Position paranoïde
— D. : paranoïde Einstellung. – En. : paranoid position. – Es. : posición paranoïde. – I. : posizione paranoïde. – P. : posição paranóide.
● Selon Melanie Klein, modalité des relations d’objet spécifique des quatre premiers mois de l’existence, mais qu’on peut retrouver ultérieurement dans le cours de l’enfance, et, chez l’adulte, notamment dans les états paranoïaque et schizophrénique.
Elle se caractérise par les traits suivants : les pulsions agressives coexistent d’emblée avec les pulsions libidinales et sont particulièrement fortes ; l’objet est partiel (principalement le sein maternel) et clivé en deux, le « bon » et le « mauvais » objet* ; les processus psychiques prévalents sont l’introjection* et la projection* ; l’angoisse, intense, est de nature persécutive (destruction par le « mauvais » objet).
◼ Commençons par des remarques terminologiques : l’adjectif paranoïde est, dans la terminologie psychiatrique, issue de Kraepelin, réservé à une forme de schizophrénie, délirante comme la paranoïa, mais qui diffère de celle-ci principalement par la dissociation (1). En langue anglaise toutefois, la distinction des adjectifs paranoid et paranoiac est moins tranchée, chacun d’eux pouvant se rapporter à la paranoïa ou à la schizophrénie paranoïde (2).
Pour M. Klein, bien qu’elle ne conteste pas la distinction nosographique entre paranoïa et schizophrénie paranoïde, le terme paranoïde désigne l’aspect persécutif du délire qu’on retrouve dans ces deux affections ; aussi bien M. Klein a-t-elle d’abord parlé de phase persécutive (persecutory phase). Notons enfin que, dans ses derniers écrits, elle adopte l’expression position paranoïde-schizoïde (paranoid-schizoid position), le premier terme mettant l’accent sur le caractère persécutif de l’anxiété et le second, sur le caractère schizoïde des mécanismes en jeu.
Quant au terme de position, M. Klein déclare le préférer à celui de phase : « … ces ensembles d’anxiétés et de défenses, bien qu’ils apparaissent d’abord pendant les stades les plus précoces, ne se limitent pas à cette période, mais resurgissent pendant les premières années de l’enfance et ultérieurement sous certaines conditions » (3 a).
M. Klein a fait état dès le début de son œuvre de craintes persécutives fantasmatiques rencontrées dans l’analyse des enfants, particulièrement des enfants psychotiques. Ce n’est que plus tardivement qu’elle parle d’un « état paranoïde rudimentaire », dont elle fait une étape précoce du développement (4) ; elle le situe alors au premier stade anal d’Abraham ; ultérieurement elle en fait le premier type de relation d’objet au stade oral et elle le désigne du nom de position paranoïde. La description la plus systématique qu’elle en ait donnée se trouve dans Conclusions théoriques concernant la vie émotionnelle dans la toute première enfance (Some Theoretical Conclusions regarding the Emotional Life of the Infant, 1952) (3 b).
Schématiquement, la position paranoïde-schizoïde peut se caractériser ainsi :
1) Du point de vue pulsionnel, la libido et l’agressivité (pulsions sadiques-orales : dévorer, déchirer) sont d’emblée présentes et unies ; en ce sens, il y a pour M. Klein ambivalence dès le premier stade oral de succion (3 c). Les émotions connexes à la vie pulsionnelle sont intenses (avidité, angoisse, etc.) ;
2) L’objet est un objet partiel, le sein maternel en étant le prototype ;
3) Cet objet partiel est clivé d’emblée en « bon » et en « mauvais » objet, ceci non seulement en tant que le sein maternel gratifie ou frustre, mais surtout en tant que l’enfant projette sur lui son amour ou sa haine ;
4) Le bon objet et le mauvais objet qui résultent du clivage (splitting) acquièrent une autonomie relative l’un par rapport à l’autre et sont soumis l’un et l’autre aux processus d’introjection et de projection ;
5) Le bon objet est « idéalisé » : il est capable de procurer « une gratification illimitée, immédiate, sans fin » (3 d). Son introjection défend l’enfant contre l’anxiété persécutive (réassurance). Le mauvais objet est un persécuteur terrifiant ; son introjection fait courir à l’enfant des risques internes de destruction ;
6) Le moi « très peu intégré » n’a qu’une capacité limitée à supporter l’angoisse. Il utilise comme modes de défense outre le clivage et l’idéalisation, le déni (denial) qui vise à refuser toute réalité à l’objet persécuteur et le contrôle omnipotent de l’objet ;
7) « Ces premiers objets introjectés constituent le noyau du surmoi » (3 e) (voir : Surmoi).
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Soulignons enfin que, dans la perspective kleinienne, tout individu passe normalement par des phases où prédominent des anxiétés et des mécanismes psychotiques : position paranoïde, puis position dépressive*. Le dépassement de la position paranoïde dépend notamment de la force relative des pulsions libidinales par rapport aux pulsions agressives.
(1) Cf. par exemple : Porot (A.). Manuel alphabétique de psychiatrie, P.U.F., Paris, 1960.
(2) Cf. English (H. B.) and English (A. C.). A Comprehensive Dictionary of Psychological and Psychoanalytical Terms, 1958.
(3) Cf. Klein (M.). Some Theoritical Conclusions regarding the Emotional Life of the Infant, 1952, in Developments. – a) 236. – b) 198. – c) 206, n.— d) 202. – e) 200, n.
(4) Cf. Klein (M.). Die Psychoanalyse des Kindes, 1932. Fr : La psychanalyse des enfants, P.U.F., Paris, 1959, 232-3.