Élaboration psychique

= D. : psychische Verarbeitung (ou Bearbeitung, ou Ausarbeitung, ou Aufarbeitung). – En. : psychical working over, ou out. – Es. : elaboración psiquica. – I. elaborazione psichica. – P. : elaboração psiquica.

● A) Terme utilisé par Freud pour désigner, dans différents contextes, le travail accompli par l’appareil psychique en vue de maîtriser les excitations qui lui parviennent et dont l’accumulation risque d’être pathogène. Ce travail consiste à intégrer les excitations dans le psychisme et à établir entre elles des connexions associatives.

B) Le terme français d’élaboration est souvent utilisé par les traducteurs comme équivalents de l’allemand Durcharbeiten ou de l’anglais working through. En ce sens nous lui préférons perlaboration*.

◼ On retrouve le même terme Arbeit (travail) dans plusieurs expressions de Freud comme Traumarbeit (travail du rêve), Trauerarbeit (travail du deuil), Durcharbeiten (perlaboration), et dans différents termes Verarbeitung, Bearbeitung, Ausarbeitung, Aufarbeitung, traduits en français par élaboration. Il y a là un emploi original du concept de travail, appliqué à des opérations intrapsychiques. Il se comprend par référence à la conception freudienne d’un appareil psychique* qui transforme et transmet l’énergie qu’il reçoit, la pulsion étant, dans cette perspective, définie comme « quantité de travail exigée du psychisme » (1).

Dans un sens très large, élaboration psychique pourrait désigner l’ensemble des opérations de cet appareil ; mais l’usage qu’en fait Freud semble plus spécifique : l’élaboration psychique est la transformation de la quantité d’énergie permettant de maîtriser celle-ci en la dérivant ou en la liant.

Freud et Breuer ont rencontré le terme chez Charcot, qui parlait, à propos de l’hystérique, d’un temps d’élaboration psychique entre le traumatisme et l’apparition des symptômes (2). C’est dans une perspective différente qu’ils reprennent le terme dans leur théorie de l’hystérie, du point de vue de l’étiologie et de la cure. Normalement l’effet traumatisant d’un événement est liquidé soit par abréaction*, soit par intégration « dans le grand complexe des associations » (3) qui exerce ainsi une action correctrice. Chez l’hystérique, diverses conditions (voir : Hystérie hypnoïde, Hystérie de défense), empêchent une telle liquidation ; il n’y a pas d’élaboration associative (Verarbeitung) : le souvenir du traumatisme reste à l’état de « groupe psychique séparé ». La cure trouve son efficacité dans l’établissement des liens associatifs qui permettent la liquidation progressive du trauma (voir : Catharsis).

Dans la théorie des névroses actuelles, le terme d’élaboration est également utilisé : c’est une absence d’élaboration psychique de la tension sexuelle somatique qui aboutit à la dérivation directe de celle-ci en symptômes. Le mécanisme ressemble à celui de l’hystérie (4), mais le défaut d’élaboration est plus radical : « … la tension sexuelle se transforme en angoisse dans tous les cas où, tout en se produisant avec force, elle ne subit pas l’élaboration psychique qui la transformerait en affect » (5).

Dans Pour introduire le narcissisme (Zur Einführung des Narzissmus, 1914), Freud reprend et développe l’idée que c’est l’absence ou les insuffisances de l’élaboration psychique qui, en provoquant une stase libidinale*, sont, selon des modalités diverses, au principe de la névrose et de la psychose.

Si l’on rapprochait les usages que fait Freud de la notion d’élaboration psychique dans la théorie de l’hystérie et dans celle des névroses actuelles, on pourrait être conduit à distinguer deux aspects : 1° La transformation de la quantité physique en qualité psychique ; 2° L’établissement de voies associatives qui suppose comme condition préalable cette transformation.

Une telle distinction est aussi suggérée dans Pour introduire le narcissisme, où Freud met à la racine de toute psychonévrose une névrose actuelle, supposant donc deux temps successifs de la stase libidinale et de l’élaboration psychique.

La notion d’élaboration fournirait ainsi une charnière entre le registre économique et le registre symbolique du freudisme. Pour la discussion de ce problème, nous renvoyons le lecteur à notre commentaire de l’article : Liaison (Bindung).

Notons enfin qu’entre élaboration et perlaboration, le rapprochement s’impose : il y a une analogie entre le travail de la cure et le mode de fonctionnement spontané de l’appareil psychique.

(1) Freud (S.). Drei Abhandlungen zur Sexualthei rie, 1905. G.W., V, 67 ; S.E., VII, 168 ; Fr., 56.

(2) Cf. Charcot (J.-M.). Leçons du mardi à la Salpllrlïre, 1888, Paris, I, 99.

(3) Freud (S.). Studien über Hysterie, 1895. G.W., I, 87 ; S.E., II, 9 ; Fr., 6.

(4) Cf. Freud (S.). Über die Berechtigung, von der Neuraslhtnie einen bestimmten Symptomenkomplex als « Angstneurose i abzutrennen, 1894. G.W., I, 336, 342 ; S.E., III, 109, 115.

(5) Freud (S.). Aus den Anfängen der Psychoanalyse, 1887-1902. Ail., 103 ; Angl., 93 ; Fr., 84.