Chapitre IV. psychothérapie de l’hystérie

Par S. Freud

Dans notre Communication préliminaire nous déclarions avoir découvert, en étudiant l’étiologie des symptômes hystériques, une méthode thérapeutique ayant, à notre avis, une grand valeur pratique. Nous fûmes d’abord extrêmement surpris de constater que les divers symptômes hystériques disparaissaient sans retour dès que nous réussissions à évoquer et à mettre en pleine lumière le souvenir des incidents qui les avaient provoqués et en même temps l’affect concomitant. Il fallait aussi que le malade décrivit, avec le plus de détails possible, cet incident et qu’il donnât à l’affect une expression verbale (voir p. 4).

Nous cherchâmes ensuite à expliquer la façon dont agissait notre procédé psychothérapique. Il supprime l’action de la représentation primitive non abréagie en permettant la liquidation, par expression verbale, de l’affect concomitant. En ramenant la représentation dans le conscient normal (par le moyen d’une hypnose légère) nous lui faisons subir une correction associative ou encore nous la supprimons par suggestion médicale, de la même façon que pour l’amnésie, dans le somnambulisme (p. 13).

Bien que l’essentiel ait été dit sur ce sujet dans les cas déjà exposés, il ne m’est pas possible d’éviter ici certaines répétitions et j’essaierai maintenant de démontrer jusqu’où peut nous amener notre méthode, quels sont ses avantages sur d’autres procédés, quelle technique elle utilise et à quelles difficultés elle se heurte.

I.

En ce qui me concerne, j’ai le droit de dire que je puis toujours soutenir les points de vue exposés dans la Communication préliminaire. Je reconnais toutefois que, n’ayant jamais cessé, au cours des années écoulées depuis lors, de me préoccuper des questions qui y furent abordées, de nouvelles opinions se sont imposées à mon esprit. J’ai été tout au moins amené à regrouper et à envisager différemment une partie des matériaux déjà connus. Il serait injuste d’attribuer à mon vénéré ami, Joseph Breuer, une trop lourde part de responsabilité dans cette évolution. C’est donc surtout en mon propre nom que je vais ajouter les considérations qui suivent.

Lorsque je tentai d’appliquer à un grand nombre d’hystériques hypnotisés la méthode thérapeutique de Breuer par détection et abréaction, je me heurtai à deux difficultés qui m’amenèrent, pour les résoudre, à modifier aussi bien ma technique que mes conceptions : 1° Les sujets incontestablement hystériques et fort probablement soumis aux mêmes mécanismes ne sont pas tous hypnotisables ; 2° Il m’a fallu déterminer ce qui caractérisait essentiellement l’hystérie et ce qui la différenciait des autres névroses.

Je décrirai plus tard la façon dont j’ai pu surmonter la première de ces difficultés et ce que celle-ci m’a appris. Commençons d’abord par exposer quelle attitude j’ai adoptée, dans la pratique quotidienne, à l’égard du second problème. Il est fort malaisé de se faire une opinion exacte d’un cas de névrose avant d’avoir soumis celui-ci à une analyse approfondie, qui ne peut être différente de celle utilisée par Breuer. Pourtant c’est avant même de connaître en détail le cas que l’on se voit obligé d’établir un diagnostic et de déterminer le traitement. Que faire alors sinon utiliser le procédé cathartique dans les cas probablement hystériques et présentant un ou plusieurs stigmates ? Parfois alors les résultats thérapeutiques, en dépit du diagnostic d’hystérie, restaient bien médiocres et l’analyse elle-même ne mettait rien d’important en lumière. D’autres fois, j’essayais de traiter par la méthode de Breuer des névrosés que nul certainement n’aurait tenus pour hystériques et sur lesquels néanmoins le procédé agissait et parfois même supprimait les symptômes. C’est ce qui m’arriva, par exemple, dans des cas d’idées obsédantes véritables, du type de Westphal, cas qui ne rappelaient l’hystérie par aucun trait. Ainsi le mécanisme révélé dans la Communication préliminaire ne pouvait être regardé comme un signe pathognomonique de l’hystérie ; cependant, il ne m’était pas possible, pour l’amour de ce mécanisme, de mettre tant d’autres névroses dans le même panier que l’hystérie. Un plan finit par surgir de tous mes doutes : je décidai de traiter, de la même façon que l’hystérie, toutes les autres névroses, de rechercher partout l’étiologie et le genre du mécanisme psychique. Ce furent les résultats de cette recherche qui déterminèrent et justifièrent finalement pour moi le diagnostic de l’hystérie.

En partant ainsi de la méthode de Breuer, j’arrivai à étudier d’une façon générale l’étiologie et le mécanisme des névroses. J’eus ensuite la chance d’aboutir, en un laps de temps relativement court, à des résultats appréciables. Je fus forcé de reconnaître que puisque l’on pouvait parler de cause dans l’acquisition d’une névrose, l’étiologie devait tenir à des facteurs sexuels. Je trouvai encore que, dans l’ensemble, différents facteurs sexuels créaient aussi différents tableaux cliniques de névroses. Dans la mesure où ce dernier fait se confirmerait, on pourrait donc essayer d’utiliser l’étiologie pour caractériser les névroses et établir, en ce qui les concerne, une stricte délimitation des tableaux cliniques. Au cas où les caractères étiologiques coïncideraient, de façon constante, avec certains caractères cliniques, cette manière de voir se trouverait justifiée.

Je pus ainsi constater que la neurasthénie correspondait vraiment à un tableau clinique uniforme dans lequel, comme les analyses le montrent, aucun « mécanisme psychique » ne participe. La névrose obsessionnelle se distingue nettement de la neurasthénie. Dans ces névroses à idées obsessionnelles véritables on observe un mécanisme psychique compliqué, une étiologie semblable à celle de l’hystérie et une large possibilité de guérison par la psychothérapie. D’autre part, je constatai qu’il convenait sans hésiter de séparer de la neurasthénie un complexe de symptômes névrotiques à étiologie tout à fait différente et même au fond inverse, tandis que les éléments de ce complexe sont reliés par un de leurs caractères déjà reconnu par E. Hecker79. Il s’agit, en effet, soit de symptômes, soit d’équivalents ou de rudiments de manifestations d’angoisse. C’est pourquoi j’ai donné à ce complexe, distinct de la neurasthénie, le nom de névrose d’angoisse. J’ai dit de lui qu’il provenait d’une accumulation de tensions physiques, elles-mêmes d’origine sexuelle. Cette névrose, sans encore comporter de mécanisme psychique, agit toujours sur le psychisme, de telle sorte que l’attente anxieuse, les phobies, l’hyperesthésie à l’égard des douleurs, etc., font partie de ses manifestations habituelles. Cette névrose d’angoisse, telle que je la conçois, peut, en partie, se confondre avec la névrose décrite dans certains exposés à côté de l’hystérie et de la neurasthénie et dénommée « hypocondrie ». Toutefois, je ne considère aucune des descriptions faites jusqu’à ce jour comme exactes et je trouve qu’en n’attribuant au mot hypocondrie que le sens d’une « peur des maladies » on en limite fort la portée.

Après m’être ainsi formé de la neurasthénie, de la névrose d’angoisse ; et des idées obsessionnelles, une image simple, je m’appliquai à comprendre ces cas banaux de névrose que l’on considère comme des hystéries. Je me dis qu’il ne convenait pas de marquer une névrose du sceau de l’hystérie simplement parce que quelques traits de cette maladie résultaient du complexe des symptômes. Je m’expliquais fort bien cette habitude étant donné que l’hystérie est, de toutes les névroses connues, la plus ancienne, la mieux connue et la plus voyante. Mais c’était employer abusivement le mot hystérie que de porter au compte de cette maladie tant de traits de perversion et de dégénérescence. Dès que, dans un cas difficile d’anomalie psychique, l’on venait à découvrir quelque indice d’hystérie, une anesthésie, un accès caractéristique, la maladie dans son ensemble était considérée comme une « hystérie » et les cas les plus graves et les plus contradictoires se trouvaient réunis sous cette même étiquette. Ce diagnostic était de toute évidence inexact. Et l’on pouvait avec assurance distinguer, au point de vue névrotique, les diverses formes de cette maladie, puisque la neurasthénie, la névrose d’angoisse, etc., étaient déjà connues à l’état pur ; on ne devait plus les méconnaître dans leurs combinaisons.

Les propositions ci-après semblent donc plus exactes : les névroses banales doivent, la plupart du temps, être considérées comme des névroses « mixtes ». On décèle sans peine, surtout chez les jeunes, des formes pures de neurasthénie et de névrose d’angoisse. L’hystérie et la névrose obsessionnelle existent rarement à l’état pur et généralement on se trouve en présence d’une combinaison de ces deux névroses avec une névrose d’angoisse. Si les névroses mixtes sont aussi fréquentes c’est parce que leurs facteurs étiologiques se mélangent très souvent, tantôt de façon fortuite tantôt par suite de relations causales entre les processus d’où ils émanent. C’est ce qu’il est facile de démontrer. En ce qui concerne l’hystérie, il s’ensuit qu’on ne peut la détacher de l’ensemble des névroses sexuelles pour l’étudier à part. Elle ne constitue que l’une des faces, l’un des aspects des névroses complexes et ne peut être décelée et traitée comme une névrose isolée que dans certains cas limites. Dans toute une série de cas il est possible de dire que a potiori fit denominatio.

Je me propose d’examiner si les cas que j’ai décrits corroborent ma façon de concevoir l’autonomie clinique de l’hystérie. Anna O…, la malade de Breuer, semble réfuter mon opinion et être affectée d’un trouble purement hystérique. Mais ce cas, si riche en renseignements pour la connaissance de l’hystérie, ne fut nullement considéré par son observateur sous l’angle de la névrose sexuelle et ne saurait, aujourd’hui, nous servir de démonstration. En commençant l’analyse de la deuxième malade, Mme Emmy v. N… (voir p. 35), j’étais assez loin de donner comme support à l’hystérie une névrose sexuelle. A peine sorti de l’École de Charcot, je rougissais de la connexion entre l’hystérie et le thème de la sexualité, à peu près comme les patientes elles-mêmes le font en général. Quand je relis aujourd’hui les notes relatives à ce cas, j’y reconnais une névrose d’angoisse grave, avec attente anxieuse et phobies, névrose provenant d’une continence sexuelle et qui s’était combinée à une hystérie.

Le troisième cas, celui de Miss Lucy R…, est, de tous, celui qui pourrait peut-être le mieux être tenu pour un cas limite d’hystérie pure ; il s’agit ici d’une hystérie de courte durée, épisodique, avec une étiologie sexuelle impossible à méconnaître et pareille à celle d’une névrose d’angoisse. Il s’agissait d’une jeune fille un peu mûre, avide d’amour, dont l’inclination fut trop vite éveillée par un malentendu. Mais le diagnostic de névrose d’angoisse ne put être confirmé ou m’échappa alors. Le quatrième cas, celui de Katharina, nous fournit vraiment le modèle de ce que j’ai appelé la peur virginale ; c’est une combinaison de névrose d’angoisse et d’hystérie, la première créant les symptômes et la seconde renouvelant ceux-ci et les utilisant. Il y faut voir d’ailleurs le cas type d’une quantité de névroses de jeunesse qualifiées d’« hystéries ». Le cinquième cas, celui d’Elisabeth v. R…, n’a pas non plus été étudié sous l’angle de la névrose sexuelle. J’ai soupçonné, sans pouvoir le confirmer, qu’une neurasthénie spinale se trouvait à la base du trouble. Ajoutons cependant que depuis, les cas d’hystéries pures se sont faits, en ce qui me concerne, de plus en plus rares. Si j’ai groupé ces quatre cas sous la dénomination d’hystéries, si j’ai pu négliger, en en parlant, certains points de vue essentiels en matière de névroses sexuelles, c’est parce qu’il s’agit là de cas anciens et que je ne me livrais pas encore alors à des recherches systématiques et pressantes sur les fondements sexuels des névroses. Si je n’ai exposé que ces quatre cas et non les douze où l’analyse aurait pu confirmer l’existence pour nous certaine du mécanisme psychique en question, c’est qu’une circonstance m’y obligea : le fait justement que l’analyse de ces cas pathologiques démontra qu’il s’agissait là encore de névroses sexuelles, encore qu’aucun médecin n’eût refusé de les qualifier d’« hystéries ». Toutefois l’étude de semblables névroses sexuelles ne saurait entrer dans le cadre de notre commune publication.

Je ne voudrais pas qu’on se méprît sur mes intentions et qu’on crût que je ne tiens pas l’hystérie pour une affection névrotique autonome. Je ne la considère pas uniquement comme l’expression psychique d’une névrose d’angoisse et ne lui attribue pas seulement des « symptômes idéogènes ». Je ne cherche pas non plus, loin de là, à intégrer les symptômes somatiques (points hystérogènes, anesthésies) dans la névrose d’angoisse. Je crois que l’hystérie débarrassée de toute immixtion peut, à tout point de vue, être décrite séparément, sauf en ce qui concerne la thérapeutique. Car en thérapeutique, c’est un but pratique que l’on veut atteindre : la suppression de l’état pathologique dans son ensemble. Or l’hystérie n’est le plus souvent qu’une des composantes de quelque névrose mixte et le cas rappelle celui d’une infection par association microbienne où la conservation de la vie se présente comme une lutte contre l’action non d’un seul mais de plusieurs agents nocifs.

Si je tiens tant à délimiter, dans le tableau des névroses mixtes, les participations respectives de l’hystérie, de la neurasthénie, de la névrose d’angoisse, etc., c’est qu’une fois ces distinctions établies je puis exposer brièvement la valeur thérapeutique du procédé cathartique. Je soutiens notamment qu’en principe cette méthode est très capable de supprimer à volonté tout symptôme hystérique, tandis que, chose facile à constater, elle reste totalement impuissante en face des phénomènes de la neurasthénie et n’agit que rarement et par des voies détournées sur les effets psychiques d’une névrose d’angoisse. Ainsi son efficacité thérapeutique dépend, dans chaque cas particulier, de la place plus ou moins importante qu’occupent, dans le tableau clinique, les éléments hystériques par rapport aux autres éléments névrotiques.

L’action de la méthode cathartique connaît d’autres restrictions encore. Nous les avons déjà mentionnées dans notre Communication préliminaire. Ce procédé n’agit nullement sur les causes déterminantes de l’hystérie et ne peut ainsi empêcher que de nouveaux symptômes viennent remplacer ceux qui ont été écartés. Dans l’ensemble, c’est une place de premier rang que je revendique, dans le cadre de la thérapie des névroses, pour notre méthode. Néanmoins, je déconseillerais de la faire entrer en ligne de compte ou de l’utiliser en dehors de ce domaine. Je ne puis ici donner le traité de « thérapeutique des névroses » qui serait pourtant si nécessaire aux praticiens et, à mon avis, ces propos doivent être considérés comme un renvoi à d’éventuelles futures communications. Néanmoins, je crois encore pouvoir ajouter les détails et les commentaires qui suivent :

1)  Je ne prétends pas avoir réellement supprimé à l’aide du procédé cathartique tous les symptômes hystériques que j’ai traités par ce moyen. Mais je crois que les difficultés rencontrées tenaient aux particularités personnelles des cas et non au principe même de la chose. En jugeant les faits, je me sens le droit de négliger certains échecs de la même façon qu’un chirurgien, lorsqu’il adopte une technique nouvelle, néglige les cas de morts sous anesthésie, par hémorragie ou par infection microbienne fortuite, etc. En parlant plus tard des inconvénients et des difficultés du procédé, nous reviendrons sur des échecs de cet ordre ;

2)  Il ne conviendrait pas de dénier toute valeur à la méthode cathartique en alléguant qu’elle est symptomatique mais non causale. En effet, une thérapie causale est généralement d’ordre prophylactique seulement. Elle empêche toute extension ultérieure des dommages, sans nécessairement détruire ce que les facteurs nocifs ont déjà déterminé. Il faut, en général, une seconde action pour que cette dernière tâche s’accomplisse et, dans le cas de l’hystérie, la méthode cathartique ne saurait être surpassée ;

3)  Quand une période de production hystérique, un paroxysme hystérique aigu, ont pu être surmontés et que seuls les symptômes hystériques persistent comme des séquelles, la méthode cathartique s’avère suffisante et aboutit à un succès total et définitif. Une pareille constellation favorable n’est pas rare et cela justement dans le domaine de la sexualité. Ce fait est dû aux grandes variations d’intensité des besoins sexuels et à la complexité des conditions indispensables au traumatisme sexuel. C’est ici que la méthode cathartique répond à tout ce qu’on exige d’elle, car le médecin ne saurait se proposer de transformer une constitution telle que la constitution hystérique. Il doit se contenter d’écarter les dommages auxquels cette constitution prédispose le malade, dommages qu’elle peut provoquer avec le concours de circonstances extérieures. Que le praticien soit satisfait s’il réussit à redonner à la malade sa capacité d’agir. D’ailleurs même s’il envisage la possibilité d’une récidive, il se rassure en pensant qu’il pourra recourir plus tard encore à la même méthode. Il connaît le caractère principal de l’étiologie des névroses, c’est-à-dire la surdétermination de leur formation. Il sait que plusieurs facteurs entrent alors simultanément en jeu et a le droit d’espérer que cette coïncidence ne se reproduira pas très vite, même si quelques-uns des facteurs étiologiques restent encore agissants.

Peut-être nous fera-t-on observer que dans ces cas d’hystéries guéries, les symptômes résiduels peuvent disparaître spontanément ; nous répondrons que ces guérisons spontanées ne se produisent bien souvent ni assez vite, ni assez complètement, alors qu’une intervention du traitement les stimule énormément. Mieux vaut, pour le moment, ne pas décider si la méthode cathartique n’est capable de guérir que ce qui aurait pu guérir spontanément ou si elle fait quelquefois disparaître ce qui n’aurait pas disparu de soi-même ;

4)  Quand on a affaire à une hystérie aiguë, à un cas où les symptômes hystériques sont en pleine période d’effervescence et où, par conséquent, le moi se trouve submergé par les productions morbides (psychose hystérique), la méthode cathartique ne pourra que faiblement modifier le cours de la maladie. On se trouve là en face d’une situation analogue à celle du médecin devant une grave maladie infectieuse. A un moment donné déjà passé, les facteurs étiologiques, échappant à toute influence, ont exercé une action suffisante pour devenir manifestes, une fois que s’est terminée la période d’incubation. La marche de l’affection ne peut plus être arrêtée et l’on se voit obligé de laisser la maladie suivre son cours en assurant toutefois au malade, pendant tout ce temps, les meilleures conditions possibles. Si l’on tentait pendant ces périodes de fortes poussées de supprimer les productions pathologiques, les symptômes hystériques récemment apparus, il faudrait s’attendre à les voir bientôt remplacés par d’autres. Le médecin aura alors l’impression pénible d’accomplir une tâche analogue à celle des Danaïdes, ou un « blanchiment de nègre ». L’immense effort exigé, le mécontentement des proches, qui ne s’accoutument pas à penser que la durée d’une névrose puisse être égale à celle de n’importe quelle maladie infectieuse grave, bien d’autres faits encore, rendront généralement impossible un emploi prolongé de la méthode cathartique dans un cas donné. Cependant il faut se demander si, même dans une hystérie grave, la suppression des productions pathologiques n’a pas chaque fois une action curative en protégeant le moi du sujet, ce moi qui est absorbé par sa défense, en le soustrayant au danger d’être vaincu, de succomber à la psychose et, peut-être même finalement, à la démence.

L’histoire d’Anna O… a donné à Breuer une première occasion de mettre en pratique la méthode cathartique. Elle montre de façon incontestable ce que peut donner, même dans les cas d’hystérie grave, ce procédé qui réussit, ainsi que le montrent nettement ses résultats pratiques, à empêcher de nouvelles productions de symptômes morbides ;

5) Quand nous avons affaire à des hystéries chroniques avec production modérée mais constante de symptômes hystériques, nous pouvons regretter l’absence d’une thérapeutique qui agirait sur les causes du mal, mais c’est en pareil cas aussi que nous apprécions le mieux l’importance du procédé cathartique en tant que traitement symptomatique. Nous avons alors affaire à des perturbations résultant d’une étiologie à action chronique. Il convient donc de renforcer les possibilités de résistance du système nerveux et il faut se dire que la présence d’un symptôme hystérique signifie l’affaiblissement de cette résistance et constitue un facteur prédisposant. Comme le montre le mécanisme des hystéries monosymptomatiques, c’est surtout en se raccordant à un symptôme déjà existant et présentant avec lui quelque analogie que tout nouveau symptôme se forme. L’endroit de sa première « attaque » devient un point sensible qu’il attaquera encore la fois suivante80. Tout groupe psychique dissocié joue le rôle du cristal amorçant une cristallisation qui, sans lui, ne se serait pas produite. Écarter les symptômes, supprimer les modifications psychiques sur lesquelles ils se fondent, c’est redonner aux malades la pleine et entière disposition de leur pouvoir de résistance. Ils seront ainsi ensuite capables de s’opposer avec succès aux influences nocives. On peut faire beaucoup pour ces malades par une surveillance prolongée et un « ramonage » temporaire81.

6) Il faudrait encore penser à une autre contradiction apparente. On admet, en effet, que les symptômes hystériques ne sont pas forcément tous psychogènes et l’on affirme néanmoins que tous peuvent être supprimés par un procédé de psychothérapie. Le fait s’explique si l’on songe qu’une partie de ces symptômes non psychogènes bien qu’ils représentent des signes pathologiques ne peuvent cependant être considérés comme des souffrances. C’est, par exemple, le cas des stigmates. Pratiquement, ils passent inaperçus lorsqu’ils persistent après l’obtention du succès thérapeutique. En ce qui concerne d’autres symptômes encore, il semble qu’ils puissent, par quelque détour, être rangés parmi les symptômes psychogènes, puisqu’ils ressortissent malgré tout à une cause psychique.

Je vais maintenant aborder la question des difficultés et des inconvénients de notre thérapeutique pour le cas où les histoires de malades qui précèdent et les remarques sur la technique du procédé, n’auraient pas éclairé tout le monde. Je compte énumérer et esquisser plutôt que développer. Le procédé en question est fatigant pour le médecin, lui prend un temps considérable et présuppose chez lui un grand intérêt pour les faits psychologiques et beaucoup de sympathie personnelle pour les malades qu’il traite. Je ne saurais m’imaginer étudiant, dans le détail, le mécanisme psychique d’une hystérie chez un sujet qui me semblerait méprisable et répugnant et qui, une fois mieux connu, s’avérerait incapable d’inspirer quelque sympathie humaine. Je pourrais, au contraire, soigner n’importe quel tabétique, n’importe quel rhumatisant, sans me soucier de sa personnalité. Quant aux malades, ce qu’on leur demande n’est pas peu non plus. Le procédé exige des sujets un certain degré d’intelligence au-dessous duquel il reste tout à fait inutilisable. Toute dose de débilité mentale en rend l’emploi extrêmement difficile. L’adhésion totale des patients, leur entière attention mais surtout leur confiance sont indispensables, puisque l’analyse nous entraîne toujours vers les faits les plus secrets, les plus intimes. Bien des malades, parmi ceux auxquels le traitement se prêterait le mieux, échappent au médecin dès qu’ils ont le moindre soupçon de la voie où va les entraîner cette investigation. Pour ceux-là le médecin est demeuré un étranger. D’autres se décident à se livrer au médecin, à lui témoigner une confiance que l’on n’accorde généralement que par choix libre et sans qu’elle soit jamais exigible. Pour ces patients-là, il est presque inévitable que les rapports personnels avec leur médecin prennent, tout au moins pendant un certain temps, une importance capitale. Il semble même que cette influence exercée par le médecin soit la condition même de la solution du problème. Je ne pense pas que cet état de choses puisse se trouver essentiellement modifié suivant qu’on emploie l’hypnose, qu’on la néglige ou qu’on la remplace par un autre procédé. Toutefois l’équité nous oblige à mettre en évidence le fait que les inconvénients inhérents à notre procédé ne peuvent être mis à charge à ce dernier. Il est facile de constater qu’ils constituent plutôt une condition préalable des névroses appelées à guérir et qu’ils découlent de l’influence du médecin chaque fois qu’il y a contact étroit avec un malade et réalisations chez celui-ci de modifications psychiques. Bien que j’aie très souvent et dans un grand nombre de cas et sur une vaste échelle, utilisé l’hypnotisme, je ne puis lui attribuer ni dommages ni conséquences dangereuses. Dans les cas où j’ai pu nuire, ce fut pour des motifs différents et plus profonds. Si je considère les efforts thérapeutiques accomplis, ces dernières années, depuis que les communications de mon vénéré maître et ami J. Breuer m’ont mis en main la méthode cathartique, je crois m’être rendu bien plus souvent utile que nuisible et avoir réussi là où tout autre moyen thérapeutique eût échoué. Un important « gain thérapeutique » fut, de cette façon, acquis – comme le dit la Communication préliminaire.

Soulignons un autre avantage encore de ce procédé. Quand j’ai affaire à un cas grave de névrose compliquée, plus ou moins associée à l’hystérie, je ne saurais mieux m’orienter qu’en le soumettant à une analyse pratiquée suivant la méthode de Breuer. Je fais ainsi d’abord disparaître ce que révèle le mécanisme hystérique. J’ai appris entre temps, dans cette analyse, à ramener le reste des manifestations à leur étiologie et à les interpréter. C’est de cette façon que j’ai obtenu un point d’appui me permettant de choisir le traitement approprié au cas parmi toutes les thérapeutiques appliquées aux névroses. En considérant combien diffère habituellement le jugement que je porte sur un cas donné avant et après une semblable analyse, je suis presque tenté de considérer celle-ci comme indispensable à la connaissance d’un trouble névrotique. Je me suis en outre habitué à combiner l’emploi de la psychothérapie cathartique avec l’alitement et, suivant les besoins, avec une cure de suralimentation suivant la méthode de Weir-Mitchell. L’avantage que j’en tire est d’une part, d’éviter l’immixtion défavorable au traitement de nouvelles impressions psychologiques, d’autre part, de supprimer l’ennui que cause la cure de suralimentation de Weir-Mitchell pendant laquelle il n’est pas rare que les malades tombent dans des rêveries nuisibles. On devrait s’attendre à ce que le travail psychique, souvent fort considérable, que l’on impose aux malades pendant le traitement cathartique, ainsi que les émotions nées d’une reviviscence d’événements traumatisants, contrarient la cure de repos préconisée par Weir-Mitchell et en compromettent le succès habituel. Toutefois c’est le contraire qui se produit quand on combine le traitement de Breuer avec celui de Weir-Mitchell et l’on obtient tous les progrès physiques que cette cure fait espérer. En même temps, une action favorable s’exerce sur le plan psychique, action que seule l’adjonction d’une psychothérapie à la cure de repos permet d’obtenir.

II.

A mes précédentes observations j’ajouterai qu’en essayant d’utiliser sur une plus vaste échelle la méthode de Breuer je me suis heurté à la difficulté suivante : un certain nombre de malades ne pouvaient être hypnotisés bien que le diagnostic décelât chez eux des troubles hystériques et que tout permît de supposer l’existence du mécanisme psychique que nous avons déjà décrit. J’avais besoin de l’hypnose pour élargir le champ de la mémoire et pour découvrir les souvenirs pathogènes non présents dans la conscience ordinaire. Je me vis alors contraint soit de renoncer à soigner ces malades, soit de découvrir une autre façon d’obtenir ce renforcement de 1a mémoire.

Comme tout le monde, j’ignorais pour quelle raison tel individu était hypnotisable et tel autre non. Il ne m était donc pas possible de m’engager dans la voie de la causation pour supprimer l’obstacle. Je remarquai seulement que, chez certains patients, la difficulté paraissait encore accrue du fait qu’ils s’opposaient même à ce qu’on essayât de les hypnotiser. Je me dis alors un beau jour que les deux cas pourraient bien être identiques et signifier l’un comme l’autre un refus. Un sujet qui se méfie de l’hypnose, qu’il exprime ou non ce refus, ne peut être hypnotisé. J’ignore si je dois persévérer dans cette façon de voir.

Quoi qu’il en soit, je réussis à me passer de l’hypnose et à retrouver sans son concours les souvenirs pathogènes. Voici comment j’y parvins :

Quand, à la première entrevue, je demandais à mes malades s’ils se souvenaient de ce qui avait d’abord provoqué le symptôme considéré, les uns prétendaient n’en rien savoir, les autres me rapportaient un fait dont le souvenir, disaient-ils, était vague et auquel ils ne pouvaient rien ajouter. Suivant l’exemple de Bernheim quand, pendant une séance d’hypnotisme, il évoquait les souvenirs soi-disant oubliés, j’insistais auprès des malades des deux catégories pour qu’ils fassent appel à leurs souvenirs et leur affirmais qu’ils les connaissaient, qu’ils s’en souviendraient (voir p. 86), les uns déclaraient avoir eu une idée et chez d’autres le souvenir se précisait un peu. Je devenais alors plus pressant encore et j’invitais les malades à s’allonger, à fermer volontairement les yeux et à se « concentrer », ce qui présentait au moins une certaine ressemblance avec l’hypnose. Je constatai ainsi que, sans la moindre hypnose, de nouveaux souvenirs s’étendant plus loin dans le passé et qui avaient probablement quelque connexion avec le sujet dont nous parlions, faisaient leur apparition. Ces expériences me donnèrent l’impression qu’il devait effectivement être possible de faire apparaître, simplement en insistant, la série de représentations pathogènes existantes. Comme cette insistance me coûtait beaucoup d’efforts, je ne tardai pas à penser qu’il y avait là une résistance à vaincre, fait dont je tirai la conclusion suivante : par mon travail psychique je devais vaincre chez le malade une force psychique qui s’opposait à la prise de conscience (au retour du souvenir) des représentations pathogènes. Des perspectives nouvelles semblaient ainsi s’offrir à moi. Sans doute s’agissait-il justement de la force psychique qui avait elle-même concouru à la formation du symptôme hystérique en entravant, à ce moment-là, la prise de conscience de la représentation pathogène. A quelle force convenait-il d’attribuer cette action ? Pour quel motif avait-elle exercé cette dernière ? Je n’eus pas de peine à me faire une opinion sur ce point. Je pouvais déjà disposer de quelques analyses achevées qui m’avaient fait connaître des exemples de représentations pathogènes oubliées et maintenues hors de la conscience. Je constatai que ces représentations possédaient un caractère commun : elles étaient toutes pénibles, propres à figurer des affects de honte, de remords, de souffrance morale. Elles évoquaient un préjudice moral, tous ces sentiments appartenaient à la catégorie de ceux qu’on voudrait bien n’avoir jamais éprouvés et qu’on préfère oublier. Tout cela suggérait naturellement l’idée d’une réaction de défense. Les psychologues admettent généralement que l’acceptation d’une nouvelle représentation (le mot acceptation étant pris dans le sens de créance, de reconnaissance d’une réalité) dépend du genre et de la tendance des représentations déjà réunies dans le moi. Ils ont créé pour désigner l’action de la censure qui s’applique à ces nouvelles idées des dénominations techniques particulières. Une représentation accède au moi, s’y avère inconciliable et suscite en lui une force de répulsion. Celle-ci constitue une défense contre l’idée inconciliable défense qui atteint son but, la représentation en question étant rejetée hors du conscient et hors du souvenir et ne laissant, en apparence du moins, nulle trace. Mais cette trace devait subsister. En m’efforçant de diriger vers elle l’attention du patient, je sentais cette force de répulsion, celle même qui s’était manifestée par un rejet lors de la genèse du symptôme, agir sous la forme d’une résistance. Lorsque je réussissais à faire admettre comme vraisemblable le fait que la pathogénéité de la représentation était justement due au rejet et au refoulement, la chaîne paraissait se refermer. Dans plusieurs analyses critiques et dans un petit travail sur les névroses de défense (1894), j’ai essayé d’indiquer les hypothèses psychologiques à l’aide desquelles il deviendrait possible d’expliquer aussi cette réaction – le fait de la conversion.

C’était donc une force psychique, une aversion du moi, qui avait primitivement provoqué le rejet de l’idée pathogène hors des associations et qui s’opposait au retour de celle-ci dans le souvenir. L’ignorance des hystériques était ainsi un refus plus ou moins conscient et la tâche du thérapeute consistait à vaincre, par un travail psychique, cette résistance aux associations. C’est ce qu’obtient le praticien, d’abord par « insistance », en utilisant une contrainte psychique dans le but d’attirer l’attention du malade sur les traces des représentations cherchées. Mais sa tâche n’en est pas pour cela achevée. Il doit, comme je le montrerai, adopter d’autres mesures encore et faire appel à d’autres forces psychiques.

N’abandonnons pas encore la question de l’insistance. En se contentant simplement d’affirmer aux malades qu’ils savent, qu’ils doivent parler, qu’ils vont tout de suite se souvenir, on n’avance guère. Après quelques phrases le fil des associations se rompt chez les patients en état de « concentration ». Mais n’oublions pas qu’il s’agit partout d’un parallèle d’ordre quantitatif, d’une lutte entre des motivations plus ou moins puissantes ou intenses. Dans les cas graves d’hystérie les exhortations d’un médecin étranger, non au courant des faits, ne peuvent égaler la « résistance aux associations ». Il faut recourir à des procédés plus efficaces.

Je fais, en pareil cas, usage d’un petit artifice technique. J’informe mon malade que je vais, dans l’instant qui suivra, exercer une pression sur son front et lui assure que, pendant tout le temps que durera cette pression, un souvenir surgira en lui sous la forme d’une image ou bien qu’une idée se présentera à son esprit. Je lui enjoins de me faire part de cette image ou de cette idée quelles qu’elles puissent être. Il ne doit pas les taire, même s’il pense qu’elles n’ont aucun rapport avec ce qu’on recherche, qu’il ne s’agit pas de cela ou encore s’il les trouve désagréables à révéler. Aucune critique, aucune réserve ne sont admises même pour des raisons d’affect ou de mésestimation ! C’est de cette façon seulement que nous parviendrions immanquablement à trouver ce que nous recherchons. Puis j’exerçai pendant quelques secondes une pression sur le front du malade allongé devant moi et lui demandai ensuite, d’un ton assuré, comme si la déception était impossible : « Qu’avez-vous vu ? » ou « A quoi avez-vous pensé ? »

Ce procédé, tout en me permettant d’arriver au but visé, m’a appris bien des choses ; je ne saurais plus m’en passer aujourd’hui. Je n’ignore naturellement pas que je pourrais remplacer par quelque autre manœuvre ou quelque autre action corporelle, ma pression sur le front. Mais mon malade étant allongé devant moi, je trouve qu’exercer cette pression sur son front ou prendre sa tête entre mes deux mains me fournit le moyen le plus commode et le plus évocateur dont je puisse disposer. Pour expliquer l’efficacité de cet artifice, je pourrais, par exemple, dire qu’il correspond à « une hypnose temporairement renforcée », mais le mécanisme de l’hypnose semble si énigmatique que je ne voudrais pas m’appuyer sur lui pour fournir quelque explication. Je crois plutôt que l’avantage du procédé tient au fait que, grâce à lui, j’arrive à détourner l’attention du malade de sa recherche et de ses réflexions conscientes, bref de toutes les choses qui pourraient traduire sa volonté ; tout cela rappelle ce qui se passe lorsqu’on fixe un globe de cristal, etc. Mais chaque fois je découvre ce que je cherche par cette pression de la main, d’où la conclusion suivante : la représentation pathogène soi-disant oubliée est là, toute proche, on y accède par des associations facilement accessibles, il ne s’agit ainsi que de supprimer un certain obstacle qui semble ici encore être la volonté du patient. Les différents sujets apprennent plus ou moins facilement à renoncer à leur volonté et à se comporter en observateurs parfaitement objectifs à l’égard de leurs processus psychiques.

Ce n’est pas toujours un souvenir « oublié » qui surgit sous la pression de la main ; dans certains cas – extrêmement rares – les souvenirs authentiquement pathogènes se trouvent tout près de la surface ; mais bien plus souvent, la pensée qui resurgit représente, dans la chaîne des associations, un chaînon intermédiaire entre la représentation primitive et l’idée pathogène à découvrir ou encore on voit apparaître une représentation qui constitue le point de départ d’une nouvelle série de pensées et de souvenirs, série au bout de laquelle se découvre l’élément pathogène. Il est vrai qu’en ce cas, la pression ne dévoile pas cette dernière idée – qui d’ailleurs, arrachée sans préliminaires à son contexte, demeurerait incompréhensible – mais montre néanmoins la voie à suivre, indique la direction dans laquelle les recherches doivent être poursuivies. La première représentation suscitée par la pression peut correspondre à un souvenir bien connu, n’ayant jamais été refoulé. Quand, sur la voie de la représentation pathogène, la chaîne des associations se rompt à nouveau, il suffit de répéter le procédé pour créer une nouvelle orientation et de nouveaux liens associatifs.

Dans d’autres cas encore, il arrive que l’apparition d’un souvenir bien connu pourtant, surgi sous la pression de la main, stupéfie le malade parce que celui-ci en avait oublié la connexion avec la représentation ayant servi de point de départ. La suite de l’analyse doit mettre ce lien en lumière. Tous les résultats de ce procédé donnent l’impression trompeuse qu’il existe, en dehors du conscient des sujets, une intelligence supérieure qui détient et groupe dans un but déterminé d’importants matériaux psychiques. Elle semble avoir trouvé, pour le retour dans le conscient de ceux-ci, un ingénieux arrangement. Mais je suppose que cette seconde intelligence inconsciente n’est qu’apparente.

Dans toute analyse compliquée, nous employons couramment sinon toujours, ce même procédé. Il permet de trouver, à partir de l’endroit où s’interrompent les retours en arrière de la patiente, la voie qu’il faut suivre, à travers les souvenirs conservés ou encore il met en valeur certaines connexions tombées dans l’oubli, évoque et réinsère des réminiscences depuis longtemps retirées des associations tout en constituant vraiment des souvenirs que l’on reconnaît. Enfin, et c’est là le point le plus important, il permet l’émergence de pensées que le malade refuse toujours de reconnaître comme siennes, dont il ne se souvient pas du tout, bien qu’il admette qu’elles appartiennent sans conteste aux associations et qu’il se convainque que ce sont justement ces idées-là qui amènent la fin de l’analyse et la cessation des symptômes.

Je vais essayer d’exposer, en les sériant, quelques exemples des excellents résultats fournis par ce procédé technique : je soignais une jeune fille affectée, depuis six ans, d’une toux nerveuse insupportable qui, évidemment, trouvait un aliment dans chaque catarrhe banal mais devait avoir une forte motivation psychique. Toutes les thérapeutiques s’étaient montrées inefficaces. Je cherchai donc à me servir de l’analyse psychique pour supprimer ce symptôme. La jeune personne ne sait qu’une chose, c’est que cette toux nerveuse a débuté à l’époque où, âgée alors de 14 ans, elle se trouvait en pension chez une de ses tantes. Elle ne veut pas entendre parler d’éventuelles émotions alors éprouvées et ne croit pas à une motivation de son mal. Sous la pression de ma main, elle pense tout d’abord à un grand chien, puis reconnaît cette image mnémonique. Il s’agit de l’un des chiens de sa tante qui s’était attaché à elle, la suivait partout, et ainsi de suite. Ah oui ! maintenant, elle se le rappelle sans que j’aie à intervenir, ce chien mourut, les enfants l’enterrèrent en grande pompe et c’est en revenant de cet enterrement qu’elle eut sa première quinte. J’en demande la raison, mais suis obligé de renouveler ma pression ; une pensée surgit alors : « Me voilà toute seule au monde maintenant. Personne ici ne m’aime, cet animal était mon seul ami et je l’ai perdu. » Elle poursuit son récit : « Ma toux cessa quand je quittai ma tante, mais pour réapparaître dix-huit mois plus tard. » – « Pour quel motif ? » – « Je n’en sais rien. » J’exerce à nouveau ma pression. Elle se rappelle qu’en apprenant la mort de son oncle, la toux la reprit et que les mêmes pensées lui étaient venues. L’oncle en question était soi-disant le seul qui, dans cette famille, eût eu un sentiment pour elle, l’eût aimée. Telle était donc la représentation pathogène : on ne l’aimait pas, on lui préférait n’importe qui, elle ne méritait d’ailleurs pas d’être aimée, etc. Toutefois quelque chose d’autre devait encore se rattacher à cette conception de « l’amour », quelque chose qu’une forte résistance l’empêchait de révéler. L’analyse fut interrompue avant que cette question pût être résolue.

Il y a quelque temps, je fus appelé à débarrasser de ses accès d’angoisse une dame âgée dont le caractère semblait mal se prêter à cette sorte d’action. A partir de sa ménopause, cette dame était devenue d’une extrême piété, me recevait chaque fois en tenant caché dans sa main un petit crucifix en ivoire, comme si j’étais Satan. Ses accès d’angoisse, de teinte hystérique, remontaient à ses premières années de jeunesse et avaient soi-disant été provoqués par l’emploi d’une préparation iodée ordonnée à la jeune fille pour combattre un gonflement de la thyroïde. Je rejetai, cela va de soi, cette explication et cherchai à lui en substituer une autre qui concorderait mieux avec mes vues sur l’étiologie des symptômes névrotiques. Je commençai par l’interroger sur les impressions de jeunesse susceptibles d’avoir quelque rapport avec ses accès d’angoisse. Sous la pression de ma main surgit alors le souvenir de la lecture d’un livre dit édifiant où il était fait mention, avec assez de pieuses restrictions, aux phénomènes sexuels. Le passage en question avait fait, sur la fillette, l’impression inverse de celle qu’espérait susciter l’auteur ; elle fondit en larmes et rejeta le livre. Cet incident avait précédé le premier accès d’angoisse. Une deuxième pression sur le front de la malade évoqua une autre réminiscence, le souvenir d’un précepteur de ses frères qui lui témoignait beaucoup de respect et pour lequel elle éprouvait un tendre sentiment. Ce souvenir atteignait son point culminant dans le rappel d’une soirée à la maison paternelle où tous, assis autour d’une table en compagnie de ce jeune homme, avaient pris part, avec grand agrément, à une conversation animée. Dans la nuit qui suivit, la malade fut réveillée par son premier accès d’angoisse, probablement dû plus à une révolte contre quelque excitation sensuelle qu’au traitement iodé appliqué à cette même époque. Par quel autre procédé serais-je parvenu à déceler chez cette malade récalcitrante, dressée contre moi et contre tout remède temporel [non religieux], un semblable enchaînement de faits ?

Une autre fois, c’est à une jeune femme, heureuse en ménage, que j’eus affaire. Dès ses premières années de jeunesse et pendant une certaine période de temps, on la trouvait tous les matins en proie à un état de torpeur avec les membres rigides, la bouche ouverte, la langue pendante. Des phénomènes analogues, bien que moins marqués, se reproduisaient maintenant au réveil. Il fut impossible de la plonger dans un état hypnotique profond. Je commençai donc mes investigations en provoquant un état de concentration et lui affirmai que, dès la première pression, elle verrait quelque chose datant de son enfance et qui serait en rapport direct avec les motifs de son état. Elle se prêta avec tranquillité et de bonne grâce à mon procédé, revit la maison où s’étaient écoulées ses années de jeunesse, sa chambre, la position de son lit, sa grand-mère qui habitait alors avec eux et l’une de ses gouvernantes qu’elle avait beaucoup aimée. Plusieurs petites scènes, toutes vraiment insignifiantes, survenues dans cette maison et entre ces personnages, se succédèrent. Pour conclure, la malade me conta le départ de sa gouvernante qui les quittait pour se marier. Je ne savais vraiment comment interpréter ces réminiscences et n’arrivais à établir aucun lien entre elles et l’étiologie des accès. Cependant certaines circonstances permettaient de retrouver le moment où ces derniers s’étaient produits pour la première fois.

Avant même que je puisse poursuivre cette analyse, une occasion me fut offerte de parler à l’un de mes collègues qui avait, autrefois, été le médecin attitré de la famille. Il me donna les renseignements suivants : à l’époque où il soignait, pour ses premiers accès, cette adolescente physiquement bien développée, il fut frappé de la façon excessivement tendre dont elle et la gouvernante se traitaient. Ayant conçu certains soupçons, il avertit la grand-mère et l’invita à surveiller ces relations. Peu de temps après, la vieille dame lui apprit que la gouvernante avait l’habitude de faire des visites nocturnes à l’enfant, dans son lit et que c’était après de semblables nuits que l’on découvrait celle-ci en proie à son accès. Sans hésiter, ils décidèrent alors, en évitant tout scandale, d’éloigner cette dépravatrice de la jeunesse. On fit croire aux enfants et à leur mère également que la gouvernante quittait la maison pour se marier.

Le traitement couronné de succès qui suivit consista simplement à révéler à la jeune femme l’explication qui m’avait été donnée.

Il arrive parfois que les renseignements obtenus par le procédé de la pression se produisent sous une forme très curieuse et qui font apparaître plus séduisante encore l’hypothèse d’une intelligence inconsciente. Je me souviens ainsi d’une dame souffrant depuis de nombreuses années d’idées obsédantes et de phobies qui, tout en rapportant l’apparition de ses troubles à ses années d’enfance, en ignorait absolument la cause. Sincère et intelligente, elle ne m’opposait qu’une résistance consciente à peine perceptible. (J’ajouterai ici que le mécanisme des idées obsédantes a avec celui du symptôme hystérique une parenté interne très étroite et que la technique de l’analyse doit être la même dans les deux cas.)

Quand je demandai à cette dame si, sous la pression de ma main, elle avait vu quelque chose, elle me répondit : « Rien du tout, mais tout à coup j’ai pensé à un mot. » – « A un seul mot ? » – « Oui, mais ça me semble trop bête. » – « Dites-le quand même. » – « Eh bien, concierge. » – « Rien d’autre ? » – « Non. » J’exerce une deuxième pression et un autre mot lui traverse l’esprit : « Chemise. » – Je remarque alors qu’il y a ici une nouvelle façon de répondre et, en répétant la pression, je provoque l’énonciation d’une série de mots en apparence dénuée de sens : « Concierge, chemise, lit, ville, charrette. » – « Que signifie tout cela ? » Elle réfléchit un moment puis une idée lui vient à l’esprit : « Il ne peut s’agir que d’une histoire dont je me souviens maintenant. J’avais 10 ans et celle de mes sœurs dont l’âge se rapprochait le plus du mien – elle avait 12 ans – eut, une nuit, un accès de délire. On fut obligé de la ligoter et de la transporter sur une charrette à la ville. Je sais avec certitude que c’est le concierge qui la maîtrisa et qui la conduisit ensuite à la maison de santé. » Nous persévérons dans notre méthode de recherche et notre oracle nous fait entendre d’autres paroles que nous ne pûmes toutes interpréter, mais qui permirent de poursuivre cette histoire et de lui en rattacher une autre. Bientôt aussi nous arrivâmes à saisir la signification de ces réminiscences. Si la maladie de sa sœur l’avait aussi vivement frappée, c’est qu’elles partageaient un secret ; couchant dans la même chambre, elles avaient toutes deux été, une certaine nuit, victimes d’une tentative de viol commise par le même homme. La mention de ce traumatisme sexuel, subi dans la première jeunesse, permit de découvrir non seulement l’origine des premières idées obsédantes, mais aussi le traumatisme pathogène qui avait ultérieurement agi. L’originalité de ce cas ne tient qu’à l’apparition de mots importants isolés dont nous devions ensuite faire des phrases, car le manque apparent de rapports et de liens affecte toutes les idées, toutes les scènes généralement évoquées par la pression, de la même façon qu’il affectait les mots lancés comme des oracles. Par la suite, on est toujours en mesure d’établir que les réminiscences en apparence décousues se trouvent étroitement liées par des connexions d’idées et qu’elles mènent tout à fait directement au facteur pathogène recherché.

Je pense volontiers à un cas d’analyse où ma confiance dans les résultats de la pression fut mise à une rude épreuve pour se trouver, par la suite, brillamment justifiée. Une jeune femme fort intelligente et semblant très heureuse était venue me consulter au sujet d’une douleur persistante au bas-ventre qu’aucun traitement n’était capable de guérir. Je reconnus que cette douleur siégeait dans les parois intestinales, qu’elle était attribuable à des callosités musculaires palpables et j’ordonnai un traitement local.

Au bout de quelque temps, je revis la malade. « Ma douleur d’alors », me dit-elle, « a disparu après le traitement que vous m’aviez prescrit, mais maintenant elle s’est transformée en douleur nerveuse. Je m’en rends bien compte parce qu’elle ne survient plus, comme jadis, lorsque je fais certains mouvements, mais à des moments fixes, par exemple le matin, au réveil, et quand j’ai certaines contrariétés bien déterminées. » Le diagnostic posé par cette dame était parfaitement exact. Il s’agissait maintenant de découvrir la cause de cette douleur et la patiente ne pouvait, sans y avoir été incitée, m’être d’aucun secours. Il fallait recourir à la suggestion. Quand je l’interrogeai sur ce qu’elle pensait ou voyait, dans un état de concentration et sous la pression de ma main, elle choisit les images et entreprit de me raconter ses visions. Elle voyait comme une sorte de soleil avec des rayons, ce que naturellement je pris pour un phosphène provoqué par cette pression sur les globes oculaires. Je m’attendais à l’émission de paroles utilisables, mais elle poursuivit, déclarant voir des étoiles brillant d’une étrange lumière bleuâtre semblable à celle de la lune, et ainsi de suite. Des points scintillants, brillants, étincelants devant les yeux, pensai-je. J’étais tout prêt à considérer cette tentative comme un échec et je songeais déjà à la façon dont je pourrais habilement me tirer d’affaire lorsqu’une des visions qu’elle décrivait retint mon attention : une grande croix noire qu’elle voyait penchée et bordée de ces mêmes lueurs lunaires qui avaient éclairé toutes les images qu’elle venait de voir. Sur les poutres croisées, une petite flamme vacillait ; il ne s’agissait évidemment plus là de phosphènes. J’écoutai. Une foule d’images se présentaient dans la même clarté, des signes bizarres rappelant à peu près des caractères sanskrits, des figures géométriques, par exemple des triangles et parmi eux un plus grand. Puis à nouveau la croix…

Cette fois, je pense à quelque signification allégorique et demande ce que signifie cette croix. « Probablement la douleur », me répond-elle. Je réponds que c’est plutôt à un fardeau moral qu’on donne le nom de croix. Que se dissimule-t-il derrière cette douleur ? Elle l’ignore et se replonge dans ses visions : un soleil avec des rayons dorés qu’elle sait interpréter. C’est Dieu, la force primitive. Ensuite un lézard gigantesque qui la regarde d’un air interrogateur, mais non effrayant, ensuite un tas de serpents, puis à nouveau un soleil, mais, cette fois, avec de doux rayons argentés et devant, entre cette source de lumière et sa propre personne, une grille qui dissimule le point central de l’astre.

Je sais depuis longtemps que j’ai affaire à des allégories et j’interroge immédiatement la patiente sur la signification de la dernière image. Elle répond sans avoir pris la peine de réfléchir : « Le soleil c’est la perfection, l’idéal ; la grille représente mes faiblesses, mes erreurs qui me barrent le chemin de l’idéal. » – « Vous reprocheriez-vous quelque chose ? Seriez-vous mécontente de vous-même ? » –  « Bien sûr. » – « Et depuis quand ? » – « Depuis que je fais partie de la société de théosophie et que je lis ses publications. » – « Et qu’est-ce qui vous a fait, en dernier lieu, la plus grande impression ? » – « Une traduction du sanskrit qui paraît actuellement en fascicules. » Une minute plus tard elle m’initie à ses conflits moraux, aux reproches qu’elle s’adresse et elle me raconte un petit incident ayant suscité chez elle des remords et à l’occasion duquel la douleur organique antérieure résulta d’abord d’une conversion d’émoi. Les visions que j’avais prises pour des phosphènes étaient des symboles d’associations d’idées relatives à l’occultisme, peut-être même des symboles empruntés à des couvertures de livres traitant de ce sujet.

Ayant ainsi fait un grand éloge des résultats de mon procédé auxiliaire de pression, tout en négligeant beaucoup les questions de défense ou de résistance, j’ai dû donner au lecteur l’impression que l’on pouvait arriver, par le moyen de ce petit artifice, à surmonter les obstacles psychiques s’opposant au traitement cathartique. Mais croire cela serait se tromper lourdement. Il n’existe pas, que je sache, de profits semblables en thérapeutique. Ici comme ailleurs, de grands avantages ne sauraient s’obtenir qu’au prix de grands efforts. Le procédé par pression n’est qu’un artifice comme un autre. Grâce à lui le moi qui aspire à se défendre est attaqué à l’improviste. Dans tous les cas plus sérieux, le moi refuse de renoncer à ses desseins et poursuit sa résistance.

Envisageons toutes les formes que revêt cette résistance. Disons d’abord que la tentative par pression échoue généralement la première ou la seconde fois et le malade, très déçu, dit alors : « Je m’attendais à avoir une idée, mais je n’ai pensé qu’à mon état d’attente anxieuse et rien ne m’est venu à l’esprit. » Il ne faut pas ranger parmi les obstacles cette « prise de position » du patient ; on lui répond : « C’est que justement vous avez été trop curieux ; ça marchera mieux la deuxième fois. » Et, en effet, cette deuxième tentative donne de meilleurs résultats. Chose surprenante, il arrive très souvent que les malades – même les plus dociles et les plus intelligents – oublient la promesse qu’ils avaient faite auparavant. Ils s’étaient engagés à révéler tout ce qui leur traverserait l’esprit au moment où j’appuierais sur leur front, même si l’idée qui surgirait leur paraissait dénuée d’importance ou désagréable à dire. Ils ne choisiraient pas, ne mettraient en jeu ni esprit critique ni affectivité. Malgré cela, ils ne tiennent pas leur promesse, ce qui est évidemment au-dessus de leurs forces. Infailliblement, le travail s’arrête et les malades prétendent toujours n’avoir cette fois-là pensé à rien. Il convient de ne pas ajouter créance à leurs affirmations et il faut admettre et dire qu’ils répriment quelque chose qu’ils considèrent comme inutile de mentionner ou pénible à avouer. On insiste et renouvelle la pression en continuant d’affirmer l’infaillibilité du procédé jusqu’au moment où les patients parlent vraiment. Ils déclarent alors : « J’aurais bien pu vous dire ça tout de suite ! » – « Pourquoi alors ne l’avez-vous pas dit ? » – « Parce que je n’aurais jamais cru que c’était ça. Ce n’est qu’en y repensant que je me suis décidé à le dire. » Ou encore : « J’espérais que ce ne serait pas ça et pensais pouvoir ne pas le dire. C’est seulement en voyant que je n’arrivais pas à le chasser que j’ai vu qu’il n’y avait rien à faire ! » – Le malade révèle ainsi une résistance qu’au début il avait voulu nier. De toute évidence il ne pouvait faire autre chose que résister.

On est surpris de voir par quels faux-fuyants les malades masquent souvent cette résistance : « Je suis distrait aujourd’hui, la pendule ou le piano de la pièce voisine me gênent. » A cela je fais habituellement la réponse suivante : « C’est inexact. Vous êtes en train de vous heurter à quelque chose qu’il vous est désagréable de dire – mais à quoi bon ? Ne vous écartez pas de ce sujet. » Ma méfiance augmente à mesure que se prolonge l’intervalle entre la pression de ma main et la réponse du malade et plus s’accroît aussi ma crainte qu’il n’accommode les idées surgies, qu’il ne les arrange à sa façon. Avant de faire les révélations les plus importantes, le malade déclare souvent qu’elles ne comportent que des bagatelles inutiles, ce qui fait penser à cet opéra où un prince se déguise en mendiant : « J’ai eu une idée, mais elle n’a aucun rapport avec tout ça. Je ne vous la dis que parce que vous exigez de tout savoir. » C’est ordinairement la solution longtemps cherchée que ce prélude annonce. Mon attention s’éveille quand j’entends un malade parler ainsi d’un ton méprisant d’une idée. Le fait que les représentations pathogènes paraissent aussi peu importantes au moment de leur réapparition est l’indice d’une défense réussie ; on voit par là de quelle façon s’est déroulé le processus défensif : il avait pour tâche de transformer une représentation puissante en représentation faible, à lui arracher tout affect.

On reconnaît ainsi le souvenir pathogène au fait que le malade, tout en le citant avec répugnance, le minimise en le qualifiant d’insignifiant. Dans certains cas, le malade cherche même, lors du retour de cette réminiscence, à la nier. « Je viens d’avoir une idée, mais c’est certainement vous qui me l’avez suggérée », ou encore : « Je sais bien quelle réponse vous voulez obtenir. Vous croyez sûrement que j’ai pensé à ceci ou à cela. » Une façon particulièrement intelligente de nier consiste à dire : « C’est vrai, une idée m’est venue mais il me semble bien que c’est moi qui ai volontairement voulu l’ajouter. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une idée réapparue. » Dans tous ces cas, je maintiens imperturbablement mes affirmations et n’accepte aucune de ces distinctions. J’explique au patient qu’il ne s’agit là que d’apparences et de prétextes dont la résistance se sert pour s’opposer au retour d’un souvenir que nous devons bien reconnaître en dépit de tout.

Le retour des images nous donne généralement moins de peine que celui des idées. L’analyste a moins de difficultés, à ce point de vue, avec les hystériques – qui sont le plus souvent des visuels – qu’avec les obsédés. Lorsqu’une image a réapparu dans le souvenir, le sujet déclare parfois qu’elle s’effrite et devient indistincte à mesure qu’il en poursuit la description. Tout se passe, quand il transpose la vision en mots, comme s’il procédait à un déblaiement. L’image mnémonique elle-même fournit l’orientation, indique dans quelle direction le travail devra s’engager. « Regardez encore une fois l’image. A-t-elle disparu ? » – « Dans son ensemble, oui, mais je vois encore un détail. » – « C’est alors qu’il doit avoir son importance. Ou vous apercevrez encore quelque chose de nouveau ou ce qui reste vous suggérera une idée. » Une fois le travail terminé, le champ visuel redevient libre et l’on peut évoquer une autre image. Mais parfois la même image continue opiniâtrement à se présenter à la vue intérieure du malade bien qu’il l’ait déjà décrite. C’est alors pour moi l’indice que le malade a encore quelque chose d’important à me dire à propos de cette image. Dès qu’il l’a révélé, l’image disparaît à la manière d’un fantôme racheté qui trouve enfin le repos.

Il importe naturellement pour que l’analyse puisse se poursuivre que le praticien ne se trouve jamais en défaut, sinon il dépendrait de ce que le malade jugerait bon de révéler. C’est pourquoi il est rassurant de savoir que le procédé par pression ne connaît pas d’échec, à l’exception d’un seul cas dont je parlerai plus tard. Toutefois je tiens dès maintenant à faire observer à propos de ce dernier qu’il comporte la présence d’un motif particulier de résistance. Le procédé peut évidemment être quelquefois utilisé dans des conditions où rien ne peut être mis au jour ; ainsi on peut interroger le patient sur l’étiologie déjà connue d’un symptôme alors que celle-ci est déjà dépassée ou bien rechercher la généalogie psychique d’un symptôme, d’une douleur, par exemple, alors qu’il s’agit en réalité d’une douleur physique. En pareils cas, le malade prétend qu’aucune idée ne lui est venue et, cette fois, il a raison. Il faut bien se garder de le contredire, mais se faire une règle d’observer pendant l’analyse les jeux de physionomie du malade allongé. On arrivera sans peine alors à savoir si les réminiscences font réellement défaut, car l’expression du sujet révélera une paix intérieure. Au contraire, si le sujet se défend en cherchant à nier la réminiscence apparue, son état de tension, son émotion le trahiront. C’est sur de semblables expériences que repose d’ailleurs l’établissement du diagnostic différentiel par ce procédé.

Ainsi le travail accompli à l’aide du procédé par pression ne se réalise pas sans peine. Mais ses résultats nous ont appris – et c’est un avantage – comment diriger nos recherches et ce qu’il est nécessaire d’imposer au malade. Cela suffit dans certains cas ; il s’agit surtout pour moi de deviner le secret du patient et de le lui lancer au visage. Il est généralement obligé de renoncer à nier. Ailleurs, il faut agir davantage ; la résistance persistante du malade se traduit par une rupture des associations, un manque de solutions, un défaut de netteté des images et leur caractère incomplet. Quand, parvenu à un stade plus avancé de l’analyse, on jette un coup d’œil en arrière, on s’étonne de constater que les idées, les scènes que l’on avait arrachées au malade à l’aide du procédé par pression étaient toutes tronquées. C’était justement l’essentiel qui y faisait défaut, et c’est pour cette raison que les rapports, les personnes, le thème ou l’image restaient incompréhensibles. Je citerai un ou deux exemples des effets de cette censure lors de la première apparition des souvenirs pathogènes. Le malade, par exemple, voit un buste féminin voilé mais dont le voilage, comme par négligence, présente un trou ; bien plus tard, il ajoute une tête à ce torse, faisant ainsi connaître une certaine personne, une certaine relation. Ou encore il raconte un souvenir d’enfance relatif à deux gamins dont la description physique reste vague mais qui avaient la réputation d’être assez méchants. Ce ne fut qu’après de longs mois d’analyse et seulement lorsque de grands progrès se furent réalisés, que le sujet revit cette réminiscence et s’y reconnut ainsi que son frère. De quels moyens dispose-t-on pour vaincre cette résistance prolongée ?

Ces moyens, peu nombreux, sont presque toujours ceux que l’individu emploie pour exercer une influence morale quelconque. Sachons bien d’abord que toute résistance psychique, et notamment toute résistance depuis longtemps constituée, ne peut être liquidée que lentement, pas à pas, et qu’il faut s’armer de patience. Ensuite nous spéculons sur l’intérêt intellectuel que suscite, au bout de peu de temps, chez le malade, ce travail. En lui fournissant des explications, en lui révélant le monde merveilleux dès processus psychiques que de semblables analyses nous ont, nous-mêmes, permis de connaître, nous transformerons notre patient en collaborateur et l’amènerons à s’étudier lui-même avec l’intérêt objectif propre aux chercheurs. C’est ainsi que nous parviendrons à étouffer une résistance fondée sur l’affectivité. Enfin et c’est là notre plus puissant levier, nous essayerons, après avoir deviné les motifs de cette défense, de ravaler ces derniers ou même de les remplacer par d’autres, plus puissants qu’eux. Ici cesse sans doute la possibilité de mettre en formules la pratique psychothérapique. Nous agissons, autant que faire se peut, en instructeur là où l’ignorance a provoqué quelque crainte, en professeur, en représentant d’une conception du monde, libre, élevée et mûrement réfléchie, enfin en confesseur qui, grâce à la persistance de sa sympathie et de son estime une fois l’aveu fait, donne une sorte d’absolution. Dans la mesure où le permet l’intérêt que suscitent en nous le cas considéré et notre propre personnalité, nous cherchons à venir humainement en aide à notre patient. Pour exercer une action psychique de cette espèce, une condition s’avère indispensable : avoir à peu près deviné la nature du cas et les motifs de la défense. Il est fort heureux que la technique de l’insistance et le procédé par pression nous permettent justement d’y parvenir. Plus on a résolu d’énigmes de ce genre plus il deviendra peut-être facile d’en résoudre de nouvelles et plus vite aussi le travail vraiment curatif pourra être entrepris. Il faut bien se rendre compte du fait suivant : le malade se débarrasse de son symptôme hystérique en reproduisant les impressions pathogènes motivantes et en les révélant avec émotion, mais il n’en demeure pas moins vrai que la tâche curative consiste justement à l’y inciter. Une fois cette tâche accomplie, le médecin n’a plus rien à corriger ou à supprimer. Toutes les contre-suggestions nécessaires ont déjà été employées dans la lutte menée contre la résistance. Le cas peut se comparer à celui d’une porte verrouillée. Une fois le verrou ouvert, le déclenchement du loquet n’offre aucune difficulté.

A côté des facteurs intellectuels auxquels on fait appel pour vaincre la résistance, un facteur affectif dont on peut rarement se passer joue son rôle. Je veux parler de la personnalité du médecin et, dans de nombreux cas, c’est elle seulement qui sera capable de supprimer la résistance. Ici comme partout en médecine et dans toutes les méthodes thérapeutiques, il est impossible de renoncer totalement à l’action de ce facteur personnel.

III.

En présence de ces faits, le lecteur des commentaires qui précèdent et dans lesquels j’ai exposé sans fard les difficultés de ma technique se demandera s’il ne serait pas plus avantageux, pour éviter tous ces ennuis, de recourir plus énergiquement à l’hypnose ou de n’appliquer strictement le procédé cathartique qu’aux seuls malades hypnotisables. Disons tout de suite que j’ai pris mes exemples parmi les cas les plus difficiles et que, souvent, le traitement s’applique avec bien moins de difficulté. Je répondrai à la dernière question posée que le nombre des patients hypnotisables serait beaucoup trop faible pour ma capacité d’hypnotiseur. En ce qui concerne la première suggestion, je répliquerai que la résistance ne serait sans doute guère diminuée si l’on pratiquait une hypnose forcée. Le hasard a voulu que mes expériences à ce sujet fussent si peu nombreuses que je dois me borner à faire des hypothèses. Mais chaque fois que j’ai procédé à une cure cathartique, non par concentration mais avec le concours de l’hypnose, j’ai trouvé que le travail qui m’incombait ne s’en trouvait nullement diminué. J’ai récemment achevé un traitement de ce genre qui m’a permis de faire céder une paralysie hystérique de la jambe.

La patiente tomba dans un état psychiquement très différent de l’état de veille et qui, au point de vue somatique, se manifestait par l’impossibilité où elle se trouvait d’ouvrir les yeux ou de se soulever avant que je lui aie dit : « Maintenant, réveillez-vous ! » Et pourtant, je ne me suis nulle part ailleurs heurté à autant de résistance. Je n’attribuais aucune importance à ces signes corporels qui d’ailleurs devinrent imperceptibles vers la fin du dixième mois de traitement ; les conditions dans lesquelles se pratiquait ce traitement n’avaient en rien modifié ses particularités, c’est-à-dire la possibilité pour le sujet de retrouver des souvenirs inconscients et d’entretenir avec le médecin les rapports propres à cette méthode. L’histoire de Mme Emmy v. N… m’a, il est vrai, fourni l’occasion de décrire un traitement cathartique effectué en plein somnambulisme et où le rôle de la résistance était presque nul. Toutefois, pour me conter les incidents de sa vie, cette femme ne se heurtait à aucune difficulté particulière, il n’y avait rien qu’elle n’eût pu révéler, à l’état de veille, à quelque vieil ami intime. Je n’ai pas réussi à connaître les causes véritables de sa maladie, causes certainement identiques à celles des récidives survenues après mon traitement. Il faut dire que c’était mon premier essai de ce traitement. L’unique fois où je lui soutirai une réminiscence légèrement teintée d’érotisme, la malade montra la même résistance et fit un récit aussi imprécis que n’importe quel autre de mes patients non somnambules. En exposant ce cas, j’ai déjà parlé des résistances qu’elle opposait, même en état de somnambulisme, à d’autres incitations et à d’autres propositions. D’ailleurs, je doute fort maintenant de l’efficacité de l’hypnose dans les cures cathartiques, après avoir constaté l’échec thérapeutique total de traitements où les malades se montraient parfaitement obéissants pendant le sommeil hypnotique. J’ai déjà brièvement relaté (p. 2) un cas de ce genre et je pourrais en citer d’autres. J’avoue d’ailleurs que cette expérience a assez bien flatté mon besoin de rapports quantitatifs, même dans le domaine psychique, entre la cause et l’effet.

Dans l’exposé qui précède j’ai poussé au premier plan l’idée de la résistance ; j’ai montré comment nous étions amenés, au cours du travail thérapeutique, à trouver que l’hystérie se formait par suite du refoulement d’une idée intolérable et en tant que mesure de défense ; la représentation refoulée demeure sous la forme d’une trace mnémonique faible (peu intense) et l’affect concomitant qui lui avait été arraché sert ensuite à une innervation somatique, c’est-à-dire à une conversion de l’émoi. La représentation devient alors, du fait même de son refoulement, la cause des symptômes morbides, elle est donc pathogène. On a justement donné à l’hystérie, nanti de ce mécanisme psychique, le nom d’« hystérie de défense ». Nous avons maintes fois parlé, Breuer et moi-même, de deux autres sortes d’hystérie que nous avons qualifiées d’hystérie « hypnoïde » et d’hystérie de « rétention ». L’hystérie hypnoïde est la toute première que nous ayons eu l’occasion d’étudier. Je ne saurais donner un meilleur exemple de cette maladie qu’en citant le premier cas de Breuer, celui d’Anna O… Breuer a attribué à cette hystérie hypnoïde un mécanisme essentiellement différent de celui de la défense par conversion. En ce cas, la représentation deviendrait pathogène du fait que, surgie au moment où le sujet se trouvait dans un état psychique particulier, elle reste, dès le début, en dehors du moi. Aucune force psychique n’a donc dû agir pour la maintenir hors du moi et, lorsqu’on cherche à l’y introduire, en utilisant l’aide somnambulique, aucune résistance ne vient s’y opposer. Et de fait, dans le cas d’Anna O…, nulle résistance n’est perceptible.

J’attribue à cette distinction tant d’importance que je m’appuierais volontiers sur elle pour confirmer un diagnostic d’hystérie hypnoïde. Chose bizarre, je ne me suis jamais personnellement trouvé en face d’une hystérie hypnoïde vraie ; les cas que j’ai traités se sont mués en hystérie de défense. Certes, j’ai quelquefois eu affaire à des états isolés de conscience et qui, de ce fait, ne pouvaient être admis dans le moi. Parmi mes cas s’en trouvaient bien de semblables, mais alors je pouvais prouver que l’état soi-disant hypnoïde devait son isolement au fait qu’un groupe psychique, déjà auparavant scindé par la défense, était entré en jeu. Bref, je ne puis m’empêcher de soupçonner que les hystéries hypnoïdes et de défense ont quelque part une racine commune et que c’est la défense qui y est primaire. Toutefois je ne saurais en décider.

Mon opinion touchant « l’hystérie de rétention » est également incertaine. Ici encore le travail thérapeutique ne devrait se heurter à aucune résistance. Dans un cas que je considérais comme une hystérie de rétention typique, j’escomptais une réussite aisée et sûre, mais je fus déçu, quelque facilité qu’offrit vraiment le travail. Je suppose donc, avec toute la réserve qui sied à l’ignorance, qu’au fin fond de l’hystérie de rétention gît un élément de défense qui a transformé tout le processus en phénomène hystérique. Peut-être risquai-je, à cause de ma tendance à étendre le concept de défense sur tout l’ensemble de l’hystérie, de tomber dans le parti pris et l’erreur, mais c’est ce dont décideront, je l’espère, de nouvelles expériences.

Je n’ai jusqu’ici parlé que des difficultés et de la technique du procédé cathartique. Je voudrais encore ajouter quelques informations sur la façon dont se présente une analyse réalisée de cette façon. Bien que ce soit là pour moi un sujet très intéressant, je ne m’attends nullement à ce qu’il éveille, chez des personnes n’ayant jamais pratiqué cette sorte d’analyse, un intérêt analogue au mien. Nous allons continuer à parler de technique, mais cette fois pour en faire ressortir les difficultés inhérentes au contenu et dont le malade ne saurait être responsable. Elles doivent, en partie, être les mêmes dans les hystéries hypnoïdes ou de rétention que dans les hystéries de défense qui me paraissaient devoir être prises comme modèles. J’entreprends cette dernière partie de mon exposé en espérant que les particularités psychiques à découvrir auront, un jour, en tant que matériaux bruts, une certaine importance au point de vue d’une dynamique de la représentation.

La première et très forte impression produite par une semblable analyse tient certainement au fait que les matériaux psychiques pathogènes soi-disant oubliés, dont le moi ne dispose pas et qui ne jouent aucun rôle dans les associations et le souvenir, sont malgré tout présents et rangés en bon ordre. Il s’agit seulement d’écarter les résistances qui nous empêchent de parvenir jusqu’à eux. Par ailleurs ce matériel est connu82, de la même façon dont nous connaissons en général quelque chose. Les associations correctes entre les diverses représentations et avec des idées non pathogènes dont le souvenir se présente souvent existent bien, ont de leur temps constitué des réalités et se sont maintenues dans la mémoire. Les matériaux pathogènes semblent appartenir en propre à une intelligence non nécessairement inférieure au moi normal. L’apparence d’une personnalité seconde est souvent des plus trompeuses.

Cette impression est-elle exacte ? Ne reporte-t-on pas en pareil cas à l’époque de la maladie l’ordonnance des matériaux telle qu’elle se présente après la liquidation ? Ce sont là des questions auxquelles je ne suis pas encore en mesure de répondre et que je ne voudrais d’ailleurs pas traiter ici. Quoi qu’il en soit, l’on ne pourrait mieux et plus explicitement décrire les expériences faites au cours de ces analyses qu’en considérant tout l’ensemble des faits une fois la liquidation réalisée.

L’état des choses n’est généralement pas aussi simple que la description de certains cas particuliers le ferait croire, comme, par exemple, quand un grave traumatisme n’a créé qu’un seul symptôme. Dans la plupart des cas ce n’est pas à un unique symptôme hystérique qu’on a affaire, mais à plusieurs dont les uns sont autonomes et les autres non. Il ne faut pas s’attendre à découvrir un seul souvenir traumatique issu d’une unique représentation pathogène, mais, au contraire, toute une série de traumatismes partiels et d’associations d’idées pathogènes. L’hystérie traumatique monosymptomatique apparaît, pour ainsi dire, comme un organisme élémentaire, un être monocellulaire, lorsqu’on la compare à la structure complexe d’une grave névrose hystérique, pareille à celle que nous rencontrons habituellement.

Les matériaux psychiques d’une semblable hystérie se présentent alors comme un édifice à plusieurs dimensions comportant pour le moins trois sortes de stratification. J’espère être bientôt en mesure de justifier cette façon imagée de m’exprimer. Il y a d’abord un noyau de souvenirs (souvenirs d’événements ou de suite d’idées) où le facteur traumatisant a culminé ou bien où l’idée pathogène s’est le plus nettement formée. Autour de ce noyau se trouve une quantité souvent étonnamment abondante de matériaux mnémoniques qu’il va falloir perlaborer à fond dans l’analyse en ordre triple, comme nous l’avons dit. En premier lieu, on reconnaît une évidente disposition chronologique linéaire, réalisée à l’intérieur de chacun des thèmes en question. Pour en donner un exemple, il suffit de citer l’ordonnance chronologique du cas d’Anna O… rapporté par Breuer. Prenons l’exemple de la surdité, de la non-audition. On y découvre sept catégories différentes. Dans chacune se trouvent rassemblés, en ordre chronologique, de dix à plus de cent souvenirs particuliers. Tout se passe comme si l’on dépouillait des archives tenues dans un ordre parfait. Dans l’analyse de ma patiente, Emmy v. N…, je trouvai un ensemble de contenus semblable, bien que moins complet. C’est d’ailleurs là un fait ordinaire et qui se présente dans toutes les analyses. L’ordre chronologique en est aussi rigoureux que l’est celui des jours de la semaine ou des mois de l’année chez les personnes mentalement normales. Ces ensembles rendent plus malaisé le travail analytique du fait que l’ordre chronologique d’apparition des incidents s’y trouve inversé ; c’est l’incident le plus récent, le dernier vécu qui se présente le premier à la façon d’une « chape ». C’est l’impression originelle, celle qui s’est, en réalité, produite au début de la série, qui met le point final.

J’ai indiqué que le groupement de ces sortes de souvenirs en une pluralité d’assises, de strates linéaires se présentait comme un dossier d’actes, un paquet, etc., et caractérisait la formation d’un thème. Ces thèmes sont autrement groupés encore, ce que je ne saurais décrire qu’en disant qu’ils sont concentriquement disposés autour du noyau pathogène. Il n’est pas difficile de dire ce que représente cette stratification, ni suivant quelle proportion croissante ou décroissante elle se produit. Ce sont des strates présentant une résistance égale, résistance qui croît lorsqu’on s’approche du noyau, donc des zones comportant une égale altération de la conscience, zones dans lesquelles s’étalent les différents thèmes. Les strates les plus extérieures comprennent les souvenirs (ou faisceaux de souvenirs) qui peuvent le plus facilement revenir à la mémoire et sont toujours clairement conscients. A mesure que l’on pénètre plus profondément au travers de ces couches, la reconnaissance des souvenirs qui émergent se fait plus difficile jusqu’au moment où l’on se heurte au noyau central des souvenir dont le patient persiste à nier l’existence lors de leur apparition.

C’est cette particulière disposition concentrique des matériaux psychiques pathogènes qui confère, nous le verrons, son caractère propre à la marche des analyses. Citons encore maintenant une troisième sorte d’agencement, la plus essentielle, celle dont on peut le plus malaisément tirer une règle générale. Je veux parler de la disposition suivant le contenu mental, l’enchaînement par des liens logiques se prolongeant jusqu’au noyau, et qui, dans chaque cas, peut suivre un chemin irrégulier, une voie très sinueuse. Cette disposition a un caractère dynamique, à l’inverse du caractère morphologique des deux assises précédemment citées. Ces dernières pouvaient être figurées par un schéma spatialement tracé, par des lignes continues courbes et droites. Au contraire pour nous figurer l’enchaînement logique, nous nous représenterons une baguette pénétrant par les voies les plus sinueuses, depuis la périphérie jusqu’aux couches les plus profondes et inversement, mais plus généralement, de l’extérieur au noyau central en s’arrêtant à toutes les stations, ce qui rappelle le problème des zigzags du cavalier sur les damiers des jeux d’échecs.

Servons-nous un moment encore de cette comparaison pour soulever un point où cette fois elle s’écarte des particularités de l’objet comparé. L’enchaînement logique ne rappelle pas seulement une ligne en zigzag, mais plutôt un système de lignes ramifiées et surtout convergentes. Ce système présente des nœuds où se rencontrent deux ou plusieurs lignes. Une fois réunies, ces lignes poursuivent ensemble leur route. En règle générale, plusieurs lignes, indépendantes les unes des autres ou parfois reliées, débouchent ensemble dans le noyau central. Autrement dit, il convient de noter avec quelle fréquence un symptôme est multi – ou surdéterminé.

J’ai tenté de décrire l’organisation des matériaux psychiques pathogènes. J’achèverai mon exposé en faisant mention d’une seule et dernière complication. Il arrive parfois que l’on ait affaire, dans les matériaux pathogènes, non point à un seul noyau, mais à plusieurs, par exemple quand il faut analyser un second accès hystérique possédant son étiologie particulière mais qui est, malgré tout, lié à un premier accès aigu déjà depuis longtemps surmonté. On se représente sans peine quelles assises, quelles chaînes de pensée, s’interposent en pareil cas pour relier entre eux les deux noyaux pathogènes.

Ajoutons certaines remarques à l’image ainsi tracée de l’organisation des matériaux pathogènes. Nous avons dit de ces matériaux qu’ils jouaient le rôle d’un corps étranger ; le traitement agit en débarrassant le tissu vivant de ce corps. Nous voilà maintenant en mesure de voir par où pèche notre comparaison. Un corps étranger, bien qu’il modifie les couches de tissus qui l’entourent et qu’il y provoque une réaction inflammatoire, ne se lie nullement à elles. Au contraire, nos groupes psychiques pathogènes ne se laissent pas aussi facilement extraire du moi ; leurs couches superficielles s’intègrent partout dans les éléments du moi normal et lui appartiennent tout autant qu’à l’organisation pathogène. La limite entre les deux est, en analyse, purement conventionnelle et se trouve tantôt à tel endroit, tantôt à tel autre et, parfois même, il devient impossible de les localiser. Les couches intérieures deviennent de plus en plus étrangères au moi sans que là encore la limite du pathogène devienne quelque part visible. L’organisation pathogène n’agit pas réellement comme un corps étranger, mais plutôt comme un infiltrat. Dans ce parallèle, c’est la résistance qui représente l’élément infiltrant. La thérapeutique ne consiste pas à extirper, ce qu’aujourd’hui encore elle ne saurait réaliser, mais s’efforce de faire cesser la résistance pour permettre ainsi la libre circulation dans une voie jusqu’alors barrée.

(J’emploie ici une série de comparaisons n’ayant qu’une très vague ressemblance avec le sujet dont je m’occupe et qui ne s’accordent guère entre elles. Je le reconnais et ne risque nullement d’en surestimer la valeur, mais si je poursuis ces parallèles, c’est afin de rendre compréhensibles, par divers rapprochements, des idées extrêmement compliquées et jamais encore exposées. Je m’octroie ainsi la liberté de continuer, dans les pages suivantes, à me servir de ces comparaisons, si discutables qu’elles puissent être.)

S’il devenait possible, une fois la liquidation des matériaux pathogènes achevée, de les exposer à une tierce personne dans leur aménagement connu, complexe et comportant plusieurs dimensions, celle-ci ne manquerait pas de se demander à juste titre comment pareil chameau a pu passer par ce trou d’aiguille. On parle non sans raison d’une « étroitesse de la conscience ». Le terme prend toute sa valeur, toute sa signification pour le médecin qui procède à une analyse semblable. Ce n’est jamais qu’un seul souvenir qui émerge dans la conscience du moi ; le malade tout préoccupé par la perlaboration de ce souvenir n’aperçoit rien de ce qui pousse par-derrière, et oublie ce qui a déjà forcé le chemin. Si quelque difficulté s’oppose à la maîtrise du souvenir en question, ce qui arrive, par exemple, quand le malade ne parvient pas à faire taire la résistance et qu’il tente de refouler ou de mutiler la réminiscence pathogène, le défilé se trouve alors, pour ainsi dire, obstrué ; le travail se bloque, rien ne peut plus surgir et le souvenir qui était sur le point d’émerger se trouve arrêté devant le patient jusqu’au moment où ce dernier l’accueillera dans l’espace moi. Tous les matériaux pathogènes, formant une masse spatialement étendue, traversent ainsi une fente étroite pour arriver comme fragmentés et étirés dans le conscient. Il appartient au psychothérapeute de reconstituer l’organisation présumée. Toute personne friande de comparaisons ne manquera pas de penser ici à quelque jeu de patience.

Celui qui entreprend pareille analyse doit s’attendre à se trouver en face d’une organisation des matériaux pathogènes de cette sorte. Fort des expériences passées, qu’il se dise bien qu’il faut absolument renoncer à pénétrer directement jusqu’au cœur de l’organisation pathogène. En admettant même que l’on vienne à la deviner, le malade ne saurait faire aucun usage de la révélation qu’on lui en ferait et son psychisme n’en serait point modifié.

Il ne reste qu’à s’en tenir pour débuter à la périphérie de l’édifice psychique pathogène. On laisse le malade raconter ce qu’il sait, tout en dirigeant d’abord son attention et en surmontant, grâce au procédé par pression, les résistances légères. Chaque fois que, grâce à cette pression, une voie nouvelle a été ouverte, il faut s’attendre à ce que le malade s’y engage un peu, sans nouvelle opposition.

Après avoir quelque temps travaillé de cette façon, on voit ordinairement le malade participer au travail. Une foule de réminiscences surgissent en lui sans qu’il soit nécessaire de lui poser des questions ou de lui imposer des tâches ; c’est que l’on a justement ouvert une voie dans quelque assise intérieure et que le malade dispose alors spontanément des matériaux de cette même résistance. On le laisse alors un moment reproduire ses souvenirs sans chercher à l’influencer. A dire vrai il ne serait pas en état de découvrir de lui-même les rapports importants, mais on peut lui confier le soin de déblayer l’intérieur de la couche en question. Les choses qu’il met ainsi en lumière semblent souvent décousues, mais n’en fournissent pas moins les matériaux qui, ultérieurement, joueront leur rôle grâce à la découverte d’un lien.

Deux écueils doivent généralement être évités. Lorsqu’on empêche le malade de révéler tout ce qui lui passe par la tête, on court le risque de « bloquer » certaines choses que l’on aura ensuite beaucoup de mal à libérer. D’autre part, il faut se garder de surestimer « l’intelligence » inconsciente du malade et ne pas abandonner à celle-ci la conduite du travail tout entier. Si je voulais schématiser le mode de travail, je dirais, par exemple, que le médecin doit assurer l’accès des couches internes, leur pénétration radiaire, alors que le malade assure l’extension périphérique.

La pénétration s’effectue, comme nous l’avons déjà signalé, en surmontant la résistance. Toutefois il est généralement nécessaire de réaliser d’abord une autre tâche : saisir un brin du fil logique qui seul pourra permettre de pénétrer à l’intérieur. Qu’on ne s’attende point à ce que les libres propos du malade facilitent à l’analyste la reconnaissance des matériaux contenus dans les couches les plus superficielles, l’évaluation de la profondeur où ils se trouvent ni la détermination des points où se relient entre elles les associations d’idées cherchées. Au contraire, tout cela reste soigneusement dissimulé. La narration que fait le malade semble achevée, solide. On se trouve d’abord devant elle comme devant un mur bouchant toute perspective et ne laissant pas deviner ce qui se cache derrière elle ni même s’il s’y cache quelque chose.

Une fois que le praticien a sans trop de peine et de résistances obtenu un exposé de son malade, il soumet cet exposé à la critique et y découvre immanquablement des lacunes et des défectuosités. Ici les associations se trouvent visiblement rompues et le malade les complète avec peine par une phrase, par un renseignement insuffisant ; ailleurs, on se heurte à une motivation qui, chez un homme normal, n’aurait eu aucun effet. Le malade refuse de reconnaître la présence de ces lacunes lorsqu’on cherche à les lui faire observer. Mais le médecin a raison de vouloir découvrir derrière ces défectuosités un accès aux matériaux des couches plus profondes s’il espère justement, en ce point-là, découvrir le fil des associations dont le procédé par pression lui a indiqué la trace. Il dit alors au malade : « Vous vous trompez ; ce que vous me dites n’a aucun rapport avec la question qui nous préoccupe. Il faut ici que nous découvrions autre chose, quelque chose à quoi vous allez penser lorsque j’appuierai la main sur votre front. »

Le praticien est en droit d’exiger d’un hystérique des associations logiques, des motivations semblables à celles qu’il exigerait d’un individu normal. Dans le domaine de la névrose, les associations restent logiques. Il arrive que chez un névrosé et particulièrement chez un hystérique, les chaînes d’associations donnent l’impression d’être disloquées et que les rapports d’intensité entre différentes représentations paraissent ne pouvoir s’expliquer par les seuls motifs psychiques. Nous connaissons justement la raison de cette apparence, c’est l’existence de motifs cachés, inconscients. Nous sommes ainsi amenés à soupçonner la présence de semblables motifs secrets partout où nous décelons de pareilles lacunes dans les associations et où le degré d’action normal et justifié de la motivation se trouve dépassé.

Pour se livrer à ce travail, le praticien doit naturellement se débarrasser de toute opinion théorique préconçue et ne pas se dire qu’il a affaire aux cerveaux anormaux de dégénérés et de déséquilibrés83 chez qui, penserait-il, la liberté, les lois psychologiques ordinaires régissant les liens représentatifs, ne joueraient plus aucun rôle. Suivant cette conception aussi, une représentation quelconque pourrait chez eux acquérir, sans raison, une excessive intensité, tandis qu’une autre, sans motif psychologique particulier valable, demeurerait intangible. II s’agirait là d’un stigmate propre à ces malades. Or l’expérience montre qu’en ce qui concerne l’hystérie, c’est le contraire qui est vrai. Lorsqu’on parvient à découvrir les motifs cachés – souvent restés inconscients – et qu’on en tient compte, les associations de pensées hystériques cessent de paraître énigmatiques et contraires aux règles.

C’est donc de cette façon, en dépistant les lacunes qui se trouvent dans le premier exposé du malade et qui sont souvent dissimulées par de « fausses connexions » que l’on parvient à saisir un brin du lien logique à la périphérie et que l’on peut continuer, en se servant du procédé par pression, à se frayer une voie.

Il est très rare qu’un seul lien vous fasse pénétrer jusqu’au bout. Le plus souvent, ce lien se rompt en route soit parce que le procédé ne donne rien, soit parce que ce qu’il donne ne peut, même au prix de gros efforts, ni s’expliquer, ni se continuer. On apprend très vite à se prémunir, en pareil cas, contre de menaçantes confusions. Les jeux de physionomie du malade permettent de décider si l’on est vraiment parvenu à un terme ou si l’on a affaire à un cas ne nécessitant aucune explication psychologique ou encore s’il existe là quelque résistance excessive qui arrête le travail. Lorsque le médecin ne parvient pas tout de suite à surmonter celle-ci, il peut admettre que le lien associatif l’a conduit jusqu’à une couche encore imperméable. Il abandonne alors ce lien pour se saisir d’un autre qui l’amènera peut-être tout aussi loin. Une fois que tous les liens associatifs ont abouti à cette même couche et que nous y découvrons les enchevêtrements qui empêchaient de suivre chacune des chaînes isolément, nous pouvons songer à attaquer à nouveau la résistance imminente.

On se représente sans nulle peine la complexité d’un semblable travail. La pénétration dans les couches profondes ne s’effectue qu’au prix de constantes victoires sur les résistances. Il faut apprendre à reconnaître les thèmes accumulés à l’intérieur de ces strates ainsi que les chaînes d’associations qui les traversent et vérifier jusqu’où l’on a pu parvenir à l’aide des moyens dont on dispose à ce moment-là et des connaissances que l’on a acquises. Le procédé par pression permet de s’assurer un premier aperçu des strates avoisinantes. On abandonne les fils conducteurs pour les reprendre ensuite, on en observe le parcours jusqu’au point de jonction et l’on revient constamment en arrière pour arriver chaque fois, en poursuivant un groupe de souvenirs, à une voie latérale qui cependant s’anastomose encore. Finalement on arrive, par ce moyen, à abandonner le travail par assises et à gagner la voie principale accédant directement au cœur même de l’organisation pathogène. La victoire est ainsi acquise mais la lutte n’en est pas pour autant achevée. Il faut s’emparer des autres fils conducteurs et épuiser les matériaux. Mais alors le malade prête au médecin un concours énergique, sa résistance ayant, la plupart du temps, déjà été brisée.

Dans ces stades avancés du travail, il est utile de deviner l’association et d’en faire part au malade avant même d’en avoir la preuve. Si l’on a deviné juste, la durée de l’analyse s’en trouve abrégée, mais une hypothèse même erronée a son utilité parce que l’on oblige le patient à prendre parti et qu’on lui arrache des dénégations énergiques qui révèlent une connaissance améliorée et plus sûre des faits.

Le médecin se convainc alors avec surprise qu’il n’est en mesure ni d’imposer au malade quoi que ce soit relativement aux choses que celui-ci prétend ignorer, ni d’influencer les résultats de l’analyse en suscitant son expectative dans un certain sens. Je n’ai jamais réussi à modifier ou à fausser par mes prédictions la reproduction des souvenirs ou la connexion des incidents, ce qui, en fin de compte, n’aurait pas manqué de se révéler par quelque contradiction dans le contexte. Quand j’avais deviné juste, de multiples et certaines réminiscences venaient le confirmer. Il ne faut donc pas craindre d’énoncer, devant le malade, une opinion, quelle qu’elle soit, sur les associations à venir. Cela ne saurait nuire.

Une autre observation que l’on a, chaque fois, l’occasion de faire concerne les reproductions que le malade fournit librement. On peut affirmer que toute réminiscence apparue au cours de ces sortes d’analyses a son importance propre. Jamais des images dépourvues de liens associatifs ne viennent s’intriquer d’une façon quelconque aux images mnémoniques importantes. On ne saurait infirmer cette règle en postulant l’existence de souvenirs qui, bien qu’insignifiants en soi sont néanmoins absolument nécessaires. Ils servent, en effet, de pièces intermédiaires indispensables entre deux souvenirs ayant entre eux d’importants rapports et l’association ne peut se faire que par leur entremise. La durée du séjour d’un souvenir dans le passage étroit qui précède le conscient dépend directement, nous l’avons dit déjà, de son importance. Une image qui ne s’efface pas veut que l’on continue à s’occuper d’elle, une pensée impossible à chasser exige d’être approfondie. Jamais une réminiscence liquidée ne réapparaît une seconde fois ; une image que le patient a décrite ne resurgit pas non plus. Si cela, malgré tout, venait à se produire, il faudrait certainement s’attendre à ce qu’un nouveau contenu idéatif soit attaché à l’image, une nouvelle série de représentations, à l’idée. Cela signifierait que la liquidation a été imparfaitement réussie. On voit, par contre, s’effectuer très souvent un retour d’images ou d’idées d’intensités différentes, d’abord vagues, puis tout à fait nettes, sans pourtant que ce fait contredise la thèse que nous venons de soutenir.

Lorsqu’il s’agit, dans une analyse, de supprimer un symptôme capable de s’intensifier ou de réapparaître (douleurs, symptômes d’excitation tels que vomissements, sensations, contractures), on observe que le dit symptôme a, lui aussi, « son mot à dire » et c’est là un phénomène intéressant et qu’il n’y a pas lieu de redouter. Le symptôme en question réapparaît ou gagne en intensité dès que l’on pénètre dans la région de l’organisation pathogène qui en détient l’étiologie et il accompagne dès lors le travail, avec des variations caractéristiques très propres à éclairer le praticien. La virulence de ce symptôme (disons d’une tendance au vomissement) croît à mesure que l’on pénètre plus profondément dans l’un des souvenirs à action pathogène, atteint son point culminant peu avant la narration de ceux-ci et s’atténue tout à coup, voire disparaît tout à fait, pendant un temps, une fois le récit achevé. Quand une résistance empêche longtemps le malade de parler, la poussée de la sensation, de la nausée, devient intolérable et s’il est impossible d’obtenir que le patient parle, le vomissement se produit effectivement. On a alors nettement l’impression que le vomissement remplace un acte psychique (ici la narration).

Ces variations d’intensité du symptôme hystérique se répètent toutes les fois que l’on s’attaque à un nouveau souvenir pathogène, le symptôme demeurant tout le temps à l’ordre du jour, si l’on peut dire. Qu’on abandonne un moment le fil auquel tient le symptôme et celui-ci va disparaître dans l’ombre pour resurgir à une période plus avancée de l’analyse. Ce jeu se poursuit jusqu’au moment où, les matériaux pathogènes ayant subi un remaniement, le symptôme sera définitivement liquidé.

En somme le comportement du symptôme hystérique ne diffère nullement de celui de l’image mnémonique ou de l’idée que la pression de la main a fait surgir. Ici comme là on découvre, chez le malade, la même persistance obsédante du retour des réminiscences qui appelle une liquidation. La seule différence réside dans l’apparition, en apparence spontanée, du symptôme hystérique, alors que l’on se souvient bien d’avoir soi-même provoqué les scènes et les idées. Mais c’est qu’en réalité une série ininterrompue de résidus mnémoniques inchangés, que des incidents générateurs d’émotions et des actes mentaux ont laissés, aboutit aux symptômes hystériques – leurs symboles mnémoniques.

Le phénomène de la « collaboration » du symptôme hystérique pendant l’analyse entraîne avec soi un inconvénient pratique qu’il faut faire tolérer au malade. Il est tout à fait impossible de réaliser tout d’un trait l’analyse d’un symptôme ou de répartir les interruptions du travail de façon qu’elles coïncident justement avec les pauses dans la liquidation. Les interruptions inévitables que dictent les circonstances accessoires du traitement, les heures de séances modifiées, etc., surviennent plutôt aux moments les moins favorables, au moment justement où l’on espérait se rapprocher d’une décision, où un nouvel élément allait surgir. Ce sont là des désagréments comparables à ceux qui gâchent, pour le lecteur d’un journal, la lecture des chapitres quotidiens du feuilleton quand, immédiatement après le discours décisif de l’héroïne, après le déclic de l’arme à feu, etc., vient « la suite au prochain numéro ». Dans le cas qui nous occupe la question traitée mais non épuisée, le symptôme d’abord renforcé mais non encore expliqué, demeurent dans le psychisme du malade qu’ils tourmentent plus peut-être qu’auparavant. Il faut justement savoir s’adapter à cette situation inévitable. Certains malades d’ailleurs ne peuvent plus abandonner le thème qu’ils ont une fois abordé et en restent obsédés pendant le laps de temps qui sépare deux séances. Or, ne pouvant seuls avancer dans la voie de la liquidation, ils commencent d’abord par souffrir plus qu’avant le traitement. Ces patients-là finissent, eux aussi, par attendre que le médecin les aide et par reporter au moment des séances tout l’intérêt qu’a suscité chez eux la liquidation des matériaux pathogènes. Après quoi, ils se sentent mieux disposés dans les périodes intermédiaires.

L’état général des malades mérite aussi qu’on lui prête attention. Il échappe pendant un temps à l’influence du traitement, ce qui résulte de l’action des facteurs antérieurement actifs. Puis, à un moment donné, une fois que le malade est « bien en mains », qu’il est captivé par le traitement, son état général va dépendre toujours davantage des circonstances du traitement. Dès qu’il devient possible de donner quelque nouvelle explication, dès qu’un chapitre important de l’analyse est abordé, le malade se sent soulagé et éprouve une sorte de pressentiment de sa libération prochaine ; à tout arrêt du traitement, à toute menace de trouble, le fardeau psychique qu’il supporte devient plus pesant, son impression d’être malheureux, son improductivité augmentent, mais à vrai dire, pour peu de temps, car l’analyste poursuit son travail sans se réjouir des moments de bien-être et sans s’inquiéter des périodes sombres. Une occasion de se féliciter lui est généralement donnée quand il a réussi à remplacer, chez les malades, les variations spontanées de leur état par d’autres qu’il a lui-même suscitées et qu’il comprend. De même aussi, il a plaisir à voir survenir, au lieu d’une disparition spontanée des symptômes, un ordre du jour conforme à l’état actuel de l’analyse.

Habituellement, le travail commence par devenir de plus en plus confus et difficile à mesure que nous pénétrons plus profondément dans la construction psychique faite de couches superposées que nous avons décrite. Mais si nous parvenons à nous insinuer jusqu’au noyau central, tout s’éclaire et le malade n’a plus à redouter de voir son état général s’aggraver beaucoup. Toutefois la récompense du travail accompli, c’est-à-dire la suppression des symptômes pathologiques, ne peut s’obtenir, sachons-le bien, que lorsque chacun des symptômes particulier a été totalement analysé. Et dans les cas où les divers symptômes sont liés les uns aux autres par des nœuds multiples, aucun succès partiel n’encouragera l’analyste. Par suite même de ces nombreuses associations causales, les représentations pathogènes non encore liquidées vont servir de motifs à toutes les créations de la névrose. Ce n’est qu’avec le dernier mot de l’analyse que s’efface le tableau clinique de la même manière que chacun des symptômes reproduits.

Lorsqu’on découvre, grâce au travail analytique, un souvenir ou une association pathogènes autrefois retirée au moi conscient et qu’on les réintègre dans celui-ci, on observe que la personnalité psychique ainsi enrichie peut réagir de diverses façons à ce gain. Le plus souvent, les malades qu’on a contraints à prendre connaissance de certains faits déclarent qu’ils ne les ont jamais ignorés et qu’ils auraient pu en parler plus tôt. Les plus perspicaces reconnaissent que c’est là pure illusion et s’accusent d’ingratitude. Généralement l’attitude du moi en face de sa nouvelle prise de connaissance dépend de quelle assise de l’analyse cette dernière émane. Le patient reconnaît sans peine ce qui appartient aux couches superficielles puisque le moi en disposait encore. Seuls ses liens avec les couches de matériaux pathogènes plus profondes apparaissent au moi comme quelque chose de nouveau. Ce que l’on parvient à extraire de ces couches abyssales finit bien par être reconnu et admis, mais souvent après bien des hésitations et des doutes. Il est naturellement plus difficile de nier les images mnémoniques que les traces mnémoniques de simples associations de pensées. Le malade commence assez souvent par dire : « Peut-être ai-je pensé à cela, mais je ne puis m’en souvenir. » Et ce n’est qu’après s’être familiarisé avec l’idée en question qu’il finit par la reconnaître ; il s’en souvient et confirme, par des associations accessoires, le fait que ces pensées ont réellement, un jour, été siennes. Toutefois, je me suis fait une règle d’apprécier, au cours de l’analyse, la valeur d’une réminiscence qui surgit, sans tenir compte de sa reconnaissance par le malade. Je ne me lasserai jamais de répéter que nous devons absolument admettre tout ce que nos procédés permettent de mettre au jour. Si, parmi toutes ces données, il s’en trouvait de fausses ou d’inexactes, les associations permettraient par la suite de les déceler. Entre parenthèses, je n’ai presque jamais eu l’occasion de soustraire après coup à la reconnaissance une réminiscence provisoirement admise. La contradiction n’était qu’apparente et la preuve de l’exactitude du souvenir resurgi a toujours été faite.

Les représentations émanant des plus grandes profondeurs et qui constituent le noyau même de l’organisation pathogène sont celles auxquelles les malades ont le plus de peine à attribuer le caractère de souvenirs. Même quand tout est terminé, après que les malades ont été vaincus par la logique qui s’impose à eux et par l’effet curatif qui a coïncidé avec l’apparition même de ces représentations, quand, dis-je, ces malades ont eux-mêmes admis avoir pensé ceci ou cela, ils ajoutent pourtant souvent : « Mais quant à me souvenir d’avoir pensé ça, je n’y arrive pas ! » On parvient facilement alors à s’entendre avec eux : c’est de pensées inconscientes qu’il s’agissait. Mais alors de quelle façon convient-il d’intégrer ces faits dans les vues psychologiques générales ? Faut-il négliger ce retard de reconnaissance qui, une fois le travail terminé, semble immotivé ? S’agit-il réellement de pensées inachevées ayant simplement eu la possibilité d’exister ? En pareil cas, la thérapeutique consisterait simplement en l’achèvement d’un acte psychique resté jadis inaccompli. Personne ne saurait évidemment porter un jugement sur ce point – c’est-à-dire sur l’état des matériaux pathogènes tel qu’il était avant l’analyse – sans avoir éclairci à fond ses théories psychologiques fondamentales, en particulier celles relatives à la nature même du conscient. Un fait mérite bien réflexion : dans ces sortes d’analyses, on observe la marche de la pensée à partir du conscient jusque dans l’inconscient (je parle d’une pensée non reconnue comme étant un souvenir). De là on suit une partie de son parcours à travers le conscient pour se terminer dans l’inconscient, sans que ce changement « l’éclairage psychique » modifie en quoi que ce soit la logique de la pensée, la coordination de ses diverses parties ou son caractère propre. Une fois que j’ai bien suivi tout l’enchaînement des idées, il m’est impossible de distinguer les éléments que le malade reconnaît comme étant des souvenirs de ceux qu’il ne reconnaît pas pour tels. Je ne vois, dans une certaine mesure, plonger dans l’inconscient que les extrémités des chaînes de pensées, à l’inverse de ce qu’on a affirmé relativement aux processus psychiques normaux.

Il me reste enfin à traiter un sujet auquel incombe, dans la réalisation de cette analyse cathartique, un rôle important et gênant. Il peut parfois arriver, comme je l’ai déjà avoué, que le procédé par pression échoue et que, malgré toutes les assurances, toutes les insistances, aucune réminiscence ne surgisse. J’ajoutais que deux cas peuvent se présenter : 1) Il n’y a vraiment rien à tirer de l’endroit où se fait l’investigation, ce que révèle d’ailleurs l’air parfaitement calme du malade, ou bien 2) Le praticien se heurte à une résistance qu’il ne pourra vaincre qu’ultérieurement et se trouve devant une nouvelle assise dans laquelle il ne peut encore pénétrer. C’est à nouveau la physionomie contractée du patient, qui trahit une tension psychique. Mais un troisième cas peut aussi se présenter, un cas révélant également quelque obstacle, non intérieur mais extérieur cette fois. C’est ce qui se produit quand les relations du malade avec son médecin sont troublées et alors ce dernier se trouve devant le plus grand des obstacles à vaincre. Dans toute analyse importante, on peut cependant s’attendre à le rencontrer.

J’ai déjà fait allusion au rôle considérable que joue la personne du médecin dans la création des motifs servant à surmonter la puissance psychique des résistances. Dans bien des cas et principalement chez les femmes, et lorsqu’il s’agit d’expliquer des associations de pensées érotiques, la collaboration des patients devient un sacrifice personnel qu’il faut compenser par quelque succédané d’amour. Les efforts du médecin, son attitude de bienveillante patience doivent constituer de suffisants succédanés.

Dans les cas où les relations entre médecin et malade viennent à être troublées, la docilité de ce dernier cesse et lorsque le praticien tente de se renseigner sur l’idée pathogène qui va surgir, la prise de conscience par les patients des griefs qu’ils ont accumulés contre leur médecin s’oppose à leurs révélations. Pour autant que je sache, cette difficulté se présente surtout dans trois cas :

1° A cause d’un grief personnel, quand le malade se croit négligé, humilié ou offensé ou encore quand il a pris connaissance de propos défavorables sur son médecin ou sur la méthode de traitement. C’est le cas le moins grave ; il est facile de surmonter l’obstacle en le commentant et l’expliquant, encore que la susceptibilité et l’esprit soupçonneux des hystériques puissent, à l’occasion, se manifester dans des proportions inattendues ;

2° Quand la malade est saisie d’une crainte de trop s’attacher à son médecin, de perdre à l’égard de celui-ci son indépendance et même d’être sexuellement asservie à lui. Ce cas est plus grave parce que moins individuellement conditionné. La raison de cet obstacle tient à la nature même du traitement. La malade y trouve de nouveaux motifs de résistance et celle-ci se produit non seulement à l’occasion d’une certaine réminiscence, mais lors de chacune des tentatives thérapeutiques. Très fréquemment quand on utilise le procédé par pression, la malade se plaint de maux de tête. La plupart du temps, elle reste ignorante de la cause nouvelle de sa résistance et ne la révèle que par un symptôme hystérique nouveau. Le mal de tête traduit l’aversion de la malade à l’égard de toute influence qui s’exercerait sur elle ;

3° Quand la malade craint de reporter sur la personne du médecin les représentations pénibles nées du contenu de l’analyse. C’est là un fait constant dans certaines analyses. Le transfert au médecin se réalise par une fausse association (voir p. 52). J’en donnerai ici un exemple. Chez l’une de mes patientes, un certain symptôme hystérique tirait son origine du désir éprouvé longtemps auparavant, mais aussitôt rejeté dans l’inconscient, de voir l’homme avec qui elle avait alors conversé, la serrer affectueusement dans ses bras et lui soustraire un baiser. Or il advient, à la fin d’une séance, qu’un désir semblable surgit chez la malade par rapport à ma personne ; elle en est épouvantée, passe une nuit blanche et, à la séance suivante où, cependant, elle ne refuse pas de se laisser traiter, le procédé reste entièrement inopérant. Après avoir appris de quelle difficulté il s’agissait et être parvenu à la surmonter, je puis reprendre le travail et voilà que le désir qui a tant effrayé la malade s’avère le plus proche des souvenirs pathogènes, celui même que faisait nécessairement prévoir l’enchaînement logique des faits. Les choses s’étaient déroulées de la façon suivante : le contenu du désir avait surgi dans le conscient de la malade, mais sans être accompagné du souvenir des circonstances accessoires capables de situer ce désir dans le passé. Le désir actuel se trouva rattaché, par une compulsion associative, à ma personne évidemment passée au premier plan des préoccupations de la malade. Dans cette mésalliance84 – à laquelle je donne le nom de faux rapport – l’affect qui entre en jeu est identique à celui qui avait jadis incité ma patiente à repousser un désir interdit. Depuis que je sais cela, je puis, chaque fois que ma personne se trouve ainsi impliquée, postuler l’existence d’un transfert et d’un faux rapport. Chose bizarre, les malades sont en pareil cas toujours dupes.

Si l’on ignore comment procéder en face d’une résistance issue de ces trois cas, il est impossible de mener à bien une analyse. On découvre la voie à suivre lorsqu’on se propose de traiter tout symptôme nouveau calqué sur un vieux modèle de la même façon que les anciens. Il faut d’abord ramener l' « obstacle » au conscient du malade. Il m’arriva un beau jour de voir échouer, chez une de mes malades, le procédé par pression. J’avais tout lieu de croire à une idée inconsciente semblable à celle-citée dans le § 2. Je pris pour la première fois la patiente par surprise en lui disant qu’il devait s’agir de quelque obstacle s’opposant à la continuation du traitement, mais que la pression aurait, pour le moins, le pouvoir de lui montrer ce qu’il en était et j’appuyai sur sa tête. Toute étonnée, elle me dit : « Je vous vois là assis sur cette chaise. C’est idiot. Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? » J’arrivai alors à la renseigner.

Chez une autre l' « obstacle » ne se manifestait pas directement à la pression, mais je le décelais chaque fois que je ramenais la patiente au moment où il était survenu. Le procédé par pression ne manquait jamais de faire resurgir ce même moment. En mettant en lumière et en démontrant l’obstacle, une première difficulté se trouva supprimée, mais une autre, plus grande, subsistait encore. Il fallait, en effet, pousser la malade à parler, quand certains rapports personnels semblaient entrer en jeu, et qu’une tierce personne se confondait avec celle du médecin. Au début, cette augmentation de mon travail psychique me mécontenta fort jusqu’au moment où je me rendis compte que tout ce processus était de règle et alors je remarquai aussi qu’un semblable transfert n’exigeait aucun travail supplémentaire considérable. Pour la patiente, le travail restait le même, il s’agissait, par exemple, de vaincre l’affect pénible qu’avait engendré en elle, à un moment donné, un pareil désir. Pour le résultat à obtenir il importait peu qu’en me révélant, dans cette partie de son travail, le rejet psychique, elle le situât dans un passé historique ou dans le présent et, dans ce dernier cas, en m’y impliquant. Les malades d’ailleurs apprenaient peu à peu que, dans de semblables transferts à la personne du médecin, il s’agissait d’une pulsion et d’une erreur que la fin de l’analyse dissiperait. Toutefois je pense que si j’avais omis de leur faire comprendre la nature de l' « obstacle », je n’aurais fait que remplacer un symptôme hystérique spontanément apparu par un autre, plus léger, il est vrai.

Je pense avoir suffisamment indiqué ce qu’étaient la marche de ces analyses et les expériences réalisées. Peut-être mon exposé fait-il apparaître les choses plus compliquées qu’elles ne sont en réalité. Dans cette sorte de travail, il arrive souvent que tout se fasse de soi-même. En faisant ressortir les difficultés de la méthode cathartique, je n’ai nullement eu l’intention de dire qu’il ne faudrait exiger de tels efforts de la part des médecins et des malades que dans des cas extrêmement rares. C’est l’idée contraire qui détermine le choix de mon action médicale. Je ne saurais donner d’indications formelles touchant l’emploi de la méthode thérapeutique que je viens de décrire sans aborder le sujet plus vaste et plus important du traitement général des névroses. J’ai souvent mentalement comparé la psychothérapie cathartique aux interventions chirurgicales et je qualifie mes cures d’opérations psychothérapiques en les comparant à l’ouverture d’une cavité pleine de pus, au grattage d’une carie, etc. Cette analogie se trouve confirmée non pas tant par la suppression des parties malades que par l’établissement de conditions plus favorables à l’évolution du processus de guérison.

J’ai très souvent entendu mes malades m’objecter, quand je leur promettais un secours ou une amélioration par le procédé cathartique : « Mais vous dites vous-même que mon mal est en rapport avec les circonstances de ma vie, avec mon destin. Alors comment pourrez-vous m’aider ? » J’ai alors donné la réponse suivante : « Certes, il est hors de doute qu’il serait plus facile au destin qu’à moi-même de vous débarrasser de vos maux, mais vous pourrez vous convaincre d’une chose, c’est que vous trouverez grand avantage, en cas de réussite, à transformer votre misère hystérique en malheur banal. Avec un psychisme redevenu sain vous serez plus capables de lutter contre ce dernier.

INDEX ANALYTIQUE

A

aboulie et phobie, 69.

abréaction, 6, 164.

—  après accident, 6.

—  après coup, 129.

—  dans la vie courante, 6.

—  et suggestion, 79.

—  de l’excitation, 152.

—  facteurs empêchant l’—, 7.

—  par la parole, 6.

—  secondaire, 136.

absences, 174.

accès hystérique, 10.

accidentel, facteur, 12.

activité de décharge, 156.

adéquation de la réaction, 5.

affaiblissement psychique, 193.

affect, 160.

—  et souvenir, 4.

—  et réaction de décharge, 5.

—  étouffé, 12. amnésie, 176.

—  dans l’hypnose, 9.

analyse :

—  compliquée, 219.

—  schématisation du travail de l’—, 237.

—  des symptômes, 28.

—  origine de la technique d’—, 109.

—  technique de l’—, 84.

—  des résistances, 222 et suiv. angoisse :

—  tendance à l'—, 50.

—  et continence, 69.

Anna O…, 231 et suiv.

anorexie, 2, 69, 169.

association :

—  pathologique, 9.

—  compulsion à l'—, 53. attaque de sommeil, 10.

autohypnose, 173.

autosuggestion :

—  mécanisme d’—, 144.

B

BENEDIKT, 5, 168.

BERNHEIM, 51, 59, 79, 84, 85, 216.

besoin :

—  excitation par –, 158.

—  de maladie, 197.

BINET, 4, 8, 183, 184, 203.

blocage, 236.

BREUER, IX, 142, 145, 146, 206, 212.

—  difficultés de la méthode –, 206.

—  hypnose et méthode de –, 215.

C

CABANIS, 155.

catharsis :

—  par réaction adéquate, 5.

—  sans hypnose, 5.

cathartique :

—  difficultés et inconvénients de la méthode –, 213.

—  technique, vin, 212 et suiv. causalité de la névrose, 207.

censure, 217.

CHARCOT, 10, 13, 31, 58, 73, 106, 170,

191, 208.

« chimney sweeping », 22.

communication :

—  directe, 236.

—  préliminaire, vu, 146, 170, 172, 205.

—  verbale, 168.

complexes de représentations, 171.

compréhension du thérapeute, 228.

compulsion à l’association, 53.

concentration, 216.

condition seconde, 11, 22.

—  rétrogression à la –, 24.

conflit, 168.

confusion hallucinatoire, 202.

connexions fausses, 238.

conscience :

—  double, 8.

—  et trauma, 7.

—  rétrécissement de la –, 186. conscient :

—  dissociation du –, 8.

—  « officiel », 53.

—  scission du –, 181.

constance, principe de –, 158.

continence et tendance à l’angoisse –, 69.

contre volonté, 2.

conversion, 67, 164, 173.

—  et défense, 116.

—  par liaison associative, 140.

—  théorie de la –, 138 et suiv.

convulsions épileptoïdes, 2, 3.

correction associative, 11.

corticale :

—  représentation ou excitation –, 146.

couches psychiques, 109.

cure de l’hystérie, 13.

D

DARWIN, 145.

décharge :

—  activités de –, 156.

—  de l’affect, 5.

—  substitutive, 161.

défense, 171.

—  en cours de thérapie, 266.

—  et censure, 217.

—  et conversion, 116.

—  et formes cliniques de l’hystérie, 231.

—  et hystérie hypnoïdes, 231.

—  et procédé de pression, 225.

—  et refoulement, 217.

—  et résistance, 216-217.

—  hystérie de –, 231.

—  moi absorbé par la –, 212.

—  réussie, 226.

DELBŒUF, 4, 79.

délire hystérique, 7, 173.

—  terminal, 10.

dérèglement nerveux, facteurs du –, 162.

détermination par symbolisme, 166.

dissociation :

—  de la personnalité, 31.

—  du conscient, 8.

—  du psychisme, 203.

double conscience, 8.

dysphagie, 169.

E

échec thérapeutique, 230.

éclectisme, 203.

élaboration psychique, 170.

—  temps d’—, 106.

élection du symptôme hystérique, 139.

élimination par couches, 109.

ELYSABETH VON R…, 106.

EMMY VON N…, 35, 208, 230, 233.

émotion douloureuse étouffée, 2.

épileptoïde :

—  convulsion –, 2-3.

—  phase –, 10.

états :

—  d’autohypnose, 20.

—  de mal, 189.

—  hypnoïde, 8, 172.

—  hypnotique, 189.

étiologie :

—  de l’hystérie, 13.

—  rôle de la sexualité dans l'—, 80.

—  sexuelle des névroses, 207.

excitation :

—  abréaction de l'—, 152.

—  de besoin, 158.

—  excédent d’—, 194.

—  périphérique et symptôme, 142.

—  et représentation corticale, 146.

—  rétention de l'—, 80.

—  sources de l'—, 159.

—  tonique, 153 et suiv.

—  transfert de l'—, 161.

EXNER, 195.

explication des rêves, 48.

expression verbale, 21, 25.

—  artifices pour obtenir l'—, 22.

—  et dispanction du symptôme, 25.

—  et liberté du patient, 48.

—  et reproduction du trauma, 25.

—  et suppression de l’excitation, 21.

—  et symbolisation, 145.

—  sans hypnose, 42.

F

facteurs :

—  accidentels, 1, 13.

—  auxiliaires, 97.

—  dégénératifs, 81.

—  étiologiques de l’hystérie, VIII.

—  organiques et psychiques, 139.

—  prédisposants, 30.

—  sexuels, VII, 207.

—  traumatiques, VII, 1, 2, 3, 97, 105.

fantasmatique, production, 20.

formes de l’hystérie, I.

—  aiguë, 11, 189, 211.

—  artificielle, 8.

—  banale, 3.

—  chronique, 212.

—  de défense, 231.

—  de frayeur, 201.

—  grande hystérie, 172.

—  grand accès hystérique, 10.

—  hypnoïde, 133, 231.

—  monosymptomatique, 118, 233.

—  psychose hystérique, 6, 202, 211.

—  psychose hystérique d’abolition, 53.

—  de rétention, 128, 231.

—  sexuelle, 201.

—  traumatique, 3, 31, 167.

FREUD, 127, 164, 168, 170, 200.

G

grand accès hystérique, 10, 172.

H

Hypnose :

—  différence de l’autohypnose, 175.

—  et amnésie, 176.

—  et méthode de BREUER, 215 et suiv.

Hystérie :

—  abréaction et –, 67, 164.

—  affect étouffé, 12.

—  analogie avec névrose traumatique, 3.

—  artificielle sous hypnose, 8.

—  association pathologique et –, 9.

—  autres névroses et –, 206 et suiv.

—  banale et traumatismes partiels, 3.

—  causalité complexe de l'—, 198.

—  conflits et –, 168.

—  considérations dynamiques sur l'—, 67-

—  convulsions épileptoïdes et –, 2.

—  défense et –, 190, 212, 231.

—  dissociation du conscient, 8, 172, 181, 213.

—  étiologie de l'—, 13.

—  étouffement de l’excitation et –, 2.

—  excitation et –, 143 et suiv.

—  évolution sous traitement, 240.

—  facteurs de l' – (voir facteur).

—  formes de l' – (voir formes).

—  JANET sur l'—, 81.

—  langage et –, 143, 158, 168.

—  maladie de faiblesse, 186.

—  mécanisme de l'—, 31.

—  névrose d’angoisse et –, 50.

—  névrose traumatique et –, 2.

—  oubli et –, 167,

—  pathogénie de l'—, 28 et suiv.

—  phases selon CHARCOT, 10.

—  prédisposition à l'—, 9, 81, 194.

—  principe de constance et –, 158.

—  refoulement et –, 7, 133.

—  représentations inconscientes et –, 178.

—  rétention de l’excitation et –, 80, 128.

—  rétrécissement de la conscience et –, 186.

—  rêveries diurnes et –, 9.

—  scission du conscient et –, 181.

—  symbolisation et –, 3, 121, 140, 144, 145, 166.

—  terminologie psychologique et –, 146.

—  théorie des émotions et –, 160.

—  thérapie de l'—, 4, 8.

—  traumatisme psychique et –, 3.

—  unité clinique de l'—, 148.

Hystérique (s) :

—  absence, 174.

—  affaiblissement psychique, 193.

—  contrevolonté, 2.

—  conversion, 67, 116, 138, 140, 142, 164, 173.

—  délire, 7, 173.

—  excédent d’excitation de l'—, 194.

—  intelligence, 194.

—  mécanisme du symptôme, 13, 139, 151.

—  misère psychologique secondaire de l'—, 82.

—  moi double, 189.

—  organisation du psychisme, 233 et suiv.

—  simulation, 184, 197.

—  stigmates, 198.

—  suggestibilité, 193.

—  symptômes (voir « symptôme »).

—  rétention, 169.

—  troubles moteurs, 197.

—  types, 193.

I

incompatibilité entre représentations, 167.

—  intelligence, 219.

inconsciente : représentation, 181.

indications : de la méthode cathartique, 206 et suiv.

infiltration de l’organisation pathogène, 235.

J

JANET, 4, 8, 72, 81, 155, 183 et suiv.,

192, 203.

K

KATHARINA, 184 et suiv., 209.

KARPLUS, 170.

L

langage, 158, 168.

—  équivalent de l’acte, 5.

—  symbolisation et –, 145.

—  symptôme et –, 117, 140, 143, 240.

Lange, 160.

latence du symptôme, 138.

liaison associative et conversion, 140.

LIEBAULT, 84.

lien symbolique, 3.

M

MACH, 168.

malade : non hypnotisable, 215.

—  relation médecin, 214.

matériaux :

—  à trois strates, 233.

—  psychologiques pathogènes, 233 et suiv.

mécanisme :

—  d’autosuggestion, 144.

—  de la maladie, 31.

—  de symbolisation, 144.

—  du symptôme hystérique, 13, 139, 151.

—  de la technique cathartique, 112.

méchanceté :

—  de l’hystérique, 197. métaphore, 183.

méthode :

—  cathartique, 85, 121, 206, 210, 213, 214.

—  de BREUER, 215.

—  de pression sur le front, 121.

MEYNER, 149.

MÖBIUS, 5, 148, 172, 176, 197, 201, 202.

modèle physique, 157.

moi :

—  absorbé par la défense, 212.

—  double, 189.

—  submergé, 211.

moindre résistance, 166.

moteurs : troubles, 197.

motivation :

—  du refoulement, vu.

—  du symptôme hystérique, 139.

—  inconsciente et association, 237.

—  par lieu symbolique, 3.

—  sexuelle, VII.

multidétermination, 234.

N

narration dépuratoire, 25.

négation, 226.

névrose :

—  cause de la –, 207.

—  d’angoisse, 207.

—  d’angoisse et hystérie, 50.

—  de jeunesse, 209.

—  mixte, 208.

—  neurasthénique, 207.

—  non hystérique, 206.

—  obsessionnelle, 207.

—  sexuelle, 209.

—  traumatique, 167.

—  traumatique et hystérie, 2.

noyaux des souvenirs, 233.

O

objectivation de l’idée contrastante, 72.

OFFENHBIM, 161, 196, 199.

origine : des symptômes, 71.

—  de la technique analytique, 109.

oubli de l’incident traumatique, 6.

P

parole :

—  abréaction par la –, 6.

pathogène (s) :

—  noyaux –, 233.

—  souvenirs –, 216.

pathologique : association, 9.

patient :

—  liberté d’expression du –, 48.

—  refus du –, 215.

personnalité :

—  dissociation de la –, 31.

phases : de l’hystérie, 10.

phénomènes de rétention, 169.

PITRES, 141.

possession, 203.

prédisposition :

—  à l’hystérie, 9, 194.

—  et cure de l’hystérie, 13.

pression sur le front, 217, 225.

psychique :

—  élaboration –, 170.

—  dissociation –, 172,181, 203.

psychisme : et symptôme, 151.

psychologique : terminologie, 146.

psychose :

—  hystérique, 6, 9, 53, 202, 211.

—  onirique, 9.

R

réaction :

—  adéquate, 5.

—  de décharge, 5.

réflexes :

—  théorie des –, 196.

refoulement, 7, 133, 217.

remémoration, 4.

—  et suppression, 39.

—  du trauma sous hypnose, 6, 8.

représentation :

—  corticale, 146.

—  inconsciente, 148.

reproduction verbale, 25.

résistance, 122 et suiv., 215 et suiv.

—  à la suggestion, 78.

—  analyse de –, 222 et suiv.

—  de transfert, 245.

—  et noyaux pathogènes, 234.

rétention, 169.

—  de l’excitation, 80.

—  hystérie de –, 128.

rêves :

—  explication des –, 53.

—  et hallucination, 153.

rêveries diurnes, 9.

S

schématisation du travail analytique,

237.

sexualité, 159, 199, 201, 209.

—  et pathogénie de l’hystérie, VII, 80, 207.

—  et refoulement, VII.

—  et traumatisme psychique, VII. simulation, 197.

sommation des traumatismes, 138.

stigmates, 198.

stimulation, 158.

STRUMPELL, 199.

subconscient, 184.

suggestion, 4, 45, 201.

—  abréaction et –, 79.

—  critique de la thérapie par –, 77.

—  directe, 13.

—  disposition à la –, 193.

—  médicale, 13.

—  résistance à la –, 7, 8, 63.

—  sous hypnose, 37.

—  et thérapie, 59.

suppression :

—  de l’excitation, 21, 70.

surdétermination, 170, 211, 234.

surexcitation, 158.

symbolisation, 121, 140, 144, 145, 166, 173.

symptôme (s) :

—  analyse des –, 28.

—  appareil percepteur et –, 149.

—  considérations générales, 139 et suiv.

—  excitation périphérique et –, 148.

—  langage et –, 143, 240.

—  langage corporel du –, 117.

—  latence du –, 138.

—  mécanisme psychique du –, 151.

—  somatique, 71.

—  psychogène et non psychogène, 213.

—  symbolisation par le –, 121, 140.

T

« talking cure », 21.

technique :

—  analytique, 84, 109.

—  analytique, schématisation de la –, 237.

—  cathartique, VIII, 212 et suiv.

—  cathartique, mécanisme de la, 12.

— de pression sur le front, 86, 121.

— du traitement de ANNA O…, 26 et suiv.

« théâtre privé », 15.

thérapie :

—  échouée sous hypnose, 230.

—  et remémoration, 4.

—  et suggestion, 4, 59.

—  et suppression de souvenirs morbides, 70.

—  par suggestion, critique de la –, 77.

transfert, 245.

—  de l’excitation, 161.

—  résistance de –, 245. trauma, VII, 1, 7 et suiv., 167.

—  en état hypnotique, 31.

—  et névrose, 2 et suiv.

—  et oubli, 6.

—  partiel, 3, 233.

—  verbalisation du –, 25.

traumatique :

—  névrose, 3, 167.

—  hystérie, 31, 167.

troubles moteurs, 197.

V

vide dans la conscience, 172.

W

WESTFALL, 206.

 


79 E. HECKER, Zemtralblatt für Nervenheilkunde, déc. 1893.

80 V. BREUER, Considérations théoriques, p. 146.

81 V. BREUER, Anna O,.., p. 14.

82 Gewusst (1re édition), bewusst (éditions ultérieures).

83 En français dans le texte.

84 En français dans le texte.