38PT2H22M38SFantasme originaire Fantasmes des origines Origines du fantasme2016-12-02T16:47:53.670000000LibreOffice/5.1.2.2$Windows_X86_64 LibreOffice_project/d3bf12ecb743fc0d20e0be0c58ca359301eb705fPluriel
HACHETTE
Littératures
Le présent ouvrage est paru aux Editions Hachette en 1985, dans la collection «Textes du xxe siècle», dirigée par Maurice Olender.
Édition n° 01 Dépôt légal : 2154, octobre 1998 ISBN : 2.01.278945.5 ISSN : 0296-2063
- N" 81785 HACHETTE LITTÉRATURES Collection n° 25 -
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Post-scriptum (1985)
4
54
56
J. Laplanche, J.-B. Pontalis
Fantasme originaire Fantasmes des origines Origines du fantasme
Table des matières
Table des matières
Post-scriptum (1985)3
« J’arrivais le soir »6
***7
« Je ne crois plus à ma neurotica »13
***14
***19
« Je lis des ouvrages de préhistoire »24
Ur30
Un scénario à entrées multiples37
Le temps « auto » : origine de la sexualité45
***53
Jean Laplanche54
Bibliographie55
Jean-Bertrand Pontalis56
Bibliographie57
Post-scriptum (1985)
Ce texte, comme tout texte ps
Auteur inconnu
2016-12-02T10:07:35
Écrit « pyschanalytique » dans l’édition
ychanalytique mais peut-être plus qu’un autre, est daté. Par « daté » nous n’« entendons pas qu’il serait, vingt ans après sa première publication dans la revue Les Temps modernes, tombé en désuétude. Du moins nous l’espérons, tant pour le lecteur d’aujourd’hui que pour nous-mêmes. Mais, incontestablement, il porte sa date : elle est inscrite dans les circonstances de sa parution et dans son mouvement même.
Il fut écrit dans une certaine urgence et cette urgence était d’abord imputable à un acte de rupture. En 1964, nous venions en effet de marquer notre refus de suivre Lacan dans ce qui s’appelait désormais l’École et allait devenir son école, mais nous ne consentions pas pleinement à voir que nous avions déjà pris nos distances à l’égard de sa pensée. D’où, dans ce court essai, les indices d’une sorte d’oscillation entre l’audace et la prudence, oscillation sensible aussi dans le rythme de l’écrit : parfois nous cheminons pas à pas, souvent nous condensons à l’excès. En opérant, mais tout à notre manière, un « retour à Freud », nous indiquions notre refus de prendre un billet d’aller sans retour vers Lacan. Mais, parallèlement, nous restions quelque peu retenus par le souci d’établir une continuité entre Freud et lui.
Notre étude porte sa date en ceci aussi qu’elle fut écrite dans la foulée du Vocabulaire de la psychanalyse alors sur le point d’être terminé. Sans doute peut-on considérer qu’elle ressortit comme cet ouvrage au genre de l’exégèse, mais à condition d’entendre par là le fait de laisser féconder sa pensée par une pensée aussi souveraine qu’« énigmatique, et non pas l’exploitation d’un fonds ressassé.
La découverte d’un trésor comporte le temps de l’émerveillement avant celui de l’inventaire, puis la nécessaire dilapidation. La richesse du thésaurus freudien, souvenons-nous, n’était guère soupçonnée par ceux qui, à l’époque, se contentaient d’en toucher les revenus, à moins qu’ils ne s’en remissent à un seul Autre du soin d’en prononcer la Vérité.
Il fallait d’abord ramener à la lumière des concepts parfaitement oubliés (oubliés dès le départ par les freudiens, voire par Freud lui-même) comme ceux d’étayage ou de fantasme originaire. Il fallait redonner leur valeur plénière, fondatrice sinon transcendantale
Auteur inconnu
2016-12-02T10:10:27
Écrit « transcendentale » dans l’édition.
, à des notions banalisées comme l’auto-érotisme, décriées et incomprises comme la séduction.
Mais bientôt la tâche devenait plus ardue, écartelée entre deux nécessités : ne pas fausser ni schématiser la pensée de Freud, mais tenter d’en restituer les exigences, les refoulements et les retours, les ambiguïtés, peut-être les « naïvetés » (l’hypothèse phylogénétique…) ; et, d’autre part, avancer dans une tentative personnelle pour dessiner, entre les notions redécouvertes, une configuration plus explicite, plus cohérente, plus stimulante.
C’est dire que le lecteur – et nous-mêmes en nous relisant – décèlera dans ce texte plusieurs strates :
une nécessaire et salubre archéologie des concepts, qui se veut à la fois fidèle et critique ;
une tentative d’interprétation de la problématique de l’originaire, où une certaine inspiration structuraliste reste perceptible, malgré les dénégations ;
l’amorce, enfin, de nouveaux développements où chacun des deux auteurs s’engagera par la suite plus librement, affirmant son choix au sein de l’expérience dont Freud a délimité et sillonné le champ.
Du moins avons-nous pris le risque de rouvrir et de déployer dans le champ « sexuel » de la psychanalyse la question « enfantine » des origines, question qui, si elle n’a pas de droit de cité pour le savoir positif, ne peut que hanter la pensée : celle du psychanalyste et celle du philosophe qui s’essayent ici à marcher d’un même pas.
Relu aujourd’hui où il est republié sans modification – seuls des titres de chapitres ont été ajoutés, certaines notes intégrées au texte et les références précisées –, cet essai garde pour nous valeur d’index : ce doigt qui désigne la chose, ce geste qui se prolonge en un chemin nécessitant des détours, ce signe d’une énigme et non sa solution.
« J’arrivais le soir »
Depuis ses origines, la psychanalyse brasse le matériel des fantasmes. Dans le cas inaugural d’Anna O., Breuer ne fait apparemment rien d’autre que s’immiscer dans le monde des productions imaginaires de la patiente, dans son « théâtre privé », pour permettre une catharsis par les voies de la verbalisation et de l’expression émotionnelle. « J’arrivais le soir, nous dit-il, au moment où je la savais plongée dans son état d’hypnose, et la débarrassais de toutes les réserves de fantasmes accumulées depuis ma dernière visite1
J. Breuer et S. Freud, Études sur l’hystérie, 1895, trad. fr. Paris, PUF, p. 21.. » À lire l’histoire de ce cas, on est frappé de voir que Breuer, à l’opposé de Freud, se préoccupe peu de retrouver les éléments réellement vécus qui pourraient être au fondement des rêveries diurnes. Dans l’événement qui est conçu comme initiateur de la névrose, c’est déjà un élément imaginaire, une hallucination, qui provoque le traumatisme. Entre le fantasme et la dissociation de la conscience qui aboutit à la formation d’un noyau psychique inconscient, le rapport est circulaire : le fantasme devient traumatisme lorsqu’il survient sur la base d’un état spécial, dit « hypnoïde », mais inversement le fantasme, par l’effroi et la sidération qu’il provoque, contribue à créer cet état fondamental ; il y a « auto-hypnose ».
Si Breuer se meut ainsi dans un monde imaginaire et cherche à en réduire le pouvoir pathogène sans recourir à une référence extrinsèque, que voyons-nous d’autre dans la pratique de certains analystes contemporains, particulièrement ceux qui se réclament de Melaine Klein ? D’emblée sont explicités, verbalisés (ici, sans doute, par l’analyste) les drames imaginaires qui sous-tendent le matériel verbal ou gestuel apporté en séance par le patient2
Cf. Mélanie Klein, Psychanalyse d’un enfant, Paris, Tchou, 1973. : introjection et projection du sein ou du pénis fantasmatiques, intrusions, luttes ou compromis des bons et mauvais objets, etc. Le progrès de la cure, s’il peut en définitive aboutir à une meilleure adaptation à la réalité, n’est pas attendu d’une quelconque démarche correctrice mais d’une dialectique où les fantasmes « s’intègrent » à mesure de leur dévoilement ; en dernière analyse, l’introjection stable du bon objet (non moins imaginaire que le mauvais) permet une fusion des instincts dans un équilibre fondé sur la prévalence de la libido sur l’instinct de mort.
***
Fantasme, en allemand : Phantasie. C’est le terme pour désigner l’imagination, non pas tant la « faculté d’imaginer » (l’Einbildungskraft des philosophes) que le monde imaginaire et ses contenus, les « imaginations » ou « fantasmes » dans lesquels se retranche volontiers le névrosé ou le poète. Dans ces scènes que le sujet raconte, ou que le psychanalyste lui raconte, la nuance de fantasmagorie est impossible à méconnaître. Comment dès lors échapper à la tentation de définir ce monde par rapport à ce dont il se sépare : le monde du réel ? Opposition bien antérieure à la psychanalyse, mais qui risque d’emblée d’enfermer dans ses termes la théorie et la pratique psychanalytiques.
Dans la théorie, comment les psychanalystes s’en tirent-ils ? Bien mal, et le plus souvent par la voie
Auteur inconnu
2016-12-02T10:23:59
Écrit « vie » dans l’édition.
d’une théorie de la connaissance des plus frustes.
Une Mélanie Klein, dont la technique est exempte de toute visée orthopédique et qui, plus que tout autre, se montre soucieuse de distinguer de l’imagerie contingente des rêveries diurnes la fonction structurante et la permanence de ce qu’elle nomme phantasmes inconscients3
Nous aurons à discuter plus loin cette distinction., maintient en dernier ressort que ceux-ci sont des « perceptions fausses ». Le « bon » objet et le « mauvais » objet doivent en toute rigueur, pour nous, être pourvus de guillemets4
« Bon » et « mauvais » objets sont des « imagos, déformées de façon fantasmatique, des objets réels sur lesquelles elles reposent ». Mélanie Klein, Essais de psychanalyse, [1934, Contribution à l’étude de la genèse des états maniaco-dépressifs], Paris, Payot, 1967, p. 311. même si toute l’évolution du sujet se situe à l’intérieur de ces guillemets.
Et Freud ? Nous verrons au cours de ce travail toute l’ambiguïté de sa conception, et qu’à chaque tournant de sa pensée, il trouve ouverte une autre voie. Mais, si nous prenons d’abord sa doctrine dans sa formulation la plus officielle, le monde des fantasmes semble se situer tout entier dans le cadre de l’opposition entre le subjectif et l’objectif, entre un monde intérieur qui tend à la satisfaction par l’illusion et un monde extérieur imposant progressivement au sujet, par la médiation du système perceptif, le principe de réalité. L’inconscien
Auteur inconnu
2016-12-02T10:30:04
Écrit « insconscient » dans l’édition.
t apparaît alors comme l’héritier de ce qui, à l’origine, était le seul monde du sujet, soumis au seul principe de plaisir. Le monde des fantasmes est semblable à ces « réserves naturelles » que les nations civilisées se créent pour y perpétuer l’état de nature. « Avec l’introduction du principe de réalité une forme d’activité de pensée se trouve séparée par clivage ; elle reste indépendante de l’épreuve de réalité et soumise uniquement au principe de plaisir. C’est là ce qu’on nomme la création de fantasmes5
S. Freud, « Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques », 1911, trad. fr. Résultats, idées, problèmes I, Paris, PUF, pp. 138-139.. » Pour les processus inconscients « l’épreuve de réalité n’est pas valable, la réalité de pensée équivaut à la réalité extérieure, le désir à son accomplissement, à l’événement6
Ibid., p. 142. ». Cette absence de « l’étalon de réalité » dans l’inconscient risque de désigner celui-ci comme un moindre être, un état moins différencié.
Dans la pratique psychanalytique, une insuffisance de l’appareil conceptuel ne peut manquer de produire des effets. Est-ce seulement pour mémoire qu’il faut mentionner toutes les formes de techniques qui, prenant appuis sur l’opposition entre imaginaire et réel, se proposent finalement de parachever l’intégration du principe de plaisir au principe de réalité, voie dans laquelle le névrosé se serait arrêté à mi-chemin ? Sans doute il n’est guère de mise de faire appel aux « réalités » extérieures à la cure elle-même, le matériel doit être analysé dans la relation du patient à l’analyste, « dans le transfert ». Mais, si nous n’y prenons garde, toute interprétation de transfert : « Vous vous conduisez avec moi comme si… » n’implique-t-elle pas le sous-entendu : « Et vous savez bien que je ne suis pas en réalité celui que vous croyez » ?
Heureusement la technique nous sauve : nous nous dispensons de prononcer ce malheureux sous-entendu7
Il est admirable de voir comment Mélanie Klein qui interprète à jet continu la relation transférentielle réussit à ne jamais amener le « en réalité » ni même le « comme si ».. C’est que, plus radicalement, la règle analytique serait à comprendre comme épochè, suspension absolue de tout jugement de réalité. N’est-ce pas là se mettre de plain-pied avec l’inconscient qui ne connaît pas un tel jugement ? Un patient vient nous dire qu’il est un enfant adoptif, il nous raconte des fantasmes où, à la recherche de sa vraie mère, il s’aperçoit qu’elle est une femme du monde devenue prostituée. Ne reconnaissons-nous pas là le thème banal du « roman familial » tel que le forge aussi bien un enfant qui n’a pas été adopté ? Au sein de notre réduction phénoménologique nous n’aurions plus à faire la distinction, sinon pour dénoncer comme défense par la réalité l’appui que ce patient trouve par exemple dans des documents authentifiant son adoption. La suspension de la référence à la réalité devient un « c’est vous qui le dites », à la limite dénonciateur : « Tout cela, c’est du subjectif. »
Et pourtant, dans le cas d’une adoption réelle auquel nous faisons ici allusion, la différence s’impose sur le plan clinique : actualisation, d’ailleurs rapidement émoussée, des fantasmes de retrouvaille de la mère, épisodes où la tentative de rejoindre la vraie mère est agie symboliquement dans une sorte d’état second, etc. Dans la cure même, dès son commencement, de nombreux éléments – contenu des rêves, survenue répétée du sommeil en séance manifestant de façon massive et agie une tendance régressive vers les origines – indiquaient la disjonction du réel brut et de la verbalisation.
Hanté – et qui le lui reprocherait ? – par l’exigence de savoir dans quelle région de l’être il se meut, Freud ne s’en tire pas à si bon compte lorsqu’il lui faut justifier la suspension du jugement de réalité dans la cure. Et d’abord il ressent presque comme un devoir de révéler au patient le dessous des cartes. Mais, pris comme le patient lui-même dans l’alternative réel-imaginaire, comment échapperait-il au double risque, soit de voir l’intérêt pour l’analyse s’effondrer si d’emblée l’analysé apprend que tout le matériel produit n’est qu’imaginations (Einbildungen), soit de se voir reprocher plus tard de l’avoir encouragé à prendre ses fantasmes pour des réalités8
Cf. Introduction à la psychanalyse, 1917, trad. fr. Paris, Payot, pp. 346-347. ? Ici est invoqué comme solution le recours à la notion de « réalité psychique », dimension nouvelle à laquelle l’analysé ne peut avoir d’emblée accès. Mais qu’est-ce à dire ? Qu’entend Freud par là ?
Bien souvent rien d’autre que la réalité de nos pensées, de notre monde personnel, réalité qui vaut bien celle du monde matériel, et dont l’efficace, quant aux phénomènes névrotiques, est déterminante. Si c’est là opposer la réalité des phénomènes psychologiques à la « réalité matérielle9
Ibid., p. 347. », la « réalité de pensée » à la « réalité extérieure10
« Formulations sur les deux principes du cours des événements psychiques », op. cit., p. 142. », cela revient à dire : nous nous mouvons dans l’imaginaire, dans le subjectif, mais ce subjectif est notre objet ; l’objet de la psychologie vaut bien celui des sciences de la nature matérielle. Et le terme même de réalité psychique ne signe-t-il pas le fait que Freud ne pourrait conférer la dignité d’objet aux phénomènes psychiques que par référence à la réalité matérielle, en affirmant qu’« eux aussi possèdent une sorte de réalité11
Introduction à la psychanalyse, op. Cit., p. 347. » ? La suspension du jugement de réalité, faute d’une nouvelle catégorie, nous fait basculer à nouveau dans la « réalité » du pur subjectif.
Et pourtant… Lorsqu’il introduit cette notion de réalité psychique, dans ces dernières lignes de L’interprétation des rêves qui en résument toute la thèse (le rêve n’est pas une fantasmagorie mais un texte à déchiffrer), Freud ne la définit pas comme tout le subjectif, comme le champ psychologique, mais comme un noyau hétérogène dans ce champ, résistant, seul vraiment « réel » par opposition à la plupart des phénomènes psychiques : « Faut-il reconnaître aux désirs inconscients une réalité ? Je ne saurais dire. Naturellement il faut la refuser à toutes les pensées de transition et de liaison. Lorsqu’on se trouve en présence des désirs inconscients ramenés à leur expression la dernière et la plus vraie, on est bien forcé de dire que la réalité psychique est une forme d’existence particulière qui ne saurait être confondue avec la réalité matérielle12
L’Interprétation des rêves, 1900, trad. fr. Paris, PUF, p. 526. Les remaniements successifs de ce passage au cours des différentes éditions de la Traumdeutung montrent à la fois le souci de Freud de cerner le concept de réalité psychique et les difficultés qu’il y éprouve. (Cf. Standard Edtion, vol. V, p. 620, note 1.). »
Trois sortes, donc, de phénomènes (ou de réalités au sens le plus large) : la réalité matérielle, la réalité des « pensées de liaison » ou du psychologique, la réalité du désir inconscient et de son « expression la plus vraie » (le fantasme).
Cette « réalité » psychique, nouvelle catégorie sans cesse occultée chez Freud, il ne suffit pas de la désigner d’emblée comme le « symbolique » ou le « structural ». Si elle est retrouvée et reperdue par Freud, ce n’est pas seulement l’effet d’une carence de l’outil conceptuel : sa relation – structurale elle-même – au réel et à l’imaginaire fait toute sa difficulté et son ambiguïté telles quelles apparaissent dans le domaine central du fantasme.
Un mot encore concernant lépochè exprimée dans la règle analytique : « Tout dire et ne faire que dire. » Elle n’est pas suspension de la réalité des événements extérieurs au profit de la réalité subjective. Elle crée un champ nouveau, celui du dire, où la différence du réel et de l’imaginaire peut garder sa valeur (cf. le cas du patient auquel nous avons fait allusion plus haut). L’homologie du champ analytique avec le champ inconscient dont il doit susciter l’émergence ne tient pas à leur commune « subjectivité » mais à la parenté profonde de l’inconscient avec ce champ de la parole. Non pas « c’est vous qui le dites », mais « c’est vous qui le dites ».
« Je ne crois plus à ma neurotica »
Les années 1895-1899 où s’accomplit la découverte psychanalytique sont significatives aussi bien par le caractère douteux du combat qui s’y mène que par la façon trop simple dont on en écrit classiquement l’histoire.
Si on lit, par exemple, l’introduction d’Ernest Kris à la Naissance de la psychanalyse13
Et notamment le chap. III, « Sexualité infantile et auto-analyse »., l’évolution des vues de Freud prend un sens parfaitement clair : les faits – et en premier lieu l’analyse entreprise par Freud sur lui-même – l’auraient contraint à abandonner les premières conceptions ; la scène de séduction par l’adulte, qui s’était jusqu’alors imposée à Freud comme le type même du traumatisme psychique, n’est pas un événement réel mais un fantasme qui n’est lui-même que le produit et le masque des manifestations spontanées de l’activité sexuelle infantile. Freud écrivant sa propre histoire n’a-t-il pas accrédité ce point de vue ? « S’il est vrai que les hystériques ramènent leurs symptômes à des traumatismes fictifs, le fait nouveau est bien qu’ils fantasment de telles scènes ; il est donc nécessaire de tenir compte, à côté de la réalité pratique, d’une réalité psychique. Bientôt, l’on découvrit que ces fantasmes servaient à dissimuler l’activité auto-érotique dans les premières années de l’enfance, à les embellir et à les porter à un niveau plus élevé. Alors derrière ces fantasmes, apparut dans toute son ampleur la vie sexuelle de l’enfant14
« Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique », 1914, trad. fr. Cinq Leçons sur la psychanalyse, Paris, Payot, pp. 83-84.. » Freud reconnaît son « erreur » : il aurait d’abord imputé au « dehors » ce qui est affaire de « dedans »…
***
Théorie de la séduction sexuelle, le mot à lui seul doit arrêter : élaboration d’un schéma explicatif de l’étiologie des névroses et non pas pur constat clinique de la fréquence des faits de séduction de l’enfant par l’adulte ni même simple hypothèse que de tels faits occuperaient, dans la série des traumatismes, une place prépondérante. Pour Freud, il s’agit de fonder en droit le lien qu’il a découvert entre la sexualité, le traumatisme et la défense : montrer qu’il est dans la nature même de la sexualité d’avoir un effet traumatique, et, inversement, qu’on ne peut à la limite parler de traumatisme et y découvrir l’origine de la névrose que dans la mesure où la séduction sexuelle est intervenue. Quand cette thèse s’affirme (dans les années 1895-1897), le rôle du conflit défensif dans la genèse de l’hystérie, et des « psycho-névroses de défense » en général, est pleinement reconnu, sans que soit pour autant réduite la fonction étiologique du traumatisme. Les notions de défense et de traumatisme sont étroitement articulées l’une à l’autre : la théorie de la séduction, en montrant comment le traumatisme sexuel a seul le pouvoir de déclencher une « défense pathologique » (refoulement), constitue une tentative pour rendre compte du fait, découvert par la clinique (Études sur l’hystérie) que le refoulement porte électivement sur la sexualité.
Arrêtons-nous un instant sur le schéma que propose Freud. Le traumatisme voit son action décomposée en plusieurs temps et suppose toujours l’existence d’au moins deux événements. Dans une première scène dite « scène de séduction » l’enfant subit de la part de l’adulte une tentative sexuelle (« attentat » ou simples avances), mais sans que celle-ci fasse naître chez lui d’excitation sexuelle. Si l’on tient à qualifier une telle scène de traumatique, ce ne peut être qu’en abandonnant le modèle somatique du trauma : il n’y a ici ni afflux d’excitations externes ni débordement des « défenses ». Si l’on doit la qualifier de sexuelle, c’est en tant qu’elle l’est de l’extérieur et pour l’adulte. Mais l’enfant, lui, n’a à sa disposition ni les conditions somatiques de l’excitation, ni les représentations pour intégrer l’événement ; sexuel en soi, celui-ci ne prend pas pour autant de signification sexuelle pour le sujet : il est « sexuel présexuel15
La Naissance de la psychanalyse, Lettre 30, Paris, PUF, p. 113. ». Quant à la seconde scène, qui survient après la puberté, elle est encore, si l’on peut dire, moins traumatique que la première : non violente, d’apparence anodine, elle ne tient son efficacité que d’évoquer rétroactivement le premier événement par quelques traits associatifs. C’est alors le souvenir de la première scène qui déclenche la montée de l’excitation sexuelle, prenant le « moi » à revers et le laissant désarmé, hors d’état d’utiliser des défenses normalement tournées vers le dehors, et suscitant ainsi la mise en jeu d’une défense pathologique ou « processus primaire posthume » : le souvenir est refoulé.
Si nous revenons ici sur des conceptions dont on peut penser à première vue qu’elles n’offrent qu’un intérêt historique, dans la mesure où elles paraissent présupposer un enfant innocent, sans sexualité, et aller ainsi à l’encontre d’un indéniable acquis ultérieur, ce n’est pas seulement pour jalonner les étapes d’une découverte.
Ce schéma explicatif, désigné par Freud comme proton pseudos, garde à nos yeux une valeur exemplaire quant à la signification de la sexualité humaine, et cela dans la difficulté même qu’il y a à le penser. En effet il met en jeu deux énoncés majeurs. D’une part – premier temps – la sexualité fait littéralement irruption du dehors, pénétrant par effraction dans un « monde de l’enfance » présumé innocent où elle vient s’enkyster comme un événement brut sans provoquer de réaction de défense : l’événement n’est pas par lui-même pathogène. D’autre part, au deuxième temps, la poussée pubertaire ayant déclenché l’éveil physiologique de la sexualité, il y a production de déplaisir et l’origine de ce déplaisir est cherchée dans le souvenir de l’événement premier, événement du dehors mué en événement du dedans, « corps étranger » interne qui cette fois fait irruption au sein même du sujet.
On trouve déjà dans les Études sur l’hystérie l’idée que le traumatisme psychique n’est pas réductible aux effets acquis une fois pour toutes d’un événement externe sur un organisme. « La relation causale du trauma psychique causateur avec le phénomène hystérique n’est pas telle que le trauma déclencherait le symptôme comme un agent provocateur, symptôme qui persisterait ensuite de façon indépendante. Nous devons bien plutôt affirmer que le trauma psychique, ou plutôt son souvenir, agit à la façon d’un corps étranger qui reste un agent actif longtemps après sa pénétration16
S. Freud, Études sur l’hystérie, 1895, trad. fr. Paris, PUF, pp. 3-4.. »
Façon surprenante de résoudre la question du traumatisme ; est-ce un afflux d’excitation externe, se demande-t-on, qui traumatise, le sujet, sur le modèle d’une effraction physique ? est-ce au contraire l’excitation interne, la pulsion, qui, faute d’exutoire, met le sujet en « état de détresse17
Une telle problématique restera présente à travers des œuvres comme Au-delà du principe de plaisir et Inhibition, symptôme et angoisse de Freud, ou Le Traumatisme de la naissance de Rank. » ? Or, avec la théorie de la séduction, on peut dire que tout le traumatisme vient à la fois de l’extérieur et de l’intérieur. De l’extérieur puisque c’est de l’autre que la sexualité arrive au sujet18
« L’hystérie me semble toujours davantage résulter de la perversion du séducteur. L’hérédité me semble toujours davantage être la séduction par le père. » Lettre 52, in La Naissance de la psychanalyse, op. Cit., pp. 158-159., de l’intérieur puisqu’il jaillit de cet externe intériorisé, de cette « réminiscence » dont, selon une belle formule, souffrent les hystériques, et dans laquelle nous reconnaissons déjà le fantasme.
Solution séduisante mais qui risque de s’effondrer dès qu’on laisse glisser le sens de chacun des deux termes : l’externe vers l’événement, l’interne vers l’endogène et le biologique.
Tentons, à l’inverse, de prendre au mieux, de sauver la théorie de la séduction dans ce qu’elle a de plus profond. Il s’agit chez Freud de la première, de la seule tentative pour établir une relation intrinsèque entre le refoulement et la sexualité19
Il n’a jamais renoncé à affirmer cette relation (cf. Abrégé de psychanalyse, 1938, trad. fr. Paris, PUF, pp. 55-57).. Cette relation, il en trouve le ressort non pas dans un « contenu » mais dans les caractères temporels de la sexualité humaine qui en font le champ privilégié d’une dialectique entre le trop et le trop peu de l’excitation, le trop tôt et le trop tard de l’événement : « Ici s’offre l’unique possibilité de voir un souvenir produire un effet bien plus considérable que l’événement lui-même20
Draft K., in La Naissance de la psychanalyse, op. cit.. » D’où la décomposition du « traumatisme » en deux temps : le traumatisme psychique n’est concevable que comme venant d’un déjà-là, la réminiscence de la première scène.
Comment, maintenant, concevoir la formation de ce déjà-là ? Comment la première scène « sexuelle pré-sexuelle » a-t-elle pu prendre signification pour le sujet ? Dans une perspective qui tend à réduire la dimension temporelle à la chronologie, il faut, ou bien s’engager dans une régression infinie, chaque scène ne prenant valeur sexuelle que par l’évocation d’une scène antérieure sans laquelle elle n’aurait simplement rien été pour le sujet, soit s’arrêter arbitrairement à une « première » scène malgré ce qu’elle comporte d’inconcevable.
Illusion, la doctrine d’un monde innocent de l’enfant, dans lequel la sexualité serait introduite du dehors par un adulte pervers ! Illusion, ou plutôt mythe dont les contradictions mêmes signent la nature. Il faut à la fois concevoir un enfant d’avant le temps, un « bon sauvage », et une sexualité déjà là, au moins en soi, pour qu’elle puisse être éveillée ; il faut concilier l’effraction d’un dehors dans un dedans avec l’idée que peut-être, avant cette effraction, il n’y avait pas de dedans, la passivité d’une signification purement subie avec le minimum d’activité sans lequel l’expérience ne saurait même être accueillie, l’indifférence de l’innocence avec le dégoût qu’est supposée provoquer la séduction. Pour tout dire, un sujet d’avant le sujet et recevant son être, son être sexuel, d’un extérieur d’avant la distinction intérieur-extérieur.
Quarante ans plus tard, Ferenczi reprendra la théorie de la séduction pour lui donner une importance analogue21
S. Ferenczi, « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant », in Œuvres complètes, Psychanalyse 4, Paris, Payot, pp. 125-135.. Ses formulations sont sans doute moins rigoureuses que celles de Freud mais elles ont le mérite de compléter le mythe par deux éléments essentiels : au-delà des faits, et par leur médiation, c’est un « langage » nouveau, celui de la « passion », qui est introduit par l’adulte dans le « langage » infantile de la « tendresse ». D’autre part, ce langage de la passion est celui du désir, nécessairement marqué d’interdit, de culpabilité et de haine, un langage dans lequel passe le sentiment d’anéantissement lié à la jouissance orgastique. Le fantasme de la scène primitive avec son caractère de violence témoigne d’une véritable introjection pour l’enfant de l’érotisme adulte.
D’emblée Freud rejetait la thèse banale qui fait dépendre d’un interdit purement extérieur le déplaisir provoqué par la sexualité. Qu’ils soient d’origine « interne » ou « externe », désir et interdit marchent de pair : « En recherchant l’origine du déplaisir qui est libéré par une excitation sexuelle précoce, et sans lequel aucun refoulement ne serait explicable, nous pénétrons au cœur même de l’énigme psychologique. La réponse qui vient tout de suite est la suivante : ce sont la pudeur et la moralité qui constituent les forces refoulantes […]. Je ne puis croire que la libération de déplaisir pendant les expériences sexuelles puissent découler de l’immixtion fortuite de certains facteurs de déplaisir […]. Mon opinion, c’est qu’il doit se trouver dans la vie sexuelle une source indépendante qui libère du déplaisir : si cette source existe, elle peut stimuler les sensations de dégoût et conférer sa force à la moralité » (Draft K).
Tout comme Freud en 1893, Ferenczi est entraîné à situer chronologiquement cette intrusion et à hypostasier un enfant d’avant la séduction. À l’inverse, on peut être tenté de clore une fois pour toutes le problème en invoquant la dimension du mythe : la séduction serait un mythe, mythe de l’origine de la sexualité par introjection du désir, du fantasme, du « langage » adultes. La relation du mythe au temps (à l’événement), mentionnée dans le mythe lui-même, est comme enveloppée en lui. Mais comment en demeurer là ? Ce mythe (ou fantasme) de l’intrusion du fantasme (ou du mythe) dans le sujet, il faut bien qu’il advienne lui-même dans le temps à cet organisme qu’est le petit d’homme, en fonction de certaines caractéristiques de son évolution biologique où se lisent déjà le trop et le trop peu, le trop tôt (de la naissance) et le trop tard (de la puberté).
***
Au cours de l’année 1897, Freud renonce à sa théorie de la séduction. Il écrit à Fliess, le 21 septembre : « Il faut que je te confie tout de suite le grand secret qui, au cours de ces derniers mois, s’est lentement révélé. Je ne crois plus à ma neurotica… » Il avance un certain nombre d’arguments. De fait : impossibilité de mener les analyses jusqu’à leur terme, à savoir jusqu’à l’événement pathogène premier ; même dans les psychoses les plus profondes – c’est-à-dire là où l’inconscient semble le plus accessible – le mot de l’énigme n’est pas livré. Arguments de droit : il faudrait généraliser la perversion du père au-delà même des cas d’hystérie puisque l’installation de celle-ci fait encore intervenir d’autres facteurs. D’autre part, et c’est là surtout le point qui nous intéresse, « il n’existe dans l’inconscient aucun indice de réalité de sorte qu’il est impossible de distinguer l’une de l’autre la vérité et la fiction investie d’affect. » Deux voies de solutions sont alors indiquées : ne voir dans les fantasmes infantiles que l’effet rétroactif d’une reconstruction qu’opérerait l’adulte (ce qui deviendra la conception jungienne dite du Zurück-phantasieren ; Freud la récuse d’emblée) ; revenir à l’idée de prédisposition héréditaire. Si cette seconde possibilité – dont Freud avoue qu’il l’avait toujours « refoulée » – regagne du terrain, c’est bien en effet parce que la recherche de l’événement premier a abouti à une impasse ; mais c’est aussi parce que Freud, en ce moment de désarroi, ne parvient pas à dégager ce qu’il y a de positif dans la théorie de la séduction au-delà du réalisme de l’événement datable. Si l’événement se dérobe, alors l’autre terme de l’alternative – la constitution – est réhabilité. Puisque le réel, dans une de ses modalités, fait défaut et se révèle n’être que « fiction », il faut chercher ailleurs un réel qui fonde cette fiction.
Quand les historiens de la psychanalyse, reprenant le point de vue officiel de Freud lui-même, nous disent que l’abandon, à l’épreuve des faits, de la théorie de la séduction a déblayé le terrain pour la découverte de la sexualité infantile, ils simplifient une évolution bien plus ambiguë. Pour un psychanalyste contemporain, pour un Kris comme pour nous, la sexualité infantile est inséparable du complexe d’Œdipe. Et il est bien vrai que, corrélativement à l’abandon de la séduction, trois thèmes deviennent prévalents, dans la correspondance avec Fliess : la sexualité infantile, le fantasme, l’Œdipe. Mais tout le problème est dans leur articulation. Or que voyons-nous ? S’il y a eu déblayage du traumatisme réel et de la scène de séduction, dans la mesure où il a été effectif22
Et il serait facile de montrer que, tout au long de sa vie, Freud a continué à insister sur la réalité des faits de séduction. ce n’est pas à l’Œdipe qu’il a fait place, mais à la description d’une sexualité infantile spontanée à développement essentiellement endogène. Stades d’évolution, fixation conçue comme inhibition de développement, régression génétique, c’est là au moins une des perspectives offertes par les Trois essais sur la théorie de la sexualité dont le deuxième chapitre sur « La sexualité infantile » ne fait état ni de l’Œdipe ni du fantasme. Un article contemporain de la première édition des Trois essais est significatif de ce point de vue : Freud peut y parler de ses « vues sur le rôle de la sexualité dans l’étiologie des névroses » sans dire un mot de l’Œdipe. Le développement sexuel de l’enfant y est défini comme endogène, déterminé par la constitution sexuelle : « Avec le recul des influences accidentelles de la vie, les facteurs de la constitution et de l’hérédité devaient reprendre le dessus, mais avec cette différence que moi je remplaçais la prédisposition névropathique en général par la “constitution sexuelle23
« Mes vues sur le rôle de la sexualité dans l’étiologie des névroses », 1905, trad. fr. Résultats, idées, problèmes I, Paris, PUF, p. 118.“ »
Pourtant, objectera-t-on, c’est bien aussi en 1897, précisément lorsqu’il abandonne la théorie de la séduction, que Freud découvre, dans son auto-analyse, le complexe d’Œdipe. Qu’on réfléchisse cependant à ceci : dans l’œuvre de Freud, pendant une vingtaine d’années, le complexe d’Œdipe, malgré son importance d’emblée reconnue, va avoir une existence en marge des synthèses théoriques ; il sera volontiers cantonné par exemple dans un chapitre à part sur le choix d’objet à la puberté (Trois essais) ou sur « les rêves typiques » (L’Interprétation des rêves). C’est qu’à notre sens la découverte de l’Œdipe en 1897 n’est ni la cause de l’abandon de la théorie de la séduction ni ce à quoi il a été fait place nette. Il est bien plutôt ce qui, déjà atteint de façon « sauvage » dans la théorie de la séduction, a failli être perdu avec elle au profit d’un réalisme biologique.
D’ailleurs Freud reconnaîtra lui-même, bien plus tard, ce qu’il y avait de positif, d’annonciateur dans la séduction : « J’avais rencontré ici, pour la première fois, le complexe d’Œdipe », ou encore : « J’appris que les symptômes hystériques découlaient non de faits réels mais de fantasmes. Plus tard seulement je me rendis compte que ce fantasme de séduction par le père était chez la femme, l’expression du complexe d’Œdipe24
Et non plus : l’expression de l’activité sexuelle spontanée, biologique, de l’enfant. Cf. Selbstdarstellung, 1925, trad. fr. Sigmund Freud présenté par lui-même, Paris, Gallimard, p. 58 et Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, 1933, trad. fr. Paris, Gallimard, pp. 161-162.. »
Pendant une certaine période, tout se passe donc comme si, perdant d’une part l’idée, présente dans la théorie de la séduction, d’un « corps étranger » qui introduit à l’intérieur du sujet la marque de la sexualité humaine, découvrant d’autre part ce fait que la pulsion sexuelle n’attend pas la puberté pour être active, Freud ne parvenait pas à articuler l’un à l’autre Œdipe et sexualité infantile. Si celle-ci existe, comme l’observation et la clinique l’imposent de manière irrécusable, elle ne peut, dès lors, être conçue que comme réalité biologique, et le fantasme n’est plus que l’expression seconde de cette réalité. La scène où le sujet se décrit séduit par un camarade plus âgé n’est en fait qu’un déguisement double : un pur fantasme est converti en souvenir réel, une activité sexuelle spontanée travestie en scène de passivité25
« J’ai appris à élucider plus d’un fantasme de séduction comme des tentatives de défense contre l’activité sexuelle propre du sujet (masturbation infantile). » in « Mes vues sur le rôle de la sexualité dans l’étiologie des névroses », op. cit., p. 117.. On n’est alors plus guère fondé à reconnaître au fantasme une réalité psychique – au sens fort que Freud a parfois su donner à l’expression – puisque la réalité est tout entière reportée sur une sexualité endogène dont les fantasmes ne sauraient être qu’une efflorescence purement imaginaire.
Avec l’abandon de la théorie de la séduction, quelque chose se perd : dans la conjonction et le jeu temporel des deux « scènes » s’inscrivait une structure pré-subjective, à la fois au-delà de l’événement ponctuel et de l’imagerie interne. Prisonnier d’une série d’alternatives théoriques : sujet-objet, constitution-événement, interne-externe, imaginaire-réel, Freud est amené à valoriser pour un temps les premiers termes de ces « couples d’opposés ».
Nous arriverions donc au paradoxe suivant : dans le moment même où l’objet psychanalytique par excellence, le fantasme, est découvert, il risque de perdre son être propre au profit d’une réalité endogène, la sexualité, elle-même aux prises avec une réalité extérieure interdictrice et normative qui lui impose des déguisements. Nous aurions bien le fantasme – au sens de production imaginaire – mais nous perdrions la structure.
Inversement, avec la théorie de la séduction, nous avions bien sinon la thèse, du moins l’intuition de la structure (la séduction apparaissant comme une donnée quasi universelle, en tout cas transcendant l’événement et pour ainsi dire ses acteurs), mais les pouvoirs de l’élaboration fantasmatique étaient inconnus, en tout cas sous-estimés.
« Je lis des ouvrages de préhistoire »
Ce serait s’en tenir à une vue bien partielle que de limiter ainsi l’évolution de la pensée freudienne aux environs de 1897 : passage d’un fondement historique du symptôme à une théorie en dernier ressort biologique se résumant dans la série causale : constitution sexuelle —> fantasme —> symptôme. Cette théorie, Freud ne la fait pleinement sienne que lorsqu’il se trouve contraint à présenter de façon systématique ses « vues » étiologiques. Si l’on voulait suivre pas à pas, ce qui n’est pas ici notre propos, l’histoire de la pensée freudienne, il faudrait distinguer dans cette période centrale au moins deux autres courants.
L’un puise sa force dans cette nouvelle découverte du fantasme qui s’opère à partir de 1896 : le fantasme n’est pas seulement un matériel à analyser, qu’il se donne d’emblée comme fiction (dans le rêve diurne) ou que son caractère de construction soit à démontrer en contradiction avec les apparences (comme dans le souvenir-écran) ; il est aussi un résultat de l’analyse, un terme, un contenu latent à mettre au jour derrière le symptôme. De symbole mnésique du trauma, le symptôme devient alors mise en scène de fantasmes (ainsi un fantasme de prostitution, de « faire le trottoir », pourrait être retrouvé derrière le symptôme de l’agoraphobie).
Ces fantasmes, Freud commence à en explorer le champ, à en dresser l’inventaire, à en décrire les formes les plus typiques. Repéré de deux côtés à la fois, comme donné manifeste et comme contenu latent, à l’intersection de deux voies d’approche opposées, le fantasme prend dans l’expérience la consistance d’un objet, l’objet spécifique de la psychanalyse. L’analyse va désormais demeurer auprès du fantasme comme « réalité psychique », en explorer les variantes et surtout analyser ses processus et sa structure. Entre 1897 et 1906 paraissent toutes les grandes œuvres qui dégagent les mécanismes de l’inconscient, c’est-à-dire les transformations (au sens où l’on emploie ce terme en géométrie) du fantasme : L’Interprétation des rêves, La Psychopathologie de la vie quotidienne, Le Mot d’esprit.
Mais, et c’est là notre troisième courant, il y a d’emblée dans le mouvement de la recherche freudienne et de la cure psychanalytique une tendance régressive vers l’origine, vers le fondement du symptôme et de l’organisation névrotique de la personne. Si le fantasme se révèle comme un champ autonome, consistant, explorable, il laisse entière la question de sa propre origine, non seulement celle de sa structure, mais celle de son contenu, de ses détails les plus concrets. En ce sens, rien n’a changé, et la quête chronologique, la remontée dans le temps vers des éléments premiers, réels et vérifiables, ne cesse d’orienter la pratique de Freud.
Parlant d’un de ses malades, il écrit en 1899 : « Profondément ensevelie sous tous les fantasmes, nous avons découvert une scène remontant aux temps originaires (avant vingt-deux mois), qui satisfait à toutes nos exigences et dans laquelle débouchent toutes les énigmes encore irrésolues26
Lettre 126, La Naissance de la psychanalyse, op. cit., pp. 271-272.. » Et un peu plus tard, ces lignes où s’avoue la passion impérieuse de l’investigation poursuivie toujours plus avant et sûre d’aboutir, avec, si besoin est, le recours aux tiers pour vérifier la justesse de l’enquête : « Le soir, je lis des ouvrages de préhistoire, sans intention de travail […]27
Mots soulignés par nous.. Chez E., la deuxième vraie scène remonte à la surface et je pourrais peut-être même la faire objectivement confirmer par la sœur aînée du patient. Au troisième plan, s’approche encore quelque chose de longtemps soupçonné28
Lettres 127, La Naissance de la psychanalyse, op. cit., pp. 273-274.. »
Ces scènes des temps originaires, ces vraies scènes, Freud les désigne alors du nom de Urszenen (scènes « originaires » ou « primitives »). Plus tard, comme on sait, ce terme sera réservé à l’observation du coït parental auquel l’enfant aurait assisté. Qu’on se reporte à la discussion de l’Histoire d’une névrose infantile (1918) concernant les rapports entre le rêve pathogène et la scène primitive sur laquelle il se fonde. À lire le premier jet du compte rendu clinique, rédigé « peu de temps après la fin du traitement, dans l’hiver 1914-1915 », on est frappé de la conviction passionnée qui pousse Freud, comme un détective aux aguets, à établir la réalité de la scène en la reconstituant dans ses moindres détails. Si un tel souci peut se manifester si longtemps après l’« abandon » de la théorie de la séduction, n’est-ce pas la preuve que Freud ne s’est jamais résigné à assimiler les « scènes » à de pures créations imaginaires ? Étouffée quant à la scène de séduction, la question resurgit vingt ans après dans des termes identiques à propos du coït parental observé par l’Homme aux loups. La découverte de la sexualité infantile n’a pas rendu caduc dans l’esprit de Freud le schéma fondamental qui était sous-jacent à la théorie de la séduction : le même processus d’une efficacité « après coup » est constamment invoqué ; nous retrouvons les deux événements (ici la scène et le rêve) séparés dans la série temporelle, le premier restant incompris et comme exclu à l’intérieur du sujet pour être ensuite repris dans l’élaboration du second temps. Que l’ensemble soit décalé dans les premières années de l’enfance ne change rien à l’essentiel du modèle théorique.
Il existe une ressemblance évidente entre le schéma freudien de l’après-coup et le mécanisme psychotique de la forclusion dégagé par Lacan : ce qui n’a pas été admis dans le symbolique (ce qui a été « forclos ») réapparaît dans le réel (sous forme d’hallucination). Or cette non-symbolisation, c’est justement le premier temps décrit par Freud. Comme Lacan et Freud illustrent leur théorie par le cas de l’Homme aux loups, on pourrait se demander si Lacan n’a pas considéré comme spécifiquement psychotique ce qui est en réalité un processus très général, ou si Freud n’a pas pris l’exception pour la règle en fondant sa démonstration sur un cas avéré de psychose.
De fait, la démonstration de Freud est facilitée par la réalité très probable de la scène primitive dans ce cas. Mais on peut concevoir que l’absence d’élaboration subjective ou de symbolisation, caractéristique du premier temps, n’est pas l’apanage d’une scène réellement vécue. Ce « corps étranger », qui va devenir exclu à l’intérieur, est le plus généralement apporté au sujet non par la perception d’une scène mais par le désir parental et le fantasme qui le supporte. Ce serait là le cas typiquement névrotique : en un « premier temps » (un temps non situable car fragmenté dans la série des moments de passage à l’auto-érotisme. Cf. plus bas, p.45 sq., infra) un « symbolique présymbolique » (pour paraphraser Freud) s’isolerait dans le sujet ; en un second temps, il serait repris après coup, « symbolisé » par lui. Dans la psychose, au premier temps, ce serait un réel brut qui s’imposerait, évidemment non symbolisé par le sujet, mais aussi offrant à toute tentative ultérieure de symbolisation un noyau irréductible. D’où, dans ce cas, la faillite, voire le caractère catastrophique du second temps.
C’est par cette voie d’approche que l’on pourrait tenter de saisir la différence entre le refoulement (originaire) et ce mécanisme psychotique que Freud tout au long de son œuvre a tenté de cerner (notamment en le désignant comme Verleugnung, déni), et que Lacan a nommé forclusion.
On sait qu’avant de publier son manuscrit, Freud y ajoute en 1917 deux longues discussions qui le montrent ébranlé par la thèse jungienne du « fantasme rétroactif » (Zurückphantasieren). Il admet qu’étant dans l’analyse l’aboutissement d’une reconstruction, la scène pourrait bien avoir été construite par le sujet lui-même, mais il n’en maintient pas moins avec insistance que la perception a au moins fourni des indices, ne serait-ce qu’une copulation de chiens…
Mais surtout, dans le moment même où Freud paraît en rabattre quant à l’appui que peut lui fournir un sol – qui se révèle si friable à l’enquête – de réalité, il introduit une notion nouvelle, celle des Urphantasien, les fantasmes originaires29
Urszene Urphantasie : c’est le même préfixe Ur. On le retrouve encore dans d’autres termes freudiens, notamment dans Urverdräangung. Nous aurions aimé pouvoir le rendre en français de la même façon dans tous ces termes par le mot originaire. Mais l’expression de « scène primitive » est consacrée en psychanalyse. Vaudrait-il mieux parler de « fantasmes primitifs », « refoulement primitif » ? Primitif a l’inconvénient de valoriser excessivement la signification archaïque de Ur et d’évoquer quelque chose de fruste, d’inachevé, un moindre être. Dans originaire, en revanche, s’inscrit cette conjonction ambiguë que tente de rendre le titre de notre essai.. Ici, on assiste à une véritable mutation de l’exigence du fondement : puisqu’il se révèle impossible de déterminer si, avec la scène primitive, nous avons affaire à un événement vécu par le sujet ou à une fiction, il faut rapporter ce qui fonde en dernier ressort le fantasme à un en deçà, à quelque chose qui transcende à la fois le vécu individuel et l’imaginé.
Pour nous aussi, ce n’est donc qu’après coup que le tournant de la pensée freudienne, en 1897, livre son plein sens. Apparemment, rien de changé : la même recherche d’une réalité vraiment première, se poursuit, le même schéma est repris, celui d’une dialectique entre deux événements historiques successifs, les mêmes déceptions éprouvées – comme si Freud n’avait rien appris – devant la fuite de l’événement ultime, de la « scène ». Mais, parallèlement, à la faveur de ce que nous avons désigné comme un second courant, la découverte de l’inconscient comme champ structuré, susceptible d’être reconstruit parce qu’il est lui-même agencement, décomposition et recomposition d’éléments selon certaines lois, va permettre à la quête de l’origine de se déployer dans une dimension nouvelle.
Dans la notion de fantasme originaire30
Lorsque nous parlons de notion, on pourrait nous reprocher de pécher par excès. Assurément « fantasme originaire » ne fait pas partie de l’appareil conceptuel classique de la psychanalyse. Freud y a recours au détour d’une problématique bien précise dont nous tentons de retracer le sens. Le mot a donc surtout valeur d’index et de ce fait appelle nécessairement l’interprétation. viennent se rejoindre ce qu’on peut appeler le désir de Freud de trouver le roc de l’événement (et, s’il s’efface dans l’histoire de l’individu à force d’être réfracté et démultiplié, on remontera plus haut…) et l’exigence de fonder la structure du fantasme elle-même sur autre chose que l’événement.
Ur
Les fantasmes originaires constituent « ce trésor de fantasmes inconscients que l’analyse peut découvrir chez tous les névrosés et probablement chez tous les enfants des hommes31
« Communication d’un cas de paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique », 1915, trad. fr. Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF, p. 215. ». Ces mots à eux seuls suggèrent que ce n’est pas seulement le fait empirique de leur fréquence, voire de leur généralité, qui les caractérise. Si « chaque fois les mêmes fantasmes sont créés, avec le même contenu32
Introduction à la psychanalyse, op. cit., p. 349. », si on peut retrouver, sous la diversité des affabulations individuelles, quelques fantasmes « typiques33
Souci présent très tôt chez Freud. Cf. Draft M : « L un de nos plus chers espoirs est d’arriver à déterminer le nombre et les espèces de fantasmes
Auteur inconnu
2016-12-02T11:31:17
Écrit « fanstasmes » dans l »édition.
aussi bien que nous déterminons ceux des scènes. » », c’est bien que l’histoire événementielle du sujet n’est pas le primum moyens qu’il faut supposer un schème antérieur capable d’opérer comme « organisateur ».
Pour rendre compte de cette antécédence, Freud ne voit qu’un recours : l’explication phylogénique. « Il est possible que tous les fantasmes qu’on nous raconte aujourd’hui dans l’analyse […] aient été jadis, aux temps originaires de la famille humaine, réalité » (ce qui fut réalité de fait serait devenu réalité psychique) « et qu’en créant des fantasmes l’enfant comble seulement, à l’aide de la vérité préhistorique, les lacunes de la vérité individuelle34
Introduction à la psychanalyse, op. cit., p. 350. ». C’est donc encore une fois un réel qui est postulé en deçà des élaborations fantasmatiques, mais un réel dont Freud ne manque pas de souligner le statut structural et l’autonomie par rapport aux sujets qui, eux, en sont absolument dépendants. Il va même très loin dans ce sens puisqu’il admet la possibilité, entre le « schème » et les expériences individuelles, d’une discordance qui serait une condition du conflit psychique35
« Là où les événements ne s’adaptent pas au schéma héréditaire, ceux-ci subissent dans le fantasme un remaniement […]. Ce sont justement ces cas-là qui sont propres à nous montrer l’existence indépendante du schéma. Nous sommes souvent à même d’observer que le schéma triomphe de l’expérience individuelle : dans notre cas par exemple, [celui de l’Homme aux loups], le père devient le castrateur et celui qui menace la sexualité infantile, en dépit d’un complexe d’Œdipe par ailleurs inversé […]. Les contradictions se présentant entre l’expérience et le schéma semblent fournir ample matière aux conflits infantile. » « Extrait de l’histoire d’une névrose infantile (l’Homme aux loups) », 1918, trad. fr. Cinq psychanalyses, Paris, PUF, pp. 418-419..
On est tenté de reconnaître dans ce « réel » venant informer le jeu imaginaire et lui imposer sa loi, une préfiguration de « l’ordre symbolique », tel que l’ont défini Lévi-Strauss et Lacan, en en montrant respectivement l’agencement et l’efficacité dans les champs ethnologique et psychanalytique. Ces scènes reportées dans la préhistoire de l’homme dont Totem et Tabou prétend retracer la trame, et attribuées à l’homme originaire (Urmensch), au père originaire (Urvater), Freud les invoquerait moins pour retrouver une réalité qui lui échappe au niveau de l’histoire individuelle que pour limiter un imaginaire qui ne saurait comprendre en lui-même son principe d’organisation et ne constituerait donc pas le « noyau de l’inconscient ».
Sous le masque pseudo-scientifique de la phylogenèse, dans l’appel aux traces mnésiques héritées, il faudrait donc savoir reconnaître la nécessité où se trouve Freud de postuler l’antériorité d’une organisation signifiante par rapport à l’efficacité de l’événement et de l’ensemble du signifié. Dans cette préhistoire mythique de l’espèce, s’affirme l’exigence d’une pré-structure inaccessible
Auteur inconnu
2016-12-02T15:50:26.186000000
Écrit « inacessible » dans l’édition.
au sujet, échappant à ses prises et à ses initiatives, à sa « cuisine » intérieure (aussi riche en ingrédients que nos nouvelles sorcières veuillent en imaginer la composition). Mais Freud serait littéralement pris au piège de sa conceptualisation ; il retrouverait, dans cette fausse synthèse qu’est le passé de l’espèce humaine conservé en schèmes héréditairement transmis, l’opposition qu’il cherche en vain à dépasser de l’événement et de la constitution.
Soit. Ne nous hâtons pourtant pas trop de substituer à l’« explication phylogénique » une interprétation de type structuraliste. En deçà de l’histoire du sujet, mais néanmoins dans l’histoire, discours et chaîne symbolique, mais imprégné d’imaginaire, structure mais agencée à partir d’éléments contingents, le fantasme originaire est d’abord fantasme et comme tel marqué de certains traits qui le rendent difficilement assimilable à un pur schème transcendantal, même s’il vient fournir à l’expérience ses conditions de possibilité.
Nous ne prétendons pas développer ici – comme l’exigerait une théorie psychanalytique cohérente – la question des relations entre le niveau de la structure œdipienne et celui des fantasmes originaires. Il faudrait d’abord préciser ce qu’on entend par structure œdipienne. On notera que l’aspect structural du complexe d’Œdipe – considéré aussi bien dans sa fonction instituante que dans sa forme triangulaire – a été dégagé très tardivement par Freud : il est rigoureusement inaperçu dans les Trois essais (1905) par exemple. La formule dite généralisée de l’Œdipe n’est donnée qu’avec Le moi et le ça (1923) et la « généralisation » en cause ne saurait être interprétée dans un sens formaliste : elle désigne une série limitée de positions concrètes au sein de ce champ inter-psychologique que constitue le triangle père-mère-enfant. Dans la perspective de l’anthropologie structurale, on peut y voir une des modalités de la loi qui fonde les échanges interhumains, loi susceptible, selon la diversité des cultures, de s’incarner en d’autres personnages et sous d’autres formes, la fonction interdictrice de la loi pouvant par exemple être remplie par une autre instance que celle du père. S’il faisait sienne une telle solution, le psychanalyste aurait conscience de perdre une dimension fondamentale de son expérience : le sujet est bien inséré dans une structure d’échange, mais celle-ci lui est transmise par l’inconscient parental, elle est donc moins assimilable au système d’une langue qu’à l’agencement singulier d’un discours.
En fait, chez Freud, la conception de l’Œdipe est marquée de réalisme : qu’il soit représenté comme conflit interne (« complexe nucléaire ») ou comme institution sociale, le complexe reste une donnée ; le sujet le rencontre, « tout être humain se voit imposer la tâche de le maîtriser36
Trois essais sur la théorie de la sexualité, 1905, trad. fr. Paris, Gallimmard, pp. 186-187, note 82. ».
Peut-être est-ce cette conception réaliste qui a engagé Freud à faire coexister au côté du complexe d’Œdipe, et sans souci d’articulation, la notion de fantasme originaire : cette fois, le sujet ne rencontre pas la structure, il est porté par elle, mais, répétons-le, à l’intérieur du fantasme, à savoir d’une configuration de désirs inconscients, et non comme terme d’une combinatoire.
Le texte où Freud fait mention pour la première fois des Urphantasien ne laisse aucun doute à cet égard37
« Communication d’un cas de paranoïa en contradiction avec la théorie psychanalytique », op. Cit.. Il y rapporte le cas d’une paranoïaque qui déclare avoir été observée et photographiée pendant qu’elle était couchée auprès de son amant ; elle aurait alors entendu un « petit bruit », le déclic de l’appareil. Derrière ce délire, Freud retrouve la scène primitive : le bruit, c’est le bruit des parents qui réveille l’enfant, c’est aussi celui que l’enfant redoute de faire, et qui trahirait son écoute. Comment apprécier son rôle dans le fantasme ? En un sens, nous dit Freud, ce n’est qu’une « provocation », qu’une cause occasionnelle ; il viendrait seulement « activer le fantasme typique d’être aux écoutes, qui fait partie du complexe parental » ; mais, rectifie-t-il aussitôt, « il est douteux que nous puissions qualifier à bon droit ce bruit d’“accidentel” […]. Il constitue au contraire une partie nécessaire du fantasme d’être aux écoutes38
Ibid., p. 215.. » En effet le bruit invoqué par la patiente39
Ce serait d’ailleurs là, selon Freud, l’effet d’une projection. Il s’agirait en fait d’une pulsation (pochen) clitoridienne projetée au-dehors sous forme de bruit. La pulsation de la pulsion, pourrions-nous dire par un jeu de mots évoquant un nouveau rapport circulaire entre la pulsation qui actualise le fantasme
Auteur inconnu
2016-12-02T15:56:34.582000000
Écrit « fanstasme » dans l’édition.
et la pulsion que fait surgir celui-ci. reproduit dans l’actuel l’indice de la scène primitive, cet élément à partir duquel a pu prendre toute l’élaboration fantasmatique ultérieure. Autrement dit, l’origine du fantasme est intégrée dans la structure même du fantasme originaire.
Dans les premières ébauches théoriques que lui suggère la question des fantasmes, Freud valorise – d’une façon qui peut intriguer ses lecteurs – le rôle de l’entendu40
« Constitué à partir des choses qui sont entendues et reçoivent leur valeur après coup, ils combinent le vécu et l’entendu, le passé (provenant de l’histoire des parents et des aïeux) avec ce qu’on a soi-même vu. Ils se rapportent à l’entendu comme les rêves se rapportent au vu » (Draft L).
Et encore : « Les fantasmes se produisent par une combinaison inconsciente de choses vécues et de choses entendues » (Draft M.).. Sans vouloir trop mettre l’accent sur ces textes fragmentaires où Freud semble avoir surtout en vue les fantasmes paranoïaques, on doit se demander d’où vient ce privilège accordé à l’entendu. On peut, selon nous, lui trouver deux motifs. L’un tient au sensorium en cause : l’entendu, quand il fait irruption, rompt la continuité d’un champ perceptif indifférencié et en même temps fait signe (le bruit guetté et perçu dans la nuit), mettant le sujet en position d’interpellé ; dans cette mesure, le prototype du signifiant appartient bien à l’entendu, même s’il trouve des équivalences dans les autres registres sensoriels. Mais l’entendu, c’est aussi – second motif auquel Freud fait explicitement allusion dans le passage en question – L’histoire, ou la légende, des parents, des grands-parents, de l’ancêtre : le dit ou le bruit familial, ce discours parlé ou secret, préalable au sujet, où il doit advenir et se repérer. C’est en tant qu’il peut rétroactivement servir de point d’appel à ce « discours » que le petit bruit – ou tout autre élément sensoriel discret pouvant avoir fonction d’indice – va prendre cette valeur.
Dans leur contenu même, dans leur thème (scène primitive, castration, séduction…), les fantasmes originaires indiquent aussi cette postulation rétroactive : ils se rapportent aux origines. Comme les mythes, ils prétendent apporter une représentation et une « solution » à ce qui, pour l’enfant, s’offre comme énigmes majeures ; ils dramatisent comme moments d’émergence, comme origine d’une histoire, ce qui apparaît au sujet comme une réalité d’une nature telle qu’elle exige une explication, une « théorie ».
Fantasmes des origines : dans la scène primitive, c’est l’origine de l’individu qui se voit figurée ; dans les fantasmes de séduction, c’est l’origine, le surgissement, de la sexualité ; dans les fantasmes de castration, c’est l’origine de la différence des sexes. Dans leur thème, on retrouve donc, signifié de façon redoublée, le statut de déjà-là des fantasmes originaires.
Convergence du thème, de la structure et sans doute de la fonction : dans l’indice qui fournit le champ perceptif, dans le scénario construit, dans la recherche modulée des commencements, se donne sur la scène du fantasme ce qui « origine » le sujet lui-même.
Si nous nous demandons ce que signifient ces fantasmes des origines pour nous, nous nous plaçons à un autre niveau d’interprétation. Nous voyons alors comment on peut dire d’eux non seulement qu’ils sont pris dans le symbolique, mais qu’ils traduisent, par la médiation d’un scénario imaginaire qui prétend la ressaisir, l’insertion du symbolique le plus radicalement instituant dans le réel du corps. Que figure pour nous la scène primitive ? La conjonction entre le fait biologique de la conception (et de la naissance) et le fait symbolique de la filiation, entre « l’acte sauvage » du coït et l’existence d’une triade mère-enfant-père. Dans les fantasmes de castration la conjonction réel-symbolique est encore plus évidente. Ajoutons, quant à la séduction, que ce n’est pas seulement, comme nous croyons l’avoir montré, parce qu’il avait rencontré de nombreux faits réels de séduction que Freud a pu faire d’un fantasme une théorie scientifique, découvrant finalement par ce détour la fonction même du fantasme ; c’est bien parce qu’il cherchait à rendre compte, en termes d’origines, de la façon dont la sexualité advient à l’être humain.
Un scénario à entrées multiples
Retrouvé aux niveaux les plus divers de l’expérience psychanalytique, donné, interprété, reconstruit, postulé, le fantasme ne pouvait manquer de poser le problème difficile de son statut métapsychologique et tout d’abord de son appartenance topique dans le cadre de la distinction des systèmes inconscient, préconscient et conscient.
Dans certaines tendances de la psychanalyse contemporaine41
Cf. notamment Susan Isaacs, « Nature et fonction du phantasme », in Développements de la psychanalyse, Paris, PUF, pp. 64-114. on a tenté de trancher la question, en transposant dans la théorie la distinction qui semble s’imposer dans la pratique entre le fantasme tel qu’il se donne à interpréter et le fantasme auquel aboutit le travail d’interprétation analytique. Freud désignerait à tort d’un même terme, Phantasie, deux réalités tout à fait distinctes : d’une part la Phantasie inconsciente, « contenu primaire des processus mentaux inconscients42
Ibid., p. 64. » et, d’autre part, les imaginations conscientes ou subliminaires dont le type est la rêverie diurne. Celle-ci ne serait qu’un contenu manifeste comme les autres ; elle n’aurait pas une relation plus privilégiée avec la Phantasie inconsciente que le rêve, les comportements et ce que, d’une façon générale, nous nommons le « matériel » : comme toute donnée manifeste, elle renverrait à une interprétation en termes de Phantasie inconsciente. On propose alors, pour lever cette malheureuse confusion, de distinguer par une graphie différente les « fantasmes43
En anglais fantasy. conscients, du type des rêveries diurnes » et les « phantasmes »44
En anglais phantasy. inconscients. S’agit-il là, comme on le dit parfois, d’un grand progrès, résultat d’un demi-siècle de psychanalyse ? Tentons de comparer ce « progrès » à l’inspiration et à la progression de la pensée freudienne.
Inspiration de la pensée de Freud : par son obstination à employer le même terme de Phantasie jusqu’à la fin de son œuvre, en dépit de la découverte très tôt survenue que ces Phantasiens peuvent être aussi bien inconscientes que conscientes, Freud veut attester une parenté profonde : « Les fantasmes clairement conscients des pervers – qui, dans des circonstances favorables, peuvent se transformer en comportements agencés –, les craintes délirantes des paranoïaques – qui sont projetées sur d’autres avec un sens hostile –, les fantasmes inconscients des hystériques – que l’on découvre par la psychanalyse derrière leurs symptômes –, toutes ces formations coïncident par leur contenu jusqu’aux moindres détails45
Trois essais sur la théorie de la sexualité, op. cit., p. 174, note 33.. » C’est dire que dans des formations imaginaires et des structures psycho-pathologiques aussi diverses que celles que désigne ici Freud, un même contenu, un même agencement peut être retrouvé, qu’il soit conscient ou inconscient, agi ou représenté, qu’il y ait ou non changement de signes et permutation de personnages.
Une telle affirmation (1905) n’est pas celle d’un soi-disant proto-Freud. Elle est centrale notamment dans la période 1906-1909 où le fantasme suscite une multiplicité de recherches46
Gradiva, 1907. Le Poète et la création de fantasmes, 1908. Les Fantasmes hystériques et leur relation à la bisexualité, 1908. Les Théories sexuelles infantiles, 1908. Généralités sur l’attaque hystérique, 1909. Le Roman familial des névrosés, 1909.. Le fantasme est à cette époque pleinement reconnu dans son efficacité inconsciente, comme sous-jacent, par exemple, à l’attaque hystérique qui le symbolise. Cependant c’est du fantasme conscient, du rêve diurne, que Freud part, non seulement comme paradigme, mais comme source. Ces fantasmes hystériques qui ont « des relations importantes avec le déterminisme des symptômes névrotiques » (ne s’agit-il pas des fantasmes inconscients ?) ont pour « cause commune et prototype normal ce qu’on nomme les rêves diurnes de la jeunesse47
« Les fantasmes hystériques et leur relation à la bisexualité », 1908, trad. fr. Névrose, psychose et perversion, op. cit., p. 149. ». Cause commune ? En effet c’est le fantasme conscient lui-même qui peut être refoulé, devenant alors pathogène. Freud trouve même dans le fantasme le point privilégié où pourrait être saisi sur le vif le processus de passage d’un système à l’autre, refoulement ou retour du refoulé48
« Dans des circonstances favorables on peut encore saisir par la conscience un fantasme inconscient de ce genre. Une de mes patientes que j’avais rendue attentive à ses fantasmes me raconta qu’un jour dans la rue elle s’était tout à coup trouvée en larmes et, faisant brusquement retour sur elle-même pour savoir sur quoi en fait elle pleurait, elle avait pu saisir ce fantasme : elle avait lié une tendre relation avec un pianiste virtuose bien connu dans la ville (mais qu’elle ne connaissait pas personnellement), elle avait eu un enfant de lui (elle n’avait pas d’enfant), et elle avait été abandonnée à la misère avec son enfant. C’est à cet endroit du roman qu’avaient jailli ses larmes » (ibid., p. 150).. C’est bien le même être mixte, le même « sang mêlé » qui, proche de la limite de l’inconscient, peut passer d’un côté ou de l’autre, en fonction notamment d’une variation d’investissement49
« Ils s’approchent tout près de la conscience, et restent là sans être troublés aussi longtemps qu’ils n’ont pas un investissement intense, mais sont renvoyés dès qu’ils dépassent un certain niveau d’investissement » « L’inconscient », 1915, trad. fr. Métapsychologie, Paris, Gallimard, p. 103.. On objectera peut-être que Freud ne prend pas là le fantasme inconscient à son niveau le plus profond, qu’il ne s’agit pas vraiment du « phantasme » mais d’une simple rêverie subliminaire. Pourtant Freud désigne bien comme refoulement le processus qui « renvoie » le fantasme, et la frontière dont il parle est bien celle de l’inconscient au sens propre, topique, du terme.
Nous ne nions certes pas qu’il existe différents niveaux dans les fantasmes inconscients mais il est frappant de voir Freud, lorsqu’il étudie la métapsychologie du rêve, retrouver la même parenté entre les fantasmes inconscients les plus profonds et la rêverie diurne : dans le travail du rêve, le fantasme est présent aux deux extrémités du processus. (D’une part, il est lié au désir inconscient dernier, au « capitaliste » du rêve, et comme tel il est à l’origine de ce « parcours plusieurs fois rebroussé » qu’est censée suivre l’excitation à travers la succession des systèmes psychiques : « La première partie (de ce parcours) va, de façon progrédiente, des scènes ou fantasmes inconscients jusqu’au préconscient50
L’Interprétation des rêves, op. cit., p. 488. » où il va recruter les « restes diurnes » ou « pensées de transfert ». Mais le fantasme est aussi présent à l’autre extrémité du rêve, dans l’élaboration secondaire dont Freud souligne bien qu’elle ne fait pas partie du travail inconscient du rêve, mais doit être identifiée « au travail de notre pensée vigile ». L’élaboration secondaire est un remaniement a posteriori qui se poursuit d’ailleurs dans les transformations que nous faisons subir, une fois éveillés, au récit du rêve. Elle consiste essentiellement à recréer dans le produit brut livré par les mécanismes inconscients (déplacement, condensation, symbolisme) un minimum d’ordre et de cohérence, à plaquer sur cet entassement hétéroclite une « façade », un scénario qui le rende relativement cohérent et continu. En un mot, il s’agit de rendre le rêve définitif relativement semblable à une « rêverie diurne51
Ibid., p. 420. ». Aussi l’élaboration secondaire va-t-elle utiliser les scénarios tout montés que sont les fantasmes ou rêveries diurnes, dont le sujet a pu se donner le spectacle au cours de la journée précédant le rêve.
Est-ce à dire qu’entre le « phantasme » qui est au cœur du rêve et le « fantasme » qui sert à rendre celui-ci acceptable par la conscience il n’y ait pas de relation privilégiée ? Tout à sa découverte du rêve comme accomplissement du désir inconscient, il est sans doute bien naturel que Freud dévalorise tout ce qui, proche du conscient, peut apparaître comme défense, camouflage, et précisément l’élaboration secondaire52
Il faut bien démanteler l’élaboration secondaire, le scénario, pour pouvoir prendre le rêve élément par élément. Mais Freud n’oublie pas que, dans cette mise sur le même plan qui est un des aspects de l’écoute psychanalytique, la structure, le scénario devient lui-même élément, tout comme, par exemple, la réaction globale du sujet à son propre rêve.. Mais il revient vite à une appréciation différente : « On s’égarerait en ne voulant voir dans ces façades du rêve rien d’autre que cette élaboration – toute faite de malentendus et assez arbitraire – du contenu du rêve par l’instance consciente […]. Les fantasmes de désir que l’analyse découvre dans les rêves nocturnes se révèlent être des répétitions et des remaniements de scènes infantiles ; ainsi, dans plus d’un rêve, la façade du rêve nous désigne de façon immédiate le véritable noyau du rêve, qui se trouve déformé parce qu’il est mêlé à un autre matériel53
Le Rêve et son interprétation, 1901, trad. fr., Paris, Gallimard, p. 44. Freud semble aussi avoir indiqué que, d’une façon générale, le désir se lit plus volontiers dans la structure lorsqu’il s’agit du fantasme que dans le cas du rêve (à moins que celui-ci ne soit très restructuré par le fantasme, comme c’est le cas pour les « rêves typiques » notamment) : « Lorsqu’on examine la structure (Aufbau) [des fantasmes], on se convainc de fa façon dont le thème du désir [Wunschmotiv] qui est à l’œuvre dans leur production a bouleversé et remanié le matériel dont ils sont construits pour le rassembler en un nouveau tout… » (L’Interprétation des rêves, op. cit., p. 419.). » Ainsi les deux extrémités du rêve, et les deux modalités de fantasme qui s’y retrouvent, semblent sinon se rejoindre, du moins communiquer de l’intérieur et comme se symboliser l’une l’autre.
Nous avons parlé d’une progression de la pensée de Freud quant au statut métapsychologique du fantasme. Elle va assurément dans le sens d’une différenciation mais nous croyons avoir assez indiqué que c’est sans supprimer l’homologie qui existe entre les différents niveaux du fantasme, et surtout sans faire coïncider la ligne de différenciation majeure avec la barrière topique (censure) qui sépare les systèmes pré-conscient-conscient d’une part, inconscient de l’autre. La différence passe à l’intérieur de l’inconscient : « Les fantasmes inconscients ou bien ont été depuis toujours inconscients et formés dans l’inconscient ou bien, ce qui est le cas le plus fréquent, ils ont été jadis fantasmes conscients, rêves diurnes et ont été ensuite oubliés intentionnellement, ils sont arrivés dans l’inconscient par le “refoulement”54
« Les fantasmes hystériques et leur relation à la bisexualité », 1908, trad. fr. Névrose, psychose et perversion, op. cit., p. 150-151.. »
Cette distinction, un peu plus tard, va venir coïncider dans la terminologie freudienne avec celle des fantasmes originaires et des autres fantasmes, ceux qu’on pourrait nommer secondaires, qu’ils soient inconscients ou non55
Nous proposons le tableau suivant :
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Le refoulement qui « renvoie » dans l’inconscient les fantasmes secondaires serait ce que Freud nomme « refoulement secondaire » ou « refoulement après-coup ». À la constitution ou à l’inscription chez l’individu des fantasmes originaires correspond un autre type de « refoulement », plus obscur et plus mythique, que Freud nomme « refoulement originaire » (Urverdrängung). Nous tentons d’en indiquer plus loin une voie d’abord. Cf. aussi J. Laplanche et S. Leclaire, L’Inconscient, Une étude psychanalytique, in Les Temps modernes, juillet 1961..
L’unité de l’ensemble du fantasme tient cependant, au-delà de cette différence fondamentale, dans leur caractère d’êtres mixtes, où se retrouvent, bien qu’à des degrés divers, le structural et l’imaginaire. C’est en ce sens que Freud prendra toujours comme modèle du fantasme la rêverie, cette sorte de roman feuilleton, à la fois stéréotypé et infiniment variable, que le sujet forge et se raconte à l’état de veille.
Jeu d’images, le rêve diurne utilisant le tout-venant chatoyant du vécu individuel ; mais aussi le fantasme originaire dont les dramatis personœ, les figurines du jeu de cartes reçoivent leurs emblèmes d’une légende familiale mutilée, bouleversée, mal-entendue. Structure, le fantasme originaire où se lit aisément la configuration œdipienne ; mais aussi le rêve diurne, s’il est vrai que l’analyse retrouve des scénarios typiques, répétitifs, sous la variabilité des affabulations.
Cependant ce n’est pas seulement, ni même essentiellement, la proportion variable, et inversée, entre l’ingrédient imaginaire et le liant structural qui permettrait de classer et de différencier les modalités du fantasme56
Parmi lesquelles il faut évidemment mentionner les souvenirs-écrans et les théories sexuelles infantiles. entre les deux pôles extrêmes du fantasme originaire et de la rêverie. La structure elle-même semble varier. Au pôle de la rêverie diurne, le scénario est essentiellement en première personne, la place du sujet marquée et invariable. L’organisation est stabilisée par le processus secondaire, lestée par le « moi » : le sujet, dit-on, vit sa rêverie. Le pôle du fantasme originaire à l’inverse, se caractériserait par une absence de subjectivation allant de pair avec la présence du sujet dans la scène : l’enfant par exemple est un des personnages, parmi les autres, du fantasme « un enfant est battu ». En ce sens le souvenir-écran, à propos duquel Freud a insisté sur cette visualisation du sujet au même rang que les autres protagonistes, aurait une parenté structurale profonde avec les fantasmes originaires57
Freud voit dans ce caractère des souvenirs-écrans une preuve du fait qu’ils ne sont pas de vrais souvenirs. Mais justement, parmi les fantasmes conscients, ce sont les seuls qui se donnent pour réalité. Vraies scènes, ils sont les écrans des scènes ou des fantasmes originaires..
« Un père séduit une fille », telle serait par exemple la formulation résumée du fantasme de séduction. La marque du processus primaire n’est pas ici l’absence d’organisation, comme on le dit parfois, mais ce caractère particulier de la structure : elle est un scénario à entrées multiples, dans lequel rien ne dit que le sujet trouvera d’emblée sa place dans le terme fille ; on peut le voir se fixer aussi bien en père ou même en séduit.
Le temps « auto » : origine de la sexualité
Quand Freud se demande s’il existe chez l’homme quelque chose de comparable à « l’instinct des animaux58
« L’inconscient », in Métapsychologie, op. cit., p. 109. », ce n’est pas dans les pulsions (Triebe) qu’il trouve cet équivalent, c’est précisément dans les fantasmes originaires59
« Extrait de l’histoire d’une névrose infantile (L’Homme aux loups) », in Cinq psychanalyses, op. cit., p. 419.. Indication précieuse, d’abord en ce qu’elle nous fournit une preuve latérale d’une répugnance à trouver la solution au problème du fantasme dans une thèse biologique : loin de chercher à fonder le fantasme sur les pulsions, Freud ferait plutôt dépendre le jeu pulsionnel de structures fantasmatiques antécédentes. Précieuse aussi en ce qu’elle aide à situer certaines conceptions contemporaines. Enfin elle nous conduit à nous interroger sur le rapport étroit, qui s’inscrit dans le terme de Wunschphantasie, entre fantasme et désir.
Susan Isaacs, par exemple, fait des fantasmes inconscients « une activité parallèle aux pulsions dont ils émergent », elle y voit l’« expression psychique » d’un vécu lui-même défini par le champ de forces que constituent les mouvements pulsionnels – libidinaux et agressifs – et les défenses qu’ils provoquent, elle s’attache enfin à rapporter étroitement les formes spécifiques que prend la vie fantasmatique aux zones corporelles qui sont le siège du fonctionnement pulsionnel. N’est-elle pas ainsi entraînée à méconnaître une part de l’apport freudien, à la fois quant à la pulsion et quant au fantasme ? Le fantasme en effet n’est plus pour elle que la transcription imaginaire de la visée première de toute pulsion, visée qui d’emblée porte sur un objet spécifique ; la « poussée instinctuelle » est nécessairement ressentie comme un fantasme qui, quel que soit son contenu (par exemple, envie de téter chez le nourrisson), se présentera sous la forme – une fois qu’il pourra être verbalisé60
Pour Susan Isaacs, les « phantasmes primaires sont liés à des processus mentaux très éloignés des mots » (op. cit., p. 85). C’est seulement « pour pouvoir en parler » que nous les exprimons en paroles mais nous introduisons alors un « élément étranger » (ibid., pp. 80-21). Susan Isaacs, reprenant une formule de Freud, parle de « langage de la pulsion » ; et il est bien vrai que ce n’est pas son caractère verbal ou non verbal qui définit l’ordre du langage. Mais si Susan Isaacs confond langage et pouvoir expressif, peut-être rend-elle mal compte alors de ce qu’il y a de plus original dans les conceptions de Mélanie Klein : tentative de saisir un langage qui ne soit pas de mots mais structuré néanmoins selon des couples d’opposés (bon-mauvais, interne-externe). L’audace technique de Mélanie Klein ne présuppose-t-elle pas une référence, non à l’expression mobile d’une vie pulsionnelle, mais à quelques signifiants fondamentaux ? – d’une « phrase » comprenant trois éléments : sujet (je) verbe (avaler ou mordre ou rejeter) objet (sein, mère)61
Cf. les diverses variantes formulées par Susan Isaacs : « Je veux l’avaler complètement » ; « je veux la garder en moi » ; « Je veux la déchirer en morceaux » ; « je veux la rejeter hors de moi » ; « je veux la faire revenir, je dois l’avoir maintenant », etc. (op. cit., p. 81).. Certes, en tant que la pulsion est pour les kleiniens, d’emblée et par nature, relation, Susan Isaacs montre comment un tel fantasme d’incorporation est aussi bien vécu dans l’autre sens, l’actif devenant passif ; bien plus, cette crainte d’un retour à l’envoyeur est constitutive du fantasme lui-même. Mais suffit-il de reconnaître dans le fantasme d’incorporation l’équivalence de manger et d’être mangé ? Tant qu’est maintenue l’idée d’une place du sujet, même si celui-ci peut y être passivé, sommes-nous dans la structure du fantasme le plus fondamental ?
Si le fantasme constitue pour Susan Isaacs une expression immédiate de la pulsion, presque consubstantielle à celle-ci, et s’il peut finalement se réduire au rapport qui lie un sujet à un objet par un verbe indiquant une action (sur un mode de souhait omnipotent), c’est bien parce que, pour elle, la structure de la pulsion est celle d’une intentionalité subjective inséparable de ce qu’elle vise : la pulsion intuitionne, « connaît » l’objet qui doit la satisfaire. Comme le fantasme, qui d’abord exprime des pulsions libidinales et destructrices, se mue rapidement en mode de défense, c’est finalement l’ensemble de la dynamique interne du sujet qui se déploie selon ce type unique d’organisation. Enfin, une telle conception postulant, d’ailleurs en accord avec certaines formulations freudiennes, que « tout ce qui est conscient a eu un stade préliminaire inconscient » et que « le moi est une partie différenciée du ça », on est nécessairement conduit à doubler toute opération mentale d’un fantasme sous-jacent, lui-même réductible par principe à l’expression élémentaire d’une visée pulsionnelle. Le sujet biologique est en continuité directe avec le sujet du fantasme, sujet sexuel et humain, selon la série : somatique → ça → fantasme (de désir, de défense) → mécanisme du moi ; l’action du refoulement ne peut que se laisser mal saisir, la « vie fantasmatique » étant plutôt implicite que refoulée et comportant en elle-même ses propres conflits par le seul effet de la coexistence au sein du psychisme de fantasmes à visées contradictoires. « Profusion » du fantasme, en effet, où l’on ne saurait reconnaître le type bien particulier de structure que Freud a cherché à dégager, où se dissout aussi le rapport, difficile à déterminer mais électif, qu’il établit entre le fantasme et la sexualité.
On peut s’étonner que Freud – en un temps où il a pleinement reconnu l’existence et la portée de la vie sexuelle et des fantasmes chez l’enfant – ait continué, dans une note ajoutée en 1920 aux Trois essais62
Trois essais sur la théorie de la sexualité, op. cit., pp. 186-187, note 82., par exemple, à rattacher l’activité fantasmatique essentiellement à la période de la masturbation pubertaire et pré-pubertaire63
Bien entendu, la masturbation implique le plus souvent une relation imaginaire avec un objet ; ce serait donc d’une façon tout extérieure dans la mesure où le sujet obtient la satisfaction en recourant uniquement à son propre corps qu’on a qualifierait d’auto-érotique. Mais une activité autoérotique infantile, le suçotement du pouce, par exemple, n’implique nullement l’absence de tout objet. Ce qui la définit essentiellement comme auto-érotique, c’est, comme nous l’indiquons plus loin, un mode particulier de satisfaction, spécifique de la « naissance » de la sexualité et dont il reste quelque chose dans la masturbation pubertaire.. N’est-ce pas parce qu’il existe à ses yeux entre le fantasme et l’auto-érotisme une corrélation étroite dont ne rend pas compte seulement l’idée que le second serait camouflé par le premier ?
Ne fait-il alors que rejoindre la conception commune qui veut qu’en l’absence d’objets réels, le sujet cherche et se crée une satisfaction imaginaire ?
Freud lui-même, quand il a cherché à donner un modèle théorique de la constitution du désir dans son objet et sa visée64
« Le premier désirer (Wünschen) semble avoir été un investissement hallucinatoire du souvenir de la satisfaction. » (L'Interprétation des rêves, op. cit., p. 509.), n’a-t-il pas accrédité cette façon de voir ? Le fantasme trouverait son origine dans la satisfaction hallucinatoire du désir, le nourrisson reproduisant sous forme hallucinée, en l’absence de l’objet réel, l’expérience de satisfaction originelle. En ce sens, les fantasmes les plus fondamentaux seraient ceux qui tendent à retrouver les objets hallucinatoires liés aux toutes premières expériences de la montée et de la résolution du désir65
Cf. par exemple l’interprétation que donne Susan Isaacs de l’hypothèse freudienne de l’hallucination primitive : « Il semble probable que l’hallucination opère mieux aux périodes où la tension instinctuelle est encore peu marquée, peut-être lorsque le nourrisson s’éveille à demi et commence seulement à ressentir sa faim […]. La souffrance de la frustration réveille ensuite un désir toujours grandissant, par exemple le sentiment d’incorporer le sein entier et de le conserver en tant que source de satisfaction ; ce désir, à son tour, sera satisfait pendant un certain temps d’une manière omnipotente au moyen de la croyance et de l’hallucination […]. Néanmoins, cette hallucination au sein intériorisé et satisfaisant peut échouer si la frustration continue et si la faim n’est pas satisfaite, la tension instinctuelle s’avérant trop forte pour être niée. » (Op. cit., pp. 82-83.)
On notera l’embarras dans lequel se trouve l’auteur pour rendre compatibles l’idée d’une satisfaction hallucinatoire et les exigences d’un instinct frustré. Comment, en effet, un nourrisson pourrait-il ne se nourrir que de vent ? Si on ne saisit pas que ce qui est visé dans « l’hallucination primitive », ce n’est pas l’objet réel, mais l’objet perdu, non le lait mais le signifiant sein, le modèle freudien devient incompréhensible..
Mais, avant même de dégager ce dont veut rendre compte la fiction (Fiktion) freudienne, il faudrait s’interroger sur son sens, d’autant que, rarement formulée dans son détail, elle est toujours présupposée par Freud dans sa conception du processus primaire. On pourrait y voir un mythe d’origine : ce que Freud prétend en effet ressaisir, en en donnant une représentation figurée, c’est le temps même du surgissement du désir. C’est là une « construction », ou un fantasme, analytique qui cherche à atteindre ce moment de clivage de l’avant et de l’après qui les contiendrait encore l’un et l’autre : moment mythique de la disjonction entre l’apaisement du besoin (Befriedigung) et l’accomplissement du désir (Wunscherfüllung), entre les deux temps de l’expérience réelle et de sa reviviscence hallucinatoire, entre l’objet qui comble et le signe66
À tort nommé « objet du désir » par les psychanalystes : le sein. qui inscrit à la fois l’objet et son absence : moment mythique du dédoublement de la faim et de la sexualité en un point d’origine…
Si nous prétendions maintenant, pris à notre tour dans le fantasme des origines, retrouver l’émergence du fantasme – cette fois en nous plaçant dans le cours réel de l’histoire de l’enfant, dans le développement de sa sexualité (perspective des Trois essais dans leur deuxième chapitre) – nous la relierions à l’apparition de l’auto-érotisme : moment où, du monde des besoins, ces fonctions « d’importance vitale » dont les buts et les appareils sont assurés, dont les objets sont préformés, se détachent – non comme plaisir trouvé à l’accomplissement d’une fonction, quelle qu’elle soit, à l’apaisement de la tension que fait naître le besoin, mais comme produit marginal – ce que Freud nomme la « prime de plaisir ».
Mais, en parlant d’une apparition de l’auto-érotisme, même avec les réserves qui interdisent d’en faire un stade de développement libidinal, même en soulignant sa permanence et sa présence dans tout comportement sexuel adulte, on risquerait de perdre ce qui fait le sens même de la notion et ce qu’elle peut mettre en évidence de la fonction comme de la structure du fantasme.
Si la notion d’auto-érotisme est souvent critiquée en psychanalyse, c’est qu’elle est à tort comprise, par référence à la catégorie d’objet, comme un premier stade, fermé sur lui-même, à partir duquel le sujet aurait à rejoindre le monde des objets. On montre alors aisément, à grand renfort d’observations, la variété et la complexité des liens qui unissent d’emblée le nourrisson à l’objet extérieur, et, en premier lieu, à sa mère. Mais quand Freud parle principalement dans les Trois essais, d’auto-érotisme, il n’a pas l’intention de nier l’existence d’une relation primaire à l’objet, il indique tout au contraire que la pulsion ne devient auto-érotique qu’après avoir perdu son objet67
« À l’époque où la satisfaction sexuelle était liée à l’absorption des aliments, la pulsion trouvait son objet au-dehors, dans la succion du sein de la mère. Cet objet a été ultérieurement perdu, peut-être précisément au moment où l’enfant est devenu capable de voir dans son ensemble la personne à laquelle appartient l’organe qui lui apporte une satisfaction. La pulsion sexuelle devient, dès lors, auto-érotique… » (Trois essais sur la théorie de la sexualité, op. cit., p. 132.)
Passage précieux aussi par l’indication qu’il contient (mots soulignés par nous) : dans la constitution même du fantasme auto-érotique, seraient impliqués non seulement l’objet partiel (sein, pouce pris comme substitut) mais la mère comme personne totale s’effaçant au moment même où elle se totalise. Cette « totalisation » n’est pas tant à comprendre au niveau de la perception d’une Gestalt que par référence à la demande, la mère pouvant accorder ou refuser à l’enfant.. Si on peut dire de l’autoérotisme qu’il est sans objet (objektlos) ce n’est donc nullement parce qu’il apparaîtrait antérieurement à toute relation a un objet68
Ce que certains psychanalystes nomment « stade anobjectal », dans une conception génétique qu’on pourrait appeler totalitaire, car elle confond la constitution de l’objet libidinal avec celle de l’objectivité dans le monde extérieur et qu’elle prétend établir des stades de développement du moi, comme « organe de la réalité », stades que de surcroît elle tient pour corrélatifs de ceux de la libido., ni même parce qu’avec son avènement tout objet cesserait d’être présent dans la recherche de la satisfaction, mais seulement parce que le mode naturel d’appréhension de l’objet se trouve clivé : la pulsion sexuelle se sépare des fonctions non sexuelles (alimentaire, par exemple), sur lesquelles elle s’étaye (Anlehnung)69
Nous développons ailleurs (Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1967), cette notion, fondamentale dans la théorie freudienne des pulsions. et que lui indiquaient son but et son objet.
« L’origine » de l’auto-érotisme, ce serait donc ce moment – plus abstrait que datable puisqu’il est toujours renouvelé et qu’il faut bien supposer l’antécédence d’une excitation érotique pour admettre quelle puisse être recherchée comme telle – où la sexualité se détache de tout objet naturel, se voit livrée au fantasme et par là même se crée comme sexualité. Mais on peut aussi bien dire, à l’inverse, que c’est l’irruption du fantasme qui provoque cette disjonction de la sexualité et du besoin70
Dans une de ses premières réflexions sur le fantasme, Freud note que les impulse pourraient bien émaner des fantasmes (Draft N.).. Causalité circulaire ou naissance simultanée ? Le fait est qu’ils trouvent leur origine, aussi loin qu’on remonte, en un même point.
La satisfaction auto-érotique, dans la mesure où elle se laisse repérer à l’état autonome, se définit par un trait bien précis : produit de l’activité anarchique des pulsions partielles, étroitement liée à l’excitation de zones érogènes spécifiées – excitation qui naît et s’apaise sur place –, elle n’est pas plaisir global de fonction mais plaisir morcelé, plaisir d’organe (Organlust) strictement localisé.
On sait que l’érogénéité peut être rattachée à des régions du corps « prédestinées » (ainsi, dans l’activité de succion, la zone orale est vouée par sa physiologie même à prendre valeur érogène) mais qu’elle est généralisable à n’importe quel organe (même interne), n’importe quelle région ou fonction du corps. Dans tous les cas, la fonction ne sert que d’appui, l’ingestion des aliments tenant lieu par exemple de modèle à l’incorporation fantasmatique. Modelée sur la fonction, la sexualité est tout entière dans sa différence d’avec la fonction ; en ce sens, son prototype n’est pas la succion mais le suçotement, ce moment où l’objet extérieur est abandonné, où le but et la source prennent leur autonomie par rapport à l’alimentation et au système digestif. L’idéal, si l’on peut dire, de l’auto-érotisme, ce sont « des lèvres qui se baisent elles-mêmes71
Trois essais sur la théorie de la sexualité, op. cit., p. 75. Cf. aussi dans « Pulsions et destins des pulsions » l’analyse des couples d’opposés sadisme-masochisme, voyeurisme-exhibitionnisme. En deçà de la forme active ou passive de la phrase (voir-être vu, par exemple), il faudrait supposer une forme réfléchie (se voir soi-même) qui serait, selon Freud, primordiale. Sans doute faudrait-il chercher ce degré primordial là où le sujet ne se situe plus dans les différents termes du fantasme. » : ici, dans cette jouissance apparemment fermée sur soi, comme au plus profond du fantasme, ce discours qui ne s’adresse plus à personne, toute répartition du sujet et de l’objet est abolie.
Si l’on ajoute que Freud a constamment insisté sur le rôle de séductrice tenu effectivement par la mère (ou d’autres), quand elle lave, lange, caresse son enfant72
« Les rapports de l’enfant avec les personnes qui le soignent sont pour lui une source continue d’excitations et de satisfactions sexuelles partant des zones érogènes. Et cela d’autant plus que la personne chargée des soins (généralement la mère) témoigne à l’enfant des sentiments dérivant de sa propre vie sexuelle, l’embrasse, le berce, le considère, sans aucun doute, comme le substitut d’un objet sexuel complet. » (Trois essais sur la théorie de la sexualité, op. cit., p. 133). Il est pourtant classique de dire que Freud a tardé bien longtemps à reconnaître le lien avec la mère., et si l’on remarque que les zones érogènes privilégiées (orale, anale, uro-génitale, peau) sont à la fois les régions qui captent le plus l’attention de la mère et celles qui ont une signification manifeste d’échange (orifices ou revêtement cutané), on voit comment certains points électifs du corps propre peuvent non seulement servir de support à un plaisir local mais le lieu de rencontre avec le désir, avec le fantasme maternels et, par là, avec une modalité du fantasme originaire.
***
En situant l’origine du fantasme dans le temps de l’auto-érotisme, nous avons marqué la liaison du fantasme avec le désir. Mais le fantasme n’est pas l’objet du désir, il est scène. Dans le fantasme, en effet, le sujet ne vise pas l’objet ou son signe, il figure lui-même pris dans la séquence d’images. Il ne se représente pas l’objet désiré mais il est représenté participant à la scène, sans que, dans les formes les plus proches du fantasme originaire, une place puisse lui être assignée (d’où le danger, dans la cure, des interprétations qui y prétendent). Conséquences : tout en étant toujours présent dans le fantasme, le sujet peut y être sous une forme désubjective
Auteur inconnu
2016-12-02T16:41:40.267000000
Tel quel dans l’édition ??
, c’est-à-dire dans la syntaxe même de la séquence en question. D’autre part, dans la mesure où le désir n’est pas pur surgissement de la pulsion, mais est articulé dans la phrase du fantasme, celui-ci est le lieu d’élection des opérations défensives les plus primitives telles que le retournement contre soi, le renversement dans le contraire, la projection, la dénégation ; ces défenses sont même indissolublement liées à la fonction première du fantasme – la mise en scène du désir – s’il est vrai que le désir lui-même se constitue comme interdit, que le conflit est conflit originaire.
Quant à savoir qui signe la mise en scène, pour en décider, le psychanalyste ne devrait plus se fier aux seules ressources de sa science ni même à celles du mythe. Il faudrait encore qu’il se fasse philosophe.
Jean Laplanche
Éléments biographiques
Après des études de philosophie (Abrégé de philosophie en 1950 ; docteur d’État ès lettres et sciences humaines en 1970) et un engagement politique important (fondateur avec Cornélius Castoriadis et Claude Lefort du groupe et de la revue Socialisme ou Barbarie en 1948), il débute son analyse avec Jacques Lacan en 1947.
Pour compléter sa formation psychanalytique, il commence des études de médecine dès 1950, et deviendra interne en Hôpitaux psychiatriques.
Il est un des membres fondateurs de l’Association Psychanalytique de France, dont il sera président de 1969 à 1971.
Il deviendra professeur titulaire de l’université de Paris-VII de 1970 à 1993.
De 1962 à 1967 il écrit en collaboration avec J.-B. Pontalis le fameux Vocabulaire de la Psychanalyse qui sera traduit en 15 langues. Œuvre monumentale qui plus qu’un dictionnaire ou qu’une encyclopédie se présente comme un travail d’approfondissement de l’ensemble des concepts psychanalytiques. Enfin, il assurera un intense travail éditorial : direction aux PUF de La Bibliothèque de Psychanalyse (1973), de la collection Voix nouvelles en Psychanalyse et de la revue Psychanalyse à l’Université (1975 – 1994) ; directeur scientifique avec André Bourguignon et Pierre Cotet de l’édition française des Œuvres Complètes de Freud, en cours. De renommée internationale, il reçoit le titre de professeur Honoris Causa et sera lauréat du Mary S. Sigourney Award en 1995.
Bibliographie
Hölderlin et la question du père, PUF, 1961, rééd., coll. Quadrige, 1983.
Vocabulaire de la Psychanalyse (en collaboration avec J.-B. Pontalis), PUF, 1967, 11e éd., 1994, rééd., coll. Quadrige, 1997.
Vie et Mort en psychanalyse, Flammarion, 1989, rééd., coll. Champs, 1989.
Problématiques I : L’Angoisse, PUF, 1980, rééd., 1981.
Problématiques II : Castration, symbolisations, PUF, 1980, rééd., 1983.
Problématiques III : La Sublimation, PUF, 1980, rééd., 1983.
Problématiques IV : L’Inconscient et le ça, PUF, 1961.
Problématiques V : Le Baquet. Transcendance du transfert, PUF, 1987.
Nouveaux fondements pour la psychanalyse, PUF, 1987, rééd., coll. Quadrige, 1994.
La Révolution copernicienne inachevée, Aubier, 1992, rééd., sous le titre Le primat de l’autre, Flammarion, coll. Champs, 1997.
Le Fourvoiement biologisant de la sexualité chez Freud, Les Empêcheurs de penser en rond, 1993.
Jean-Bertrand Pontalis
Éléments biographiques
Après des études de philosophie (agrégé de philosophie en 1949), il partage son temps entre l’enseignement et la presse (collaboration avec Les Temps modernes et L’Express). En 1953, il commence une analyse didactique avec Jacques Lacan et travaille comme psychothérapeute au Bureau d’aide psychologique universitaire (BAPU). Engagé politiquement, il est un des signataires du « manifeste des 121 » contre la guerre d’Algérie.
En 1964, il est également un des fondateurs de l’Association psychanalytique de France (APF), dont il aura la présidence de 1970 à 1972. Coauteurs avec J. Laplanche du fameux Vocabulaire de la Psychanalyse, publié en 1967. Il sera nommé chargé de conférences à l’École pratique des Hautes Études et continuera son œuvre littéraire.
J.-B. Pontalis a marqué profondément le paysage éditorial de psychanalyse en France, par une intense activité aux Éditions Gallimard : en 1966, il crée la collection « Connaissance de l’inconscient » qui se diversifie
Auteur inconnu
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Écrit « déversifie » dans l’édition.
ultérieurement en plusieurs séries (Le psychanalyste dans l’histoire, Œuvres de Sigmund Freud : traductions nouvelles, Curiosités freudiennes, Tracés). En 1970, il fonde la Nouvelle Revue de psychanalyse (NRP) ; en 1980, la revue annuelle pluridisciplinaire Le Temps de la réflexion ; enfin depuis 1989, il y anime une nouvelle collection littéraire, « L’Un et l’autre ».
Bibliographie
L’Enfance d’un autre, roman, La Table Ronde, 1952.
Après Freud, coll. Les Temps modernes, Julliard, 1965 ; rééd., coll. Tel, Gallimard, 1993.
Vocabulaire de la psychanalyse (en collaboration avec J. Laplanche), PUF, 1967, 11e éd. 1996.
Entre le rêve et la douleur, Gallimard, 1977 ; rééd., coll. Tel, 1983.
Loin, récit, Gallimard, 1980 ; rééd., coll. Folio, 1992.
L’Amour des commencements, Gallimard, 1986 ; rééd., coll. Folio, 1994.
Perdre de vue, Gallimard, 1988.
La Force d’attraction, éd. du Seuil, 1990.
Un homme disparaît, récit, Gallimard, 1996.
Ce temps qui ne passe pas, Gallimard, 1997.