Compulsion de l’attouchement symétrique du corps

Un grand nombre de névrosés, mais aussi beaucoup d’individus par ailleurs normaux, souffrent d’une curieuse compulsion superstitieuse. Lorsqu’ils sont amenés à toucher une certaine partie de leur corps, par hasard ou intentionnellement, ils se sentent contraints de toucher aussi la partie symétrique correspondante. Par exemple, s’ils ont touché leur oreille droite avec leur main droite, ils éprouvent aussitôt le besoin de toucher exactement de la même manière leur oreille gauche avec leur main gauche. S’ils omettent de le faire, ils sont pris d’angoisse, comme c’est généralement le cas lorsqu’une manifestation obsessionnelle est contrecarrée.

J’ai eu l’occasion d’analyser une jeune fille qui, à côté d’autres manifestations névrotiques, présentait aussi cette particularité (mais qu’elle n’éprouvait pas subjectivement comme un trouble). Une question directe portant sur l’origine du symptôme n’aboutit, comme d’habitude, à aucune explication. La première association conduisit à des scènes de l’enfance. Une gouvernante sévère qu’elle craignait beaucoup veillait attentivement à ce que les enfants, en faisant leur toilette, n’oublient pas de laver correctement leurs deux oreilles, leurs deux mains, etc... et ne se contentent pas de se laver une moitié seulement du corps. Ce renseignement pourrait nous inciter à considérer la « compulsion d’attouchement symétrique » tout simplement comme un « automatisme de commande post-hypnotique », qui peut persister pendant des années après l’ordre reçu.

Comme toujours, il a fallu sacrifier, au cours de l’analyse, cette explication simple au profit d’une autre, plus compliquée. Car la même gouvernante, qui insistait tant pour que le corps fût bien lavé et frotté, obligeait les enfants à faire exception pour une seule partie du corps, les organes génitaux, qu’il était absolument interdit aux enfants de laver ou même de toucher. Pourtant c’était précisément la partie du corps dont la toilette n’était pas une corvée mais un plaisir.

J’en vins finalement à former l’hypothèse que la compulsion de lavage exagéré et d’attouchement symétrique du corps signifiait en réalité un défi, camouflé ici en zèle et en obéissance. La compulsion d’attouchement symétrique du corps serait la surcompensation d’un doute : ne serait-il pas préférable de toucher une certaine partie du corps située sur la ligne médiane.

La sœur aînée de la patiente, qui est exempte par ailleurs de toute névrose, partage toutefois avec elle ce symptôme de « compulsion d’attouchement symétrique du corps ».