Envie du pénis

= D. : Penisneid. – En. : penis envy. —- Es. : envidia del pene. – I. : invidia del pene. – P. : inveja do pênis.

● Élément fondamental de la sexualité féminine et ressort de sa dialectique. L’envie du pénis naît de la découverte de la différence anatomique des sexes : la petite fille se sent lésée par rapport au garçon et désire posséder comme lui un pénis (complexes de castration) ; puis cette envie du pénis prend dans le cours de l’Œdipe deux formes dérivées : envie d’acquérir un pénis au-dedans de soi (principalement sous la forme du désir d’avoir un enfant) ; envie de jouir du pénis dans le coït.

L’envie du pénis peut aboutir à de nombreuses formes pathologiques ou sublimées.

◼ La notion d’envie du pénis a pris de plus en plus d’importance dans la théorie de Freud à mesure qu’il fut amené à spécifier la sexualité féminine, d’abord implicitement tenue pour symétrique de celle du garçon.

Les Trois essais sur la théorie de la sexualité (Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie, 1905), centrés sur l’évolution de la sexualité du garçon, ne contiennent, dans leur première édition, aucune référence à l’envie du pénis. La première allusion n’apparaît qu’en 1908, dans l’article sur Les théories sexuelles infantiles (Über infantile Sexualtheorien) ; Freud y indique l’intérêt que la petite fille porte au pénis du garçon, intérêt qui « … est commandé par l’envie (Neid) […]. Quand elle exprime ce désir : « j’aimerais mieux être un garçon », nous savons quel est le manque que ce désir cherche à réparer » (1).

Le terme « envie du pénis » paraît déjà admis dans l’usage analytique lorsque Freud le mentionne en 1914 (2) pour désigner la manifestation du complexe de castration chez la fille.

Dans Les transpositions de la pulsion, et, en particulier, de l’érotisme anal (Über Triebumsetzungen, insbesondere der Analerolik, 1917), Freud ne désigne plus seulement par « envie du pénis » le désir féminin d’avoir un pénis comme le garçon ; il en indique les principaux avatars : désir de l’enfant selon l’équivalence symbolique pénis-enfant ; désir de l’homme en tant qu’ « appendice du pénis » (3).

La conception freudienne de la sexualité féminine (4) donne une place essentielle à l’envie du pénis dans l’évolution psychosexuelle vers la féminité qui suppose un changement de zone érogène (du clitoris au vagin) et un changement d’objet (l’attachement préœdipien à la mère faisant place à l’amour œdipien pour le père). Dans ce changement, c’est le Complexe de castration* et l’envie du pénis qui jouent, à différents niveaux, un rôle de charnière :

a) Ressentiment envers la mère, qui n’a pas pourvu la fille d’un pénis ;

b) Dépréciation de la mère, qui apparaît ainsi comme châtrée ;

c) Renonciation à l’activité phallique (masturbation clitoridienne), la passivité prenant le dessus ;

d) Équivalence symbolique du pénis et de l’enfant.

« Le désir (Wunsch) avec lequel la petite fille se tourne vers le père est sans doute à l’origine le désir du pénis que la mère lui a refusé et qu’elle espère maintenant avoir de son père. Toutefois, la situation féminine ne s’établit que lorsque le désir du pénis est remplacé par le désir de l’enfant et que l’enfant, selon la vieille équivalence symbolique, vient à la place du pénis » (5 a).

À plusieurs reprises, Freud a indiqué ce qui pouvait demeurer de l’envie du pénis dans le caractère (« complexe de masculinité » par exemple) ou les symptômes névrotiques de la femme. Communément d’ailleurs, quand on parle d’envie du pénis, c’est à ces restes adultes que l’on fait allusion, la psychanalyse retrouvant ceux-ci sous les formes les plus déguisées.

Enfin Freud, qui a toujours souligné comment l’envie du pénis, sous les renoncements apparents, persistait dans l’inconscient, a indiqué, dans un de ses derniers écrits, ce qu’elle pouvait même offrir d’irréductible à l’analyse (6).

Comme on le voit, l’expression « envie du pénis » présente une ambiguïté, que Jones a soulignée et tenté de lever en distinguant trois sens :

« a) Le désir d’acquérir un pénis, habituellement en l’avalant, et de le retenir à l’intérieur du corps souvent en l’y transformant en un enfant ;

« b) Le désir de posséder un pénis dans la région clitoridienne […] ;

« c) Le désir adulte de jouir d’un pénis dans le coït » (7).

Cette distinction, pour utile qu’elle soit, ne doit pourtant pas conduire à considérer comme étrangères l’une à l’autre ces trois modalités de l’envie du pénis. Car la conception psychanalytique de la sexualité féminine tend précisément à décrire quelles sont les voies et les équivalences qui les relient (α).

Plusieurs auteurs (K. Horney, H. Deutsch, E. Jones, M. Klein) ont discuté la thèse freudienne qui fait de l’envie du pénis une donnée primaire, et non une formation construite ou utilisée secondairement pour écarter des désirs plus primitifs. Sans vouloir résumer cette importante discussion, on notera que le maintien par Freud de sa thèse trouve son motif dans la fonction, centrale pour les deux sexes, qu’il assigne au phallus (voir : Phase phallique ; Phallus).

▲ (α) Dans certains passages de Freud on rencontre deux expressions : envie (Neid) et désir (Wunsch) du pénis, mais sans qu’il soit possible d’établir entre elles une différence d’emploi (par exemple dans la Suite aux leçons d’introduction à la psychanalyse [Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1932]) (5 b).

(1) Freud (S.). G.W., VII, 180 ; S.E., IX, 218.

(2) Cf. Freud (S.). Zur Einführung des Narzissmus, 1914. G.W., X, 159 ; S.E., XIV, 92.

(3) Freud (S.). G.W., X, 405 ; S.E., XVII, 129.

(4) Cf. plus particulièrement : Freud (S.). Einige psychische Folgen des anatomischen Geschlechtsunterschieds, 1925. Ober die weibliche Sexuatitüt, 1931. Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1932. – Mack Brunswick (R.). The Preœdipal Phase of the Libido Development, 1940, in : Psa. Read.

(5) Freud (S.). Neue Folge der Vorlesungen zur Einführung in die Psychoanalyse, 1932. – a) G.W., XV, 137 ; S.E., XXII, 128 ; Fr., 175. – b) G.W., XV, 137-9 ; S.E., XXII, 128-30 ; Fr., 175-7.

(6) Cf. Freud (S.). Die endliche und die unendliche Analyse, 1937. G.W., XVI, 97-8 ; S.E., XXIII, 250-1 ; Fr., 35-7.

(7) Jones (E.). The Phallic Phase, 1932. In Papers on Psychoanalysis, Baillière, Londres, 5e éd., 1950, 469.