effectuée par le groupe avec l’animation du spécialiste.

3.    Le temps final de dépouillement et de sélection des idées au niveau directionnel.

Analyse et préparation. — Selon la méthode d’Osborn, il est recommandé d’éviter de vouloir traiter en brainstorming des problèmes de jugement, de choix ou de décision. Il convient de spécialiser cette technique aux situations ouvertes pour lesquelles il y a plus d’une voie déductive possible, où les constellations de conditions ne forment pas des ensembles rigides et contraignants. La méthode d’Osborn préconise de décomposer le problème en autant de parties que nécessaire, en ayant soin d’écarter tous les éléments intangibles solidaires de systèmes de contraintes non modifiables. Les parties d’imagination conservées font alors l’objet chacune d’une préoccupation exclusive. On s’efforce alors de n’aborder qu’une seule question à la fois, et cette question sera posée au groupe de la façon la plus ouverte possible.

Recherche en commun. — C’est la phase proprement dite de brainstorming ; son efficacité est subordonnée à une série d’aspects matériels :

—    le lieu, tranquille, confortable, insonore, à l’abri des interventions extérieures ;

—    le moment, celui où les esprits sont le plus dispos et frais ; le matin semble le plus souhaitable ;

—    l’équipement, des sièges très confortables, une table ronde ou ovale, les possibilités d’aise, de boire et de fumer ; un dispositif (magnétophone, sténographe, grand tableau) permettant de recueillir toutes les productions ;

—    le groupe de brainstorming ne doit pas contenir plus de douze ni moins de six participants. La pression du groupe doit annuler les polarités individuelles. On note fréquemment que l’atmosphère de liberté et de détente n’exclut pas le sentiment de sérieux de la recherche ni celui d’une véritable « solidarité intellectuelle ». L’hétérogénéité est particulièrement souhaitable : les différences de sexe, d’âge, de spécialité, de formation (voire de niveaux hiérarchiques) permettent d’augmenter les possibilités de combinaisons.

Déroulement de la séance. — Il est régi par les quatre principes suivants :

1.    Exprimer, en phrases ou en mots courts et concrets, toutes les idées suggérées par la question posée, en toute liberté et dès qu’elles jaillissent à l’esprit.

2.    Éliminer, pour soi-même et pour les autres, toute attitude critique qui conduirait à porter un jugement et à sélectionner ses idées ou celles des autres.

3.    En exercice d’imagination, on peut émettre des idées originales, mais on ne doit pas s’empêcher de s’inspirer des idées émises par d’autres pour les développer, les transformer, en tirer d’autres idées nouvelles ; aucune susceptibilité ne peut animer les participants, car ils collaborent.

4.    L’objectif de la quantité des idées émises ne doit pas être perdu de vue : l’exploitation en commun du capital-imagination du groupe doit aboutir au maximum d’efficacité.

Donc les participants ne doivent pas chercher à s’entourer de garanties avant d’exprimer leurs idées. Ils ne doivent pas se livrer à des raisonnements sur des hypothèses à contrôler. Ils ne doivent pas se laisser tenter, vis-à-vis des productions d’autrui, d’exprimer des opinions sur la façon de voir ou la manière d’aborder ou de comprendre la question. L’humour cependant ne peut être exclu.

L’animateur, qui fixe et rappelle au besoin ces principes de base, doit fixer aussi la durée de la séance (selon les cas, celle-ci peut aller de dix minutes à une ou deux heures). Un chiffre minimum d’idées à trouver dans ce laps de temps peut servir à stimuler l’équipe dans la libre expression des idées. L’animateur peut, s’il y a des passages à vide, redonner une séquence prise dans la production antérieure. Dans le cas d’un problème difficile, selon la méthode d’Osbom, l’animateur peut être amené à relancer la créativité du groupe en s’inspirant des orientations typiques suivantes : que peut-on modifier ? que peut-on ajouter ? que peut-on soustraire ? que peut-on substituer ? que peut-on combiner ? que peut-on envisager inversement ?

Dépouillement et sélection des idées. — Tous les éléments recueillis peuvent faire l’objet d’un report sur des listes par catégorie. À partir de ce dépouillement, on procède à une sélection à deux degrés :

Premier critère : les bonnes idées répondent aux trois qualités suivantes :

—    avoir une mise en œuvre immédiatement possible ;

—    ne pas dépasser les limites du cadre restrictif imposé préalablement ;

—    être compatible avec d’autres idées déjà retenues pour d’autres aspects du problème plus général.

Second critère : s’il y a de 3 à 6 % de bonnes idées en moyenne sur la production d’une séance de brainstorming, un quart de ces bonnes idées peuvent être retenues comme les meilleures. On les dégagera :

—    par la méthode des comparaisons par paires ;

—    par l’évaluation pour chacune d’elles de sa saturation dans les qualités requises ;

—    par l’appréciation opérationnelle de l’efficacité à court, moyen et long terme.

Les domaines d’application de la méthode d’Osbom sont principalement celui de la recherche de nouvelles techniques (assemblage, disposition, découpage, forme, utilisation), et celui des problèmes commerciaux : recherche de nouveaux matériaux de publicité, de nouvelles idées de promotion des ventes, de nouveaux arguments. L’attrait spectaculaire de la séance de brainstorming selon la méthode d’Osbom, et la facilité de sa mise en œuvre, constituent à la limite un risque de tentation pour une utilisation intempestive ; en effet, la méthode n’a d’efficacité réelle que si les trois phases sont complètement effectuées.

La méthode de Gorfon

L’originalité de cette méthode consiste principalement dans la façon de poser la question inductrice sur laquelle le groupe va fonctionner. D’une façon tout à fait semblable au thème introductif d’un entretien non dirigé dans la technique des recherches de motivations, l’animateur propose à son groupe de travail un thème de beaucoup plus vaste (et, par principe, compréhensif) que le problème réel pour lequel on organise la séance de brainstorming.

Cette façon de procéder est destinée à laisser l’imagination des participants travailler non seulement au niveau d’une réévaluation des aspects partiels du sujet de l’étude, mais surtout au niveau des fondements mêmes du problème. De l’amplitude nouvelle donnée, dans la formulation inductrice, au problème initial, dépend la probabilité d’originalité des idées émises — au moins pour les meilleures d’entre elles.

Dans ces conditions, on voit que la phase préparatoire revêt une importance considérable et qu’elle implique déjà une activité créatrice de la part de celui ou de ceux qui vont avoir à animer la séance de brainstorming. De la qualité de cette préparation, de la maîtrise des recentrations possibles en cours de séance, dépend le résultat qualitatif final de l’opération.

Aux États-Unis, on procède souvent à l’association, simultanée par deux groupes, ou successive pour le même groupe, des méthodes d’Osbom et de Gordon.

Les méthodes d’association forcée

En proposant comme inducteur de départ un élément restreint et normalement bien localisé, on tente, au rebours de la méthode de Gordon, de faire jaillir toutes les formes possibles d’association. Par exemple, dans la technique de l’objet-guide, on centre l’attention du groupe de travail sur un objet de la même famille que celui pour lequel on organise la séance en réalité. Les résultats de la production intensive, faite sur l’objet-guide, sont ensuite analysés selon le critère de leur transposition possible dans le domaine de l’objet réel.

Les techniques analytiques

Le problème étant posé, ou l’objet à étudier défini, on propose au groupe tout un système catégoriel, afin d’envisager successivement les variations phénoménales dont peut être affecté ce problème ou cet objet. Par exemple, dans la méthode de la checklist, on propose une liste d’au moins neuf catégories de variations : utilisation (à quels autres usages que ceux habituellement connus pourrait servir cet objet ?), adaptation, modification (quels sont les aspects que l’on pourrait modifier et qu’adviendrait-il à l’occasion de chacune de ces modifications ?), amplification (que peut-on ajouter et comment et pour quel résultat ?), minimisation, substitution (que peut-il remplacer, par quoi peut-il être remplacé, dans quelles conditions ?), reclassement (dans quel autre système physique ou logique peut-on l’inclure, pourquoi ; avec quels effets pour lui-même et pour ce qui l’entoure ?), inversion (transformation en son contraire), combinaison (avec d’autres éléments que ceux conventionnellement connus ?). La liste de ces catégories peut aussi bien être modifiée ou allongée. Le risque, en cours d’utilisation, est la difficulté pour les participants de bien distinguer la délimitation de chaque catégorie. On conçoit l’importance des responsabilités de ceux qui ont à préparer une telle liste et à animer ensuite le travail du groupe.

Le « brainstorming », instrument de formation

L’évolution des techniques, la multiplication des applications possibles, l’importance de la phase préparatoire ont amené les spécialistes à envisager la création quasi permanente de groupes, aux membres suffisamment rodés, et capables de répondre aux divers problèmes de la recherche par brainstorming. Ce point relève des discussions d’écoles, et nous ne prendrons pas parti. Mais, en nous maintenant sous l’angle général de la créativité, et selon les principes de l’imagination mise en commun, nous pensons qu’il est particulièrement intéressant d’envisager surtout le brainstorming comme un instrument de formation et d’entraînement. Certes, la séance de brainstorming a un résultat concret pratique ; mais, en même temps, elle agit sur les participants de la recherche.

Les théoriciens ont tenu à dégager une série de traits individuels permettant, dès l’abord, de sélectionner les personnalités à engager dans des groupes de brainstorming. Il convient, tout d’abord, que les participants se sentent libres et souhaitent collaborer à l’expérience ; tout soupçon de contrôle des personnes ou de recueil d’indices contre eux bloquerait non seulement la séance, mais toute nouvelle tentative.

Les imaginatifs, les fabulateurs ne peuvent être en aucune manière des gênes dans la séance, tout au plus auront-ils au début une part plus grande dans la production du groupe : les mythomanes, les obsessionnels, par contre, sont constamment sollicités par leurs idées fixes et perturbent, par leur rythme propre, le mode de jaillissement spontané des idées dans le groupe. Beaucoup de personnes, prenant contact avec la technique, s’étonnent et s’inquiètent de ce que ses promoteurs ne se préoccupent pas d’abord de la qualification technique, de la spécialisation des participants eu égard au sujet proposé. Or, en fait, c’est un des avantages largement exploitables que le brainstorming s’appuie sur la créativité commune et l’hétérogénéité préalable des membres du groupe. Une équipe de spécialistes, traitant d’un problème de sa spécialité, risque au contraire de tourner rapidement en rond à l’intérieur de ses propres connaissances figées ; on sait, d’autre part, que la plupart des grandes inventions et des découvertes ont été faites par des « francs-tireurs » légèrement en marge de l’orthodoxie de leur temps. À l’optimum, on a tendance à souhaiter une intelligence concrète, capable de se représenter les problèmes sous forme d’images, possédant une aisance verbale, rapide, avec une affectivité développée, ayant une tournure de pensée intuitive, lui permettant d’appréhender les faits comme les idées dans une connaissance immédiate et non constamment à travers des systèmes de catégories.

Mais il va sans dire que cet optimum ne constitue pas ce que l’on veut trouver « avant » la séance de brainstorming, mais beaucoup plus ce qu’on souhaite que deviennent les esprits qui s’entraînent à la méthode collective d’imagination créatrice. Si l’on tient pour valide que « la créativité c’est la faculté que chacun possède, mais qu’il peut développer dans les entraînements individuels ou en groupe, de se représenter un fait, un objet, une sensation, une image, une idée, un groupe d’idées, un raisonnement sous une infinité d’aspects différents » (de Chalambert), le brainstorming apparaît comme un instrument de choix, d’une très large utilisation possible. S’appuyant sur la théorie psychologique de l’association des idées (par contiguïté, ressemblance ou contraste), certains théoriciens pensent que cette technique est non seulement capable de faire découvrir objectivement, mais qu’elle est une remarquable méthode de formation et d’enseignement : on signale qu’elle active et facilite les processus associatifs, et qu’elle renforce la capacité à communiquer efficacement en augmentant la qualité de l’information élaborée.

D’un point de vue directement pédagogique, on peut indiquer que le brainstorming tend à s’appuyer sur les mécanismes d’induction, se place dans une ambiance de pédagogie active, et fonctionne selon une technique d’ouverture permanente, qui développe l’attitude interrogative et souple devant tout problème. La déduction et la synthèse gardent une fonction indispensable au niveau de l’exploitation ultérieure des résultats. On imagine aisément les applications pratiques possibles d’un tel enseignement. Depuis une trentaine d’années, aux États-Unis, des universités et des entreprises privées ont organisé des cycles réguliers d’entraînement à la créativité.

Domaines d’utilisation des techniques de « brainstorming »

—    dans la recherche de solutions à des problèmes d’application (petits groupes de travail, d’étudiants, loges de grandes écoles) ;

—    niveau de la conception dans la profession publicitaire, à partir des axes déterminés par les conclusions des recherches de motivations ;

—    recherche d’arguments en psychologie commerciale ;

—    mise au point de nouvelles techniques de vente, promotion des ventes ;

—    méthodes des cas ;

—    découverte de nouvelles perspectives de commercialisation ;

—    phase des hypothèses de la recherche opérationnelle ;

—    découverte de solutions à des problèmes humains (Maier) ;

—    solutions pratiques à des problèmes d’ordonnancement par le personnel même chargé de l’application ; domaine de l’organisation commerciale, technique et administrative ;

—    mise au point d’améliorations techniques à partir de dispositifs déjà en place ;

—    élaboration de nouvelles expériences et de nouvelles méthodes (au niveau des animateurs de groupes de recherches ou de séminaires d’études) ;

—    dégagement des hypothèses, au niveau de l’interprétation de contenu dans les enquêtes et les recherches de motivations ;

—    la prospective (en sociologie, en technique scientifique, etc.).

La liste, loin d’être exhaustive, se contente d’indiquer les directions déjà explorées, non encore complètement exploitées ; elle reste ouverte à la prochaine manifestation de créativité des chercheurs.

8. Le groupe de diagnostic (ou t-group, ou groupe d’expression verbale) exemple de formulation des consignes (par D. Anzieu et J.-Y. Martin)

« Nous allons vivre ensemble une expérience à laquelle chacun de ceux qui sont venus ici accorde un certain prix.

« Cette expérience se déroule selon certaines règles, analogues à la règle des trois unités dans le théâtre classique :

« Unité de temps : nous nous réunissons tels jours, de telle heure à telle heure.

« Unité de lieu : nos réunions se tiennent dans cette salle où nous nous trouvons installés.

« Unité d’action : nous n’avons pas autre chose à faire qu’à parler ensemble de ce que nous pouvons avoir à nous dire ici et maintenant (règle de non-omission, premier volet).

« Moi-même, je participe à ce groupe d’une façon particulière, sans y apporter ni programme, ni directives (règle d’abstinence, premier volet). Je cherche à comprendre ce qui s’y échange et je m’efforce par mes interventions de vous communiquer ce que j’ai compris.

« En dehors des séances, je m’entretiens, afin de mieux y voir clair, avec l’observateur ici présent : il assiste à nos réunions, mais n’y participe pas (règle, particulière au moniteur, d’analyse du contre-transfert).

« Il se peut que certains d’entre nous s’entretiennent entre eux en dehors des séances de ce qui se passe ici : ils ont alors à rapporter en réunion l’essentiel de leurs propos (règle de restitution).

« En dehors des séances, le moniteur et l’observateur s’abstiennent de parler de l’expérience présente avec les participants (règle d’abstinence, deuxième volet).

« Ici, nous nous connaissons par nos prénoms. — Dans nos contacts avec des personnes extérieures, nous sommes tenus à la discrétion eu égard aux questions personnelles qui pourraient être évoquées ici entre nous (règle de discrétion).

« Ceci dit, vous êtes entièrement libres de parler de ce que vous voulez (règle de non-omission, deuxième volet).

« Vous pouvez commencer. »

Commentaires

Notez plusieurs absences :

—    l’absence du mot « groupe ». Le groupe n’existe pas au départ. Si le moniteur s’adresse au groupe comme déjà constitué, il risque de favoriser l’illusion groupale. En effet, les participants n’ont que trop tendance à parler du groupe en le substantifiant (« le groupe pense », « le groupe veut »), au lieu de parler de ce qu’ils ressentent personnellement dans la situation de groupe.

—    l’absence du mot « discussion ». Discussion est généralement entendu à un niveau d’échanges intellectuels et invite les participants à n’être présents qu’avec leur « tête ». Ceci est à rapprocher de l’interprétation défensive souvent donnée en psychanalyse individuelle de la règle de non-omission : le patient serait censé parler de ce qui lui passe par la tête. Or, une parole vraie vient d’autres lieux du corps que de la tête. Toutefois, parler de ce qui tient à cœur ou parler de ce qui fait bon ou mal au ventre ne peut pas faire l’objet d’une consigne, mais ne peut être que l’objet d’une attente.

—    l’absence de toute consigne de « tutoiement ». Il convient en effet que les participants aient l’entière liberté des modalités de leurs discours ; de plus, le tutoiement imposé accentue l’idéalisation d’un certain type de relations interpersonnelles, tout en en rendant plus difficile l’analyse.

Il est implicite que les règles énoncées par le moniteur, en particulier la règle des trois unités, s’appliquent à lui-même autant qu’aux participants. Les règles ne deviennent opératoires que si le moniteur, non seulement les énonce, mais aussi témoigne par sa conduite tout au long de la session qu’il les observe.