Névrose de caractère

= D. : Charakterneurose. – En. : character neurosis. – Es. : neurosis de caräcter. – I. : nevrosi del carattere. – P. : neurose de caräter.

● Type de névrose où le conflit défensif ne se traduit pas par la formation de symptômes nettement isolables, mais par des traits de caractère, des modes de comportement, voire une organisation pathologique de l’ensemble de la personnalité.

◼ Le terme de névrose de caractère est devenu d’un usage courant dans la psychanalyse contemporaine sans qu’il y ait pour autant reçu un sens bien précis.

Si la notion reste mal délimitée, c’est sans doute parce qu’elle soulève non seulement des problèmes nosographiques (peut-on différencier une névrose de caractère ?) mais aussi psychologiques (origine, fondement, fonction de ce que la psychologie nomme caractère) et techniques (quelle place faut-il donner à l’analyse des défenses dites « de caractère » ?).

Cette notion trouve en effet ses antécédents dans des travaux psychanalytiques d’inspiration diverse :

1) Des études sur la genèse de certains traits ou de certains types de caractère en relation notamment avec l’évolution libidinale (1) ;

2) Les conceptions théoriques et techniques de W. Reich sur l' « armure caractérielle » et la nécessité, particulièrement dans les cas rebelles à l’analyse classique, de faire apparaître et d’interpréter les attitudes défensives qui se répètent quel que soit le contenu verbalisé (2).

Si l’on s’en tient au point de vue proprement nosographique, que le terme même de « névrose de caractère » évoque nécessairement, la confusion et la multiplicité des sens possibles apparaissent aussitôt :

1) L’expression est souvent employée de façon peu rigoureuse pour qualifier tout tableau névrotique qui, au premier examen, ne révèle pas de symptômes, mais seulement des modes de comportement entraînant des difficultés répétées ou constantes dans la relation avec l’entourage.

2) Une caractérologie d’inspiration psychanalytique fait correspondre différents types de caractère, soit aux grandes affections psychonévrotiques (caractères obsessionnel, phobique, paranoïaque, etc.), soit aux différents stades de l’évolution libidinale (caractères oral, anal, urétral, phallique-narcissique, génital, reclassés parfois dans la grande opposition caractère génital – caractère prégénital). Dans cette perspective, on peut parler de névrose de caractère pour désigner toute névrose apparemment asymptomatique où c’est le type de caractère qui révèle l’organisation pathologique.

Mais en allant plus loin et en recourant, comme on le fait de plus en plus généralement aujourd’hui, au concept de structure, on tend à dépasser l’opposition entre névrose avec ou sans symptômes en mettant l’accent, plutôt que sur des expressions manifestes du conflit (symptômes, traits de caractère), sur le mode d’organisation du désir et de la défense (α).

3) Les mécanismes le plus habituellement invoqués pour rendre compte de la formation du caractère sont la sublimation* et la formation réactionnelle*. Les formations réactionnelles « évitent les refoulements secondaires en réalisant une fois pour toutes une modification définitive de la personnalité » (3). Dans la mesure où ce sont les formations réactionnelles qui prédominent, le caractère peut apparaître lui-même comme une formation essentiellement défensive, destinée à protéger l’individu non seulement contre la menace pulsionnelle, mais contre l’apparition de symptômes.

Descriptivement, la défense caractérielle se distingue du symptôme notamment par sa relative intégration au moi : méconnaissance de l’aspect pathologique du trait de caractère, rationalisation, généralisation, en un schème de comportement, d’une défense originairement dirigée contre une menace spécifique. On peut reconnaître dans de tels mécanismes autant de traits caractéristiques de la structure obsessionnelle (4). En ce sens, la névrose de caractère connoterait avant tout une forme particulièrement fréquente de névrose obsessionnelle où prévaut le mécanisme de la formation réactionnelle, tandis que les symptômes (obsessions, compulsions) sont discrets ou sporadiques.

4) Enfin, en opposition avec le polymorphisme des « caractères névrotiques », on a pu chercher à désigner par le terme de névrose de caractère une structure psychopathologique originale. C’est ainsi que Henri Sauguet réserve « … le terme de névrose de caractère aux cas où l’infiltration du moi est si importante qu’elle détermine une organisation évocatrice d’une structure prépsychotique » (5).

Une telle conception s’inscrit à la suite d’une série de travaux psychanalytiques (Alexander, Ferenczi, Glover) qui ont cherché à situer les anomalies caractérielles entre les symptômes névrotiques et les affections psychotiques (6).

A (α) Dans une conception structurale de l’appareil psychique, on a intérêt à distinguer très nettement les notions de structure et de caractère. Celui-ci, selon une formule de D. Lagache, pourrait se définir comme la projection sur le système du moi des relations entre les divers systèmes et intérieures aux systèmes : on s’attachera dans cette perspective à déceler, dans tel trait de caractère qui se présente comme une disposition inhérente à la personne, la dominance de telle instance (moi-idéal, par exemple).

(1) Cf. notamment : Freud (S.). Charakler und Analerotik, 1908. Einige Charak-terlypen aus der Psychoanalytischen Arbeit, 1915. Über libidinOse Typen, 1931. – Abraham (K.). Ergänzung zur Lehre vom Analcharakler, 1921. Beitràge der Oralerolik zur Charakterbildung, 1924. Zur Charakterbildung auf der « genitalen » Entwicklungsstufe, 1924. – Glover (E.). Notes on oral character-formalion, 1925.

(2) Cf. Reich (W.), Charakteranalyse, Berlin, 1933. Trad. angl : Noonday Press, New York, 1949.

(3) Fenichel (O.). The psychoanalylic Theory of Neurosis, 1945. Fr., La théorie psychanalytique des névroses, P.U.F., Paris, 1953, 187.

(4) Cf. Freud (S.). Hemmung, Symptom und Angst, 1926. G.W., XIV, 190 ; S.E., XX, 157-8 ; Fr., 85-6.

(5) Ey (H.). Encyclopédie médico-chirurgicale : Psychiatrie, 1955. 37320 A 20, 1.

(6) Cf. particulièrement : Glover (E.). The neurotic Charakter, I.J.P., VII, 1926, 11-30.