« Bon » objet, « mauvais » objet
= D. : « gutes » Objekt, « böses » Objekt. – En. : « good » object, « bad » object. – Es. : objeto « bueno », objeto « malo ». – I. : oggetto « buono », oggetto « cattivo ». – P. : objeto « bom », objeto « mau ».
● Termes introduits par Melanie Klein pour désigner les premiers objets pulsionnels, partiels ou totaux, tels qu’ils apparaissent dans la vie fantasmatique de l’enfant. Les qualités de « bon » et de « mauvais » leur sont attribuées en fonction, non seulement de leur caractère gratifiant ou frustrant, mais surtout du fait de la projection sur eux des pulsions libidinales ou destructrices du sujet. Selon M. Klein, l’objet partiel (le sein, le pénis) est clivé en un « bon » et un « mauvais » objet, ce clivage constituant le premier mode de défense contre l’angoisse. L’objet total sera également clivé (« bonne » mère et « mauvaise » mère, etc.).
« Bons » et « mauvais » objets sont soumis aux processus d’introjection* et de projection*.
◼ La dialectique des « bons » et des « mauvais » objets est au cœur de la théorie psychanalytique de M. Klein telle qu’elle s’est dégagée de l’analyse des fantasmes les plus archaïques.
Nous n’entendons pas retracer ici toute cette dialectique complexe ; nous nous bornons à indiquer quelques traits majeurs des notions de « bon » et de « mauvais » objet et à lever certaines ambiguïtés.
1) Les guillemets qu’on trouve fréquemment dans les textes de M. Klein sont là pour souligner le caractère fantasmatique des qualités du « bon » et du « mauvais » objet.
Il s’agit, en effet, d'« imagos » ou « … images, déformées de façon fantasmatique, des objets réels sur lesquels elles sont basées » (1). Cette déformation résulte de deux facteurs : d’une part la gratification par le sein fait de celui-ci un « bon » sein et à l’inverse, l’image d’un « mauvais » sein se forme corrélativement au retrait ou au refus du sein. D’autre part, l’enfant projette son amour sur le sein gratifiant et surtout son agressivité sur le mauvais sein. Bien que ces deux facteurs constituent un cercle vicieux (« le sein me hait et me prive parce que je le hais et réciproquement ») (2), M. Klein insiste surtout sur le facteur projectif.
2) C’est la dualité des pulsions de vie* et de mort*, telle que M. Klein la voit opérer dans son caractère irréductible dès l’origine de l’existence de l’individu, qui est au principe du jeu des bons et mauvais objets. C’est même au début de la vie, selon M. Klein, que le sadisme est à son « zénith », la balance entre libido et destructivité penchant plutôt alors en faveur de cette dernière.
3) Dans la mesure où les deux sortes de pulsions sont présentes dès l’origine et dirigées sur un même objet réel (le sein), on peut parler d’ambivalence*. Mais d’emblée l’ambivalence, anxiogène pour l’enfant, est tenue en échec par le mécanisme du clivage de l’objet* ainsi que des affects le concernant.
4) Le caractère fantasmatique de ces objets ne doit pas faire perdre de vue qu’ils sont traités comme s’ils offraient une consistance réelle (au sens où Freud parle de réalité psychique). M. Klein les décrit comme contenus dans l'« intérieur » de la mère ; elle définit leur introjection et leur projection comme des opérations qui portent, non pas sur des qualités bonnes ou mauvaises, mais sur des objets dont ces qualités sont indissociables. Bien plus, l’objet, bon ou mauvais, est doté fantasmatiquement de pouvoirs semblables à ceux d’une personne (« mauvais sein persécuteur », « bon sein rassurant », attaque du corps maternel par les mauvais objets, lutte des bons et des mauvais objets à l’intérieur du corps, etc.).
Le sein est le premier objet ainsi clivé. Tous les objets partiels subissent un clivage analogue (pénis, fèces, enfant, etc.). De même les objets totaux, lorsque l’enfant est capable de les appréhender. « Le bon sein – externe et interne – devient le prototype de tous les objets secourables et gratifiants, et le mauvais sein celui de tous les objets persécuteurs externes et internes » (3).
Notons enfin que la conception kleinienne du clivage de l’objet en « bon » et « mauvais » doit être rattachée à certaines indications données par Freud notamment dans Pulsions et destins des pulsions (Triebe und Triebschicksale, 1915) et dans La (dé)négation (Die Verneinung, 1925). (Voir : Moi-plaisir – moi-réalité.)
(1) Klein (M.). A Contribution to the Psychogenesis of Manic-Depressive States, 1934. In Contributions, 282.
(2) Riviere (J.). On the Genesis of Psychical Conflict in Earliest Infancy, 1936. In Developments, 47.
(3) Klein (M.). Some Theoretical Conclusions regarding the Emotional Life of the Infant, 1952. In Developments, 200.