Libre association (méthode ou règle de —)
= D. : freie Assoziation. – En. : free association. – Es. : asociación libre. – I. : libéra associazione. – P. : associação livre.
● Méthode qui consiste à exprimer sans discrimination toutes les pensées qui viennent à l’esprit, soit à partir d’un élément donné (mot, nombre, image d’un rêve, représentation quelconque), soit de façon spontanée.
◼ Le procédé de libre association est constitutif de la technique psychanalytique. On ne peut assigner de date précise à sa découverte ; elle s’est faite progressivement entre 1892 et 1898 et par diverses voies.
1° Comme le montrent les Études sur l’hystérie (Studien über Hysterie, 1895), la libre association se dégage de méthodes préanalytiques d’investigation de l’inconscient qui recouraient à la suggestion et à la concentration mentale du patient sur une représentation donnée ; la recherche insistante de l’élément pathogène s’efface au profit d’une expression spontanée du patient. Les Études sur l’hystérie mettent en évidence le rôle joué par les patients dans cette évolution (α).
2° Parallèlement, Freud utilise le procédé de libre association dans son auto-analyse et particulièrement dans l’analyse de ses rêves. Ici, c’est un élément du rêve qui sert de point de départ à la découverte des chaînes associatives menant aux pensées du rêve.
3° Les expériences de l’école de Zurich (1) reprennent, dans une perspective psychanalytique, les expériences plus anciennes faites par l’école de Wundt et qui consistaient en une étude des réactions et des temps de réaction (variables selon l’état subjectif) à des mots inducteurs. Jung met en évidence le fait que les associations ainsi produites sont déterminées par « … la totalité des idées en relation à un événement particulier doté d’une coloration émotionnelle » (2), totalité à laquelle il donne le nom de complexe*.
Freud, dans Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique (Zur Geschichte der psychoanalytischen Bewegung, 1914), admet l’intérêt de ces expériences « pour arriver à une confirmation expérimentale rapide des constatations psychanalytiques et pour montrer directement à l’étudiant telle ou telle connexion qu’un analyste peut seulement rapporter » (3).
4° Peut-être convient-il encore de faire état d’une source que Freud lui-même a indiquée dans une note Sur la préhistoire de la technique analytique (Zur Vorgeschichte der analylischen Technik, 1920) : l’écrivain Ludwig Borne, que Freud lut dans sa jeunesse, recommandait, pour « devenir un écrivain original en trois jours », d’écrire tout ce qui vient à l’esprit, et dénonçait les effets de l’autocensure sur les productions intellectuelles (4).
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Le terme « libre » dans la formule « libre association » appelle les remarques suivantes :
1° Même dans le cas où le point de départ est fourni par un mot inducteur (expérience de Zurich) ou par un élément du rêve (méthode de Freud dans L’interprétation du rêve [Die Traumdeutung, 1900]), on peut tenir le déroulement des associations pour « libre » dans la mesure où ce déroulement n’est pas orienté et contrôlé par une intention sélective ;
2° Cette « liberté » s’accentue dans le cas où aucun point de départ n’est fourni. C’est en ce sens qu’on parle de règle de libre association comme synonyme de règle fondamentale* ;
3° En fait, liberté n’est pas à prendre au sens d’une indétermination : la règle de libre association vise d’abord à éliminer la sélection volontaire des pensées, soit, selon les termes de la première topique freudienne, à mettre hors du jeu la seconde censure (entre le conscient et le préconscient). Elle révèle ainsi les défenses inconscientes, à savoir l’action de la première censure (entre le préconscient et l’inconscient).
Finalement, la méthode des libres associations est destinée à mettre en évidence un ordre déterminé de l’inconscient : « Lorsque les représentations-but* (Zielvorstellungen) conscientes sont abandonnées, ce sont des représentations-but cachées qui régnent sur le cours des représentations » (5).
▲ (α) Cf. surtout ce que Freud nous rapporte de sa malade Emmy von N… : à l’insistance de Freud cherchant l’origine d’un symptôme, elle répond « … qu’il ne faut pas toujours lui demander d’où provient ceci ou cela mais la laisser raconter ce qu’elle a à dire » (6 a). De cette même malade, Freud note qu’elle semble « … s’être approprié son procédé » : « Les propos qu’elle me tient […] ne sont pas aussi inintentionnels que leur apparence le ferait supposer ; ils reproduisent plutôt assez fidèlement les souvenirs et les impressions nouvelles qui ont agi sur elle depuis notre dernier entretien et émanent souvent, d’une façon tout à fait inattendue, de réminiscences pathogènes dont elle se décharge spontanément par la parole » (6 b).
(1) Cf. Jung (C. G.). Diagnostische Assoziationsstudien, 1906.
(2) Jung (C. G.) et Ricklin (F.). Diagnoslische Assoziationsstudien, I Beitrag : Experimentelle Untersuchungen über Assozialionen Gesunder, 1904. N. p. 57.
(3) Freud (S.). G.W., X, 67 ; S.E., XIV, 28 ; Fr., 285.
(4) Freud (S.). G.W., XII, 311 ; S.E., XVIII, 265.
(5) Freud (S.). G.W., II-III, 536 ; S.E., V, 531 ; Fr., 437.
(6) Freud (S.). Studien über Hysterie, 1895. – a) G.W., 1,116 ; S.E., II, 63 ; Fr., 48. – b) G.W., I, 108 ; S.E., II, 56 ; Fr., 42.