Phallus

= D. : Phallus. – En. : phallus. – Es. : falo. – I. : fallo. – P. : falo.

● Dans l’Antiquité gréco-latine, représentation figurée de l’organe mâle.

En psychanalyse, l’emploi de ce terme souligne la fonction symbolique remplie par le pénis dans la dialectique intra – et intersubjective, le terme de pénis étant plutôt réservé pour désigner l’organe dans sa réalité anatomique.

◼ Ce n’est qu’en quelques occasions qu’on rencontre le terme de phallus dans les écrits de Freud. En revanche, sous sa forme adjectivale, il se trouve dans diverses expressions, principalement celle de « stade phallique »*. On peut constater dans la littérature psychanalytique contemporaine un usage progressivement différencié des termes pénis et phallus, le premier désignant l’organe mâle dans sa réalité corporelle, le second soulignant la valeur symbolique de celui-ci.

L’organisation phallique, progressivement reconnue par Freud comme stade d’évolution de la libido dans les deux sexes, occupe une place centrale en ce qu’elle est corrélative du complexe de castration dans son acmé et commande la position et la résolution du complexe d’Œdipe. L’alternative qui s’offre au sujet à cette phase tient en ces termes : avoir le phallus ou être châtré. On voit qu’ici l’opposition n’est pas entre deux termes désignant deux réalités anatomiques comme le sont le pénis et le vagin, mais entre la présence ou l’absence d’un seul terme. Ce primat du phallus pour les deux sexes est corrélatif pour Freud du fait que la petite fille ignorerait l’existence du vagin. Même si le complexe de castration prend des modalités différentes chez le garçon et chez la fille, il reste dans les deux cas centré autour du seul phallus, conçu comme détachable du corps. Dans cette perspective, un article comme Les transpositions de la pulsion et, en particulier, de l’érotisme anal (Über Triebumseliungen, insbesondere der Analerotik, 1917) (1), vient montrer comment l’organe mâle s’inscrit dans une série de termes substituables les uns aux autres dans des « équations symboliques n (pénis = fèces = enfant = cadeau, etc.), termes dont un caractère commun est d’être détachables du sujet et susceptibles de circuler d’une personne à une autre.

Pour Freud, l’organe mâle n’est pas seulement une réalité qu’on pourrait retrouver comme la référence dernière de toute une série. La théorie du complexe de castration revient à faire jouer à l’organe mâle un rôle prévalent, cette fois-ci en tant que symbole, dans la mesure où son absence ou sa présence transforme une différence anatomique en critère majeur de classification des êtres humains, et dans la mesure où, pour chaque sujet, cette présence ou cette absence ne va pas de soi, n’est pas réductible à une pure et simple donnée, mais est le résultat problématique d’un processus intra – et intersubjectif (assomption par le sujet de son propre sexe). C’est sans doute en fonction de cette valeur de symbole que Freud, et, d’une façon plus systématique, la psychanalyse contemporaine, parle de phallus ; on se réfère alors, plus ou moins explicitement, à l’usage de ce terme dans l’Antiquité où il désigne la représentation figurée, peinte, sculptée, etc., de l’organe viril, objet de vénération jouant un rôle central dans les cérémonies d’initiation (Mystères). « A cette époque reculée, le phallus en érection symbolisait la puissance souveraine, la virilité transcendante magique ou surnaturelle et non pas la variété purement priapique du pouvoir mâle, l’espoir de la résurrection et la force qui peut la produire, le principe lumineux qui ne tolère ni ombres ni multiplicité et maintient l’unité éternellement jaillissante de l’être. Les dieux ithyphalliques Hermès et Osiris incarnent cette inspiration essentielle » (2).

Qu’entendre ici par « valeur de symbole » ? On ne saurait assigner au symbole phallus une signification allégorique déterminée, aussi large qu’on la veuille (fécondité, puissance, autorité, etc.). On ne saurait, d’autre part, réduire ce qu’il symbolise à l’organe mâle ou pénis pris dans sa réalité corporelle. Enfin, autant et même davantage qu’un symbole (au sens d’une représentation figurée, et schématique de l’organe viril), le phallus se retrouve comme signification, comme ce qui est symbolisé dans les représentations les plus diverses ; Freud a indiqué dans sa théorie du symbolisme qu’il était un des symbolisés universels ; il a pensé trouver comme tertium comparationis entre l’organe viril et ce qui le représente le trait commun d’être une petite chose (das Kleine) (3 a). Mais, dans la ligne de cette remarque, on peut penser que ce qui caractérise le phallus et se retrouve dans ses divers avatars figurés, c’est d’être un objet détachable, transformable – et en ce sens objet partiel*. Le fait, aperçu par Freud dès L’interprétation du rêve (Die Traumdeulung, 1900) (3 b, 3 c), et largement confirmé par l’investigation analytique, que le sujet comme personne totale puisse être identifié au phallus n’infirme pas l’idée précédente : c’est à ce moment là une personne elle-même qui est assimilée à un objet capable d’être vu, exhibé, ou encore de circuler, d’être donné et reçu. Freud a notamment montré dans le cas de la sexualité féminine comment le désir de recevoir le phallus du père se transforme en désir d’avoir un enfant de lui. On peut d’ailleurs, à propos de cet exemple, se demander si l’on est fondé à établir dans la terminologie psychanalytique une distinction radicale entre pénis et phallus. Le terme de Penisneid (voir : Envie du pénis) concentre une ambiguïté qui est peut-être féconde et ne saurait être levée par une distinction schématique entre, par exemple, le désir de jouir du pénis réel de l’homme dans le coït et l’envie d’avoir le phallus (comme symbole de virilité).

En France, J. Lacan a tenté de recentrer la théorie psychanalytique autour de la notion de phallus comme « signifiant du désir ». Le complexe d’Œdipe, tel qu’il le reformule, consiste en une dialectique dont les alternatives majeures sont : être ou ne pas être le phallus, l’avoir ou ne pas l’avoir, et dont les trois temps sont centrés sur la place qu’occupe le phallus dans le désir des trois protagonistes (4).

(1) Cf. Freud (S.). G.W., X, 402-10 ; S.E., XVII, 127-33.

(2) Laurin (C.). Phallus et sexualité féminine, in La Psychanalyse, VII, Paris, P.U.F., 1964, 15.

(3) Cf. Freud (S.). Die Traumdeulung. 1900. – a) G.W., II-III, 366 ; S.E., V, 362-3 ; Fr., 269. – b) G.W., II-III, 370-1 ; S.E., V, 366 ; Fr., 272. – c) G.W II.,-III, 399 ; S.E., V, 394 ; Fr., 293.

(4) Cf. Lacan (J.). Les formations de l’inconscient, compte rendu de J.-B. Pontalis, in Bulletin de Psychologie, 1958, passim.