Contribution a la discussion sur les tics

Je dois à l’obligeance de Monsieur le Président de pouvoir participer, du moins par écrit, à cette intéressante discussion. Tous ceux qui ont lu mon article mis en cause devront avouer que mon collègue van Ophuijsen enfonce des portes ouvertes quand il attire l’attention sur les lacunes de cet article, et notamment celles de la définition du tic1. Cet article ne devait servir, comme je l’ai dit expressément, qu’à donner une première orientation et à soulever les problèmes qui s’y rapportent. Il a donc parfaitement rempli sa tâche s’il a réussi, comme l’intéressante contribution d’Abraham le prouve, à inciter d’autres chercheurs à prendre position sur ce problème.

Après avoir pris connaissance des expériences d’Abraham, je reconnais qu’il faut accorder une plus grande importance aux composantes sadiques et érotico-anales dans la genèse du tic — point qui d’ailleurs ne m’avait pas échappé — que je ne l’ai fait dans mon article. Sa « conversion au stade sadique-anal » est un point de vue original qui a également son importance sur le plan théorique. Cependant je ne puis m’empêcher d’attirer l’attention sur les points qui, même après la prise en considération de la conception d’Abraham, demeurent valables.

1. Même dans le schéma d’Abraham, le tic est tout aussi proche de la névrose obsessionnelle et de l’hystérie que de la catatonie.

2. L’identité du tic et de la catatonie (Abraham dit la « ressemblance ») subsiste : le tic comme défense motrice localisée par opposition à la catatonie généralisée.

3. L’analogie entre le tic et la névrose traumatique permet de situer ce type de névrose entre les névroses narcissiques et les névroses de transfert. Cette position intermédiaire caractérise également, comme on sait, les névroses de guerre.

4. L’aboutissement de la « maladie des tics » à la catatonie est un fait bien établi même s’il n’est pas très fréquent (voir les travaux de Gilles de la Tourette).

J’espère que les divergences qui subsistent encore quant à la théorie des tics s’effaceront quand on aura pris en considération la « régression du Moi » que Freud signale dans son travail sur la psychologie collective. Déjà dans mon article sur « Le développement du sens de réalité et ses stades »2, je disais que pour définir un type de névrose il est nécessaire d’établir aussi bien la régression du Moi que la régression libidinale qui le caractérisent. Me fondant principalement sur les observations relatives aux tics pathonévrotiques, j’estime que cette régression du Moi est beaucoup plus profonde dans cette forme de névrose que dans l’hystérie ou la névrose obsessionnelle. La névrose obsessionnelle régresse à la « toute-puissance de la pensée », l’hystérie à la « toute-puissance des gestes », et le tic au stade du réflexe de défense. Des recherches ultérieures auront à décider si la répression du tic par la force provoque simplement des « états de tension » ou également une véritable angoisse.


1 « Considérations psychanalytiques sur les tics », Psychanalyse III.

2 Psychanalyse II, éd. Payot.