Bisexualité
= D. : Bisexualität. – En. : bisexuality. – Es. : bisexualidad. – I. : bisessualità. – P. : bissexualidade.
● Notion introduite par Freud en psychanalyse sous l’influence de Wilhelm Fliess : tout être humain aurait constitutionnellement des dispositions sexuelles à la fois masculines et féminines qui se retrouvent dans les conflits que le sujet connaît pour assumer son propre sexe.
◼ Dans l’histoire du mouvement psychanalytique, c’est incontestablement à l’influence de W. Fliess qu’il convient de faire remonter la notion de bisexualité. Celle-ci était présente dans la littérature philosophique et psychiatrique des années 1890 (1 a), mais c’est Fliess qui s’en fit l’avocat auprès de Freud, comme en témoigne leur correspondance (2).
La théorie de la bisexualité se fonde d’abord sur des données de l’anatomie et de l’embryologie (α) : « Un certain degré d’hermaphrodisme anatomique est normal. Chez tout individu soit mâle, soit femelle, on trouve des vestiges de l’appareil génital du sexe opposé […]. La notion qui découle de ces faits anatomiques, connus depuis longtemps déjà, est celle d’un organisme bisexuel à l’origine et qui, au cours de l’évolution, s’oriente vers la monosexualité tout en conservant quelques restes du sexe atrophié » (1 b).
W. Fliess donnait aux faits indiquant une bisexualité biologique une portée considérable : la bisexualité est un phénomène humain universel et qui ne se limite pas, par exemple, au cas pathologique de l’homosexualité ; elle entraîne des conséquences psychologiques essentielles. C’est ainsi que Fliess interprète la théorie freudienne du refoulement en invoquant le conflit qui existe, chez tout individu, entre les tendances masculines et féminines ; Freud résume en ces termes l’interprétation de Fliess : « Le sexe […] dominant dans la personne aurait refoulé dans l’inconscient la représentation psychique du sexe vaincu » (3 a).
La position de Freud à l’égard du problème de la bisexualité n’a pas été franchement dégagée par lui ; il reconnaît lui-même en 1930 que « … la théorie de la bisexualité comporte encore de nombreuses obscurités et que nous ne pouvons qu’être sérieusement gênés en psychanalyse de n’avoir pas encore pu en trouver le lien avec la théorie des pulsions » (4). Freud a toujours maintenu l’importance psychologique de la bisexualité, mais sa pensée comporte sur le problème des réserves et des hésitations qu’on peut regrouper ainsi :
1° Le concept de bisexualité supposerait une appréhension claire du couple masculinité-féminité ; or, comme Freud l’a noté, ce sont là des concepts qui présentent une signification différente selon qu’on les prend aux niveaux biologique, psychologique ou sociologique ; ces significations sont souvent mêlées et ne permettent pas d’établir des équivalences terme à terme entre chacun de ces niveaux (1 c).
2° Freud reproche à la conception de Fliess de sexualiser le mécanisme psychologique du refoulement, entendant par « sexualiser » : « … en fonder l’origine sur des bases biologiques » (5 a). En effet, une telle conception conduit à déterminer a priori la modalité du conflit défensif, la force refoulante étant du côté du sexe biologique manifeste, le refoulé étant le sexe opposé. À quoi Freud objecte « .. qu’il existe chez des individus des deux sexes des motions pulsionnelles aussi bien masculines que féminines pouvant devenir les unes et les autres inconscientes par refoulement » (3 b).
Si Freud, dans Analyse finie et infinie (Die endliche und die unendliche Analyse, 1937), paraît malgré tout se rapprocher de la conception de Fliess en admettant que c’est « … ce qui va à l’encontre du sexe du sujet qui subit le refoulement » (5 b) (envie du pénis chez la femme, attitude féminine chez l’homme), c’est dans un texte qui insiste sur l’importance du complexe de castration* dont les données biologiques ne suffisent pas à rendre compte.
3° On conçoit qu’il y ait pour Freud une difficulté majeure à accorder l’idée de bisexualité biologique et celle, qui s’affirme toujours plus nettement dans son œuvre, de la prévalence du phallus* pour l’un et l’autre sexe.
▲ (α) Freud, dans l’édition de 1920 des Trois essais sur la théorie de la sexualité (Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie), fait en outre état d’expériences de physiologie sur la détermination hormonale des caractères sexuels.
(1) Cf. Freud (S.). Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie, 1905. – a) G.W., V, 42, n. ; S.E., VII, 143, n. ; Fr., 166, n. 12. – b) G.W., V, 40 ; S.E., VII, 141 ; Fr., 26. – c) G.W., V, 121, n. ; S.E., VII, 219, n. ; Fr., 184-5, n. 76.
(2) Freud (S.). Aus den Anfängen der Psychoanalyse, 1887-1902. Passim.
(3) Freud (S.). « Ein Kind wird geschlagen », 1919. – a) G.W., XII, 222 ; S.E., XVII, 200-1 ; Fr., 294. – b) G.W., XII, 224 ; S.E., XVII, 202 ; Fr., 296.
(4) Freud (S.). Das Unbehagen in der Kultur, 1930. G.W., XIV, 466, n. ; S.E., XXI, 106, n. ; Fr., 43.
(5) Freud (S.). Die endliche und die unendliche Analyse, 1937. – a) G.W., XVI, 98 ; S.E., XXIII, 251 ; Fr., 36. – b) G.W., XVI, 98 ; S.E., XXIII, 251 ; Fr., 36.