Technique active

= D. : aktive Technik. – En. : active technique. – Es. : técnica activa. – I. : tecnica attiva. – P. : técnica ativa.

● Ensemble de procédés techniques recommandés par Ferenczi : l’analyste, ne limitant plus son action à ses interprétations, formule des injonctions et des prohibitions concernant certains comportements répétitifs de l’analysé dans la cure et hors d’elle, quand ceux-ci procurent au sujet des satisfactions telles qu’elles empêchent la remémoration et le progrès de la cure.

◼ L’idée et l’expression de technique active sont associées dans l’histoire de la psychanalyse au nom de Sandor Ferenczi. Il en fit état pour la première fois au sujet de formes larvées de masturbations, rencontrées dans l’analyse de cas d’hystérie, et qu’il conviendrait d’interdire ; en effet le patient « … risque d’y rattacher ses fantasmes pathogènes et de les court-circuiter constamment par la décharge motrice au lieu de les amener à la conscience » (1 a). Ferenczi souligne que le recours à de telles interdictions est seulement destiné à faciliter le franchissement des points morts du travail analytique ; il se réfère d’autre part à l’exemple de Freud qui enjoignait aux phobiques, à un certain moment de leur analyse, d’affronter la situation phobogène (1 b, 2).

Au Congrès de La Haye, en 1920, Ferenczi, encouragé par l’approbation de Freud qui, au Congrès de Budapest en 1919, avait formulé la règle d’abstinence*, donne une description d’ensemble de sa thérapie active. Elle comporte deux phases qui doivent permettre l’activation et le contrôle des tendances érotiques, fussent-elles sublimées. La première phase est constituée par des injonctions destinées à transformer des motions pulsionnelles refoulées en une satisfaction manifeste et à en faire des formations pleinement conscientes. La seconde est constituée par des prohibitions portant sur ces mêmes formations ; l’analyste peut alors rattacher les activités et les affects mis en évidence par la première phase à des situations infantiles.

Théoriquement, le recours aux mesures actives se justifierait ainsi : à l’inverse de la méthode cathartique*, où le surgissement d’un souvenir induit une réaction émotionnelle, la méthode active, en provoquant la mise en acte* et la manifestation de l’affect*, facilite le retour du refoulé. « Il se peut que certains contenus infantiles précoces […] ne puissent pas être remémorés, seulement revécus » (3).

Techniquement, Ferenczi estime qu’il ne convient de recourir aux mesures actives qu’en des cas exceptionnels, pour un temps très limité, seulement quand le transfert est devenu une compulsion et essentiellement en fin de traitement. Enfin il souligne qu’il n’entend pas modifier la règle fondamentale ; les « artifices » qu’il propose sont destinés à en faciliter l’observance.

Par la suite, Ferenczi devait étendre considérablement le champ d’application des mesures actives (4). Dans un petit ouvrage écrit en collaboration avec Otto Rank (Les buts de développement de la psychanalyse [Enlwicklungsziele der Psychoanalyse, 1924]), il donne du processus de la cure une interprétation en termes libidinaux telle que, notamment dans la dernière phase (« sevrage de la libido »), un recours à des mesures actives (fixation d’un terme au traitement) soit nécessaire.

Dans une dernière étape de son évolution, Ferenczi devait corriger cette façon de voir. Les mesures actives accroissent considérablement les résistances du patient ; en formulant des injonctions et des prohibitions, l’analyste joue le rôle d’un surmoi parental, voire d’un maître d’école ; quant à la fixation d’un terme au traitement, les échecs rencontrés montrent qu’il convient d’y recourir rarement et, comme pour toute autre mesure active éventuelle, seulement en accord avec le patient et avec la possibilité d’y renoncer (5). C’est finalement à un abandon des mesures actives qu’est conduit Ferenczi : « … nous devons nous contenter d’interpréter les tendances cachées du malade à la mise en acte et le soutenir dans les faibles efforts qu’il fait pour surmonter les inhibitions névrotiques dont il a jusque-là souffert, mais ceci sans le contraindre à prendre des mesures violentes ni même les lui conseiller. Si nous sommes assez patients, le malade abordera lui-même la question de tel effort à fournir, par exemple braver une situation phobique. […]. C’est au malade lui-même qu’il appartient de décider du moment de l’activité ou du moins dé donner des indications évidentes que ce moment est venu » (6).

On oppose souvent la technique active à l’attitude purement « expectante », passive, qu’exigerait la méthode analytique. En fait cette opposition est forcée ; d’une part, parce que Ferenczi n’a cessé de considérer les mesures qu’il préconisait comme un auxiliaire et non une variante de la méthode analytique ; d’autre part, parce que celle-ci n’exclut pas une certaine activité de la part de l’analyste (questions, espacement des séances, etc.), l’interprétation elle-même étant active dans la mesure où elle infléchit nécessairement le cours des associations. Ce qui spécifierait la technique active, c’est l’accent qu’elle met sur la répétition* en tant que Freud l’a opposée à la remémoration ; pour surmonter cette compulsion à la répétition et rendre finalement possible la remémoration ou du moins le progrès du travail analytique, il a paru nécessaire à Ferenczi non seulement de permettre mais d’encourager la répétition. C’est là le ressort de la technique active (α).

▲ (α) Pour une plus ample discussion du sujet, on pourra se reporter au livre de Glover, Technique de la psychanalyse (The technique of Psychoanalysis, 1955) (7), qui montre que les questions posées par la technique active restent ouvertes.

(1) Ferenczi (S.). Technische Schuiierigkeiten einer Hysterieanalyse, 1919. – a) AIL, in Intern. Zeit. für àrtzliche Psychoanalyse, V, 37 ; Angl., in Further Contributions, 193. – b) Cf. Ail., 39 ; Angl., 196.

(2) Cf. Freud (S.). Die zukilnfligen Chancen der psychoanalytischen Therapie, 1910. GAV., VIII, 108-9 ; S.E., XI, 145 ; Fr., 27-8.

(3) Ferenczi (S.). Weiterer Ausbau der aktiven Technik in der Psychoanalyse, 1920. Ail., in Intern. Zeit. für Psychoanalyse, VII, 233-51 ; Angl., in Further Contributions, 217.

(4) Cf. notamment : Ferenczi (S.). Zur Psychoanalyse von Sexualgewohnhtiten, 1925. In Further Contr., 259-297 et Über forcierte Phantasien, 1924. In Further Contr., 68-77.

(5) Cf. Ferenczi (S.). Kontraindikationen der aktiven psychoanalytischen Technik, 1925, in : further Cont., 217-230.

(6) Ferenczi (S.). Die Elaslizilät der psychoanalytischen Technik, 1928. AIL, in Intern. Zeit. für Psychoanalyse, XIV, 197-209. Angl., in Final Contributions, 96-7.

(7) Cf. Glover (E.), chap. IV.