PL. VIII

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a) Position pathognomonique

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b) Dépression anaclitique

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c) Marasme

1

J’utilise le terme de perception (et de sensation) dans le sens que je lui donne dans mon article intitulé Diacritic and Coenesthetic Organizations (1945 b). C’est aussi le sens qu’on accorde généralement à ces termes en psychologie où la perception est définie comme étant une prise de conscience ; et la sensation un élément de la conscience (voir Warren, 1935 ; English et English, 1958). Je suis de l’avis de Freud qui soutient qu’il n’y a pas de conscience à la naissance et par conséquent qu’on ne peut parler ni de prise de conscience, ni d’expérience consciente. Je ne considère pas les réponses à des stimulations per se comme des « éléments de conscience ». Il est évident que si les stimulations provoquent des réponses dès la naissance (et même avant), cela signifie qu’il se passe quelque chose chez le nourrisson qui produit les réponses aux stimulations extérieures. Mais ce processus n’est pas de nature psychologique ; par conséquent je le considère plutôt comme un « processus de réception » du moins jusqu’à ce qu’une conscience rudimentaire se développe au cours des premières semaines.

2

Tout au long de la Standard Edition, l’éditeur utilise le terme latin anglicisé « instinct » lorsque Freud emploie le vocable allemand Trieb dans le texte original. D’autre part, il déclare (S.E., vol. XIV, p. ni ss.) qu’il exposera les raisons qui ont motivé son choix dans « L’introduction générale » au volume I de la Standard Edition à paraître incessamment. En attendant de pouvoir examiner ses arguments, je continuerai d’utiliser le terme « pulsion instinctuelle » (instinctual drive) au lieu du mot latin « instinct » pour les raisons suivantes : 1) Dans ses écrits, Freud utilisait principalement le terme Trieb et très rarement celui de Instinkt ; 2) L’emploi courant du terme « instinct » en biologie, dans un sens généralement accepté dans le monde scientifique, est différent de celui qu’on lui prête en psychanalyse ; 3) L’usage non moins courant du terme « instinct » en éthologie dans un sens fondamentalement différent de celui qu’on lui donne en psychanalyse, voire même pratiquement opposé ; 4) Enfin, comme Waelder l’a souligné (i960), « la compréhension de la psychanalyse dans les pays de langue anglaise a été sérieusement menacée par l’absence d’un mot correspondant à Trieb ; le mot anglais « instinct » qui apparaît dans la plupart des traductions implique des significations qui ne sont pas propres au mot Trieb.

3

Métapsychologie, Rev. fr. psychanal., t. IX, 1936, p. 72, tr. fr., M. Bonaparte et A. Berman.

4

Ibid.

5

Le Moi et le Ça, Essais de psychanalyse, P.B.P., p. 212, tr. fr„ Jankélévitch.

6

Je désire souligner ce que je dois à Rapaport et Gill (1959) à propos de certaines formulations contenues dans ce chapitre, tout particulièrement celles qui insistent sur les différents points de vue en psychanalyse. Les formulations définitives de ces auteurs (voir aussi Gill, 1963) ont été publiées après l’achèvement de mon manuscrit et je n’ai pu par conséquent les étudier en détail.

7

Tr. fr., Rev. fr. psychanal., 1936, vol. IX, p. 33.

8

Pour plus de détails, voir Appendice.

9

Dans le cadre d’une étude sur la première année de vie, nous appelons « longitudinale » une période de temps suffisamment longue pour permettre de noter des changements significatifs dans le développement des sujets. Un minimum de deux mois, trois mois de préférence, est indispensable dans un tel contexte.

10

Total qui représente environ 15 000 m de pellicule de 16 mm.

11

Le concept de Hartmann sur le stade d’indifférenciation se réfère à un manque de différenciation entre le moi et le ça, le conscient et l’inconscient, dans la personnalité du nouveau-né. À partir de cette personnalité indifférenciée, le conscient se séparera de l’inconscient et plus tard le moi du ça. Le concept de Hartmann se rapporte donc essentiellement à des données avec lesquelles la pratique et la théorie psychanalytique nous ont familiarisés : c’est un concept descriptif.

Mon concept de non-différenciation inclut les postulats de Hartmann ; il est moins restreint dans la mesure où il englobe aussi des aspects non psychanalytiques qu’on peut observer et décrire, tels ceux se rapportant au système neuromusculaire, aux réactions physiologiques, à des éléments du comportement, par exemple perceptions et mouvement. Au stade de non-différenciation, il n’y a pas de séparation nette entre le psychique et le somatique, entre l’intérieur et l’extérieur, entre les pulsions et l’objet, entre le « je » et le « non-je », ni même entre les différentes parties du corps.

12

« Le nourrisson ne différencie pas encore son moi d’un monde extérieur qu’il considère comme la source des multiples sensations affluant en lui » (Freud, tr. fr., Odier, Rev.fr. psychanal., 1934, p. 694).

13

L’avenir d’une illusion, Denoël & Steele, p. 86, tr. Marie Bonaparte.

14

Les diverses manifestations vocales de l’enfant à sa naissance peuvent en partie être attribuées à des raisons mécaniques tel le début de la respiration, dans une moindre mesure à un déplaisir de fait. En réalité, ces cris résultent le plus souvent des efforts déployés par les gynécologues et sages-femmes qui administrent avec entrain des claques sur les fesses du nourrisson soi-disant afin de hâter la mise en train de sa respiration.

15

Sensing en anglais. (N.d.T.)

16

Voir chap. I, n. 1.

17

Mead et McGregor (1951) ont observé que les Balinaises nourrissent leurs enfants dans la position verticale. On peut imaginer que la réponse à un changement d’équilibre chez le nourrisson balinais serait l’opposé de celle du nouveau-né occidental.

N. B. : Les planches hors texte ont été regroupées en fin de volume.

18

Le Moi et le Ça, Essais de psychanalyse, Payot, 1963, p. 193 tr. Jankélévitch.

19

Nidifuge (anglais precocial, du latin praecox, précoce) désigne les animaux dont la progéniture naît couverte de duvet et capable d’assurer sa survie.

Nidicole (anglais altricial, du latin altrix, nourricier) est le terme zoologique caractérisant l’espèce dont la progéniture naît dans un état de dépendance et d’immaturité telles qu’elles nécessitent qu’on prenne soin d’elle et qu’on la nourrisse pendant quelque temps.

20

Ces expérimentations passionnantes conduisirent à beaucoup d’autres découvertes du plus haut intérêt. Elles démontrèrent par exemple que des singes privés de la vue pendant quelques semaines manifestaient moins d’intérêt pour les objets décorés que les singes nouveau-nés (Riesen, 1947). Pour une discussion de ces découvertes dans un cadre génétique, voir Spitz (1959).

21

Je pense que certaines propositions contenues dans mon article The Derailment of Dialogue (1964) pourraient nous aider à mieux comprendre ces sensations. Nous pourrions nous demander par exemple si la « sensation de crissement dans la bouche » (Isakower, 1938), l’enregistrement des couleurs « comme nous sentons une odeur de vernis » (von Senden, 1932) ne représenteraient pas une surcharge de stimuli dans deux domaines sensoriels différents, le tactile et le visuel. La sensation de

22

C’est l’homologue chez l’homme de ce qu’on appelle chez les mammifères « mouvements de pression » (angl. pressure movements) (Spitz, 1957).

23

L’essence de ces arguments découle de la pensée de Freud sur l’impuissance initiale du nouveau-né comme source originale de tout motif moral. Ce qui a été élaboré dans divers domaines par Bernfeld (1925), A. Balint (1954), Benedbk (1952), etc.

24

Il s’agit là de reconstructions hypothétiques. Dans un récent article (1961), Stern considère qu’il est improbable que le phénomène d’Isakower (et par conséquent l’écran du rêve de Lewin) puisse constituer une régression au souvenir béat de la tétée (dont j’aimerais mieux parler en termes de réduction de tension et de quiétude).

Tout au contraire, il soutient qu’il s’agit d’une régression à des traces mnémoniques de déprivation, toujours à propos de l’allaitement. C’est évidemment une idée plausible, ne serait-ce que parce qu’une expérience investie de déplaisir est plus apte à laisser des traces dans la mémoire qu’une expérience investie de plaisir. Cependant, une régression à des traces mnémoniques investies de déplaisir sous-entend une fixation. Je n’objecte pas non plus à une telle interprétation : ce qui me paraît essentiel est la régression à la situation d’allaitement. Mais il sera difficile de déterminer s’il y a régression à un état de béatitude ou à un état de déprivation pour la simple raison que le phénomène d’Isakower, l’écran du rêve de Lewin et les observations de Stern se réfèrent tous à l’adulte de sorte qu’une élaboration secondaire selon l’historique de chaque individu a déjà eu lieu. Il n’est donc pas surprenant, si on se place à ce point de vue, qu’un état d’anxiété aiguë et de terreur puisse se manifester ; ce même phénomène se produit lorsqu’il s’agit de rêves culpabilisants tels ceux se rapportant à l’inceste. De plus, qu’est-ce qu’une régression à la situation d’allaitement si ce n’est un retour fantasmatique vers la situation incestueuse archaïque ?

25

Voir Appendice pour l’explication par Piaget de la « permanence affective ».

26

Cette explication, bien que modifiant légèrement la proposition de Lewin, décourage toute discussion spécieuse car, à notre époque d’alimentation automatisée,

27

La négation, Rev. fr. psychanal., 7, 1934, p. 176, trad. H. Hoesli.

28

Une définition du terme « signe » sera donnée plus loin.

29

Mes collaborateurs et moi-même avons poursuivi ces expériences dans le but de clarifier certains détails de l’histoire naturelle de la réponse par le sourire. Nos observations essentielles, qui se rapportent aux âges auxquels apparaît et disparaît cette réponse, au stimulus qui la déclenche, etc., ont été confirmées par ces expériences. Nous avons de plus obtenu des résultats qui pourraient s’avérer utiles dans l’étude de l’émergence et du fonctionnement du psychisme infantile. Nos expériences récentes sur les débuts de la perception en profondeur par exemple nous ont permis d’obtenir de nouvelles données (voir chap. IV). Pour une discussion de certains de nos résultats, voir Polak, Emde et Spitz (1964, 1965).

30

Harlow l’a prouvé par une série d’expériences avec des singes rhésus (Harlow, 1959, 1960 a, b> c, d, e, 1962 ; Spitz, 1962, 1963 a, b, c).

31

Dans son article Formulations concernant les deux principes du fonctionnement psychique, Freud (1911) décrit ainsi le processus de la pensée ; « Il s’agit avant tout d’un type d’action expérimentale qui s’accompagne d’un déplacement de faibles quantités d’investissements simultanément à une décharge réduite. » Dans L’homme aux rats, Freud (1909) le décrit ainsi : «… la pensée serait d’habitude effectuée, pour des raisons économiques, par déplacement d’une énergie moindre (probablement sur un niveau supérieur) que celle des actions destinées à la décharge et aux changements dans le monde extérieur… » (L’homme aux rats, Cinq psychanalyses, Denoël & Steele, 1935, p. 297, tr. M. Bonaparte et R. Lœwenstein). Freud a présenté cette hypothèse dans son Esquisse pour une psychologie scientifique où il l’a élaborée en détail (1895) de même que dans le chap. VII de La science des rêves (1900).

32

Voir aussi Freud (1917 b), «… un désinvestissement complet d’un système le rend peu sensible à l’incitation ».

33

« Moyens adaptatifs » sous-entendent à la fois les schémas de comportement et les mécanismes psychologiques qui assurent la manipulation des stimuli ; ils englobent même les mécanismes de défense du moi.

34

Expérience enregistrée dans le film de la réponse par le sourire (Spitz, 1948 à).

35

Par exemple : le noyau du moi concernant l’absorption de nourriture, constitué par une représentation somato-psychique combinée de la région orale, de la main, etc. ; le noyau du moi créé en relation avec la perception visuelle pendant la satisfaction du besoin de nourriture ; le noyau du moi relatif à la perception tactile, particulièrement dans la région orale mais s’étendant à tout le corps, qui est aussi en rapport avec le noyau du moi concernant les stimuli de l’équilibre provoqués par les changements de positions ; et finalement, à la période en question, un moi rudimentaire se constitue aussi à partir des liaisons établies entre ces noyaux et probablement bien d’autres encore.

36

Nous devrions pour être précis dire « propres au stade donné » car l’âge auquel un stade donné est atteint varie beaucoup d’un enfant à l’autre.

37

Pour une discussion détaillée de ce sujet, voir Spitz (1959).

38

Qu’est-ce que la communication ? Tout changement perceptible du comportement, intentionnel ou pas, dirigé ou non, par l’entremise duquel une ou plusieurs personnes peuvent influencer volontairement ou involontairement la perception, les sentiments, les pensées ou les actions d’une ou de plusieurs personnes.

39

Dans le texte original, Freud (1895) emploie le terme Verständigung qui dans son contexte se réfère en premier lieu à la communication.

40

Esquisse d’une psychologie scientifique, La naissance de la psychanalyse, Paris, Presses Universitaires de France, 1956, p. 336, trad. A. Berman.

41

Pour une étude détaillée de cette question, voir Sprrz (1963 a, b, c ; 1964).

42

Le rôle de la fonction symbolique n’est pas limité à la communication allocentrique. Elle opère aussi à l’intérieur de l’individu par exemple dans le processus de l’idéation en tant qu’intracommunication (Cobliner, 1955).

43

Il n’y a pas lieu dans le cadre de cet ouvrage de pénétrer plus avant dans les processus inconscients qui sous-tendent des phénomènes tels que le surnaturel. Je renvoie le lecteur aux nombreux articles parus sur ce sujet dans la littérature psychanalytique et, pour commencer, à ceux de Freud : L’inquiétante étrangeté (1919), Fausse reconnaissance (1914 a), Rêves et télépathie (1922), Rêves et occultisme (1932).

44

Le façonnement de la personnalité.

45

La fadeur des expérimentations animales dans le passé, théorie de l’apprentissage incluse, est peut-être due à l’approche anthropomorphique des psychologues d’animaux. Du fait que le système cénesthésique est tellement effacé chez l’adulte, ils l’ignoraient chez l’animal. Il semble que le poids et l’apport croissants des découvertes faites par les éthologues et l’observation psychanalytique des nourrissons, ont apporté un changement dans cette situation : la psychologie animale actuelle a été en mesure de nous offrir des informations bien plus satisfaisantes. Cette influence est sensible dans le domaine de la recherche sur les stimuli, de Hebb à Harlow, et dans celui des expérimentations de Calhoun (1962) et d’autres sur la surcharge de stimuli.

46

La négation, Rev. fr. psychanal., 1934, trad. Hoesli.

47

Freud, bien sûr, en était conscient, preuve en est cette citation : • Les sensations agréables n’ont en elles-mêmes aucun caractère de contrainte ou d’insistance tandis que les sensations désagréables possèdent ce caractère au plus haut degré. Elles tendent à imposer des modifications… » (1923) (Essais de psychanalyse, P.B.P., p. 190, trad. JANKÉLÉVITCH).

48

L’angoisse : sa phénoménologie pendant la première année de oie.

49

Tout au long de son article, Szekely utilise indifféremment les termes de « peur » et d’« angoisse ». Comme je l’ai déjà mentionné, nous établissons une distinction nette entre la peur et l’angoisse (Spitz, J950 b, 1955 c).

50

Il s’agit d’une déclaration simplifiée à l’excès. Il est évident que les autres membres de la famille jouissent aussi d’une position privilégiée, quoique à un moindre degré que l’objet libidinal. Ils sont néanmoins préférés aux étrangers.

51

Soins aux nourrissons.

52

De la réception cénesthésique à la perception diacritique.

53

Communication personnelle.

54

Communication personnelle.

55

Auparavant, durant la période de dépendance de l’enfant, période que Ferenczi (1916) a appelée le stade de toute-puissance infantile, les fantasmes remplaçaient l’action. Ces fantasmes toutefois ne sont pas comparables à ceux de l’adulte et encore moins aux fantasmes fortement colorés de l’enfant à l’âge préscolaire. Les fantasmes du nourrisson doivent nécessairement rester dans les limites de ses ressources cognitives. À ce stade, ces ressources dérivent indéniablement davantage de sources physiologiques qu’idéationnelles.

Cette déclaration appelle quelques réserves. Du point de vue cognitif, l’enfant dans sa première année n’est conscient que d’une très petite partie des fonctions physiologiques qui semblent si évidentes à l’adulte. Nous pouvons certainement admettre que l’enfant est conscient de la prise de nourriture et des actions qui s’y rattachent comme mâcher, avaler, agripper et frapper. On peut se demander jusqu’à quel point l’élimination a déjà pénétré les processus cognitifs de l’enfant. Mes observations m’ont conduit à penser que, vers la fin de la première année, l’enfant commence tout juste à s’intéresser aux fonctions d’élimination. J’estime par conséquent que la plupart des fantasmes de cette période de dépendance sont centrés autour des activités relatives à la prise de nourriture et culminent au niveau de l’introjection. Cette proposition est en partie soutenue par les débuts manifestes des actions identifica-toires de l’enfant dans la seconde moitié de la première année. Les actions qui ont lieu selon le mode des fonctions en rapport avec l’élimination et suggérant le mécanisme de projection sont moins évidentes bien que déjà observables. Ces actions deviendront relativement plus importantes pendant la deuxième année.

56

Communication personnelle.

57

Voir mes remarques sur la perception cutanée chez le nouveau-né dans le chapitre VI et en particulier les hypothèses de M. F. Ashley Montagu (1950,1953).

58

Plus précisément, nous devrions dire que de telles fixations engendrent une resomatisation (Schur, 1955, 1958).

59

Tout au long de cette présentation, je parlerai d’eczéma infantile. Une enquête auprès de diverses autorités dans le domaine de la dermatologie ne fit pas l’unanimité sur les termes eczéma, dermatite atopique, etc. J’ai donc décidé d’utiliser le terme démodé d’eczéma infantile. Le tableau clinique est celui d’une affection dermatologique commençant pendant le deuxième semestre de vie, principalement localisé du côté fléchisseur, de préférence dans les replis de peau (creux inguinal, axillaire, poplité, cubital, plis derrière l’oreille, etc.), avec une tendance à la sécrétion et à la desquamation dans les cas les plus aigus. Chez les sujets faisant partie de notre groupe, il semblait se limiter par lui-même et disparaître dans la première moitié de la deuxième année.

60

lois sur la délinquance juvénile.

61

Voir Je chap. IV pour une discussion des propositions de Montagu (1950, 1953) concernant le rôle, pour la survie et l’adaptation chez le nouveau-né, des expériences perceptives perçues au travers de la surface extérieure de la peau.

62

Le fait qu’une maladie se manifeste à l’endroit même où une stimulation vitale n’a pas été procurée devrait être pesé du point de vue psychanalytique. Théoriquement parlant, l’énergie pulsionnelle s’est amassée parce qu’on l’a privée d’une voie d’échappement. Par conséquent, la manifestation de la maladie se range dans la catégorie à laquelle on se réfère en psychiatrie dynamique et en psychanalyse sous le terme vague de « somatisation ». Je me suis délibérément abstenu d’utiliser ce terme dans mon travail conceptuel puisque, à une exception près, ni la dynamique du processus psychologique ni son mode de transformation en manifestations somatiques n’ont été élucidés. Toutefois, le travail de Max Schur (1955, 1958) dans ce domaine au cours de cette dernière décade a grandement contribué à une clarification de ce problème dans son ensemble. Dans deux articles, il établit une distinction entre le phénomène de « désomatisation » et celui de « resomatisation ». Le premier constitue un processus de développement où les énergies psychiques sont contrôlées de plus en plus par des moyens psychiques plutôt que somatiques. Lorsqu’il y a régression, la « resomatisation », processus inverse, se produit. Par conséquent, la désomatisation correspond à une application croissante des lois du processus secondaire alors que la resomatisation s’associe à un retour au régime du processus primaire.

Je ne puis rendre pleinement justice dans le cadre de cet ouvrage à la finesse qui sous-tend cette contribution novatrice à la théorie psychanalytique. Il est toutefois particulièrement intéressant en ce qui concerne mes constatations décrites ci-dessus de noter que Schur (1955) discute longuement d’un cas de dermatite atopique (eczéma) comme d’un exemple de resomatisation.

63

Faute d’une observation prolongée du couple mère-enfant tout au long de la première année, ce sont les films qui peuvent le mieux démontrer la présence de ces réponses affectives d’anticipation durant l’enfance.

64

Nos constatations et nos conclusions ont été publiées dans un article intitulé Auto-érotisme (Spitz et Wolf, 1949).

65

Pour une discussion détaillée du concept de déraillement des relations objectales (comme on a pu le noter dans les tableaux cliniques de la coprophagie, du balancement et de l’eczéma), voir Spitz, The Derailment of Dialogue (1964).

66

Ceci n’exclut pas la possibilité d’une mère qui, quoique présente, prive son enfant de provisions affectives normales, ou celle d’une mère négligeant son enfant du fait de ses occupations extérieures, que celles-ci soient dues à des raisons économiques ouàun manque d’intérêt pour le bébé.

67

Le chiffre de 123 ainsi que tous les chiffres qui seront donnés en relation avec cette étude de la carence affective partielle sont tirés de ma première publication

68

Récemment Bowlby (i960) a souligné le besoin de distinguer « la dépression en tant que concept nosologique » du terme de « dépression » en tant qu’état affectif. Je suis entièrement de son avis ; le terme de « dépression » a souvent été utilisé indifféremment pour désigner des conditions observées chez l’adulte ou des troubles apparaissant chez le nourrisson (voir Spitz, i960 a). Dans mon travail, j’ai utilisé le terme de « dépression » en tant que concept nosologique pour désigner l’entité clinique que j’ai appelée dépression anaclitique. Cette entité clinique sera discutée plus loin des points de vue structural et dynamique.

69

Comme nous l’avons déjà signalé dans la Première Partie de ce volume nous ne considérons pas les quotients de développement comme une mesure étalon adéquate du développement du nourrisson soit dans l’ensemble soit dans des secteurs particuliers. Il ne s’agit que d’un moyen pratique de comparaison grossière entre différents groupes d’enfants. En tant que tel, il peut servir de preuves à l’appui, d’illustration, des données et de l’histoire cliniques.

70

Anaclitique = s’appuyer sur. « Les premières satisfactions auto-érotiques sont ressenties par l’intermédiaire de fonctions vitales nécessaires à l’auto-préservation 1 (Freud). « Le choix anaclitique de l’objet est déterminé par la dépendance du nourrisson vis-à-vis de la personne qui le nourrit, le protège et le dorlote. Freud déclare qu’au début la pulsion se déploie anaditiquement, c’est-à-dire en s’appuyant sur une satisfaction du besoin essentielle à la survie » (Spitz, 1957).

71

Pour une discussion du concept de Melanie Klein sur La position dépressive, voir Waelder (1936) et Glover (1945).

72

Communication personnelle, 1961.

73

Dans un article sur le développement d’un enfant né aveugle, Fraiberg et Freedman (1963) ont confirmé cette proposition de manière étendue et l’ont illustrée par des films impressionnants.

74

L’emploi que je fais des termes « agression » et « pulsion agressive » n’a rien à voir avec la signification populaire du mot « agressif ». La pulsion agressive, pour abréger 1’ « agression », désigne l’une des deux pulsions instinctuelles fondamentales opérant dans le psychisme, comme postulé par Freud (1920) (certains auteurs s’y référant en tant qu’ « instinct agressif »). Par conséquent lorsque je parle d’« agression », ceci n’implique pas l’hostilité et la destruction bien qu’elles puissent par moments faire aussi partie des manifestations de cette pulsion.

75

On pourrait se demander ce qu’il advient des deux pulsions pendant la période de carence, pourquoi elles se désintriquent, pourquoi il semble que la pulsion agressive subisse un sort différent de celui de la pulsion libidinale. À ce stade de nos connaissances, il s’agit là de questions purement académiques. Je crois cependant que la proposition de Freud concernant l’affinité de la pulsion libidinale pour les organes internes éclaire quelque peu ces problèmes (Freud, 1905 b). Plus tard et particulièrement dans Le problème économique du masochisme (1924 c), Freud a parlé de l’appareil musculaire en tant que canal de décharge de la pulsion agressive. Les systèmes des organes sont infiniment plus lents dans la fonction de décharge que ne l’est la musculature du squelette. On avance même que ceux-là ont la capacité de retenir l’énergie liée (Breuer et Freud, 1895). Ce qui n’est pas le cas de la musculature du squelette qui décharge l’énergie rapidement, en poussées de brève durée.

Nous pourrions spéculer sur l’existence d’une base organique, physiologique, qui dans le cas d’inhibition pathologique de la décharge produirait la désintrication des deux pulsions, cet état empêchant la décharge. Une fois la pulsion libidinale séparée de la pulsion agressive par désintrication, la différence entre le rythme de décharge des viscères et celui de la musculature striée pourrait perpétuer ce clivage et réserver éventuellement un sort différent à chacune des deux pulsions. Peut-être que certaines des propositions de Cannon (1932) pourraient trouver leur application dans ce contexte. Une telle déclaration ne peut indiquer qu’une des directions possibles de notre pensée.

76

De son côté, Erikson (1950 a) exprime ce même point de vue sous une forme quelque peu différente et l’appelle « le premier stade de la confiance élémentaire (vers la première année) » alors que Thérèse Benedek (1938) en parle en tant que « confiance ».

77

Il est à peine nécessaire de rappeler au lecteur familier de la psychanalyse que j’utilise le terme « satisfaction » pour couvrir les conséquences d’un vaste éventail d’expériences psychologiques, y compris les expériences masochistes.

78

Pour m’exprimer dans le langage de Piaget, ceci correspond à un niveau relativement avancé de réversibilité qui est atteint au quatrième stade lorsque l’enfant est capable de retrouver un jouet dissimulé derrière deux cachettes successives (mais voir plutôt l’Appendice).

79

Professeur adjoint au département de Psychiatrie, section des Sciences du comportement, Collège de Médecine et d’Odontologie, New Jersey.

80

Le terme de mécanisme dans le contexte du système de Piaget ne ressemble guère aux mécanismes psychanalytiques (défense).

81

Des schémas rythmiques sont observables très tôt chez le bébé. Un exemple en a été donné dans un chapitre précédent. Dans la situation d’allaitement – constellation dyadique – le bébé en train de téter contracte et bouge ses mains rythmiquement sur le corps de sa mère. Le cycle de ces mouvements pourrait être le même

82

Voir toutefois Spitz (1937), plus récemment Jacobson (1953) et certains commentaires de Greenacre (1954) et A. Freud (1954 b).

83

Certains aspects de ces phénomènes sont actuellement à l’étude sous la direction de J. Kestenberg (communication personnelle).

84

Cette expression introduite par Anna Freud (1963 b) indique un progrès sériel dans des secteurs psychiques distincts et souligne leur continuité et leur caractère cumulatif.

85

La stabilité et la mobilité de l’équilibre sont compatibles ; en fait plus la mobilité est grande plus l’équilibre est stable. L’opposé de stable est sans aucun doute instable, labile et non mobile.

86

Steady State (N.d.T.).

87

Les lecteurs orientés vers la psychanalyse ne seront pas surpris par la pensée analogique de Piaget et se souviendront qu’un vaste secteur du modèle psychanalytique du psychisme, particulièrement celui qui se rapporte aux processus dynamiques, est basé sur l’analogie, sur des concepts empruntés à un modèle hydraulique.

88

Il est intéressant de noter que le schème étant le précipité de l’action motrice du sujet, se prête très aisément à la reproduction de ce qu’il représente. Ce trait le distingue très nettement des autres représentations qui, en raison de leur source extérieure, peuvent simplement reproduire dans la vie consciente la sensation accompagnant l’expérience et non les stimuli eux-mêmes. Génétiquement on devrait donc plutôt se référer au schème en tant qu’élément limite entre le moteur et le psychique par analogie au concept de la pulsion instinctuelle qui est un concept limite entre le somatique et le psychique.

89

Retraduit de l’anglais (N.d.T.).

90

Piaget suit ici la tradition établie par Freud et Ferenczi. Ses propositions n’ont été partiellement confirmées empiriquement qu’après que Spitz (1957) a interprété les données amassées par von Senden (1932).

91

Spitz (1955 b) est plus spécifique ; il souligne le fait que le phénomène de « se tourner vers » chez le nourrisson découle de sensations dans l’oreille interne qui réagit à tout changement d’orientation.

92

Retraduit de l’anglais (N.d. TJ.

93

L’intelligence est l’adaptation mentale la plus poussée… l’instrument indispensable des échanges entre le sujet et l’univers, lorsque leurs circuits dépassent les contacts immédiats et momentanés pour atteindre les relations étendues et stables… ses sources se confondent avec celles de l’adaptation sensori-motrice en général ainsi que, par-delà celle-ci, avec celles de l’adaptation biologique elle-même » (1964, 7' éd., p. 12).

94

Ces cours ont été donnés sous leur même forme pendant ces deux dernières années.

95

Les expériences de Piaget consistant à tester le comportement de l’enfant de 1 à 18 mois, en réponse à un objet qui disparaît, ont été récemment refaites avec des visées beaucoup plus vastes par Gouin Décarie (1962) qui les a présentées dans un travail érudit. L’auteur a pu confirmer dans l’ensemble les résultats de Piaget et ceci dans l’ordre d’apparition des différentes réalisations de l’enfant.

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D’une manière générale, Piaget laisse entendre que l’acquisition de la perception et la construction de la mémoire vont de pair ; dès que le nourrisson peut « voir » (c’est-à-dire enregistrer de façon adéquate quelques caractéristiques distinctives d’une « chose ») il peut aussi se souvenir de ce qu’il a vu. Il n’y a pas de preuves à l’appui de cette thèse. Les expériences concernant la réponse par le sourire (Kaila, 1932 ; Spitz et Wolf, 1946 ; Ahrens, 1954 ; Polak, Emde, Spitz, 1964 a) suggèrent une acquisition graduelle de la perception chez le nourrisson qui, en termes simples, rappellerait la marche suivie dans la construction d’un édifice bâti selon des méthodes conventionnelles :

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L’ « objet » annonce le futur objet permanent.

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Notons que 1’ « objet » qui disparaît a déjà été utile à Freud dans ses formulations concernant le développement psychique de l’enfant (1920).

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Piaget (1957) a établi récemment une distinction entre la « renversabilité » (simple renversement) et la « réversibilité » (défaire, action inversée dans la pensée, tenant compte de l’espace, du temps, de la causalité, des relations complexes existant entre eux, et impliquant d’opérer avec des concepts) qui est atteinte entre 12 et 14 ans. La renversabilité selon Piaget se réfère à une simple inversion d’une action sans que l’enfant en soit conscient. Dans ce sens, l’enfant qui vers le 18e mois retire le second oreiller n’a fait que réussir la renversabilité.

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The Psychoanalytic Study of the Child, currently 19 vol., éd. R. S. Eissler, A. Freud, H. Hartmann, M. Kris, New York, International Universities Press, 1945-1964.

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The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, 24 voi., translated and edited by James Strachey, London, Hogarth Press and the Institute of Psycho-Analysis, 1953.