Besoin de punition

= D. : Strafbedürfnis. – En. : need for punishment. – Es. : necesidad de castigo. – I. : bisogno di punizione. – P. : necessidade de castigo ou de punição.

● Exigence interne postulée par Freud comme étant à l’origine du comportement de certains sujets dont l’investigation psychanalytique montre qu’ils recherchent des situations pénibles ou humiliantes, et se complaisent en elles (masochisme moral). Ce qu’il y a d’irréductible dans de tels comportements devrait être rapporté en dernière analyse à la pulsion de mort.

◼ L’existence de phénomènes impliquant une auto-punition a soulevé très tôt l’intérêt de Freud : rêves de punition, qui sont comme un tribut payé à la censure pour l’accomplissement d’un désir (1), ou surtout symptômes de la névrose obsessionnelle. Dès ses premières études sur cette affection, Freud décrit les auto-reproches ; puis, dans Observations sur un cas de névrose obsessionnelle (Bemerkungen über einen Fall von Zwangsneurose, 1909), les comportements auto-punitifs ; plus généralement c’est l’ensemble de la symptomatologie, avec la souffrance qu’elle implique, qui fait de l’obsédé un bourreau de soi-même.

La clinique de la mélancolie met en relief la violence d’une compulsion à l’auto-punition pouvant aller jusqu’au suicide. Mais c’est aussi un des apports de Freud et de la psychanalyse que de motiver par l’auto-punition des comportements où la punition n’est en apparence qu’une conséquence non souhaitée de certaines actions agressives et délictueuses (2). On peut parler en ce sens de « criminels par auto-punition », sans qu’il faille voir dans ce processus la motivation unique d’un phénomène toujours complexe.

Enfin, dans la cure, Freud a été amené à porter une attention croissante à ce qu’il nomme réaction thérapeutique négative* : l’analyste a l’impression, écrit-il, « … d’une force qui se défend par tous les moyens contre la guérison et veut absolument s’accrocher à la maladie et à la souffrance » (3 a).

L’approfondissement, dans le cadre de la seconde théorie de l’appareil psychique, des problèmes métapsychologiques posés par ces phénomènes, les progrès de la réflexion sur le sadisme-masochisme, l’introduction enfin de la pulsion de mort devaient amener Freud à mieux cerner et différencier les comportements auto-punitifs.

1° Freud lui-même a fait des réserves en ce qui concerne l’expression sentiment de culpabilité* inconscient. En ce sens, le terme de « besoin de punition » lui semble plus approprié (4 a).

2° Dans une perspective topique, Freud rend compte des comportements auto-punitifs par la tension entre un surmoi particulièrement exigeant et le moi.

3° Mais l’usage du terme de besoin de punition met en relief ce qu’il peut y avoir d’irréductible dans la force qui pousse certains sujets à souffrir, en même temps que le paradoxe de la satisfaction qu’ils trouvent dans leur souffrance. Freud en vient à distinguer deux cas : certaines personnes donnent l’impression « … d’être sous la domination d’une conscience morale particulièrement à vif, bien qu’une telle sur-morale ne soit pas chez eux consciente. Une investigation plus approfondie nous montre bien la différence entre un tel prolongement inconscient de la morale et le masochisme moral. Dans le premier cas, l’accent porte sur le sadisme renforcé du surmoi, auquel le moi se soumet ; dans le second, au contraire, il porte sur le masochisme du moi qui réclame la punition, qu’elle vienne du surmoi ou des puissances parentales externes » (4 b). On voit que dans cette mesure, sadisme du surmoi et masochisme du moi ne peuvent purement et simplement être tenus pour les deux versants symétriques d’une même tension.

4° Dans cette ligne de pensée Freud, dans Analyse finie et infinie (Die endliche und die unendliche Analyse, 1937), a été jusqu’à faire l’hypothèse qu’il n’était pas possible de rendre compte intégralement du besoin de punition, comme expression de la pulsion de mort, par la relation conflictuelle du surmoi et du moi. Si une partie de la pulsion de mort est bien « liée psychiquement par le surmoi », d’autres parties peuvent « … être à l’œuvre, on ne sait où, sous forme libre ou liée » (3 b).

(1) Cf. Freud (S.). Die Traumdeutung, 1900. G.W., II-III, 476-80, 563-6 ; S.E., V, 473-6. 557-60 : Fr., 352-55, 458-9 et note.

(2) Cf. Freud (S.). Das Ich und das Es., 1923. G.W., XIII, 282 ; S.E., XIX, 52 ; Fr., 210.

(3 ; Freud (S.). Die endliche und die unendliche Analyse, 1937. – a) G.W., XVI, 88 ; S.E.. XXIII, 241 ; Fr., 28. – b) G.W., XVI, 88 ; S.E., XXIII, 242-3 ; Fr., 28.

(4) Freud (S.). Das Ökonomische Problem des Masochismus, 1924. – a) Cf.G. W., XIII, 378-9 ; S.E., XIX, 166 ; Fr., 218-9. – b) G.W., XIII, 381 ; S.E., XIX, 168-9 ; Fr., 221.