Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique

Nous ne nous sommes jamais targués, vous le savez, de posséder des connaissances et un pouvoir achevés, complets ; comme jadis, nous sommes toujours disposés à admettre les imperfections de nos vues, à y intégrer des nouvelles notions et à modifier notre technique afin de la perfectionner.

Puisque nous voilà de nouveau réunis après de longues et pénibles années de séparation1, je suis tenté de procéder à une révision de nos données thérapeutiques. C’est à l’état de ces données que nous devons notre situation. Je désire aussi considérer dans quelles nouvelles directions notre science a pu se développer.

Nous avons dit que notre tâche thérapeutique consistait à faire connaître au névrosé les émois refoulés et inconscients qui existent en lui et, dans ce but, à découvrir les résistances qui s’opposent à cette prise de connaissance de lui-même. Toutefois suffit-il pour vaincre ces résistances de les mettre en lumière ? Pas toujours, certes, mais en nous servant du transfert que fait l’analysé à la personne du médecin, nous espérons atteindre ce but et faire partager au patient notre propre conviction en lui montrant l’inutilité du refoulement établi dans l’enfance et l’impossibilité de diriger la vie suivant le principe du plaisir. J’ai exposé ailleurs les conditions dynamiques du nouveau conflit au travers duquel nous faisons passer le malade et qui est venu remplacer l’ancien conflit morbide. Je ne saurais actuellement rien modifier à cet exposé.

Nous donnons le nom de psychanalyse au travail qui consiste à ramener jusqu’au conscient du malade les éléments psychiques refoulés. Pourquoi l’avoir appelé « analyse », ce mot signifiant décomposition, désagrégation ? Ne fait-il pas penser au travail fait par le chimiste sur les substances qu’il trouve dans la nature et qu’il apporte au laboratoire ? Eh bien, parce qu’à un certain point de vue important l’analogie est réelle. Les symptômes du patient, ses manifestations morbides sont, comme toutes ses activités psychiques, de nature fort complexe ; en fin de compte, les éléments qui forment ces combinaisons sont les émois instinctuels. Mais le malade ignore tout ou à peu près tout de ces facteurs élémentaires et c’est à nous qu’il appartient de lui faire concevoir la composition de ces formations psychiques si complexes. Nous ramenons les symptômes aux émois instinctuels qui les ont motivés et, de même que le chimiste décèle dans un sel l’élément chimique rendu méconnaissable par sa combinaison avec d’autres éléments, nous faisons apparaître dans les symptômes présentés par le malade, les facteurs instinctuels jusqu’alors ignorés du patient. Nous lui montrons aussi que certaines de ses manifestations psychiques, non considérées comme morbides, ont une motivation imparfaitement consciente et que d’autres facteurs pulsionnels dont il n’avait pas connaissance y jouaient aussi leur rôle.

Nous avons également expliqué les aspirations sexuelles de l’homme en les ramenant à leurs composants. En interprétant un rêve, nous en négligeons l’ensemble pour nous reporter aux éléments des associations.

C’est donc à juste titre que l’on peut comparer l’activité médicale du psychanalyste au travail du chimiste et cette analogie nous incite à ouvrir de nouvelles voies à notre thérapeutique. Nous avons analysé le malade, c’est-à-dire que nous avons décomposé son activité psychique en ses parties constituantes, pour ensuite isoler chacun des éléments instinctuels ; comment ne pas chercher ensuite à refaire une combinaison nouvelle et meilleure ? Vous savez que l’on a réclamé de nous cette synthèse. À l’analyse d’un psychisme morbide doit, nous a-t-on dit, succéder la synthèse de ce psychisme ! Et, peu à peu, une préoccupation s’est fait jour : la crainte qu’il y ait de notre part trop d’analyse et pas assez de synthèse, d’où une tentative pour attribuer tout l’effet thérapeutique à la synthèse, en la considérant comme une sorte de reconstitution de ce qui a, pour ainsi dire, été détruit par la vivisection.

Malgré tout, je n’imagine pas trouver dans cette psychosynthèse un nouveau champ d’action. Si je pouvais me permettre d’être franc et impoli, je dirais qu’il s’agit d’une phrase dénuée de sens. Je me borne à dire qu’il n’est, en ce cas, question que de l’extension immotivée d’un parallèle ou, si vous préférez, de l’exploitation injustifiée d’une dénomination. Mais une dénomination n’est qu’une étiquette qu’on appose afin d’établir une distinction entre des choses analogues et non un programme, une description de contenu ou une définition. En outre, lorsqu’on établit un parallèle entre deux objets, ceux-ci peuvent n’être comparables que par un seul point, tout en différant entièrement par d’autres. Le psychisme est quelque chose d’unique et de si particulier qu’aucune comparaison isolée n’en saurait traduire la nature. Le travail du psychanalyste peut, certes, présenter certaines analogies avec l’analyse chimique, mais aussi avec les interventions chirurgicales, les opérations orthopédiques ou le rôle du pédagogue. La comparaison avec l’analyse chimique a ses limites du fait que, dans le domaine psychique, nous avons affaire à des aspirations qui, par attrait compulsionnel, tendent à s’unir et à fusionner. Quand nous réussissons à décomposer un symptôme, à libérer un émoi instinctuel de l’association où il se trouve engagé, il ne demeure pas isolé mais entre immédiatement dans une nouvelle combinaison2.

Et l’inverse se produit aussi ! Le névrosé nous apporte un psychisme déchiqueté fissuré par les résistances. Et quand, dans l’analyse du cas, nous éliminons les résistances, nous voyons ce psychisme se coordonner et la grande unité que nous appelons « moi » s’agréger tous les émois instinctuels jusqu’alors détachés et écartés de lui. C’est ainsi que se réalise automatiquement, inévitablement, la psychosynthèse, sans que nous ayons eu à intervenir ; en décomposant les symptômes en leurs éléments, en levant les résistances, nous créons les conditions nécessaires à la production de cette synthèse. Il est faux de penser que le psychisme du malade a été décomposé en ses éléments et attend paisiblement ensuite d’être reconstitué d’une façon quelconque.

L’évolution de notre thérapeutique se fera donc dans un sens différent, dans le sens surtout que Ferenczi a récemment indiqué : vers « l’activité » du psychanalyste.

Voyons rapidement ce qu’est cette activité. Nous disons que notre traitement vise deux buts : rendre conscient ce qui a été refoulé et découvrir les résistances. Pour les atteindre, nous sommes obligés, certes, de déployer assez d’activité. Mais convient-il d’abandonner au malade le soin d’en finir avec les résistances que nous lui avons fait connaître. Ne pouvons-nous lui venir en aide en ne nous contentant pas de l’impulsion donnée par le transfert ? N’est-il pas plus naturel de le seconder autrement, c’est-à-dire en le plaçant dans la situation psychique la plus propre à provoquer la liquidation souhaitée du conflit ? Les faits et gestes du patient dépendent d’une série de circonstances extérieures connexes. Comment pourrions-nous hésiter à modifier de façon favorable cette connexion ? Je crois, pour ma part, qu’en exerçant une pareille activité, le médecin analyste agit à bon droit et irréprochablement.

Comme vous voyez, un nouveau domaine de la technique s’ouvre ici à nous. Son exploration va nous coûter beaucoup d’efforts et des règles bien précises devront être formulées. Je n’essaierai pas aujourd’hui de vous initier à cette technique nouvelle en voie d’évolution, mais je me contenterai d’énoncer un principe fondamental sans doute appelé à régir tout ce domaine et qui est le suivant : le traitement psychanalytique doit autant que possible s'effectuer dans un état de frustration, d'abstinence.

Remettons à plus tard le soin de discuter à fond des possibilités de faire respecter cette règle. En parlant d’abstinence, nous ne songeons pas à priver l’analysé de toute espèce de satisfaction, ce qui serait évidemment impossible. Nous n’entendons pas non plus donner à ce mot le sens qu’on lui attribue vulgairement et ne voulons pas interdire au patient tout rapport sexuel ; il s’agit ici de quelque chose de différent, qui se rapporte bien davantage à la dynamique de la maladie et de la guérison.

Vous n’avez pas oublié qu’une frustration avait causé la maladie du sujet et que ses symptômes lui servaient de satisfaction substitutive. Au cours du traitement, vous pourrez constater que toute amélioration de son état morbide ralentit l’allure du rétablissement et diminue la force pulsionnelle qui l’aiguillonne vers la guérison. Or cette force pulsionnelle nous est indispensable et sa diminution compromettrait l’accession au but que nous poursuivons. À quelle conclusion inéluctable sommes-nous alors obligés d’arriver ? Eh bien, quelque cruel que cela puisse sembler, nous devons veiller à ce que les souffrances du malade ne s’atténuent pas prématurément de façon marquée. Au cas où les symptômes ont été ainsi détruits et dévalués, nous sommes obligés de recréer la souffrance sous les espèces d’une autre frustration pénible, faute de quoi nous courrions le risque de n’obtenir jamais qu’une faible et passagère amélioration.

À mon sens, c’est de deux côtés surtout que le danger menace. D’une part, le patient dont l’état morbide s’est trouvé ébranlé par l’analyse s’efforce avec la plus grande ardeur à se créer, à la place de ses symptômes, de nouvelles satisfactions substitutives sans caractère pénible. Il utilise l’immense mobilité de la libido partiellement libérée pour investir de celle-ci et promouvoir au rang de satisfactions substitutives les plus diverses sortes d’activités : plaisirs, intérêts, habitudes, même celles qui existaient déjà antérieurement. Il ne cesse de trouver ainsi de nouvelles diversions, qui provoquent une perte de l’énergie nécessaire au traitement et parvient, un temps, à les garder secrètes. Il appartient à l’analyste de découvrir tous ces détours et d’exiger du malade l’abandon de ces diversions agréables, quelle que soit leur apparente innocence. Le patient à moitié guéri s’engage parfois aussi dans une voie plus dangereuse, comme le fait, par exemple, un homme qui s’engage à la légère dans quelque liaison. Remarquons en passant que les mariages malheureux et les infirmités physiques constituent les aboutissements les plus communs des névroses. Ils satisfont tout particulièrement le sentiment de culpabilité (le besoin de punition) qui fait que tant de névrosés tiennent si obstinément à leurs maladies. Ils se punissent eux-mêmes en faisant quelque mariage déraisonnable, considèrent une longue maladie organique comme un châtiment imposé par le destin et renoncent ensuite souvent à la continuation de leur névrose.

En pareil cas, le devoir du médecin est de s’opposer énergiquement à ces satisfactions de remplacement, prématurément adoptées. Mais il lui sera plus facile de se prémunir contre le second danger qui n’est pas négligeable et qui compromet la force pulsionnelle de l’analyse. C’est dans le traitement même, dans le transfert sur la personne du médecin, que le malade cherche avant tout une satisfaction substitutive. Il peut même tendre à se dédommager par ce moyen de tout le renoncement qu’on lui impose. Certes, il faut bien accorder quelque chose, plus ou moins suivant le cas et la personnalité du malade, mais il n’est pas bon d’exagérer dans ce sens. L’analyste qui donne à son patient — peut-être par excès de bon cœur — tout ce qu’un être humain peut attendre d’un autre, commet une erreur économique semblable à celle dont on se rend coupable dans nos cliniques non psychanalytiques. On y cherche à rendre la vie aussi douce que possible au malade, afin qu’il s’y sente bien et qu’il y retrouve volontiers un refuge contre les difficultés de l’existence. Ce faisant, les médecins de ces établissements renoncent à le fortifier pour la vie et à le rendre plus capable de remplir ses véritables devoirs. En analyse, il faut éviter toutes ces gâteries. En ce qui concerne ses relations avec le médecin, le malade doit conserver suffisamment de désirs irréalisés. Il est indiqué de lui refuser justement celles des satisfactions auxquelles il aspire le plus ardemment et qu’il exige le plus impérieusement.

Je ne crois pas avoir épuisé le sujet de l’activité requise du médecin en disant qu’il doit, pendant le traitement, maintenir la frustration. Comme vous vous le rappelez certainement, une autre partie de l’activité au cours de l’analyse a déjà fait jadis l’objet d’une controverse entre l’école suisse et nous. Nous avons catégoriquement refusé de considérer comme notre bien propre le patient qui requiert notre aide et se remet entre nos mains. Nous ne cherchons ni à édifier son sort, ni à lui inculquer nos idéaux, ni à le modeler à notre image avec l’orgueil d’un Créateur — ce qui nous serait fort agréable. Je persiste aujourd’hui encore dans ce refus et je pense qu’il y a lieu, justement en ce cas, de respecter la discrétion médicale que nous sommes ailleurs obligés de négliger. Nous avons également observé que les besoins de la thérapeutique n’exigent nullement la mise en œuvre de cette sorte d’activité. Il m’est en effet arrivé, sans modifier leur personnalité de sortir d’affaire des gens auxquels ne me liait aucune communauté de race, d’éducation, de position sociale ni de vues générales. À l’époque de ces controverses, j’eus, il est vrai, l’impression que les objections de nos porte-parole dont le principal, je crois, était Ernest Jones — manquaient de souplesse et étaient trop absolues. Nous ne pouvons éviter de prendre en analyse des personnes si faibles de caractère, si peu capables de s’adapter à la vie, que nous nous voyons obligés d’associer pour elles l’influence éducative à l’influence analytique. D’ailleurs pour la plupart des patients, nous nous trouvons aussi obligés de nous poser de temps en temps en éducateurs et en conseillers. Mais cela doit chaque fois être fait avec beaucoup de précaution et il ne faut pas chercher à modeler le malade à notre image, mais le pousser à libérer et à perfectionner sa propre personnalité.

Notre vénéré ami américain, J. J. Putnam, dont le pays nous est actuellement si hostile, nous pardonnera aussi de ne pas partager son opinion, lorsqu’il prétend que la psychanalyse doit se mettre au service d’une conception philosophique particulière de l'univers qui obligerait le patient à s’élever moralement. À mon avis ce ne serait là qu’une sorte de tyrannie voilée par la noblesse du but à atteindre.

Enfin nous nous voyons obligés d’exercer une autre activité encore d’un genre tout différent, elle s’impose à nous du fait que nous découvrons chaque jour davantage que les diverses formes de maladie traitées par nous ne peuvent être guéries par une seule et même technique. Il serait prématuré de traiter de façon détaillée ce sujet, mais deux exemples montreront pourquoi une nouvelle sorte d’activité doit être prise en considération. Notre technique a été créée en vue du traitement de l’hystérie et continue à bien s’appliquer à cette affection. Mais déjà, les phobies nous ont contraints à aller au-delà de cette limite. Il est presque impossible, si l’on veut guérir un phobique, d’attendre que le traitement l’amène à renoncer à sa phobie. Jamais, en pareil cas, le malade n’apporte à l’analyse les matériaux indispensables capables d’entraîner une solution convaincante. Il faut donc procéder autrement. Prenez comme exemple l’agoraphobie dont il existe deux formes : l’une légère, l’autre grave. Les agoraphobes légèrement atteints, tout en souffrant d’angoisse dès qu’ils se trouvent seuls dans la rue, n’ont néanmoins pas renoncé à sortir. Ceux qui sont plus touchés n’échappent à l’angoisse qu’en ne sortant plus sans être accompagnés. On n’a quelque chance de réussir, dans le cas de ces derniers, qu’en les amenant, par l’action de la psychanalyse, à se comporter comme les malades du premier groupe, c’est-à-dire en les amenant à sortir seuls et à lutter contre leur angoisse durant cette tentative. Il s’agit donc de commencer par atténuer la phobie et ce n’est qu’une fois ce résultat obtenu que le malade peut disposer des associations et des souvenirs qui vont rendre possible la liquidation de la phobie.

Dans les cas graves d’actes obsessionnels, une attente passive semble plus contre-indiquée encore. En effet, ces cas tendent généralement vers un processus « asymptomatique » de la cure, vers une prolongation interminable du traitement ; leur analyse risque toujours de durer très longtemps, sans apporter de changement. Il semble à peu près certain que la bonne technique consiste, en pareil cas, à attendre que le traitement lui-même soit devenu compulsion et à se servir ensuite de cette contre-compulsion pour détruire la compulsion morbide. Vous comprendrez, cependant, qu’en citant ces deux cas, je ne fais que vous offrir de simples exemples des voies nouvelles où s’engage notre thérapeutique.

Pour conclure, je tiens à examiner une situation qui appartient au domaine de l’avenir et que nombre d’entre vous considéreront comme fantaisiste mais qui, à mon avis, mérite que nos esprits s’y préparent. Vous savez que le champ de notre action thérapeutique n’est pas très vaste. Nous ne sommes qu’une poignée d’analystes et chacun de nous, même en travaillant d’arrache-pied, ne peut, en une année, se consacrer qu’à un très petit nombre de malades. Par rapport à l’immense misère névrotique répandue sur la terre et qui, peut-être, pourrait ne pas exister — ce que nous arrivons à faire est à peu près négligeable. En outre, les nécessités de l’existence nous obligent à nous en tenir aux classes sociales aisées, aux personnes habituées à choisir à leur gré leur médecin et que leurs préjugés à l’égard de la psychanalyse peuvent éloigner de nous. Pour le moment, nous sommes obligés de ne rien faire pour une multitude de gens qui souffrent intensément de leurs névroses.

Admettons maintenant que, grâce à quelque organisation nouvelle, le nombre d’analystes s’accroisse à tel point que nous parvenions à traiter des foules de gens. On peut prévoir, d’autre part, qu’un jour la conscience sociale s’éveillera et rappellera à la collectivité que les pauvres ont les mêmes droits à un secours psychique qu’à l’aide chirurgicale qui lui est déjà assurée par la chirurgie salvatrice. La société reconnaîtra aussi que la santé publique n’est pas moins menacée par les névroses que par la tuberculose. Les maladies névrotiques ne doivent pas être abandonnées aux efforts impuissants de charitables particuliers. À ce moment-là on édifiera des établissements, des cliniques, ayant à leur tête des médecins psychanalystes qualifiés et où l’on s’efforcera, à l’aide de l’analyse, de conserver leur résistance et leur activité à des hommes, qui sans cela s’adonneraient à la boisson, à des femmes qui succombent sous le poids des frustrations, à des enfants qui n’ont le choix qu’entre la dépravation et la névrose. Ces traitements seront gratuits. Peut-être faudra-t-il longtemps encore avant que l’État reconnaisse l’urgence de ces obligations. Les conditions actuelles peuvent aussi retarder notablement ces innovations et il est probable que les premiers instituts de ce genre seront dus à l’initiative privée, mais il faudra bien qu’un jour ou l’autre la nécessité en soit reconnue.

Nous nous verrons alors obligés d’adapter notre technique à ces conditions nouvelles. L’exactitude de nos hypothèses psychologiques, je n’en doute pas, ne peut manquer de frapper les ignorants eux-mêmes, toutefois nous devrons donner à nos doctrines théoriques la forme la plus simple et la plus accessible. Nous découvrirons probablement que les pauvres sont, moins encore que les riches, disposés à renoncer à leurs névroses parce que la dure existence qui les attend ne les attire guère et que la maladie leur confère un droit de plus à une aide sociale. Peut-être nous arrivera-t-il souvent de n’intervenir utilement qu’en associant au secours psychique une aide matérielle, à la manière de l’empereur Joseph. Tout porte aussi à croire que, vu l’application massive de notre thérapeutique, nous serons obligés de mêler à l’or pur de l’analyse une quantité considérable du plomb de la suggestion directe. Parfois même, nous devrons, comme dans le traitement des névroses de guerre, faire usage de l’influence hypnotique. Mais quelle que soit la forme de cette psychothérapie populaire et de ses éléments, les parties les plus importantes, les plus actives demeureront celles qui auront été empruntées à la stricte psychanalyse dénuée de tout parti pris.


1 Naturellement aucun Congrès n’avait eu lieu pendant la guerre de 1914-1918. (N. d. l. Tr.)

2 Et pourtant un phénomène tout à fait analogue se produit au cours de l’analyse chimique. Les corps que le chimiste parvient à isoler forment des synthèses non voulues par celui-ci, grâce au libre jeu d’affinités électives au sein de leur substance.