Surdétermination (ou détermination multiple)
— D. : Überdeterminierung (ou mehrfache Determinierung). – En. over-determination (ou multiple détermination). – Es. : superdeterminación. – I. : sovradeterminazione. – P. : superdeterminação (ou determinação mûltipla).
● Fait qu’une formation de l’inconscient – symptôme, rêve, etc. – renvois à une pluralité de facteurs déterminants. Ceci peut être pris en deux sens assez différents :
a) La formation envisagée est la résultante de plusieurs causes, alors qu’une seule ne suffit pas à en rendre compte ;
b) La formation renvoie à des éléments inconscients multiples, qui peuvent s’organiser en des séquences significatives différentes, dont chacune, à un certain niveau d’interprétation, possède sa cohérence propre. Ce deuxième sens est le plus généralement admis.
◼ Si différentes que soient ces deux acceptions, elles ne sont pas sans comporter des points de passage.
Dans les Études sur l’hystérie (Studien über Hysterie, 1895) on les trouve côte à côte. Parfois (1 a), le symptôme hystérique est dit sur-déterminé en tant qu’il résulte à la fois d’une prédisposition constitutionnelle et d’une pluralité d’événements traumatiques : un seul de ces facteurs ne suffit pas à produire ou à soutenir le symptôme, de sorte que la méthode cathartique, sans s’attaquer à la constitution hystérique, réussit à faire disparaître le symptôme grâce à la remémoration et à l’abréaction du trauma. Un autre passage de Freud dans le même ouvrage se rapproche davantage de la seconde acception : les chaînes d’associations qui relient le symptôme au « noyau pathogène » constituent « un système de lignes ramifiées et surtout convergentes » (1 b).
C’est l’étude du rêve qui illustre le plus clairement le phénomène de surdétermination. L’analyse montre en effet que « … chacun des éléments du contenu manifeste du rêve est surdéterminé, il est représenté plusieurs fois dans les pensées latentes du rêve » (2 a). La surdétermination est l’effet du travail de condensation*. Elle ne se traduit pas seulement au niveau des éléments isolés du rêve ; le rêve dans son entier peut être surdéterminé : « … les effets de la condensation peuvent être tout à fait extraordinaires. Elle rend à l’occasion possible de réunir dans un rêve manifeste deux séries d’idées latentes tout à fait différentes, de sorte qu’on peut obtenir une interprétation apparemment satisfaisante d’un rêve, sans s’apercevoir de la possibilité d’une interprétation au deuxième degré » (3 a) (voir : Surinterprétation).
Il convient de souligner que la surdétermination n’implique pas que le symptôme ou le rêve se prête à un nombre indéfini d’interprétations. Freud compare le rêve à certains langages archaïques, où un mot, une phrase comportent apparemment de nombreuses interprétations (3 b) ; dans ces langages, c’est le contexte, l’intonation ou encore des signes accessoires qui lèvent l’ambiguïté. Dans le rêve, l’indétermination est plus fondamentale mais les différentes interprétations restent susceptibles de vérification scientifique.
La surdétermination n’implique pas non plus l’indépendance, le parallélisme de diverses significations d’un même phénomène. Les différentes chaînes significatives se recoupent en plus d’un « point nodal », comme le prouvent les associations ; le symptôme porte la trace de l’interaction des diverses significations entre lesquelles il réalise un compromis. Freud montre sur l’exemple du symptôme hystérique qu’ « … il ne peut apparaître que si deux désirs opposés, issus de deux systèmes psychiques différents, viennent à se réaliser dans une même expression » (2 b).
On voit ici ce qui subsiste du sens a) de notre définition : le phénomène à analyser est une résultante, la surdétermination est un caractère positif, et non la simple absence d’une signification unique et exhaustive. J. Lacan a insisté sur le fait que la surdétermination est un trait général des formations de l’inconscient : « Pour admettre un symptôme dans la psychopathologie psychanalytique, qu’il soit névrotique ou non, Freud exige le minimum de surdétermination que constitue un double sens, symbole d’un conflit défunt par-delà sa fonction dans un conflit présent non moins symbolique […] » (4). La raison en est que le symptôme (au sens large) est « structuré comme un langage », donc constitué, par nature, de glissements et de superpositions de sens ; il n’est jamais le signe univoque d’un contenu inconscient unique, de même que le mot ne peut se réduire à un signal.
(1) Freud (S.), a) Cf. G.W., I, 261 ; S.E., II, 262-3 ; Fr., 211 et 169-70. – b) G.W., I, 293-4 ; S.E., II, 289 ; Fr., 234.
(2) Freud (S.). Die Traumdeutung, 1900. – a) G.W., II-III, 289 ; S.E., IV, 283 ; Fr., 212. – b) G.W., II-III, 575 ; S.E., V, 569 ; Fr., 466.
(3) Freud (S.). Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1916-17. – a) G.W., XI, 176 ; S.E., XV, 173 ; Fr., 191. – b) Cf. G.W., XI, 234-9 ; S.E., XV, 228-33 ; Fr., 249-54.
(4) Lacan (J.). Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse, in La Psychanalyse, P.U.F., Paris, 1956, I, 114.