Chapitre XI – La cure psychanalytique
1. Généralités
Expliquer la cure psychanalytique est délicat pour plusieurs raisons. Un exposé abstrait ne peut remplacer l’histoire d’un cas, et encore moins l’expérience d’une psychanalyse. La diversité des situations et des évolutions thérapeutiques défie la généralisation. La technique n’est pas uniforme, ou son uniformité relative se dissimule sous des divergences d’interprétation et de formulation. Il y a des différences entre ce qu’on fait et ce qu’on écrit, et beaucoup de choses ne s’apprennent que de bouche à oreille. L’élucidation de la cure psychanalytique a permis l’élaboration de théories, mais celles-ci sont devenues nécessaires pour comprendre la cure. Enfin, la technique a une histoire, et les écrits de Freud lui-même sont là pour témoigner qu’elle a évolué.
Cependant, tous les éléments essentiels ont été donnés par Freud, et l’on peut, sans forcer, les trouver dans les Études sur l’hystérie (1895). Seulement, le poids relatif des éléments a varié ; le progrès de la conceptualisation technique, la promotion de certains concepts théoriques ont déterminé des modifications d’orientation et de centrage. A l’origine, le concept dominant a été celui de l’inconscient dynamique, et l’analyse a été surtout une analyse des contenus inconscients (A. Freud). Avec le développement de la topique, elle s’est centrée sur l’analyse du Moi et des mécanismes de défense ; l’accent a été mis sur la nécessité d’aborder la résistance avant le contenu inconscient. Dans les deux dernières décades, l’intérêt théorique s’est orienté sur les relations avec les objets, extérieurs et intérieurs, et l’attention technique s’est portée sur la communication du patient et du psychanalyste.
Certes, la technique peut encore évoluer. Ceci dit, il existe un corps d’informations et d’idées communes ; la technique est parvenue à un degré de maturité et de stabilité qui permet de lui décrire certains traits généraux.
2. Premiers entretiens
La cure psychanalytique est un traitement médical et son application doit être subordonnée à un examen clinique pratiqué par un médecin compétent. Le psychiatre sait que les psychonévroses, les inhibitions, les troubles psychosexuels ou caractériels sont plus accessibles à la psychanalyse que la délinquance ou la psychose. Un médecin psychanalyste expérimenté peut évaluer de plus près les chances d’une psychanalyse, telles qu’elles résultent non seulement du diagnostic, mais des possibilités et des limitations du consultant, de ses conditions de vie, de ses perspectives d’avenir, de sa capacité de communication.
L’étude approfondie des cas individuels est le propre des méthodes cliniques, et la psychanalyse peut passer pour « ultra-clinique ». Pourtant, la perspective initiale est autre que dans l’examen psychiatrique ordinaire ; en raison de l’attention qui doit être portée dès le début aux interactions du patient et du psychanalyste, le psychanalyste mène son examen avec plus de précautions, par exemple dans la façon de questionner et de répondre.
Si les indications d’une psychanalyse apparaissent clairement, il est préférable de ne pas prolonger les premiers entretiens. Si les indications sont plus douteuses, le traitement peut n’être commencé qu’à titre d’essai. Si le diagnostic est plus hésitant et le pronostic plus réservé, par exemple si l’on a des raisons de penser qu’il peut s’agir d’une psychose (exemple : schizophrénie) ou que les symptômes relèvent d’un processus organique (exemple : épilepsie), il convient de recourir à toutes les ressources de la clinique et du laboratoire, quitte à envoyer plus tard le consultant à un autre psychanalyste. En d’autres termes, on n’entreprend pas une psychanalyse sans être en possession, sinon de toutes les données, du moins de données suffisantes.
Certains auteurs ont préconisé une investigation plus approfondie de la maladie, de la personnalité et de la biographie du consultant, de manière à acquérir le plus tôt possible une vue d’ensemble du cas et à planifier le traitement, avec le but de le raccourcir en utilisant la théorie des névroses (Alexander). Cette « stratégie » est séduisante mais hasardeuse : le noyau de la névrose n’est pas le complexe d’Œdipe en général, mais telle forme particulière du complexe d’Œdipe ou d’une « névrose de base » plus ancienne et plus profonde ; le patient ne peut apprendre que graduellement à maîtriser ses conflits inconscients en se confrontant avec eux sous des formes toujours nouvelles. Dans l’état de nos connaissances, les cheminements patients de la cure psychanalytique apparaissent toujours comme nécessaires.
En dépit des précautions à prendre, le psychanalyste doit au patient, sur le plan rationnel, un minimum d’explications sur son cas ainsi que sur les buts et les moyens du traitement. Une question qui ne manque guère a trait à la durée du traitement ; le psychanalyste ne peut être que réservé : une structure psychologique qui s’est maintenue pendant des années ou des dizaines d’années a peu de chance de disparaître très rapidement ; le chiffre de deux ans peut être donné pour fixer les idées, sans plus ; tant mieux si une amélioration survient avant qu’il soit question de guérison et de fin du traitement. Le patient est averti contre le danger d’introduire dans sa vie des changements fondamentaux avant que la cure soit terminée ou suffisamment avancée ; au début, il n’est pas en état de le faire ; en cours de traitement, l’analyse peut le modifier d’une façon transitoire ; enfin, le recours à l’action impulsive dans la réalité, l’espoir de « trancher le nœud gordien » est une résistance contre la résolution du conflit inconscient ; un conflit aigu, l’urgence d’une décision ne sont pas des indications de l’analyse ; il faut ajourner ou le traitement ou la décision. On conclut enfin, dès ces premiers entretiens, les arrangements relatifs à la fréquence et aux jours des séances, aux honoraires, aux interruptions prévisibles du traitement (voyages, vacances).
3. Conditions extérieures de la cure
Aux débuts de la psychanalyse, les séances quotidiennes étaient usuelles. Aujourd’hui, on estime préférable de ne pas descendre au-dessous de quatre ou cinq séances hebdomadaires, aussi longtemps que possible ; trois séances est un minimum admis par de nombreux psychanalystes parisiens ; une cadence plus soutenue facilite la résolution des difficultés et le développement de la cure ; il est aussi évident que plus le psychanalyste voit son patient, plus il peut le suivre de près. L’ordre de durée des séances est de quarante-cinq à cinquante-cinq minutes. Ni la fréquence ni la durée des séances ne peuvent être sensiblement diminuées sans altérer la nature psychanalytique du traitement. Le patient s’étend sur un divan et le psychanalyste s’assied derrière lui ; cette situation permet au patient d’éviter tout effort postural et de parler sans avoir à faire face au psychanalyste, sans rien connaître de ses réactions ; en dispensant le psychanalyste d’avoir à contrôler ses attitudes et sa mimique, elle lui donne plus de liberté pour écouter, observer, interpréter. Ces conditions sont des traits essentiels de la cure type, bien que certaines situations thérapeutiques nécessitent des modifications dont le face-à-face est un exemple.
4. La règle fondamentale
On appelle règle fondamentale ou règle de libre association la consigne qui est donnée au patient de dire « tout ce qui lui passe par la tête », d’exprimer verbalement ce qu’il pense et ce qu’il sent sans rien choisir et sans rien exclure volontairement, même si ce qui vient lui paraît désagréable à communiquer, absurde, futile et sans rapport avec le sujet. En fait, personne ne peut parler sans choisir et sans exclure ; à la lettre, il n’existe pas d’associations d’idées libres ; les associations d’idées sont déterminées et c’est parce qu’elles sont déterminées qu’elles sont révélatrices. La règle fondamentale ne vise qu’à éliminer la sélection volontaire, consciente du choix et de l’ordre des pensées, de manière à favoriser une expression involontaire ; ainsi apparaissent les défenses et les motifs inconscients du Moi qui interfèrent avec l’expression verbale de toutes les possibilités du patient. Les silences, la mimique, les gestes, les attitudes sont aussi un langage qui complète la parole ou s’y substitue. L’interprétation et l’élaboration des résistances permettent au patient d’éliminer progressivement les interférences associatives. L’apprentissage de la règle fondamentale est un apprentissage de la liberté dans l’expression de soi et la communication avec autrui.
5. Rôle du psychanalyste
Le rôle du psychanalyste, c’est d’observer, d’écouter, de comprendre, de savoir attendre et se taire, et le moment venu, donner l’interprétation qui convient. Freud a résumé ce rôle dans des formules célèbres. Il met en garde contre une attention tendue et recommande une attention flottante, qui permet une compréhension plus réceptive ; elle répond à la liberté d’association demandée du patient. Freud recommande au psychanalyste d’être comme un miroir qui ne reflète rien d’autre que ce qui lui est montré ; le psychanalyste ne révèle rien de lui-même, de sa vie, de ses opinions ; l’auto-analyse doit lui permettre de contrôler les interférences de ses réactions personnelles et émotionnelles (contre-transfert). Conseiller et diriger le patient sont incompatibles avec la spontanéité qui lui est demandée, et ne peuvent qu’entretenir sa dépendance ou susciter son opposition. Si le rôle du psychanalyste n’est pas autoritaire, il n’est pas non plus le laisser-faire. Le traitement doit être mené, autant que possible, dans un état d’abstinence, ce qui veut dire que l’énergie nécessaire à la cure ne doit pas s’échapper dans des satisfactions substitutives, soit dans le traitement, soit au-dehors ; le psychanalyste peut être ainsi amené à déconseiller ou interdire des activités pathologiques ou normales qui fonctionnent comme des défenses névrotiques, généralement pas avant de les avoir laissées s’exprimer dans le champ psychanalytique. Ainsi, l’arrangement de l’entourage psychanalytique et le rôle technique de l’analyste concourent à diminuer les rapports sociaux habituels et le contrôle du Moi, et l’état analytique a pu être comparé à l’état hypnotique. On a souligné, ces dernières années, les côtés déréels, infantiles du champ psychanalytique, et cette « mise entre parenthèses » de la réalité est une condition du développement de la cure. Il ne faut pas oublier que le patient y trouve aussi une liberté, une sécurité et une compréhension inhabituelles, et que le psychanalyste, en dépit de son invisibilité et de son silence, y est étrangement présent.
6. Transfert et névrose de transfert
Toute psychothérapie repose sur la relation du thérapeute et du patient ; elle substitue à la névrose clinique une névrose thérapeutique ou névrose de transfert ; le propre de la psychanalyse est de contrôler, interpréter et traiter la névrose de transfert.
Le transfert analytique est habituellement défini par la répétition, vis-à-vis de l’analyste, d’attitudes émotionnelles, inconscientes, amicales, hostiles ou ambivalentes, que le patient a établies dans son enfance, au contact de ses parents et des personnes de son entourage. Cette définition met en lumière un aspect essentiel du transfert : que le patient répète par l’action au lieu de reconnaître par la pensée et la parole. Mais la répétition dans la relation thérapeutique ne montre pas toute la portée du transfert. Le transfert est proprement l’actualisation, dans le champ psychanalytique, d’un problème inconscient dont les racines plongent dans l’enfance.
Revenons à la névrose clinique. A la suite d’une frustration subie dans la réalité, le patient a régressé à un point de fixation qui correspond aux problèmes les plus significatifs de son enfance ; les symptômes de la névrose sont un compromis entre les forces de défense du Moi et l’aspiration à la décharge des tendances refoulées ; ce compromis, loin d’être satisfaisant, est pénible, et consciemment, le malade voudrait guérir.
Voici le patient dans le champ psychanalytique, avec la possibilité d’exprimer librement toutes ses aspirations. Les défenses du Moi s’opposent à ce qu’il puisse prendre conscience de son conflit inconscient, le formuler et le communiquer. Il le vit et il l’agit, selon les moyens d’expression que lui permet la situation, dans les termes de l’analyse, c’est-à-dire sous la forme d’équivalents symboliques. La fille d’un père dominateur et violent reproche au psychanalyste de ne lui laisser aucune liberté, de faire pression sur elle. Le fils d’un homme taciturne, qui ne s’occupait pas de ses enfants, ressent le silence de l’analyste, cherche à obtenir son intérêt et son intervention active. Ainsi la névrose de transfert, si elle traduit l’échec de la remémoration, pousse le conflit inconscient vers la réalité actuelle de la situation psychanalytique. Le rôle de l’interprétation est d’amener cette répétition agie au niveau de la pensée, de la reconnaissance et de la communication.
La reproduction du transfert procède de l’interaction de la personnalité du patient et de la technique psychanalytique. La disposition au transfert consiste principalement dans le fait que le Moi du patient active, une fois de plus, le conflit infantile qui a été le noyau de la névrose. Mais l’entourage analytique est ambigu, il encourage et il déçoit ; les aspirations refoulées sont reconnues mais non satisfaites ; les frustrations procédant de la règle d’abstinence poussent le patient vers des problèmes de plus en plus reculés et des formes de plus en plus régressives de la névrose de transfert.
La névrose de transfert a des effets négatifs et des effets positifs. Lorsque le psychanalyste approche des zones où se cachent les aspirations refoulées, toutes les forces défensives qui ont déterminé le refoulement s’insurgent contre ses efforts et se manifestent dans le transfert de défense. L’interprétation met en lumière ces résistances, sous les formes variées dans lesquelles elles se répètent avec obstination (élaboration). Progressivement, le conflit inconscient, c’est-à-dire la névrose infantile, s’exprime sous une forme de plus en plus identifiable. Les effets positifs du transfert s’accusent, comme le retour, le « recommencement » de ce qui avait été refoulé, souvent à peine ébauché. Il devient alors possible de dissocier ces possibilités gelées du passé et de les investir dans les objets nouveaux qu’offrent au patient son présent et son avenir.
C’est pourquoi l’analyse du transfert ne constitue pas, comme on le dit parfois, un stade particulier de la cure ; elle doit commencer, autant que la situation s’y prête, dès le début de la cure et se poursuivre jusqu’à sa terminaison. C’est grâce au transfert que le psychanalyste peut atteindre et réduire les conflits générateurs de la névrose : « C’est le terrain sur lequel la victoire doit être gagnée, l’expression d’une guérison durable de la névrose. Il est indéniable que la subjugation des manifestations de transfert apporte les plus grandes difficultés au psychanalyste ; mais il ne faut pas oublier que ce sont elles, et seulement elles, qui rendent l’inestimable service d’actualiser et de manifester les émotions amoureuses, ensevelies et oubliées ; car, en dernier ressort, nul ne peut être mis à mort in absentia et in effigie » (Freud, 1912). Ce texte de Freud est parmi ceux qui disent le plus nettement l’importance du transfert en psychanalyse. Les psychanalystes d’aujourd’hui sont encore plus catégoriques en ce que, se faisant du transfert une conception plus large, ils y incluent notamment les émotions agressives et les habitudes de défense du Moi.
7. Résultats thérapeutiques
L’étendue et la complexité des observations rendent difficile de parler d’une façon générale des résultats thérapeutiques ; la cure psychanalytique n’est rien moins que l’application d’une technique standardisée à des formes cliniques bien définies ; les situations thérapeutiques sont diversifiées par de nombreux facteurs, la forme de la maladie, les différences de la technique, les personnalités du psychanalyste et du patient et leur interaction, les circonstances extérieures favorables ou défavorables, les avantages et les désavantages d’une guérison.
Ceci pose les questions de la conception psychanalytique de la santé mentale et des critères de la fin de l’analyse. On admet en général qu’un cinquième des analyses peuvent être considérées comme techniquement terminées. La disparition des symptômes n’est pas décisive ; le patient peut « fuir dans la santé » pour échapper à l’analyse ou pour plaire au psychanalyste, c’est-à-dire à cause de motifs inconscients qui interfèrent avec la guérison véritable. La disparition des symptômes n’est significative que si elle est solidaire de modifications structurales de la personnalité. En termes psychanalytiques, ceci veut dire que le conscient ait pris la place de l’inconscient ou, mieux, que « le Moi soit là où était le Ça » (Freud), que le Moi ne soit plus sous l’emprise du Ça et du Surmoi, de la compulsion de répétition, que le principe de réalité ait remplacé le principe de plaisir. Un tel état de choses se traduit par des signes psychologiques dont nous citerons les plus importants : 1 / Libération de l’angoisse à la frustration ; capacité de produire et tolérer des tensions élevées et de les réduire d’une façon satisfaisante ; 2 / Suppression des inhibitions et capacité de réaliser ses possibilités : normalisation sexuelle, libération de l’agressivité constructive, des fonctions affective et imaginative ; 3 / Ajustement des aspirations aux possibilités du sujet et à la réalité ; 4 / Capacité de se conduire en prévoyant les effets éloignés de la conduite et de travailler à la réalisation d’un plan de vie ; 5 / Facilitation des relations avec autrui ; 6 / Abandon des attitudes exagérément conformistes ou destructives, et conciliation entre les forces conservatrices et les forces créatrices. Il est rare, certes, qu’un tel programme soit intégralement réalisé ; le psychanalyste comme le patient doit être en garde contre les illusions du perfectionnisme et de la toute-puissance de l’analyse. Il est par conséquent délicat d’apprécier à quel moment la cure a donné les résultats qu’il est raisonnable d’en attendre, et de ne la suspendre ni trop tôt ni trop tard.
Malgré les difficultés signalées, il existe une convergence remarquable entre des statistiques indépendantes, à tel point que R. Knight a pu les combiner (1941). Dans les psychonévroses, les inhibitions, les troubles psychosexuels, les troubles de caractère, les désordres corporels d’origine conflictuelle, les pourcentages de guérison ou des grandes améliorations sont comparables à ceux qu’obtient la thérapeutique dans les autres branches de la médecine. L’aggravation est exceptionnelle. Avec les suicidaires, le risque d’une issue mortelle est pratiquement nul au cours des périodes de traitement, et ne nécessite de précautions spéciales que pendant les interruptions de la cure.
La guérison apportée par une analyse terminée est-elle une guérison définitive ? En principe, oui, et les faits confirment largement cette prévision. Freud a cependant fait des réserves (1937) : il reste toujours possible que certains conflits inconscients n’aient pas été suffisamment activés, soit en raison des conditions de vie du patient, soit en raison des conditions particulières de la situation thérapeutique ; une rechute est alors possible, moins à la faveur de grandes épreuves que de circonstances spécifiques, propres à réveiller la névrose infantile.
8. Mécanismes de la guérison
La théorie des résultats thérapeutiques est difficile parce que la cure est un processus long et complexe, que de multiples facteurs interviennent, dont certains extérieurs à la cure, que les mêmes mécanismes peuvent être tantôt pathogènes, tantôt normatifs, et qu’il n’est pas facile de discerner parmi tous ces facteurs ceux qui sont proprement analytiques. Deux préjugés opposés sont à éviter. Le premier est de concevoir la cure comme une analyse psychologique toute intellectuelle : c’est une expérience, une partie qui se joue entre le patient et l’analyste, et il n’est pas de psychanalyse vraie sans que le développement et la résolution de conflits défensifs soient sanctionnés par des modifications de la manière d’être et d’agir du patient. L’autre préjugé est de concevoir l’analyse comme une décharge d’émotions, alors que l’abréaction ne donne que des résultats passagers et précaires. Le vrai ressort est l’alternance du patient entre l’existence irréfléchie du Moi qui vit, qui sent, qui agit, et l’attitude réfléchie du Moi qui pense, qui reconnaît et qui juge. Le rôle de l’interprétation est de permettre la progression des problèmes et d’assurer l’intégration des solutions en revenant sur les mêmes conflits, les mêmes défenses aussi longtemps qu’il est nécessaire. La présence du psychanalyste, sa substitution au Surmoi sévère du patient, l’identification du patient au psychanalyste en tant que sujet autonome jouent un rôle capital. Si bien que l’apprentissage progressif de la liberté d’expression et l’établissement d’une communication adéquate peuvent être considérés comme des moyens essentiels de la cure et des critères de son évolution.