L’importance des mots dans l’analyse précoce

J’ai fait remarquer dans mes articles et mes conférences que l’enfant diffère de l’adulte dans son mode d’expression par le fait qu’il agit et dramatise ses pensées et ses fantasmes. Mais ceci ne signifie pas que le mot n’ait pas une grande importance, dans la mesure où l’enfant le maîtrise. En voici un exemple. Un petit garçon de cinq ans qui présente un très fort refoulement de ses fantasmes est déjà passé par un bon bout d’analyse. Il a amené quantité de matériel en grande partie par le jeu, mais il manifeste une tendance à ne pas s’en rendre compte. Un matin, il me demanda de jouer à la marchande, et que je fusse la marchande. J’ai employé alors une disposition technique importante pour le petit enfant qui souvent n’est pas préparé à dire tout haut ses associations. Je lui demandai qui je devais être, une dame ou un monsieur, puisqu’il aurait à m’appeler par mon nom en entrant dans le magasin. Il me dit que je devais être « M. Cookey-Caker », et nous avons trouvé très vite qu’il voulait dire quelqu’un qui fait des gâteaux. Je devais vendre des moteurs qui représentaient pour lui le nouveau pénis. Il s’appela lui-même « M. Kicker », ce qu’il réalisa rapidement comme donnant des coups de pied. Je lui demandai où était allée M. Cookey-Caker. Il répondit : « Il est parti quelque part. » Il se rendit vite compte que M. Cookey-Caker avait été tué par ses coups de pied. « Faire des gâteaux » représentait pour lui faire des enfants de façons orale et anale. Il prit conscience après cette interprétation de son agressivité contre son père et ce fantasme ouvrit la voie à d’autres fantasmes dans lesquels le personnage contre lequel il se battait était toujours M. Cookey-Caker. Le mot « Cookey-Caker » est le pont vers la réalité que l’enfant évite aussi longtemps qu’il exprime ses fantasmes par le jeu. C’est toujours un progrès quand l’enfant doit reconnaître la réalité des objets à travers ses propres mots.