Chapitre XVI
PLACE DE LA PERSONNE DANS LE MONDE NOUVEAU DES SCIENCES DU COMPORTEMENT50
La science psychologique, malgré son manque de maturité et tout ce qu’il en faut élaguer, s’est énormément développée dans ces dernières décennies. Préoccupée tout d’abord d’observer et de mesurer, elle a peu à peu évolué jusqu’à devenir une science des conditions et des effets. Je veux dire par là qu’elle s’est appliquée de plus en plus à discerner et à découvrir les relations régies par des lois telles que si certaines conditions sont remplies, on peut prévoir que certains comportements en découleront. Cette science accroît rapidement le nombre des domaines ou des situations dans lesquels on peut dire que, si certaines conditions, susceptibles d’être décrites et Mesurées, sont présentes ou peuvent être créées, alors on découvre des comportements prévisibles et définissables qui en résultent.
Or, en un sens, toute personne cultivée en est consciente, mais il me semble que bien peu de gens se rendent compte de la profondeur et de l’étendue de ces progrès en psychologie et dans les sciences du comportement. Et plus rares encore sont ceux qui sont conscients des graves problèmes sociaux, politiques, moraux et philosophiques posés par ces progrès ; je voudrais attirer l’attention sur les conséquences de certains de ces progrès.
Qu’il me soit permis tout d’abord de citer quelques exemples choisis de ce que j’entends par les possibilités accrues de la psychologie à comprendre, prévoir ou contrôler le comportement. Je les ai choisis pour illustrer la grande diversité de ces comportements. Je résumerai et simplifierai beaucoup chacun de ces exemples, me contentant d’en indiquer les éléments essentiels. D’une manière générale, je puis dire que chaque exemple que je donnerai est appuyé par une recherche aussi rigoureuse et adéquate que possible bien que, comme toutes les conclusions scientifiques, chacun soit susceptible d’être modifié ou corrigé par des études ultérieures plus exactes et plus ingénieuses.
La prédiction des comportements
Que sont alors certains des comportements naturels ou acquis ou des réflexes dont nous savons maintenant provoquer les conditions préalables ? Je voudrais souligner que nous savons comment produire ces effets, de la même manière, « bien qu’avec moins de précision, que le physicien sait réunir les conditions par lesquelles des substances données passeront par un processus de fission ou de fusion atomiques. Ce sont des exemples de ce que nous sommes capables d’accomplir.
Nous savons provoquer les conditions qui amèneront beaucoup d’individus à déclarer vraies des affirmations contraires au témoignage de leurs sens.
Ainsi ils affirmeront que la figure A a une plus grande surface que la figure B alors qu’au témoignage de leurs sens c’est le contraire qui est vrai. Des expériences faites par Asch [1], reprises et améliorées ensuite par Crutchfield [4], montrent que, lorsqu’une personne est amenée à croire que toutes les autres voient A plus grand que B, elle a une forte propension à juger de même, et bien souvent elle est persuadée de la vérité de l’erreur qu’elle affirme.
Non seulement nous sommes capables de prévoir qu’il y aura un certain pourcentage d’individus qui céderont à des pressions de ce genre et refuseront de croire le témoignage de leurs sens, mais encore Crutchfield a défini les caractéristiques de ces individus, étant ainsi en mesure, par des méthodes de sélection, de former un groupe qui céderait presque unanimement à ces pressions conformistes.
Nous savons modifier dans une direction déterminée les opinions d’un individu sans que celui-ci se doute jamais des stimuli qui ont provoqué ce changement.
Ainsi Spence et Ki.ein [17] firent l’expérience suivante : ils projetèrent sur un écran le visage immobile et inexpressif d’un homme et demandèrent au public de remarquer les changements d’expression de cet homme. Puis ils projetèrent sur l’écran par intermittence le mot « irrité » avec des temps d’exposition si brefs que les gens n’étaient pas conscients d’avoir vu le mot. Cependant ils avaient l’impression que le visage exprimait un mécontentement de plus en plus évident. Lorsque ce fut le mot « joyeux » qui fut projeté sur l’écran de la même manière, ils crurent que le visage exprimait plus de contentement. Ils subissaient ainsi nettement une influence qui, enregistrée à un niveau subliminal, n’entrait pas, ne pouvait pas entrer, dans le champ de leur conscience.
Nous pouvons prévoir d’après la façon dont les individus perçoivent le mouvement d’une tache lumineuse dans une pièce sombre, s’ils ont ou non tendance à former des jugements préconçus.
On a beaucoup étudié l’ethnocentrisme, tendance à établir une distinction rigide et généralisée entre groupes auxquels on appartient et groupes extérieurs, avec une hostilité à l’égard des groupes extérieurs et une attitude de soumission accompagnée de foi en leur rectitude à l’égard des groupes d’appartenance. Une des théories qui se sont dégagées de cette étude est qu’une personne qui se trouve être ethnocentrique à un très haut degré est incapable de tolérer l’ambiguïté et l’incertitude dans une situation donnée. Opérant d’après cette théorie, Block et Block [3] firent établir par certains sujets un compte rendu portant sur le mouvement perçu par eux d’un spot lumineux de faible intensité dans une pièce complètement obscure (en réalité, il ne se produit pas de mouvement bien que, dans cette situation, presque tous les individus en perçoivent un). Ils donnèrent également aux mêmes sujets un test d’ethnocentrisme. Comme on l’avait prévu, on trouva que ceux qui, au cours d’épreuves successives, aboutissaient rapidement à l’établissement d’une norme déterminant la quantité de mouvement perçue par eux avaient tendance à être plus ethnocentriques que ceux dont les estimations du mouvement continuaient à être variables.
Cette expérience fut répétée à plusieurs reprises et avec de légères variations en Australie [18] et les découvertes furent confirmées et étendues. Il se confirma que les individus les plus ethnocentriques étaient moins capables que les autres de tolérer l’ambiguïté et voyaient moins de mouvement que ceux qui n’avaient pas de jugement préconçu. Ils étaient également plus dépendants des autres et lorsqu’ils faisaient leurs estimations en compagnie d’une autre personne, ils avaient tendance à se conformer au jugement de celle-ci.
Il n’est donc pas trop téméraire d’affirmer qu’en étudiant la façon dont un individu perçoit le mouvement d’une faible lumière dans une pièce sombre, nous pouvons dire jusqu’à quel point il est rigide et porté aux jugements préconçus et ethnocentriques.
Nous connaissons les attitudes qui, si elles sont provoquées par un psychothérapeute ou un conseiller, seront selon toute prévision suivies par certains changements constructifs dans la personnalité et le comportement du client.
Cette affirmation a été justifiée par des études que nous avons achevées au cours de ces dernières années, dans le domaine de la psychothérapie [11-13, 19]. Les résultats de ces expériences peuvent être brièvement résumés comme suit :
si le thérapeute parvient à établir une relation dans laquelle il soit :
a. sincère, logique avec lui-même ;
b. acceptant et estimant son client comme une personne de valeur ;
c. plein de compréhension et d’empathie à l’égard de l’univers intérieur, des sentiments et des attitudes de celui-ci ;
alors, certains changements se produisent chez le client ; voici quelques-uns d’entre eux :
le client devient :
a. plus réaliste dans ses perceptions de lui-même,
b. plus confiant et porté à se diriger lui-même,
c. plus positif dans son appréciation de lui-même,
d. moins enclin à refouler certains éléments de son expérience,
e. plus mûr, plus sociable et capable d’adaptation dans son comportement,
f. moins perturbé par les chocs et plus prompt à s’en remettre,
g. plus proche d’une personne saine, intégrée, fonctionnant normalement dans la structure de sa personnalité.
Ces changements ne se produisent pas dans un groupe de contrôle et paraissent être précisément associés au fait que le client se trouve dans une relation thérapeutique.
Nous possédons le moyen de faire éprouver aux animaux des sensations très satisfaisantes simplement par une stimulation électrique.
Olds [6] a découvert qu’il pouvait implanter de minuscules électrodes dans l’espace septal du cerveau de rats utilisés comme cobayes. Lorsqu’un de ces animaux vient à s’appuyer contre un barreau de sa cage, un léger courant passe dans les électrodes, ce qui paraît tellement plaire à l’animal qu’il se livre à une orgie de pressions sur les barreaux souvent jusqu’à en être épuisé. Quelle que soit la nature subjective de cette expérience, elle paraît avoir apporté tant de plaisir à l’animal que celui-ci la préfère à tout autre genre d’activité. Je ne veux pas faire de conjectures sur la possibilité d’appliquer ce procédé à des êtres humains ni sur les conséquences qui en découleraient.
Nous savons comment provoquer les conditions psychologiques capables de produire de fortes hallucinations et d’autres réactions anormales chez des individus normaux à l’état de veille.
Cette connaissance est le sous-produit inattendu de recherches entreprises à l’Université McGill [2]. On découvrit que si tous les canaux de la stimulation sensorielle sont coupés ou gênés dans leur fonctionnement, des réactions anormales se produisent. Si des sujets normaux restent couchés sans mouvement afin de diminuer les stimulations kinesthésiques, les yeux protégés par des lunettes translucides qui ne permettent pas de voir, l’ouïe en grande partie atténuée par des oreillers de mousse de caoutchouc aussi bien que par le silence de la pièce, les sensations tactiles réduites par des manchettes couvrant les mains, alors des hallucinations, d’étranges formations d’idées qui ressemblent à celles des psychotiques, se produisent dans un laps de temps relativement court chez la plupart des sujets. On ne peut savoir ce qui se produirait si la réduction de l’acuité sensorielle se prolongeait, car elle a paru si lourde de dangereuses éventualités que les expérimentateurs se sont refusés à la poursuivre.
J’espère que ces quelques exemples auront donné un sens concret à l’affirmation que les sciences du comportement avancent à grands pas dans la voie de la compréhension, de la prévision et du contrôle du comportement. Nous savons maintenant, dans une large proportion, comment choisir les individus qui manifesteront certains comportements, comment établir les conditions qui, dans les groupes, mèneront à certains comportements de groupe prévisibles, comment provoquer celles qui, chez un individu, conduiront à des résultats déterminés. En ce qui concerne les animaux, notre capacité de comprendre, de prévoir et de contrôler a été poussée encore plus loin, annonçant peut-être des étapes futures en ce qui concerne l’homme.
Vous penserez sans doute comme moi que le tableau que je viens de décrire a des aspects effrayants à côté d’aspects fortement positifs. Malgré l’immaturité d’une science encore jeune et en dépit des vastes zones d’ignorance qu’elle comporte, les connaissances, même dans leur état présent, contiennent de terribles possibilités. C’est peut-être ce qui nous fait mieux comprendre pour quelle raison Robert Oppenheimer, un des savants les plus doués dans le domaine des sciences de la nature, jetant un regard hors de son propre champ de recherches et fort de ses expériences dans celui-ci, fait entendre un avertissement. Il existe, dit-il, des ressemblances entre la physique et la psychologie ; une de celles-ci « est la mesure dans laquelle nos progrès créeront de graves problèmes de décision dans le domaine public. Les physiciens ont fait beaucoup de bruit autour des contributions qu’ils ont apportées à la science au cours de la dernière décennie. Il se peut que le temps vienne, étant donné l’ensemble des connaissances objectives qu’acquiert la psychologie sur le comportement et les sentiments humains, où les pouvoirs de contrôle devenus ainsi disponibles poseront des problèmes infiniment plus graves qu’aucun de ceux que les physiciens ont posés » [7].
La formulation de la vie humaine dans les termes de la science
Parmi les chercheurs spécialisés dans les sciences du comportement, il semble, dans une large mesure, aller de soi que leurs découvertes soient destinées à servir à la prévision et au contrôle du comportement humain. Cependant, beaucoup de psychologues et d’autres chercheurs dans ce domaine n’ont guère pensé à ce que cela pourrait signifier.
Je voudrais maintenant présenter, aussi clairement que possible, un tableau simplifié du schéma culturel qui apparaît si nous essayons de définir la vie humaine dans les termes des sciences du comportement. Voici une des deux directions possibles que je veux examiner.
Il y a avant tout le fait admis et presque pris comme postulat que la connaissance scientifique est le pouvoir de manipuler. Le Dr B. F. Skinner, de Harvard, dit : « Nous devons accepter le fait qu’une sorte de contrôle des affaires humaines est inévitable. Nous ne pouvons agir avec bon sens dans les affaires humaines, à moins que quelqu’un n’entreprenne d’établir le plan et la construction des conditions écologiques qui affectent le comportement des hommes » [14].
Considérons quelques-uns des éléments impliqués dans le concept de contrôle du comportement humain tel qu’il est conçu par l’intermédiaire des sciences du comportement. Quels seraient les éléments du processus suivant lequel une société pourrait s’organiser de façon à formuler la vie humaine selon les termes de la science de l’homme ?
Avant tout viendrait la sélection des objectifs à atteindre. Dans une étude récente [14], le Dr Skinner suggère qu’un des buts possibles à assigner à la technologie du comportement est le suivant : « Que l’homme soit heureux, informé, habile, qu’il se conduise bien et soit efficace. »
Dans son livre Walden Two [16], où il utilise la forme de la fiction pour exprimer ses opinions, il devient plus explicite. Son héros dit : « Eh bien ! Que dites-vous de la planification des personnalités ? Cela vous intéresserait-il ? Et le contrôle du caractère ? Fournissez-moi les spécifications requises et je vous fournirai l’homme ! Que diriez-vous du contrôle des motivations pour créer les intérêts qui rendront l’homme plus efficace et lui assureront de très grandes réussites ? Cela vous paraît-il utopique ? Cependant quelques-unes des techniques sont dès maintenant utilisables et on peut obtenir davantage expérimentalement. Pensez aux possibilités !… Contrôlons les vies de nos enfants et voyons ce que nous pouvons en faire. » Ce que Skinner dit essentiellement ici est que la connaissance courante des sciences du comportement, augmentée de celle que l’avenir apportera, nous rendra capables de spécifier à un degré qui aujourd’hui paraîtrait incroyable le genre de résultats que nous désirons obtenir dans le comportement et la personnalité.
Le second élément de ce processus serait familier à tout chercheur qui a travaillé dans le domaine de la science appliquée. Étant donné le but proposé, nous procédons par la méthode scientifique, l’expérimentation contrôlée, pour découvrir les moyens d’arriver à ces fins. La méthode scientifique est une méthode d’auto-correction, parvenant ainsi à des moyens toujours plus efficaces d’atteindre le but choisi.
Le troisième élément du contrôle scientifique du comportement humain implique la question du pouvoir. Les méthodes ou les conditions par lesquelles nous pouvons atteindre notre but ayant été découvertes, certaines personnes ou certains groupes obtiennent le pouvoir d’établir ces conditions ou d’employer ces méthodes, mais on n’a pas porté une attention suffisante au problème que cela suppose. Espérer que le pouvoir qui est rendu utilisable par les sciences du comportement sera exercé par des savants ou des groupes bien intentionnés me semble un espoir que l’histoire ancienne ou récente ne confirme guère.
Il semble beaucoup plus probable que les chercheurs des sciences du comportement maintiendront leurs attitudes présentes et seront dans la position des chercheurs allemands spécialisés dans les fusées et dans les missiles téléguidés. Ils ont d’abord travaillé avec dévouement pour Hitler pour détruire l’U.R.S.S. et les États-Unis. Maintenant qu’ils dépendent de ceux qui les ont capturés, ils travaillent avec dévouement pour l’U.R.S.S., pour détruire les États-Unis ou pour les États-Unis pour détruire l’U.R.S.S. Si les savants du comportement se préoccupent uniquement du progrès de leur science, il semble fort probable qu’ils serviront les desseins de tout groupe ou de tout individu en possession du pouvoir.
Pourtant, en un sens, tout cela n’est qu’une digression. Le point capital est qu’une certaine personne ou un certain groupe auront le pouvoir de mettre à exécution les méthodes qui auront été découvertes pour atteindre le but désiré et qu’ils utiliseront ce pouvoir.
La quatrième étape du processus par lequel une société pourrait formuler sa vie dans les termes des sciences du comportement serait l’exposition des individus aux méthodes et aux conditions mentionnées. Lorsque les individus sont exposés aux conditions prescrites, cela mène, avec un haut degré de probabilité, au comportement qui a été désiré. Les hommes deviennent alors efficaces, si tel a été le but, ou soumis, ou font ce qu’on a décidé de faire d’eux.
Pour vous donner un aperçu de cet aspect du processus tel qu’il a été vu par un de ses tenants, qu’il me soit permis de citer à nouveau le héros de Walden Two : « Maintenant que nous savons comment opère le renforcement positif et pourquoi le renforcement négatif n’opère pas », dit-il, commentant la méthode pour laquelle il plaide, « nous pouvons agir plus délibérément et par conséquent mieux réussir dans notre plan culturel. Nous pouvons obtenir une sorte de contrôle par lequel les sujets qui sont contrôlés, quoique soumis à un code beaucoup plus impératif que cela fut jamais le cas sous l’ancien système, néanmoins se sentiront libres. Ils feront ce qu’ils désirent, non ce qu’ils seront forcés de faire. C’est la source du terrible pouvoir du renforcement positif : pas de contrainte, pas de révolte. Grâce à un plan culturel mûrement réfléchi, nous ne contrôlons pas le comportement final, mais l’envie de se comporter : les motifs, les désirs, les souhaits. Chose curieuse à signaler, dans ce cas la question de la liberté ne se pose jamais » ([16], p. 218).
Le schéma scientifique de l’homme et ses conséquences
Peut-on résumer très brièvement les caractéristiques de l’influence exercée par les sciences du comportement sur les individus et sur la société, telle que cette influence est vue explicitement par le Dr Skinner et telle qu’elle est vécue implicitement dans les attitudes et le travail de beaucoup, peut-être de la plupart des chercheurs des sciences du comportement ? La science du comportement est nettement en progrès ; le pouvoir croissant de contrôle qu’elle permet sera détenu par une personne ou par un groupe ; cet individu ou ce groupe choisira certainement les desseins et les buts qu’il voudra atteindre ; et la plupart d’entre nous seront contrôlés toujours davantage par des moyens si subtils que nous ne les percevrons même pas comme moyens de contrôle. Ainsi, si une assemblée de sages psychologues (n’y a-t-il pas de contradiction dans les termes ?) ou un Staline ou un « Grand Frère » possède le pouvoir, et si le but est le bonheur ou la productivité, ou la résolution du complexe d’Œdipe ou la soumission, ou l’amour pour le « Grand Frère »51, nous nous trouverons inévitablement dirigés vers le but choisi, pensant probablement que nous-mêmes le désirons. Donc, si ce raisonnement est correct, il semble qu’on voie venir une certaine forme de société complètement contrôlée, un Walden Two ou un « 1984 ». Le fait qu’elle se formerait sûrement petit à petit et non tout d’un coup ne change pas beaucoup les résultats fondamentaux. L’homme et son comportement deviendraient un produit planifié de la société scientifique.
Vous demanderez peut-être : « Qu’adviendra-t-il de la liberté individuelle ? du concept démocratique des droits de l’individu ? » Ici encore, le Dr Skinner est tout à fait formel ; il dit sans ménagement : « L’hypothèse que l’homme n’est pas libre est essentielle pour l’application de la méthode scientifique à l’étude du comportement humain. L’homme intérieur qui est libre et tenu responsable de son comportement… n’est qu’un substitut pré-scientifique pour les différentes sortes de causes que l’on découvre au fur et à mesure de l’analyse scientifique. Toutes les causes diverses sont extérieures à l’individu » ([15], p. 447).
J’ai essayé jusqu’ici de tracer une image objective de quelques-uns des développements des sciences du comportement et une image objective du genre de société qui pourrait sortir de ces développements. Mais je fais cependant de fortes objections personnelles contre le genre de monde que je viens de décrire, un monde que Skinner explicitement (et beaucoup d’autres savants implicitement) attendent et espèrent dans l’avenir. Pour moi, cette sorte de monde détruirait la personne humaine telle que j’ai pu la connaître dans les phases cruciales de la psychothérapie. Dans de tels instants, je suis en relation avec une personne qui est spontanée, qui est librement responsable, c’est-à-dire qui est consciente de sa liberté de choisir qui elle veut être et également consciente des conséquences de son choix. Croire, comme l’affirme Skinner, que tout cela est une illusion et que la spontanéité, la liberté, la responsabilité et le choix n’ont pas d’existence réelle me serait impossible.
J’ai le sentiment d’avoir, dans les limites de mes possibilités, joué mon rôle dans le progrès des sciences du comportement, mais si le résultat de mes efforts et de ceux des autres est que l’homme devienne un robot créé et contrôlé par une science créée par lui de toutes pièces, alors je suis vraiment très malheureux. Si la « vie pleine » dans le futur de l’humanité consiste en un conditionnement des individus par le contrôle de leur milieu et des satisfactions qu’ils reçoivent, de telle sorte qu’ils soient rendus inexorablement efficaces, bien élevés, heureux ou tout ce qu’on voudra, alors je n’en veux pas. A mes yeux ce n’est qu’une caricature de la vie pleine qui comprend tout sauf ce qui fait la véritable plénitude.
Aussi je me demande s’il' n’y a pas quelque faille dans la logique de cette conception ? et s’il n’existe pas quelque autre manière de concevoir ce que les sciences du comportement pourraient signifier pour l’individu et la société ? Il me semble bien m’être rendu compte de l’existence de cette faille et je crois avoir trouvé une autre solution. C’est ce que je désirerais exposer.
Objectifs et valeurs de la science
Il me semble que la conception dont je viens de parler repose sur une mauvaise perception du rapport de la science avec les valeurs et les objectifs humains. La portée du but d’une recherche scientifique est, à mon avis, grossièrement sous-estimée. La thèse que je voudrais exposer renferme deux affirmations qui d’après moi méritent considération. Je me propose de m’étendre plus longuement ensuite sur le sens qu’il convient de leur donner.
1. Toute tentative scientifique, qu’il s’agisse de science pure ou de science appliquée, nécessite un choix antérieur personnel et subjectif du but ou de la valeur que ce travail est censé servir.
2. Ce choix subjectif de valeur qui est à l’origine de la recherche scientifique doit toujours rester en dehors d’elle et ne peut jamais faire partie de la science dont il est question.
Je vais illustrer le premier point en me référant à des écrits du Dr Skinner. Lorsqu’il indique que la tâche des sciences du comportement est de rendre l’homme efficace, bien élevé, etc., il est évident qu’il fait un choix. 11 aurait pu aussi bien choisir de le rendre soumis, dépendant, grégaire par exemple. Cependant, d’après ce qu’il affirme lui-même dans un autre contexte, la « capacité qu’a l’homme de choisir » sa liberté, d’opter pour une ligne de conduite et d’entreprendre une action, sont des attributs qui n’existent pas dans le schéma scientifique de l’homme. C’est là que se trouve à mon avis la contradiction ou le paradoxe profonds. Qu’il me soit permis d’expliquer cela aussi clairement que possible.
La science repose indubitablement sur l’admission du fait que le comportement a une cause, qu’un événement particulier est suivi d’un autre événement qui en est la conséquence ; donc que tout est déterminé, que rien n’est fibre, que le choix est impossible. Mais rappelons que la science elle-même et toute tentative scientifique particulière, tout changement de direction dans une recherche scientifique, toute interprétation de la signification d’une découverte scientifique, et toute décision concernant l’application de la découverte, reposent sur un choix personnel subjectif. Ainsi la science, en général, se trouve dans la même situation paradoxale que le Dr Skinner lui-même. Un choix personnel subjectif fait par l’homme met en mouvement les opérations de la science et celle-ci, à son tour, proclame qu’il n’existe rien qui ressemble à un choix personnel subjectif. Je ferai plus loin quelques commentaires au sujet de ce paradoxe continuel.
J’ai insisté sur le fait que chacun de ces choix, qu’il commence ou continue l’aventure scientifique, est un choix de valeur. Le savant recherche une chose plutôt qu’une autre parce qu’il sent que la première investigation a plus de valeur pour lui ; il choisit une méthode plutôt qu’une autre pour son étude parce qu’il lui attribue une plus haute valeur. Il interprète ses découvertes d’une façon plutôt que d’une autre, parce qu’il croit que la première interprétation est plus proche de la vérité ou plus solide, en d’autres termes qu’elle se rapproche d’un critère dont il apprécie la valeur. Or ces choix de valeur n’appartiennent jamais à l’entreprise scientifique elle-même ; liés à une entreprise scientifique particulière, ils restent toujours et nécessairement en dehors d’elle.
Je ne veux pas dire que les valeurs ne peuvent pas être des sujets de recherches scientifiques. Je désire le faire bien comprendre. Il n’est pas vrai que la science ne s’occupe que de certaines classes de « faits » et que ces classes ne comprennent pas les valeurs. Les choses se présentent d’une façon un peu complexe ainsi que le démontrent ci-dessous un ou deux exemples.
Si j’attribue comme but à l’enseignement le fait de savoir lire, écrire et compter, les méthodes scientifiques peuvent me donner des informations toujours plus exactes sur la manière d’atteindre ce but ; si le but de l’enseignement est la capacité de résoudre les problèmes, ces mêmes méthodes pourront m’apporter une aide du même ordre.
Or, si je désire déterminer si la capacité de résoudre les problèmes est « supérieure » au fait de savoir lire, écrire et compter, la méthode scientifique peut également étudier ces deux valeurs mais seulement, et cela est très important, par rapport à quelque autre valeur que j’aurai choisie subjectivement. Il m’est loisible d’attribuer une valeur aux succès universitaires ; je puis déterminer alors si la capacité de résoudre les problèmes ou le fait de savoir lire, écrire et compter est plus étroitement associé à ce critère. Je puis attribuer de la valeur à la sociabilité ou au succès professionnel ou aux responsabilités civiques. Je puis déterminer s’il vaut mieux résoudre des problèmes ou savoir lire, écrire et compter pour réaliser quelqu’une de ces valeurs. Mais la valeur ou le but qui donne sa signification à une recherche scientifique particulière doit toujours rester en dehors de cette recherche.
Bien que nous nous préoccupions ici surtout de science appliquée, ce que je viens de dire semble également vrai pour ce qu’il est convenu d’appeler science pure. Dans la science pure le choix habituel préalable et subjectif des valeurs est la découverte de la vérité. Mais c’est un choix subjectif et la science ne peut jamais dire si c’est le meilleur, sauf à la lueur d’une autre valeur. Les généticiens, par exemple, en U.R.S.S. ont eu à faire un choix subjectif, se demandant s’il valait mieux poursuivre la vérité ou découvrir des faits confirmant un dogme gouvernemental. Quel choix était le « meilleur » ? Nous pourrions nous livrer à une investigation scientifique de ces alternatives, mais seulement à la lumière d’une autre valeur choisie subjectivement. Si par exemple nous attribuons une valeur à la survivance de la culture, nous pourrions commencer à examiner par les méthodes scientifiques la question de savoir si c’est la poursuite de la vérité ou la confirmation du dogme gouvernemental qui est le plus étroitement associé à la survivance culturelle.
Ce que je désire établir est donc que toute tentative scientifique, qu’il s’agisse de science pure ou appliquée, est poursuivie dans l’espoir d’atteindre un but (ou une valeur) choisi subjectivement par des personnes. Il est important que ce choix soit rendu explicite, puisque la valeur particulière que l’on recherche ne peut jamais être évaluée ou mise à l’épreuve, confirmée ou niée par la recherche scientifique à laquelle elle donne naissance et signification. La valeur ou le but qui sont à l’origine se trouvent toujours et nécessairement en dehors du champ d’action de l’effort scientifique qu’ils mettent en action.
Peut-être pense-t-on cependant qu’une recherche scientifique continue dégagera ses propres buts ; les découvertes initiales devant changer l’orientation, et les découvertes subséquentes continuant cette évolution, la science, d’une manière ou d’une autre, développerait son propre objectif. Telle est, semble-t-il, l’opinion soutenue implicitement par beaucoup de savants et elle est certainement raisonnable, bien qu’elle ignore un élément de ce développement continu : l’intervention du choix subjectif, personnel à chaque changement de direction. Les découvertes d’une science, les résultats d’une expérience ne nous disent pas et ne peuvent jamais nous dire quel nouveau but scientifique nous devons poursuivre. Même dans la science la plus pure, le savant doit décider ce que signifient ses découvertes et choisir subjectivement quel nouveau pas en avant sera le plus profitable pour atteindre son but. Et si nous parlons de l’application de la connaissance scientifique, il est d’une évidence tragique que l’accroissement de la connaissance scientifique de la structure de l’atome ne porte pas nécessairement en lui un choix concernant le but auquel cette connaissance sera appliquée. C’est un choix subjectif personnel qui doit être fait par beaucoup d’individus.
Ainsi donc, je reviens à la proposition par laquelle débute cette série de remarques et que maintenant je répète sous une autre forme. La science a sa signification en tant que poursuite objective d’un but qui a été choisi subjectivement par une ou plusieurs personnes. Ce but ou cette valeur ne peuvent jamais être soumis à examen par l’expérience scientifique particulière ou la recherche auxquelles ils ont donné naissance et signification. En conséquence, toute discussion du contrôle des êtres humains par les sciences du comportement doit tout d’abord et de façon très approfondie se préoccuper des buts, choisis subjectivement, qu’une telle application de la science veut atteindre.
Un AUTRE ENSEMBLE DE VALEURS
Si mon raisonnement est valable, il nous ouvre de nouvelles portes. Si nous envisageons franchement le fait que la science part d’un ensemble de valeurs choisies subjectivement, nous sommes alors libres de choisir les valeurs que nous désirons poursuivre. Nous ne sommes pas limités à des buts aussi ridicules que la production d’un état contrôlé de bonheur, de productivité ou d’autres choses du même ordre. J’aimerais suggérer un autre but radicalement différent.
Supposons que nous commencions par un ensemble d’objectifs, de valeurs, de buts tout à fait différents du type d’objectifs que nous avons considérés jusqu’ici. Supposons que nous fassions cela tout à fait ouvertement en les montrant comme un choix possible de valeurs susceptibles d’être acceptées ou rejetées. Supposons que nous choisissions un ensemble de valeurs qui se concentrent sur les éléments variables du processus plutôt que sur des attributs statiques. Nous pourrions alors évaluer :
— l’homme comme un processus de devenir, comme un processus d’acquisition de valeur et de dignité par le développement de ses possibilités ;
— l’être humain individuel comme un processus d’auto-réalisation avançant sans cesse vers des expériences plus enrichissantes et qui provoquent le dépassement de soi ;
— le processus par lequel la connaissance se transcende elle-même, et toujours neuf ;
— le processus par lequel l’individu s’adapte à un mode changeant comme, par exemple, la théorie de la relativité a transcendé la physique de Newton, pour être elle-même transcendée, un jour ou l’autre, par une nouvelle conception.
Si nous choisissons des valeurs telles que celles-ci, nous revenons à notre science et à notre technologie du comportement avec un ensemble très différent de questions. Nous voudrons connaître des choses telles que celles-ci :
— la science peut-elle nous aider à découvrir de nouveaux modes de vie plus pleins et plus riches ? Des modes de relations interpersonnelles plus significatifs et plus satisfaisants ?
— la science peut-elle nous renseigner sur la manière dont le genre humain peut devenir un collaborateur plus intelligent de sa propre évolution, physique, psychologique et sociale ?
— la science peut-elle nous renseigner sur les moyens de libérer la capacité créatrice des individus qui semble si nécessaire si nous voulons survivre dans cet âge atomique en pleine expansion ? Le Dr Oppenheimer a fait observer [8] que la connaissance qui doublait autrefois au cours des millénaires ou des siècles, double maintenant au cours d’une génération ou d’une décennie. Il semble bien qu’il nous faudra découvrir le plus de choses possibles dans le domaine de la libération de l’esprit créateur si nous voulons être capables de nous adapter d’une manière efficace.
Bref, la science peut-elle découvrir les méthodes par lesquelles l’homme peut plus aisément devenir un processus en continuel développement, se transcendant lui-même dans son comportement, sa pensée et sa connaissance ? La science peut-elle prévoir une liberté essentiellement « imprévisible » et lui donner l’envol ?
C’est une des vertus de la science en tant que méthode d’être capable aussi bien de faire progresser et de réaliser des objectifs de cette sorte que de servir des valeurs statiques, telles qu’être bien informé, heureux, obéissant. Nous pouvons même en donner des preuves.
Un petit exemple
On voudra bien sans doute me pardonner si je vais chercher ma documentation relative à quelques-unes des possibilités qui existent dans cette voie en me référant au domaine que je connais le mieux, la psychothérapie.
La psychothérapie, comme Merloo [5] et d’autres chercheurs l’ont fait remarquer, peut être un des instruments les plus subtils pour le contrôle d’une personne par une autre. Le thérapeute peut modeler subtilement des individus à l’imitation de lui-même. Il peut amener un individu à devenir un être soumis, conforme à un modèle donné. Lorsque certains principes thérapeutiques sont utilisés jusqu’à leurs extrêmes conséquences, on appelle cela du lavage de cerveau, – exemple de la désintégration de la personnalité et de la destruction de la personne dans le sens désiré par l’individu qui la contrôle. Ainsi, les principes du traitement peuvent être utilisés comme un moyen plus effectif de contrôle extérieur de la personnalité humaine et de son comportement. La psychothérapie peut-elle être quelque chose d’autre ?
Ici je trouve dans les progrès qui se poursuivent dans la psychothérapie centrée sur le client [11] une indication passionnante de ce qu’une science du comportement peut accomplir en parvenant aux sortes de valeurs que j’ai énoncées. Outre qu’ils représentent, dans une certaine mesure, une nouvelle orientation en psychothérapie, ces progrès ont d’importantes conséquences en ce qui concerne la relation d’une science du comportement avec le contrôle du comportement humain.
Je décrirai notre expérience en tant qu’elle se rapporte aux problèmes de la discussion d’aujourd’hui : dans le traitement centré sur le client, nous sommes profondément engagés dans la prévision du comportement et dans l’influence qui peut être exercée sur lui. En tant que thérapeutes, nous instituons certaines conditions d’attitude, et le client a peu de voix au chapitre dans l’établissement de ces conditions. Très brièvement, comme nous l’avons indiqué précédemment, nous avons établi que le thérapeute a le maximum d’efficacité s’il est :
a) sincère, intégré, d’une réalité transparente totale dans ses rapports avec le client,
b) s’il accepte celui-ci comme une personne indépendante et différente et accepte aussi tous ses aspects changeants au fur et à mesure qu’ils trouvent leur mode d’expression,
c) s’il manifeste une empathie totale dans la compréhension qu’il a de lui, c’est-à-dire s’il voit le monde par les yeux de son client.
Notre recherche nous permet de prévoir que si ces conditions d’attitude sont instituées ou établies, certaines conséquences dans le comportement s’ensuivront. En présentant les choses sous cet aspect, nous paraissons répéter sans cesse la même rengaine et dire une fois de plus que nous sommes capables de prévoir le comportement et en conséquence de le contrôler. Mais c’est précisément ici qu’il y a une différence marquante.
Les conditions que nous avons choisi d’établir font prévoir des conséquences dans le comportement telles que celles-ci : le client deviendra plus autonome dans sa conduite, moins rigide, plus ouvert au témoignage de ses sens, mieux organisé et plus intégré, plus semblable à l’idéal qu’il-s’est choisi. En d’autres termes, nous avons établi, par un contrôle extérieur, des conditions qui, selon nos prévisions, seront suivies par un contrôle intérieur de l’individu sur lui-même dans son effort pour atteindre les buts qu’il a choisis intérieurement. Nous avons établi les conditions qui prévoient diverses sortes de comportements : les comportements d’auto-direction, la sensibilité aux réalités intérieures et extérieures, une aptitude à s’adapter avec souplesse, – comportements qui sont par leur nature même imprévisibles dans leur spécificité. Ces conditions que nous avons établies prévoient un comportement qui est essentiellement « libre ». Nos récentes recherches [12] indiquent que nos prévisions sont, à un degré significatif, corroborées, et notre confiance à l’égard de la méthode scientifique nous fait croire que des moyens plus effectifs d’atteindre ces buts peuvent être réalisés.
La recherche existe dans d’autres domaines – industrie, enseignement, dynamique de groupe – qui semblent appuyer nos propres découvertes. Je crois qu’on peut déclarer, sans trop s’avancer, que le progrès scientifique a été accompli en réalisant ces conditions dans une relation interpersonnelle telle que, si elles existent en B, elles sont suivies en A par une plus grande maturité dans le comportement, moins de dépendance à l’égard d’autrui, un progrès dans l’aptitude à s’exprimer en tant que personne, dans la variabilité, la souplesse, la faculté de s’adapter, de prendre ses propres responsabilités et de se diriger soi-même.
Nous nous trouvons ainsi en accord fondamental avec l’affirmation de John Dewey : « La Science a fait son chemin en libérant, non en étouffant, les éléments de variation, d’invention, d’innovation et de nouvelle création dans les individus » [10]. Nous en sommes venus à croire que le progrès dans la vie personnelle et dans la vie de groupe est obtenu de la même manière, en libérant la variation, la liberté, l’esprit de création.
Une conception possible du contrôle du comportement humain
Il est tout à fait évident que le point de vue que j’exprime est en net contraste avec la conception habituelle – et précédemment mentionnée – de la relation qui existe entre les sciences du comportement et le contrôle du comportement humain. Afin de rendre ce contraste encore plus frappant, j’affirmerai cette possibilité sous une forme parallèle à nos précédentes énumérations.
1. Il nous est possible de choisir de définir l’homme en tant que processus de devenir qui se réalise lui-même, et d’apprécier la créativité et le processus par lequel la connaissance arrive à se transcender.
2. Nous pouvons continuer à découvrir par les méthodes scientifiques les conditions qui précèdent nécessairement ces processus et, par de nouvelles expériences, rechercher de meilleurs moyens d’atteindre ces buts.
3. Il est possible pour des individus ou des groupes de réaliser ces conditions avec un minimum de pouvoir ou de contrôle. D’après les connaissances actuelles, la seule autorité nécessaire est celle qui établit certaines qualités de relations interpersonnelles.
4. Les connaissances actuelles suggèrent que les individus soumis à ces conditions deviennent plus responsables d’eux-mêmes, font des progrès dans l’auto-réalisation, deviennent plus souples, plus « uniques » et variés, plus capables de s’adapter d’une manière originale.
5. Ainsi, un tel choix initial inaugurerait les débuts d’un système social ou sous-système dans lequel les valeurs, les connaissances, les facultés d’adaptation et même les concepts scientifiques changeraient continuellement, se transcendant eux-mêmes. L’accent serait porté sur l’homme comme processus de devenir.
Je crois qu’il est clair que le point de vue que je viens de décrire ne mène pas à quelque utopie bien définie. Il serait impossible de prévoir son aboutissement. Il comporte un développement par étapes successives, fondé sur un choix continu et subjectif de buts qui sont mis en œuvre par les sciences du comportement. Ma conception va dans le sens de la « société ouverte », telle que ce terme a été défini par Popper [9], où les individus prennent la responsabilité de leurs décisions personnelles. Ce concept se situe au pôle opposé de celui d’une société fermée dont Walden Two serait un exemple.
Il me semble qu’il est également évident que tout l’accent porte sur le processus, non sur les états ultimes de l’être. Je suggère que c’est en choisissant de valoriser certains éléments qualitatifs du processus du devenir que nous pouvons trouver la voie qui mène à la société ouverte.
Le choix
J’espère avoir contribué à rendre plus claire la gamme des choix qui s’offriront à nous et à nos enfants en ce qui concerne les sciences du comportement. Nous pouvons choisir d’utiliser nos connaissances croissantes pour réduire les peuples en esclavage d’une façon qu’on n’avait jamais imaginée auparavant, en les dépersonnalisant, en les contrôlant par des moyens si minutieusement choisis qu’ils ne s’apercevront peut-être jamais qu’ils ont perdu leur dignité de personnes. Nous pouvons choisir d’utiliser notre savoir scientifique pour rendre les hommes nécessairement heureux, pour assurer leur bonne conduite et les rendre efficaces, comme le suggère le Dr Skinner. Nous pouvons, si nous le désirons, choisir de rendre les hommes soumis, conformes à un modèle donné, dociles. Ou, à l’autre extrémité de l’éventail des choix, nous pouvons choisir de nous servir des sciences du comportement d’une manière qui libérera et ne contrôlera pas, qui amènera une variabilité constructive, non la conformité, qui développera l’esprit de création, non la satisfaction, qui aidera chaque personne dans son processus autonome de devenir, qui aidera les individus et. les groupes et même la science à se transcender en des façons nouvelles de s’adapter et de faire face à la vie et à ses problèmes.
Si nous choisissons d’utiliser notre savoir scientifique pour libérer les hommes, il nous faudra alors vivre ouvertement et franchement avec le grand paradoxe des sciences du comportement. Nous reconnaîtrons que le comportement, lorsqu’il est examiné scientifiquement, est sûrement mieux compris dans une optique déterministe. C’est là le grand fait de la science. Mais le choix responsable et personnel qui est l’élément essentiel dans le fait d’être une personne, qui est l’expérience suprême en psychothérapie, qui enfin existe préalablement à toute démarche scientifique, est également un fait de première importance dans notre vie. Le fait que ces deux éléments importants de notre expérience semblent être en contradiction a peut-être la même signification que la contradiction entre la théorie ondulatoire et la théorie corpusculaire de la lumière ; on peut démontrer la vérité de chacune d’elles, elles n’en sont pas moins incompatibles. Il n’y a aucun profit à nier la liberté qui existe dans notre vie subjective, pas plus que nous ne pouvons nier le déterminisme qui est évident dans la description objective de cette vie. Il nous faut donc vivre ce paradoxe.
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APPENDICE
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B. – Œuvres de Rogers en langue anglaise
Nous reprenons ici la bibliographie qui figure à la fin de On Becoming a Person.
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50 Ce chapitre est une traduction d’un article de C. Rogers. « The Place of the Person in the New World of the Behavioral Sciences », Personnel and Guidance Journal, fév. 1961. (N.D.T.)
51 Nom donné dans le roman « 1984 » (G. Orwell) au chef d’un État totalitaire. (N.D.T.).