Action spécifique

= D. : spezifische Aktion. – En. : spécifié action. – Es. : acción especifica. – I. : azione specifica. – P. : ação especifica.

● Terme utilisé par Freud dans certains de ses premiers écrits pour désigner l’ensemble du processus nécessaire à la résolution de la tension interne créée par le besoin : intervention externe adéquate et ensemble des réactions préformées de l’organisme permettant l’achèvement de l’acte.

◼ C’est principalement dans son Projet de psychologie scientifique (Entwurf einer Psychologie, 1895) que Freud utilise la notion d’action spécifique : le principe d’inertie*, dont Freud postule qu’il règle le fonctionnement de l’appareil neuronique, se complique dès qu’interviennent les excitations endogènes. En effet, l’organisme ne peut leur échapper. Il peut les décharger de deux façons :

a) De façon immédiate, par des réactions non spécifiques (manifestations émotionnelles, cris, etc.), qui constituent une réponse inadéquate, les excitations continuant à affluer ;

b) De façon spécifique, qui permet seule une résolution durable de la tension. Freud en a fourni le schéma, en faisant intervenir notamment la notion de seuil, dans S’il est justifié de séparer de la neurasthénie un certain complexe de symptômes sous le nom de « névrose d’angoisse » (Über die Berechligung, von der Neurasthenie einen bestimmten Symptomen-komplex als « Angstneurose » abzutrennen, 1895) (1 a).

Pour que l’action spécifique ou adéquate soit accomplie, la présence d’un objet spécifique et d’une série de conditions externes (apport de nourriture dans le cas de la faim) est indispensable. Pour le nourrisson, en raison de sa détresse originelle (voir : État de détresse), l’aide extérieure devient la condition préalable indispensable à la satisfaction du besoin. Aussi Freud peut-il, par le terme d’action spécifique, désigner tantôt l’ensemble des actes-réflexes par lesquels l’acte est consommé, tantôt l’intervention extérieure, ou encore ces deux temps.

Cette action spécifique est présupposée par l’expérience de satisfaction*.

On pourrait interpréter la conception freudienne de l’action spécifique comme l’ébauche d’une théorie de l’instinct* (α). Comment la concilier avec celle de la pulsion sexuelle telle qu’elle se dégage de l’œuvre de Freud ? La position du problème a évolué pour Freud dans les années 1895-1905 :

1) Dans le Projet de psychologie scientifique, la sexualité est classée parmi les « grands besoins » (2) ; elle exige, tout comme la faim, une action spécifique (voir : Pulsions d’auto-conservation).

2) On notera qu’en 1895, Freud n’a pas encore découvert la sexualité infantile. Ce qui ressort du terme d’action spécifique à cette époque, c’est une analogie entre l’acte sexuel de l’adulte et la satisfaction de la faim.

3) Dans l’article cité plus haut, contemporain du Projet, c’est bien à propos de l’adulte qu’est décrite l’action spécifique nécessaire à la satisfaction sexuelle. Mais, à côté des éléments de comportement constituant une sorte de montage organique, Freud introduit des conditions « psychiques » d’origine historique sous le chef de ce qu’il nomme l’élaboration de la libido psychique (1 b).

4) Avec la découverte de la sexualité infantile, la perspective change (voir : Sexualité) : Freud critique désormais la conception qui définit la sexualité humaine par l’acte sexuel adulte, comportement qui serait invariable dans son déroulement, son objet et sa fin. « L’opinion populaire se forme des idées bien arrêtées sur la nature et les caractères de la pulsion sexuelle. Elle serait absente pendant l’enfance, elle apparaîtrait à la puberté, en rapport étroit avec le processus de maturation, elle se manifesterait sous la forme d’une attraction irrésistible exercée par l’un des sexes sur l’autre, et son but serait l’union sexuelle ou du moins les actes qui conduisent à ce but » (3).

Freud montre dans les Trois essais sur la théorie de la sexualité (Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie, 1905) comment, dans le fonctionnement de la sexualité de l’enfant, les conditions organiques susceptibles de procurer un plaisir sexuel sont peu spécifiques. Si on peut dire qu’elles se spécifient rapidement, c’est en fonction de facteurs d’ordre historique. En définitive, chez l’adulte, les conditions de la satisfaction sexuelle peuvent être très déterminées pour tel ou tel individu comme si l’homme rejoignait à travers son histoire un comportement qui peut ressembler à un montage instinctuel. C’est bien cette apparence qui est à l’origine de l' « opinion populaire » telle que Freud la décrit dans les quelques lignes citées plus haut.

▲ (α) Dans cette perspective, on pourrait établir un rapprochement entre la théorie freudienne de l’action spécifique et l’analyse du processus instinctuel faite par la psychologie animale contemporaine (école éthologiste).

(1 a) Cf. Freud (S.). G.W., I, 334-5 ; S.E., III, 108. – (b) Cf. G.W., I, 333-9 ; S.E., III, 106-12.

(2) Cf. Freud (S.). Aus den Anfängen der Psychoanalyse, 1887-1900. Ail., 381 ; Ang., 357 ; Fr., 317.

(3) Freud (S.). Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie, 1905. G.W., V, 33 ; S.E., VII, 135 ; Fr., 17.