5. Approche directive et approche non-directive

Avant de continuer la discussion sur la méthode de la thérapie, il peut être bon d’examiner une objection de base que beaucoup soulèveront aux chapitres précédents et qui s’appliquera également aux chapitres suivants. Cette objection est essentiellement celle-ci : dans la consultation et la psychothérapie telles qu’elles ont été décrites, et dans la relation d’aide psychologique telle qu’elle a été présentée dans le dernier chapitre, l’aidant ne prend en aucune façon la responsabilité de diriger les résultats du processus. Bien des lecteurs auront senti que cela n’est pas la psychothérapie telle qu’ils l’ont connue. D’autres soulèveront la question de savoir si l’aidant peut vraiment résoudre le problème du client par la méthode indiquée. Ces questions sont en effet importantes et méritent d’être approfondies. On n’essaiera pas de donner une réponse définitive, mais il est nécessaire de clarifier certaines considérations fondamentales.

L’approche directive.

Qu’il soit bien entendu que le concept de la psychothérapie développé dans cet ouvrage n’est en aucune façon le seul concept possible. Il y a d’autres définitions du processus de l’aide psychologique, et d’autres manières de définir la relation thérapeutique. La définition la plus courante du processus est probablement que le psychologue découvre les problèmes du client, les diagnostique et les traite, pourvu que la personne qui consulte coopère activement à la procédure. Le thérapeute, selon ce point de vue, accepte la plus grande responsabilité dans la résolution du problème, et cette responsabilité devient le centre de ses efforts. Une illustration de cette approche directive servira peut-être à rendre la comparaison plus réaliste.

Une étudiante, qui suit à l’université un cours sur les méthodes de travail, vient voir le conseiller universitaire pour un premier entretien. Le conseiller l’accueille avec quelques paroles aimables, et c’est la conversation suivante (enregistrée) :

C. – J’ai jeté un coup d’œil sur votre fiche de renseignements et tout ça…

S. – Mm-hm.

C. – Et je vois que vous venez de Y…

S. – Mm-hm.

C. – Étiez-vous à Roosevelt High ?

S. – Oui j’y étais, mm-hm.

C. – J’ai remarqué que vous avez déclaré que vous étiez inscrite en Psychologie 411 [le cours sur les méthodes de travail] parce que vous ne saviez pas assez bien vous y prendre pour étudier… euh… et puis j’ai compulsé votre liste de problèmes, et j’ai vu que vous l’aviez plutôt chargée… vous vous inquiétez pour vos notes faibles et pour une mauvaise mémoire et ainsi de suite. Comment ça marchait dans le secondaire ?

S. – Eh bien, j’étais une élève moyenne.

C. – Et quelle matière principale aviez-vous là-bas ?

S. – Ah, vous voulez dire que…

C. – Dans le secondaire, vous avez pris la préparation à l’université ou le commercial ?

S. – C’était un cours général. J’ai pris langues, anglais et histoire.

C. – Quel cours préfériez-vous ?

Cet extrait d’interview est cité parce qu’il est très typique d’une conception de la consultation qui est très familière. Dès le début, avec tact, le conseiller dirige complètement l’entretien. Il laisse savoir à l’étudiant qu’il a déjà des renseignements pour le guider. Il choisit parmi les problèmes que l’étudiant a inscrits ceux qui concerneront la consultation. Mais le plus important c’est qu’il assume la conduite directe du processus de l’entretien. La fonction de l’étudiant est de répondre aux questions posées par le conseiller dans le but de réunir l’information nécessaire à un diagnostic précis.

Vers la fin du premier entretien, la relation de consultation s’est plus nettement dessinée.

C. – Il me semble que votre problème est de vouloir en apprendre davantage sur vous-même. Nous reprendrons tous ces tests, tous ces projets, et la façon de faire ; je vous vois chaque semaine à cette heure-ci et vous commencerez à vous faire une meilleure idée… et puis je vous aiderai à la vérifier, et je vous dirai si c’est bien… (Rire.)

S. – Mm-hm.

C. – Ainsi on pourra mener ça à bien. Je suggérerai… c’est moi qui, plus ou moins, mènerai ce projet à bien parce que vous dites que vous avez des difficultés à vous concentrer. Très bien. Bon, alors, vérifions et voyons ce que c’est.

S. – Mm-hm.

C. – Si ce n’est pas ça qui en est la cause, ce doit être quelque chose d’autre. Très bien, on se fera une idée de cela. Tiens, on dirait que dans le test de lecture, il y a un problème.

S. – Mm-hm.

C. – Bon, quand on aura une idée du problème, alors ce sera à vous de décider et de dire : « Bon, alors, c’est ça que je dois travailler. » Ça n’a pas l’air très mauvais, mais alors il vous faudra décider « si vous devez travailler dur, mais jusqu’à quel point ? » Parce que c’est vous qui faites le travail. Ma suggestion serait, si c’est en histoire que vous avez des difficultés, que la prochaine fois vous ameniez votre livre d’histoire et les notes que vous avez prises, alors je pourrai vérifier ça et nous ferons le diagnostic.

S. – Mm-hm.

C. – Je vais étudier votre dossier. Je crois, vous le verrez, que nous nous ferons une idée de plus en plus complète des causes de vos difficultés.

On peut faire ressortir plusieurs caractéristiques de cet entretien. Le conseiller définit le problème et cela se glisse même dans sa phrase : « Il me semble que votre problème est… » Le conseiller indique aussi qu’il a la responsabilité de la découverte des causes du problème et des contours définitifs du tableau diagnostique. « Je vous dirai si c’est bien. » Il suggère ce qu’il faut faire pour faire avancer le processus du diagnostic, et bien sûr, il fera plus tard des suggestions pour neutraliser la difficulté. Le processus de consultation est focalisé sur le problème : ses causes, son traitement. La seule responsabilité de la personne conseillée est la décision relative à son degré de coopération. À part cela, la conduite du processus est entièrement aux mains du conseiller.

Du point de vue exprimé dans cet ouvrage, on peut faire certains commentaires sur cet extrait. En premier lieu, nous ne savons pas si les problèmes choisis par le conseiller sont les situations pour lesquelles l’étudiante désire en fait de l’aide. Malheureusement, une fois que le conseiller a défini les problèmes, l’étudiante acceptera probablement ce qu’il dit comme le centre d’intérêt de la consultation. Plus important encore, tout le processus qui consiste en ce que quelqu’un d’autre s’occupe du diagnostic, donne des suggestions et un traitement, ne peut servir qu’à rendre la personne conseillée plus dépendante, moins capable de résoudre de nouveaux problèmes d’adaptation.

Il sera évident que ce type de consultation diffère, dans toutes ses caractéristiques moins une, de la définition de la situation d’aide psychologique, donnée dans le présent ouvrage. Il y aurait accord sur la nécessité d’une relation de sympathie dans la situation de consultation, mais par contre il n’y a pas pour le client liberté complète d’exprimer tous les types de sentiments et d’attitudes, parce que la direction que donne le conseiller tend à inhiber l’expression dans tous les domaines à l’exclusion du domaine prescrit. Il n’y a aucune limite précise à la responsabilité du conseiller non plus qu’au degré de dépendance que peut montrer le client. Loin de minimiser l’influence personnelle, ce type de consultation est largement construit sur les pouvoirs de persuasion et de suggestion du conseiller.

Caractéristiques des points de vue directif et non-directif.

La différence entre ce point de vue sur la relation d’aide et celui que nous avons exposé dans le chapitre précédent n’est en aucune façon une différence théorique. Dans l’étude précédemment citée. Porter25 donne des éléments instructifs sur la façon dont les psychologues-conseillers envisagent la directivité et la non-directivité. Le nombre des interviews sur la comparaison des méthodes est peu élevé, mais l’uniformité des résultats est impressionnante. Porter a demandé à un groupe de juges experts de classer toutes les réponses et interventions du psychologue, prises dans des entretiens enregistrés, en des catégories diverses qu’il définira par la suite. De plus, il demanda aux juges d’évaluer chaque entretien en fonction de sa directivité. Les consignes données aux juges furent les suivantes : « La valeur 11 de l’échelle représente un entretien dans lequel la conduite a été assurée totalement par le conseiller. La valeur 1 représente un entretien dans lequel le conseiller a refusé directement ou indirectement de prendre la responsabilité de la direction et en conséquence a forcé le client à accepter la responsabilité de diriger l’entretien. Vous n’avez pas à juger si le conseiller a bien fait de diriger ou de ne pas diriger. Évaluez l’entretien uniquement du point de vue de son degré de directivité ou de non-directivité. »

Quand cette évaluation a été terminée et que les interviews les plus directives ont été comparées avec les moins directives, certaines différences de structure sont apparues de façon frappante. Si on prend les éléments de Porter et qu’on regroupe certains des faits rapportés, on peut faire apparaître ces différences d’une autre façon dans un tableau comparatif : sur les 19 entretiens de Porter, 9 furent estimés « plutôt faibles en directivité », avec des notes allant de 1,5 à 5,6 sur l’échelle en 11 points et avec une moyenne de directivité de 3,3. Les 10 restants étaient très nettement directifs, notés de 9,3 à 10,8, avec une moyenne de 10,226.

Le groupe à faible directivité comprenait 5 conseillers, et le groupe à la forte directivité était constitué par 6 conseillers, de sorte que les résultats n’étaient pas particulièrement influencés par les pratiques spécifiques de l’un d’entre eux. Dans chaque groupe, il y avait des entretiens conduits par des conseillers expérimentés et inexpérimentés, et des entretiens de début, de milieu et de fin de série, les deux groupes étant à peu près équivalents selon ces points de vue. Si nous examinons maintenant les données pour voir si certains types de réponses ou d’intervention de la part des psychologues-conseillers sont caractéristiques de l’un ou l’autre de ces groupes, nous découvrons de grandes différences : il y a 11 catégories de réponses que le groupe directif utilise beaucoup plus,… il y a 3 catégories que le groupe non-directif utilise beaucoup plus,… et 4 catégories qui sont utilisées à peu près également par les deux groupes. Cela est indiqué ci-dessous (cf. tableaux 2, 3 et 4).

On doit garder à l’esprit que toute l’étude était limitée à la part de l’aidant dans l’entretien. Il n’y a aucun classement des réponses des clients. Dans ces tableaux apparaissent les catégories descriptives telles qu’elles ont été définies par Porter et auxquelles les juges avaient à se référer. Pour apporter un sens plus concret à la définition, on donne pour chaque item un bref exemple utilisé par les juges. Les colonnes de droite comportent les évaluations de chaque type d’intervention de l’aidant par entretien pour les groupes directif ou non-directif.

Tableau 2 Procédés caractéristiques du groupe directif

 

Items

Nombre moyen de ces interventions par entretien

Groupe

directif

Groupe

non-

directif

1a.27

L’aidant définit la situation d’entretien en fonction des procédures de diagnostic et de traitement.

Ex. « Je ne sais pas quelles sont vos difficultés, mais nous pouvons les connaître en partie par les tests que vous avez passés et en partie par ce que nous faisons ici en entretien. »

1,7

0,5

2b.

L’aidant indique le problème, mais en laisse le développement au client.

Ex. « Voudriez-vous m’en dire un peu plus au sujet de… »

13,3

6,3

2c.

L’aidant indique le problème et délimite le développement de la confirmation, de la négation, ou de l’apport d’items spécifiques d’information.

Ex. « Il y a combien de temps que vous l’avez pris ? » « Ici ou chez vous ? » « C’était quel cours ? »

34,1

4,6

3d.

L’aidant identifie un problème, source de difficultés, ou situation requérant un redressement, etc., par des interprétations de tests, des commentaires d’évaluation, etc.

Ex. « L’une de vos difficultés est que vous n’avez pas pu vous comparer avec les autres. »

3,7

0,3

3e.

Il interprète les résultats des tests, mais non pas comme indication d’un problème ou source de difficultés, etc.

Ex. « Ceci indique que 32 % des élèves de première année font ce test plus rapidement que vous ne l’avez fait. »

1,2

0,1

3f.

Exprime son approbation, sa désapprobation, son saisissement, ou autres réactions personnelles à l’égard du client.

Ex. « Beau ! magnifique ! c’est un bon départ. »

2,6

0,6

4.

L’aidant explique, discute ou donne un renseignement relatif au problème ou au traitement.

Ex. « Ma foi, je ne pense pas que ce soit la bonne raison. Des gens qui en savent beaucoup sur cette question sont aussi inquiets que des gens qui n’en savent rien. »

20,3

3,9

5a, b.

L’aidant propose une activité au client, directement ou par l’intermédiaire d’une technique de questions, ou en réponse à la question « quoi faire ? »

Ex. « Je pense que vous devriez quitter cet emploi et accorder à votre formation personnelle le plus de temps possible. »

10,0

1,3

5c.

L’aidant influence la prise d’une décision en classant et en évaluant les évidences, en exprimant une opinion personnelle, en persuadant pour ou contre.

Ex. « Ma foi, ça vous regarde, mais je ferais au moins un essai. »

5,2

0,3

5f.

L’aidant rassure le client.

Ex. « Maintenant vous pouvez rencontrer beaucoup de difficultés, mais ne vous laissez pas décourager. Vous vous en sortirez très bien. »

0,9

0,2

Tableau 3 Procédés caractéristiques du groupe non-directif

 

Items

Nombre moyen de ces interventions par entretien

Groupe

directif

Groupe

non-

directif

1b.

Il définit la situation d’entretien : le client a la responsabilité de la direction de l’entretien, des décisions, etc.

Ex. « Et il arrive que les gens découvrent qu’en parlant de leurs problèmes avec quelqu’un d’autre, ils s’en font une meilleure idée. »

0,5

1,9

3b.

L’aidant répond en reconnaissant l’expression du sentiment ou de l’attitude ; c’est une réponse à ce que vient de dire le client.

Ex. « Et cela vous déprime pas mal. »

1,2

10,3

3c.

L’aidant répond en interprétant le sentiment ou l’attitude autrement que ce que le client vient de dire.

Ex. « Peut – être ne vouliez – vous pas venir ce matin. »

34,1

4,6

 

Tableau 4 Procédés communs aux deux groupes

 

Items

Nombre moyen de ces interventions par entretien

Groupe

directif

Groupe

non-

directif

2a.

L’aidant prend la direction et force le client à choisir et à développer le problème.

Ex. « A quoi pensez-vous ce matin ? »

0,6

0,6

3a.

L’aidant répond en reformulant le contenu exprimé.

Ex. « Et ce test est pour mardi. » « Ah ! alors aucun des deux projets n’est valable ! »

6,1

6,0

5d.

L’aidant indique que la décision appartient au client.

Ex. « Cela vous regarde. »

0,4

0,6

5e.

L’aidant accepte ou approuve une décision.

Ex. « Je pense que vous êtes sur le bon chemin maintenant. »

0,8

0,6

 

Quelques contrastes significatifs.

L’examen de ces trois tableaux met en lumière plusieurs différences significatives entre les deux approches thérapeutiques. En premier lieu, les aidants les plus directifs sont les plus actifs dans la situation de consultation ; ce sont eux qui parlent le plus. Il y a une moyenne de 107 interventions de la part de l’aidant par entretien dans la catégorie des entretiens directifs, et seulement 49 par entretien dans la catégorie des entretiens non directifs. Inversement, naturellement, le client parle beaucoup moins dans le premier cas que dans le second. Dénombrant les mots dans ces entretiens, Porter découvrit que le rapport nombre des mots de l’aidant sur nombre des mots de l’aidé allait de 0,15 à 4,02. En d’autres termes, à un extrême le client parle presque 7 fois plus que le conseiller. À l’autre extrême le conseiller parle 4 fois plus que le client (exemple statistique de ce que signifie essayer de « placer un mot »). Si nous comparons les aidants aux 2 extrémités, le second parle plus de 25 fois plus que le premier.

Il y a une relation frappante entre le rapport du volume verbal de l’aidant et du volume verbal de l’aidé d’une part, et d’autre part le degré de directivité. Dans les 10 entretiens directifs, le rapport moyen est de 2,77, l’aidant parlant presque 3 fois plus que le client. Dans les 9 entretiens non-directifs, le rapport moyen est de 0,47, l’aidant parlant moins de la moitié du volume verbal du client. On notera, d’après ces deux chiffres, que les conseillers directifs parlent en moyenne presque 6 fois plus que les non-directifs ; c’est là une des différences les plus nettes mises à jour par l’ensemble de la recherche. Cela illustre le fait que dans la consultation non-directive, le client vient « parler de ses problèmes ». Dans une relation directive, c’est le conseiller qui parle au client.

Ces tableaux montrent que les différences de méthodes sont perceptibles dans les interventions telles que : persuader le client, désigner les problèmes qui nécessitent une solution, interpréter les résultats des tests, poser des questions précises,… procédés qui sont beaucoup plus caractéristiques de l’approche directive que de la non-directive ; ou dans les interventions qui consistent à reconnaître et à interpréter les sentiments que le client exprime verbalement ou par des actions, procédés caractéristiques du groupe non-directif. Ici encore, on doit noter le contraste fondamental : le groupe directif met l’accent sur des techniques qui contrôlent l’entretien et dirigent le client vers un but choisi par l’aidant, le groupe non-directif met l’accent sur les moyens qui donnent au client une plus grande conscience de ses propres attitudes et sentiments, ce qui a pour conséquence une perception et une compréhension de soi plus grandes.

La comparaison des tableaux 2, 3 et 4 étant quelque peu occultée par le fait que les aidants directifs sont tellement plus actifs dans l’entretien, on fera à l’aide des mêmes éléments une autre comparaison en mettant en parallèle dans le tableau 5 les techniques de consultation les plus fréquemment employées par chaque groupe, inscrites par ordre de fréquence. Seules les 7 techniques les plus fréquemment employées par chaque groupe sont inscrites, les autres étant très peu utilisées. Dans ce tableau, les techniques sont formulées à partir des définitions plus formelles utilisées dans les tableaux précédents. Le nombre entre parenthèses qui suit chaque item indique sa fréquence moyenne par entretien.

Tableau 5 procédés les plus fréquemment employés (par ordre de fréquence)

Le groupe des conseillers directifs

Le groupe des conseillers non-directifs

1. Pose des questions très précises, exigeant des réponses oui – non, ou des renseignements spécifiques. (34,1)

1. Reconnaît d’une façon ou d’une autre le sentiment ou l’attitude que le client vient d’exprimer. (10,3)

2. Explique, discute ou donne des informations relatives au problème ou au traitement. (20,3)

2. Interprète ou reconnaît les sentiments ou les attitudes exprimés par le comportement général ou spécifique, ou par des énoncés antérieurs. (9,3)

3. Indique le thème de l’entretien et en laisse le développement au client. (13,3)

3. Indique le thème de l’entretien et en laisse le développement au client. (6,3)

4. Propose une activité au client. (9,4)

4. Reconnaît le contenu de ce que le client vient de dire. (6,0)

5. Reconnaît le contenu de ce que le client vient de dire. (6,1)

5. Pose des questions très précises, exigeant des réponses par oui-non ou des renseignements spécifiques. (4,6)

6. Met de l’ordre entre les évidences et persuade le client d’entreprendre l’action proposée. (5,3)

6. Explique, discute ou donne des informations relatives au problème ou au traitement. (3,9)

7. Signale le problème ou la situation nécessitant résolution. (3,7)

7. Définit la situation d’entretien par la responsabilité du client de l’utiliser. (1,9)

Du tableau 5, nous pourrions tirer certaines conclusions heuristiques basées, on doit s’en souvenir, sur l’étude d’un très petit nombre d’entretiens, dont la valeur, cependant, est rehaussée par le fait qu’ils ont été complètement enregistrés. On pourrait dire que la relation d’aide de type directif est caractérisée par des questions hautement spécifiques pour lesquelles on s’attend à des réponses spécifiques, et par des informations ou des explications données par l’aidant. Ces deux procédés rendent compte de plus de la moitié du rôle de l’aidant dans ce type d’entretien thérapeutique. L’aidant donne en plus au client la possibilité d’exprimer ses attitudes sur des sujets spécifiques, et signale au client les problèmes et les situations sur lesquelles lui, conseiller, pense qu’il faut agir. Il clarifie, reformule ou reconnaît le contenu de ce que le client lui a dit. Il s’efforce d’amener un changement en proposant l’action que le client devrait entreprendre, et, mettant en jeu à la fois les évidences et son influence personnelle, apporte toute son énergie à assurer l’exécution de l’action.

D’un autre côté, la relation d’aide de type non-directif est caractérisée par une prépondérance de l’activité du client, qui la plupart du temps fait tous les frais de la conversation portant sur ses problèmes. Les techniques primordiales de l’aidant consistent à aider le client à reconnaître et comprendre plus clairement ses sentiments, ses attitudes et ses formes de réactions, et à l’encourager à en parler. La moitié des interventions de l’aidant fait partie de ces catégories. De plus, l’aidant atteint ce but en reformulant ou en clarifiant le contenu de la conversation du client. Il n’est pas rare qu’il donne au client l’occasion d’exprimer ses sentiments sur des sujets déterminés. Il est moins fréquent qu’il pose des questions spécifiques en vue d’obtenir des renseignements. Occasionnellement, il donne des renseignements ou des explications relatives à la situation du client. Bien que ce type de technique ne soit pas très souvent utilisé, la situation d’entretien est fortement redéfinie comme étant essentiellement une situation pour le client, qu’il doit utiliser pour n propre développement.

Programme d’aide non-directive.

Il est intéressant de comparer ce qui vient d’être dit avec les règles qui avaient été fixées pour servir de guides aux psychologues de la Western Electric Company dans la conduite de leurs entretiens. Ces règles étaient les suivantes28 :

  1. L’interviewer doit écouter celui qui parle, patiemment, amicalement, mais de façon intelligemment critique.
  2. L’interviewer ne doit manifester aucune forme d’autorité.
  3. L’interviewer doit s’abstenir de conseils ou d’exhortations morales ou moralisantes.
  4. L’interviewer ne doit pas argumenter contre celui qui
  5. parle.
  6. L’interviewer ne doit parler ou poser des questions qu’aux conditions suivantes :

    1. Aider la personne à s’exprimer.
    2. Libérer celui qui parle de toutes peurs ou anxiétés qui pourraient influencer sa relation à l’interviewer.
    3. Complimenter la personne interviewée d’avoir exprimé ses pensées et sentiments de façon précise.
    4. Amener la discussion sur un sujet qui aurait été omis ou négligé.
    5. Mettre en discussion les hypothèses implicites, lorsque ceci est utile.

Il est tout à fait évident que ces règles, parce qu’elles mettent l’accent sur l’absence de conseils, de persuasion et d’argumentation et parce quelles soulignent le fait que l’entretien appartient au client, lui fournissent l’occasion de parler librement,… sont en harmonie avec l’approche non-directive, telle qu’elle a été ici décrite et s’opposent complètement à la plupart des techniques caractéristiques de l’approche directive.

Implications pratiques.

Certains pourront penser que je suis allé chercher bien loin la différence réelle et fondamentale qui existe dans la conduite de l’entretien chez les différents conseillers et thérapeutes. La raison pour laquelle nous avons voulu rendre ces différences aussi clairement que possible est que tous les aidants ont nettement tendance à se considérer eux-mêmes comme non-contraignants et non-directifs. La plupart des conseillers, classés à un haut degré de directivité, ne croyaient pas qu’ils menaient l’entretien, choisissaient le sujet, suggéraient ce que le client devait faire et l’en persuadaient. En conséquence, on a tendance à admettre que tous les entretiens sont fondamentalement semblables, et que les différences de techniques ne comptent pas. L’étude de Porter illustre de façon bien significative que ce n’est certainement pas le cas, et que nous progressons dans notre compréhension de la psychothérapie en reconnaissant les vifs contrastes qui existent entre les points de vue thérapeutiques, plutôt qu’en croyant à une concordance des idées qui n’est fondée sur rien.

Si le lecteur veut faire l’épreuve des faits qui ont été donnes ci-dessus, il peut appliquer à tout entretien enregistré un système » de dépouillement sommaire : qu’il lise seulement les interventions de l’aidant ou seulement celles du client, et qu’il recherche l’une ou l’autre de ces trois possibilités : 1° la lecture des items de l’aidant suffit-elle à comprendre l’essentiel et la direction générale de l’entretien ? – c’est que cet entretien est nettement directif. 2° La lecture des items du client suffit-elle à donner de l’entretien dans son ensemble une idée raisonnablement adéquate ? – c’est que la consultation est nettement non-directive. 3° La lecture de l’un des types d’items à l’exclusion de l’autre, ne donne que de la confusion et permet mal de se faire une idée du fond de l’entretien ? – c’est que cet entretien représente un intermédiaire entre la directivité et la non-directivité.

Buts sous-jacents.

À l’arrière-plan de ces différences entre les approches directives et non-directives, des différences plus profondes existent dans la philosophie de la relation d’aide et dans les valeurs de référence. Dans le domaine des sciences appliquées, les jugements de valeur ont leur part, et souvent une part importante, dans la détermination du choix des techniques. C’est pourquoi nous devrons comprendre les buts implicites de l’entretien d’aide directif et de l’entretien d’aide non-directif.

La première différence fondamentale, de finalité, est centrée sur la question de savoir qui doit choisir les buts du client. Pour le groupe directif, c’est l’aidant qui choisit le but désirable et socialement approuvé que le client doit atteindre ; puis il s’efforce d’aider le client à l’atteindre. Une implication inavouée est que l’aidant est supérieur au client, puisqu’on admet que ce dernier est incapable d’accepter la pleine responsabilité du choix de son propre but. L’entretien d’aide non-directif est fondé sur l’hypothèse que le client a le droit de choisir ses propres buts vitaux, même s’ils sont en contradiction avec les buts que l’aidant aurait choisis pour lui. Si l’individu, croit-on, a si peu que ce soit perception de soi-même et de ses problèmes, il a toutes chances de faire un choix sage. Ce point de vue est exceptionnellement bien formulé par Robert Waelder, qui, de par sa formation, exprime ses idées dans une terminologie freudienne : « L’idée de base de la psychanalyse de Freud… est l’impartialité à l’égard des conflits internes du patient… Sans prendre aucune part à ces luttes incessantes, la psychanalyse a pour but exclusif d’introduire air et lumière dans le champ de bataille en rendant conscients les éléments inconscients des conflits. L’idée est que si, chez un adulte, l’ego, dans sa maturité, a pleinement accès à toutes les forces impliquées, il doit être capable de trouver une solution adéquate et tolérable, en tout cas non pathologique à ses conflits, et capable de trouver un rapport réaliste entre la satisfaction de ses désirs et leur contrôle effectif29 »

Le point de vue non-directif confère une haute valeur à l’indépendance psychologique de chaque individu et au maintien de son intégrité psychique. Le point de vue directif confère une haute valeur au conformisme social et au droit du plus capable à diriger le moins capable. Ces points de vue entretiennent une relation significative autant avec une philosophie sociale et politique qu’avec des techniques de thérapie.

Cette différence dans les jugements de valeur a pour conséquence que le groupe directif tend à centrer son effort sur le problème que présente le client. Si la solution du problème est approuvée par l’aidant, si les symptômes sont éliminés, l’aide psychologique est réussie. Le groupe non-directif met l’accent sur le client lui-même, et non pas sur le problème. Si, par l’expérience de la relation d’aide, le client parvient à une perception suffisante pour comprendre sa relation à la situation réelle, il peut choisir la méthode d’adaptation à la réalité qui a la plus grande valeur pour lui. Il est aussi beaucoup plus capable de faire face à d’autres problèmes, grâce à sa lucidité accrue et à son expérience accrue d’une solution autonome de ses problèmes.

Il sera évident que l’approche du groupe non-directif s’applique à l’immense majorité des clients qui ont la possibilité de trouver à leurs problèmes des solutions raisonnablement adaptées. De ce point de vue, l’entretien d’aide ne peut pas être la seule méthode pour traiter les psychotiques, les anormaux et peut-être d’autres, qui n’ont pas la possibilité de résoudre leurs propres difficultés, même avec de l’aide. Pas plus qu’il ne convient aux enfants ou aux adultes qui se heurtent à des exigences impossibles à satisfaire, en provenance de leur environnement. Pour la grande masse des individus mal adaptés cependant (enfants, personnes jeunes ou adultes), une adaptation raisonnable entre l’individu et son environnement social est possible. Une approche thérapeutique qui favorise le développement et la maturité indispensable a beaucoup à donner dans ces cas.


25 Porter, E. H., The Development and Evaluation of a Measure of Counseling Interview Procedures (thèse non publiée).

26 Il est probable que cette dichotomie nette n’est pas typique de la relation d’aide dans son ensemble, et que d’autres recherches seraient nécessaires pour découvrir comment la directivité peut être distribuée elle-même sur un continuum.

27 Le chiffre qui précède chaque item est celui qui a été utilisé par Porter et indique l’ordre dans lequel ils apparaissaient dans sa fiche d’évaluation des entretiens. D’une façon générale, la catégorie 1 se réfère aux procédés de définition de la situation d’entretien ; la catégorie 2 aux procédés qui posent et développent les problèmes ; la catégorie 3 aux procédés de développement de la perception des situations et de la compréhension du client ; la catégorie 4 aux procédés qui donnent des renseignements ou des explications ; la catégorie 5 aux procédés qui favorisent l’initiative du client ou qui favorisent sa prise de décision.

28 Roethlisberger et Dickson, op. cit., p. 287.

29 Waelder, Robert, in « Areas of Agreement in Psychotherapy », American Journal of Orthopsychiatry, vol. 10, n° 4 (October, 1940), p. 705. Il est intéressant que le docteur Waelder ait exprimé ce point de vue pour souligner ce qu’il pensait être distinctif de la psychanalyse freudienne. Les représentants des autres points de vue au même symposium dirent clairement, cependant, que c’était l’un des principes fondamentaux de toute la psychothérapie efficace, et le docteur Goodwin Watson, le président, en résumant la discussion, observa que « nous semblons avoir abouti à cette conclusion que la psychanalyse à son début a tendu à obtenir une relation dans laquelle le thérapeute s’efforce de ne pas laisser ses propres valeurs influencer le patient, et que ces 20 dernières années ont vu toutes les autres psychothérapies se diriger vers le même idéal. » Ibid., p. 708.