4. Le fantôme d’Hamlet ou le VIe acte précédé par L’entr’acte de la « vérité »

L’entr’acte de la « vérité »

if thou hast uphoarded ut thy Üfe Extorted tuasure m (ht womb of earth For whuh, thry saj, you spirits oft waik m dtalh Spea of U

(Hamlei I i 136-9)

aurais-tu, vif, enfoui Quelque indu trésor au terrestre ventre - Raison que, morts, les esprits se promènent -Parles-en !

La dernière scène de la Tragédie d’Hamlet ne clôt pas l’action dramatique, elle la coupe. Œdipe-Roi de Sophocle « purifiait » l’âme, et cela, comme Freud l’a montré, en dévoilant directement l’Inconscient. Rien de tel dans la pièce de Shakespeare. Bien au contraire ! L’action tissée de visions et d’intrigues, de feintes et de folies finit par s’arrêter à défaut de protagonistes. A la tombée du rideau il ne subsiste que cadavres et énigmes, muets, telle la nuit d’Elseneur, Le spectateur qui a perdu l’espoir de les voir se dissiper reste sur son désarroi.

Cette pièce, la plus représentée du monde, met en branle un processus inconscient, le maintient actif, mais 11’apporte pas l’apaisement final. Et l’état ainsi induit perdure bien après la tombée du rideau. Il s’impose telle une contrainte, venue d’on ne sait où et subie bon gré mal gré. Il faut être psychanalyste pour éprouver quelquefois de semblables malaises. Cela arrive tout particulièrement à propos de certains visiteurs du divan, ceux qui véhiculent, sans le savoir, quelque honte familiale cachée. Les voilà alors en proie à des mots, à des actes, étranges et incongrus, traduits d’événements ignorés d’eux et dont l’agent initial avait été... un autre.

La plupart des personnages de la tragédie n’apparaissent-ils pas comme agis par l’étranger en eux ? Qu’il s’agisse d’Hamlet, ou de sa mère, de Claudius ou d’Ophé-lie, ils s’avèrent tous : victimes de maléfices, fantoches d’un fantôme. D’où l’idée que les énigmes dont la littérature emplit des bibliothèques, livreraient leur clef à reconsidérer l’« élément » « surnaturel » qui les lance : la manifestation, précisément d’un Spectre.

a

ir ...aurais-tu, vif, enfoui — Quelque indû trésor au terrestre ventreRaison que, morts, les esprits se promènent, — Parles-en ! » Oui, le secret honteux, donc enfoui, toujours revient hanter. Il convient de le parler pour l’exorciser. Mais comment y parvenir alors que de tels fantômes qui habitent notre esprit, le font à son insu et qu’ils matérialisent le secret non avouable... d’un autre. Cet autre est, bien entendu, un être aimé. La lacune et la gêne qu’un tel secret laisse dans la communication avec lui produit un double effet opposé : interdire le savoir et induire l’enquête inconsciente. Ainsi la personne « hantée » se trouve-t-elle prise entre deux mouvements : respecter, coûte que coûte, le non savoir du secret d’un proche ; d’où l’apparente nescience le concernant ; mais aussi, en même temps, lever cet état de secret ; d’où la reconstitution de celui-ci en savoir inconscient. Aussi ce double mouvement va-t-il se manifester en symptômes et engendrer propos et actes « gratuits » et déplacés, allant jusqu’à l’insolite : hallucinations, délires. Ainsi se montre et se cache ce qui, au fond de l’inconscient, gît comme science morte-vivante du secret de l’autre. Tel aussi le « fantôme » d’Hamlet.

L’apparition du spectre du Père au début de la pièce a pour sens d’objectiver la science-nescience du fils. Science-nescience de quoi ? De son malaise issu d’un fait qui ne laisse pas de place au doute : le vieux roi avait dû emporter un secret dans la tombe. Le fantôme apparaît-il pour lever la nescience ? Si tel était le cas, son objectivation serait sans objet, de même que la douteuse « folie de doute » d’Hamlet. Si un fantôme revient hanter c’est pour mentir : ses prétendues « révélations » sont mensongères par nature.

Voilà ce que, pendant près de quatre siècles, spectateurs et critiques ont omis de prendre en considération. Le « secret », révélé par le « fantôme » d’Hamlet et comportant un ordre de vengeance ne saurait être qu’un leurre. Il masque un autre secret, réel et véritable celui-ci, mais ressortissant d’une ignominie non-dicible dont, à l’insu du fils, le père s’était chargé la conscience. C’est là une hypothèse, presque a priori : le vrai ressort en nous de l’action dramatique, tiendrait à notre intime conviction, non formulable, que les révélations du Spectre sont mensongères et que les tiraillements d’Hamlet se tendent entre une « vérité » fallacieuse et imposée et une vérité « vraie » que de longtemps l’Inconscient avait devinée. La quête du héros va s’en trouver à la fois faussée, et par là même authentifiée. La suprême habileté de Shakespeare consiste à nous taire l’un des termes du conflit qui joue entre ce qui serait « vraie » vérité et ce qui serait mensonge, créant ainsi sur le plan poétique la dimension inconsciente, tant goûtée et tant ignorée depuis.

Dès lors la visée de la tragédie pourrait se formuler plus clairement. Il s’agirait d’inciter le public à réagir inconsciemment aux énigmes qui demeurent et à cheminer à rebours, en vue d’un but pas davantage énoncé, mais non moins impérieux : réduire le « fantôme » et supprimer son effet : l’état pénible du savoir-non savoir, agent du conflit inconscient, fauteur de la répétition incongrue.

Autrement dit, lever le secret enfoui dans l’Inconscient et le produire dans son extériorité initiale. Mais comment lever un secret si devaient subsister la coulpe et la honte qui s’y attachent ? Leur exorcisation conduit nécessairement — non vers le châtiment réel ou imaginaire de l’autre — mais vers une sagesse supérieure sur soi-même et sur l’univers des humains.

Il en est de même de la « vérité » dégagée sur le divan. Il va de soi qu’à la rétablir on met en question, implicitement, d’autres mensonges, tous issus d’une « Vérité » ultime. On le devine, cette Vérité-là, la dernière raison d’être de tant de mensonges, est suprêmement abominable et en tant que telle serait, par la vue, insupportée. Néanmoins, grâce à cette notion, on acquiert une sagesse : la dissipation d’un seul fantôme ne peut pas ne pas atteindre indirectement l’ultime abomination jusque dans son être occulte. Par conséquent, elle ne peut pas ne pas modifier ses émanations, en donnant droit de cité à certaines « vérités » partielles qui en dérivent. Celles-ci se définissent alors comme des différences de degrés dans la « vertu », donc, a contrario, dans l’abomination.

Demeure pour nous la question restreinte : Comment réduire le fantôme ? Si la recette n’est pas donnée, elle est impliquée dans la nature même de ce qui revient hanter, de ce qui avait été « fantômisé » lors de la génération précédente, « fantômisé » pour n’avoir pu s’énoncer en paroles, pour avoir dû être couvert-par le silence. Réduire le « fantôme » c’est réduire la coulpe attachée au secret d’un autre et l’énoncer en mots dicibles, en défiant, en contournant ou en domestiquant ses (et nos) résistances, ses (et nos) refus, c’est donc faire accepter un degré supérieur de « vérité ».

Il serait certes du plus haut intérêt d’approfondir les dessous historico-politiques des versions (celle de 1601 et celle de 1603) que nous avons de la pièce. Mais une telle connaissance ferait-elle plus d’effet que d’étoffer de contenus supplémentaires la permanence de son actualité ? Il me semble, pour ma part, que l’énigme de la fascination séculaire d’« Hamlet » doit se ramener à la pérennité en nous de 1’ « effet de fantôme » et de notre souhait sacrilège de le réduire, en réobjectivant l’Inconscient, par la remontée à son origine même.

Serions-nous enfin en mesure, nous, public bientôt quatre fois centenaire de formuler en parole ce qui pour nos prédécesseurs en critique littéraire, devait s’épuiser en rationalisations ? Depuis Freud, on parvient du moins à poser le problème. On a pu comprendre que Shakespeare nous a légué dans ce drame un processus inconscient, non énoncé, encore moins dénoncé, et qui dure depuis des siècles. Le temps est venu de continuer ce que Freud avait entrepris et de rechercher cette fois un dénouement possible du drame, le dénouement resté en suspens lors de la tuerie terminale. Voilà qui requiert, pour sûr, une reprise de la psychanalyse de son héros.

Une nouvelle « tranche » d’analyse d’Hamlet, après celle qu’il a faite chez Freud et chezjones. Elle s’impose en effet à titre de complément. Le fait du complexe d’Œdipe a été fort heureusement diagnostiqué, ainsi que les conséquences symptomatiques de son fonctionnement défectueux. Mais non pas ce qui aurait permis de le rendre opérant et fécond. Hamlet aurait-il été « guéri » sur le divan de Freud ? Rien ne permet d’affirmer le contraire. Telle n’est pas d’ailleurs la tâche que je me propose ici. Elle est bien plus hasardeuse. Elle vise à « guérir » le public, le « guérir » d’une névrose occulte qui, depuis des siècles, lui est infligée par la Tragédie d’Hamlet. Pour ce faire il ne s’offre pas d’autre solution que de continuer là où le concours des impasses avait (aurait) tout submergé. Il aura fallu tuer, mourir pour rien, pour qu’un regard extérieur et bienveillant force à venir le fantôme au grand jour, pour que, connu, compris et exorcisé, il puisse, hors de notre Inconscient, se dissiper dans la réalité d’où il était venu, s’évanouir dans un monde passé, dans un monde dépassé.

Ces considérations faites, j’ai constaté qu’il pourrait résulter d’un tel travail d’analyse, une autre pièce, pres-qu’aussi dramatique, régie par le désir de ressusciter le « mort » pour le « guérir », pour lui permettre enfin de mourir à son être fantôme : mourir heureux, en fin de compte, d’avoir été compris dans sa vérité surmontée.

Je suis convaincu que la dissipation d’un seul « fantôme » est susceptible, à la limite, de modifier la structure de la grande Vérité abominable — postulée mais inexistante — qui, cependant, sous des formes toujours renouvelées, régit l’Univers. Cela assure, à chaque fois, une petite victoire de l’Amour sur la Mort. Telle est aussi l’inspiration de la présente tentative.

N. A.

Avril 1974 et mars-juillet /5175.

Le fantôme d’Hamlet ou le VIe acte

Scène 1

(Même lieu que la scène précédente. Les cadavres ont été emportés)

Fortinbras, prince de Norvège et Horatio, ami d’Hamlet.

Fortinbras Âpre odeur de poison, de sang mêlée :

Je hume la fin d’une dynastie,

Le terme d’une ère, en proie au suicide. Elseneur, balayé du souffle frais De Norge, aura bientôt séché ses pleurs Et, payant dîme à Fortinbras, mon oncle, Recouvrera ses remparts et ses digues De quoi la crue de son deuil contenir. Hamlet que, par estime et droit, à titre Posthume, j’ai rétabli sur son trône,

— A qui donc je succède — m’a laissé :

Toi, Horatio, l’ami près du cœur, toi, Fidèle témoin dont la corde intime Résonne aux secrets que raison se cache. Or donc, avant de coiffer ma couronne,

Je t’invite à, ensemble, mettre au jour, Partant du dessin qui se donne à voir, L’occulte trame où fut ourdi le mal. Horatio Je prie, Monseigneur, d’excuser ces larmes. La dissection des âmes ne sied pas A la douleur que leur départ nous laisse. Vérité nous comble à se montrer nue,

Mais ne souffre pas de se voir connue, Disait feu mon Seigneur. Un jour, comme un Qui songe et voit loin les temps, assortit Sa boutade d’une étrange augure :

Avant — dit-il — la fin du millénaire,

En la lointaine cité de Vienna,

Un docte maître saura illuminer

La part en nous d’ombres et de mystères ;

D’autres, maniant sa torche vive,

Se pencheraient sur notre siècle trouble, Inventant tout : secrets, hontes et crimes De nos parents, non sus, mais sus quand même,

Tous ces fantômes burlesques, néfastes Qui mènent notre monde à leurs ficelles... Que le Ciel m’y prête intime sens,

Fortinbras

Horatio

D’un tel maître je me fais précurseur ! Tout l’annonce, mon Roi, dans ton regard... A dire le mot « fantôme » le prince Pressentait-il de bientôt retrouver Son père en spectre ? Oh jour infortuné !

Six nobles têtes, dont trois à couronnes,

En périrent. Quelle horreur apprit-il ?

Je ne sais, sinon que l’ancien Hamlet Serait mort de poison, comme tous ceux Dont on vient de sortir les corps d’ici.

(ramasse la coupe et trouve, à côte', la Perle d’Union)

Fortinbras

Horatio

Fortinbras

Horatio

Voici la Perle ou ce qu’il en subsiste.

La Perle de l’Union ', prime joyau De la couronne, mais oint de venin Pour l’occasion, et que Claude fit choir Dans la coupe d’Hamlet, dissimulant,

Sous l’insigne distinction, la mort sure.

De rouge vin et de venin sortait

Donc cette Union... Ou ce qu’il en subsiste...

Le Prince m’arrache la coupe quand,

Pour le suivre, à mon tour, je veux y boire, Il la renverse et la jette par terre ;

La Perle sort du vase et roule au loin...

1 Voir Hamlet Ve acte, scène II, 264. « Union » = perle.

Notre dernière heure au vrai nous réveille, C’est le vrai que trahit le dernier geste... Hamlet, en mourant, que dénonce-t-il ?

Le pays de l’Union était sorti D’un sang poisonné...

Fortinbras

Scène 2

Le spectre, Fortinbras, Horatio (apparaît)

Le spectre Fortinbras

Horatio

Fortinbras

Le spectre

Tiens, voilà un spectre !

A point nommé. Il doit avoir trempé Là-dedans.

Monseigneur voit là l’image Du vieux roi Hamlet : il porte même armure Qu’au jour où il affronta votre père.

Quoi ! Le midi n’est pas l’heure des spectres Que je sache ! Il faut qu’il soit aux abois D’enfreindre la loi des esprits vaguants ! Vaillant Fortinbras, l’heure me talonne.

Car, avant que de ceindre ta couronne,

U est urgent de t’instruire d’un fils Auquel succéder tu prétends. Hamlet A manqué — sache-le — de droiture et De cœur. Il tergiverse quand il faut Porter vengeance idoine pour la couche Bafouée de son père... assassiné.

Sache aussi que l’usurpateur, m’avait Instillé dans l’oreille du poison En fiole, et j’en eus le sang glacé.

De ce venin, l’Union reste infestée,

Ne la remets donc pas dans ta couronne. Les provinces qu’en combat j’ai gagnées, Rends-les à ton oncle. Que nos deux peuples Soient pour toujours libres d’un sourd litige. Je suis foudroyé par l’étonnement,

Horatio

Ô grand Roi, à te voir encore errant,

Et à t’entendre injurier Hamlet

Ce fils qui vient, aux dépens de ses jours,

De parfaire ce qui pouvait manquer

A ton éternel repos. Le « serpent Venimeux » expire d’un coup d’épée Du prince, ta Gertrude se supprime Elle-même, à boire au vin de l’inceste... Oui, que reste-t-il donc à t’interdire Le repos, vieux roi, pour venir ainsi,

En plein jour, nous annoncer des « secrets » Que plus personne n’ignore ? Ai-je besoin De ton conseil pour décider de rompre L’Union, pour rendre à Norge ses provinces ? Le fait est Spectre, tu m’entends lancer Des mots en l’air — alarmé tu rappliques : « L’Union sort du poison » — voilà des mots Qui te tracassent et hop ! tu viens faire Diversion pour me brouiller les idées.

Fortinbras

(à part)

Horatio

Fortinbras

Venin et sang : d’où revient ce flair ?

De quoi parlais-tu, Spectre, de « fiole A poison » ? ou de « viol » de l’oreille ?

J’ai idée que ce poison n’est rien d’autre Qu’un viol ; viol d’un secret, s’entend,

Dont ton serpent de cadet te sifflait A l’oreille assoupie qu’il le savait...

Aussitôt ton sang se mit à bouillir,

Puis se glaça, ta peau devint lépreuse De ta honte posthume et depuis lors Ton âme va errant pour effacer Tous ceux qui savent : tu fais du grabuge Et multiplies les cadavres. Mais moi, Fortinbras, j’ai reniflé ton secret,

Dussé-je en mourir. L’Union... le duel...

(se décolore et tremble de plus en plus fort)

Le spectre Fortinbras

Le spectre

Oui, ce secret, qui l’avait détenu ?

Qui, mais qui donc l’avait vendu à Claude, Pour, avec un petit mot à l’oreille,

Te foudroyer de honte et de remords ? (devient céruse et manque de tomber. On entend tirer des salves, ordonnées par Fortinbras en l’honneur du jeune roi Hamlet défunt).

Scène 3

(Le messager entre).

Le messager et les précédents.

Un miracle ! un miracle du Ciel !

Le messager

A peine les salves tirées, voilà Que notre jeune prince sur sa couche Se dresse, le peuple ébahi comprend Le message et crie à tue-tête : « Vive,

Vive notre roi Hamlet ! » Mais notre prince D’un bond se lève et hurlant : « Non, non, non,

Laissez-moi, je suis mort », force la foule Et court vers le fleuve où s’était noyée Son Ophélie. Les gardes à ses trousses Ont du mal à le contenir. Enfin,

Le voilà qui arrive, aussi vivant Que vous et moi, sur une civière.

(Le messager sort.)

Scène 4

Horatio, Fortinbras, Le spectre.

Heure sublime ! elle me rend la vie !

Horatio

Fortinbras

Le spectre

Quant à moi, Horatio, en loyal frère,

Je restitue le trône et la couronne.

(redevenu serein)

Couper la parole à un spectre ! A-t-on Jamais vu ça ? Et j’ai failli manquer L’objet de ma hâte. En effet, sachant Que mon poltron de fils ne fut qu’à peine Égratigné par l’épée venimeuse,

Il était urgent de te prévenir

Qui est Hamlet : un indécis, un lâche,

Un danger pour notre chère patrie ;

Il faut qu’à aucun prix tu n’abandonnes La couronne à son héritier légal !

Que mon fils se retire à la campagne,

De gré ou de force, ou aille à l’asile Des fous, à l’étranger, sous bonne escorte, Vaillant Fortinbras, garde à toi le trône Et restitue la province en litige A ton oncle. Telle est ma volonté.

Horatio Ah, tu mérites les feux de l’Enfer,

Père dénaturé. Retournes-y !

Fortinbras Halte ! Ne le chasse pas, Horatio !

Pense aux vivants qui n’ont rien à tirer D’une âme qui cuit. Ni même d’un spectre. Qu’il reste et qu’il parle, jusqu’à pouvoir Rejoindre le ciel des bienheureux.

Scène 5

(Hamlet arrive, accoudé sur une civière, sans voir Le spectre)

Hamlet, Horatio, Fortinbras,

Le spectre.

Hamlet Être ou n’être pas... Le destin se moque !

Tel qui n’est pas, est — tel qui est, n’est pas. Suis-je en vie ? Suis-je un spectre pèlerin ? Mon errance vaut bien ta quiétude,

Que t’offrait, selon ton dû, le respect Filial, mon père ! Il en faut des morts,

Pour qu’un fantôme retrouve la paix ! Combien de malheurs j’ai dû susciter Pour ton salut ! Que de cadavres jonchent Le sol, et le mien y compris, autour Du trône vide ! Mais qu’importe ! puisque L’opprobre est lavée et que l’odieux N’est plus. Pourtant, le porc incestueux, Ton rival sans scrupule, l’oncle Claude,

A tout de même gagné la partie :

Avec moi s’éteint ta souche ! Et dis-moi Vaillant papa, qui donc vais-je, à défaut De fils ou de parents, importuner Qu’il vengerait mon lâche assassinat ?

Nul n’est là pour donner vigueur et force

A vérité. « Le pauvre prince Hamlet — Dira-t-on d’un air contristé d’abord —

Que repose son âme, il était fou Pour la couronne, pour son père, fou,

Le pauvre, de la reine, d’Ophélie,

Ou fou tout court... Non, non, c’était un brave

Si fort en grammaire, à l’esprit si fin...

Le fait est qu’on n’en avait pas voulu Comme roi : pour cause, point de fumée Sans feu, il était traître, dis-je, à l’humain, Un pervers calculé, fauve enragé,

Serpent venimeux, mordu du poison Que son esprit tors distillait lui-même...

A mort ! A mort !... » s’il ne l’était déjà, Mort... Les mots sont pourris jusqu’au tréfonds,

Me reste le silence... Pour vous dire Que tous vous êtes dans le vrai... le vôtre. Ma vérité ? Peu m’en chaut ! Chaque mien geste

Étant dépouillé de son sens natif,

Par delà vice, vertu ou mérite,

N’a enfanté rien qui ne l’eût détruit Au même instant... Il fut néant d’emblée. Père, qu’as-tu fait de ton espérance ? ! Vivre ? Mourir ? Ces mots sont si étranges Quand le sens y manque...

(Il aperçoit Le spectre)

Vieux squeleton ! Que vois-je là, mais quoi ? Les morts auraient-ils aussi des mirages ? Mort, je suis. Ou serais-je en vie ? Kif-kif... Mon cher fantôme, ton humour n’a d’égal Que l’ironie du peuple ovationnant Ma dépouille aux cris : « Vive Hamlet, le roi ! »

Est-ce toi, père, qu’ils ont acclamé ?...

Moi, qui croyais trépasser pour ton bien, Pour que tu n’aies plus affaire sur terre ! Nous voilà tout d’un coup changés de rôle... Ah, depuis les rives de mon néant J’en aurai vu... Parie, mon bon papa,

Que ne fais-tu pas sisitte en compagnie Des bienheureux ? N’ai-je donc pas conquis ton salut

Au prix du mien, du Denmark, orphelin ! Denmark, orphelin ? Non pas, si tu vis, Hamlet, mais, non plus encore régenté, Tant que, de ton vieux père l’âme en peine N’aura pas vendu le fin mot du conte. Questionne-le, il y va du Denmark.

Fortinbras

Hamlet

Le spectre Horatio Fortinbras Hamlet

Fortinbras

(l’ayant aperçu)

Toi, Fortinbras ! le fils même du roi Que le Spectre ici « absent » fit jadis Si brillamment passer dans l’autre monde, Par contrat et bon droit, selon les us ?

(se met à trembler)

(à part)    Ah, cette odeur

Regarde-le, il tremble.

Pour son pays Fortinbras, livré qu’il est à ton arbitraire. Non, Hamlet ; un spectre s’il vacille,

C’est par la peur du vrai. Menteur il l’est Par nature. Puisqu’il te fait accroire Que tu le vois ! Il t’en conte de belles...

Sur son irrepos, sur le crime des autres, L’injustice subie ; te rend comptable De sa disgrâce et tu finis par croire Qu’il reste pur devant l’éternité.

Sa honte est la tienne — crois-tu —. L’apprendre

Serait ta mort — crois-tu —. Or à vouloir L’ignorer, son poison manquait de peu De transformer un prince en macchabée. Coince-le sans vergogne, il doit répondre ! Mort que je suis, j’ai devant moi un Spectre, Un vif Fortinbras qui me dit vivant,

Hamlet

Voire héritier du trône de mon père... Doit-on passer par ces plaisanteries,

Avant de franchir les portes du ciel ?

Quel est ce remous qui vient agiter Mon âme défunte ? Je courais joindre Mon Ophélie dans le fleuve et songeais Aux eaux de couche où la mort vint trouver

Sa mère. Une étrange idée me prend :

Elle et moi, notre destin se confond :

Ma naissance aussi fut la mort d’un autre... De l’homme, donc, qui t’aurait engendré ? Si l’ancien Fortinbras avait été L’époux de feu ma mère. Un fossoyeur Affirme que je suis né le jour même Où Hamlet le défit. Elle est absurde Ton idée, c’est père qui aurait dû Y laisser les dents pour naître orphelin : Moi, comme la fille de Polonius.

Fortinbras

Hamlet

Horatio

Fortinbras

Hamlet

Fortinbras

Le spectre Fortinbras Hamlet

Le spectre

Oui, du Chambellan qu’Hamlet embrocha. Jadis prisonnier et faiseur de drogues Chez ton père. Il l’affranchit. Et l’ingrat Alla là-dessus vendre à l’adversaire Son fameux breuvage parégorique,

Assurant au héros vaillance et ruse,

Et la sûre victoire.

Ta destinée Fut deux fois marquée du nom du Pologne ! Avec les herbes folles de son père Ophélie tressa couronne pour rire,

Alla se coucher sur le lit des eaux,

Qui lui avaient donné la vie, à elle,

Et la mort à sa mère. Que j’y coure...

Mon amoureuse, dans les eaux, rejoindre ! Oui ! dans les eaux de couches de Gertrude ! Ta naissance l’aurait-elle rendue Veuve de quelque époux selon le cœur ? Halte-là ! plutôt l’éternel brasier Que pareille honte !

On va te sauver

Aimable Spectre.

Un époux de cœur, Dis-tu ? Serait-ce donc ton père lui-même ? Quelque fois, la reine, en posant sur moi Un regard plein de rêves, tendrement,

Me nommait : son « Orphélius »,

C’était donc vrai... Pour elle...

(en se tassant)

Puisqu’il faut tout dire, je dirai tout.

C’était bien vrai, Hamlet, hélas, hélas !

En désespoir de cause j’acceptai Le défi de mon rival. Sa haute adresse Me laissait bien peu de chances. Ma vie Ne valait pas cher ; mais si je vainquais, Sacrifice et témérité allaient Ramener pour sûr le coeur de ta mère.

J’ai gagné. Or, au lieu de célébrer Le héros, Gertrude lançait des ceils De haine et foudroyait de son mépris L’ « assassin » de l’homme bien-aimé. Est-ce Péché de l’emporter en un combat Égal ? Avoir tué d’un coup d’épée Le plus grand bretteur du Nord, j’en étais Ébahi moi-même. Dieu de mon côté Dans la lutte, il y serait dans l’amour.

Mais l’amour est plus fort que Dieu lui-même !

Et plus jamais je n’eus le cœur ni même Le corps de Gertrude. Elle mettait tout Dans l’enfant, eût-il hérité de l’âme Du héros défunt. Ma vie depuis lors Se laissait partager entre ma charge Et le désert. Trente longues années... Hamlet (mélodramatique)

Ô mon père, que tu devais souffrir De par mon être. Que j’avais souffert Moi-même par les élans incongrus De celle que ses chimères malsaines Rendaient aveugle à ta haute valeur. Fortinbras A ton gré, Hamlet, reste dupe encore

Un temps. Tes nobles sentiments t’honorent. Mais quant à Toi, Spectre, si tu n’avais Plus à mentir, tu ne serais plus là Qu’il importe aux spectres ce qu’on dit d’eux ! Or, comme ils n’ont pouvoir de nous atteindre Que par le poison sournois de leurs dires, Car ils n’ont nulle réalité autre Que leur fallace, aussi suffira-t-il De les contredire — en sûre parade A leur venin. Voyons un peu le revers de ses contes :

L’histoire commença par un pari,

Sur un pari elle faillit se clore...

Des deux duels, à trente ans d’intervalle,

Le dernier doit contenir le premier : Hamlet était fort, mais Laërte vainqueur... Je n’y suis pour rien...

Le spectre Fortinbras

Hamlet

Fortinbras

N’interromps pas le cours de mon idée ! Pour allonger sa pique de poison Un ressouvenir l’aurait inspiré...

(avec véhémence et .l’accent du Spectre)

Assez Fortinbras, la piste est mauvaise !

Le tout fut l’œuvre de Claude ! Lui seul Avait pu suborner le naïf Laërte En miroitant l’espoir d’en faire un prince. Eux deux ont expié : Faisons silence.

La piété filiale t’aveugle,

Très cher Hamlet. Si poison il y eut,

Et à quelque occurrence que ce fût,

C’est Polonius qui l’avait concocté.

A quoi tenait la renommée de Laërte Digne d’un Fortinbras, sinon au philtre Extrait dans la cuisine de son père Et séché sur la pointe de l’épée ?

Or, cette idée de pari, par pur jeu,

Je l’accorde, vient de ton oncle Claude,

A l’instar du pari qui fut fatal jadis A mon cher père. Telle est l’apparence. Mais l’idée de combiner le combat Avec le poison, et ce moyen juste Non pas un autre, ne lui fut-il pas Suggérée...

Assez Fortinbras, ton esprit délire Et ta mauvaise foi crève les yeux !

Le spectre

Fortinbras

Hamlet

Fortinbras

Assez suggérer, assez insinuer...

Le trône danois revient à mon fils Hamlet, mon seul héritier légitime.

Vieux menteur ! Sais-tu, cher Hamlet, pourquoi

Il prétend être ici ? Par son urgent Souci de m’exciter contre son propre Fils, indigne à ce qu’il dit de la couronne ! Que dois-je entendre Fortinbras ? Vraiment ? Horatio m’est témoin. Sachant Hamlet

Ressuscité, il accourt dare-dare,

Malgré l’heure indue pour un spectre afin D’écarter son fils de la succession.

Je n’y puis croire ! Cette apparition Revêt les traits de mon père, mais non Sa vaillance et sa droiture...

Hamlet

Fortinbras

Pourtant

Qui donc sinon lui, lorsque tu te dresses Sur l’estrade et que le peuple t’acclame :

« Vive le roi Hamlet », te souffle-t-il L’absurde cri : « Laissez-moi, je suis mort ! » Et non : « Vive Denmark », comme il convient ?

Hamlet, tu veux ignorer que ton père Te hait, car ton âme est pure. Elle veille Que le poison des aînés ne t’atteigne.

Ils ont beau comploter, s’entre-tuer,

Ta candeur s’allie au raffinement De l’intellect et te laisse yeux fermés Quant à l’original de ton modèle De pureté. Non, ce n’est pas ton père, Hamlet, mais celui que Gertrude aimait, Héros d’autant plus pur que déjà mort, Vertu d’autant plus sûre que sa gloire Rayonne au travers des yeux d’une femme. Quant à Claude qu’à tort ton père appelle Un porc incestueux — de fait c’est toi Qu’il vise — Claude, dis-je, n’a rien fait Que redresser la balance, en versant,

Son poison à lui, dans l’autre plateau.

Tu oses insulter les morts ! Parle clair ! Pas un mot de plus !... Hamlet ! ! !

Hamlet Le spectre

Fortinbras

Le spectre Horatio

Hamlet ! ! ! Fils ! Provoque-le en duel !

Ton père t’en conjure !

Et surtout n’oublie pas, d’oindre l’épée Du fils, de quelques gouttes d’Hébénon... (vacille)

(à part)

Hah ! Cette odeur, je la remets : caillé Par le poison, le sang de Fortinbras Sur l’épée d’Hamlet, fleurait cette peste... Voici trente ans...

Vois-tu, Hamlet, il veut encore des morts. Fausseté coincée devient assassine,

Tant elle a horreur que vérité se sache.

Fortinbras

Hamlet

Fortinbras

Hamlet

Fortinbras

Bah, quelle vérité ? — en est-il du tout ? Celle que dans ton cœur tu portes. Le Spectre

Vient hanter pour induire les témoins A charge dans des quiproquos fatals...

Le ferait-il au prix de son salut ?

Aux feux de l’Enfer il cuirait, plutôt Que de perdre la face... Ce qui le sauve.

Il n’est que faible et lâche mais il tient A l’honneur. Sais-tu comment il est mort ? De par l’excès de son honnêteté...

Faible et lâche, oui ! Mais non pas scélérat. Quand Claude vint lui souffler à l’oreille Qu’il connaissait le secret de la Perle, Emblème d’Union de nos territoires,

Qu’il savait par quelle arme détestable Fut extorqué sa victoire de lâche,

Quand il s’entendit souffler à l’oreille Ce que le complice avait à celer,

Et à sceller de silence à jamais,

Dès que son oreille fut violée Par le viol de son secret, il en eut Le sang glacé et tomba foudroyé De son propre poison. Mourir de honte C’est expier son forfait... Je subsume Tout, jusqu’à son dernier cri : « maudit soit

Le Pologne, le traître... »

Hah, le père d’Ophélie...

Hamlet

Fortinbras

Hamlet

Tu l’as dit.

Et l’ex-confident du vieux Fortinbras ! L’instigateur, ce fut donc le Pologne C’est lui qui induisit mon père au crime,

En lui vendant le poison, grâce auquel Le combat devint un meurtre et le meurtre Prit l’air d’un duel. Je n’ai pas eu tort De le transpercer. Eussé-je plus tôt Percé le secret, elle serait reine...

Mon Ophélie m’aurait absous d’avoir,

Sans le vouloir, fait disparaître un monstre, Fût-il son père. Elle sentait... A preuve Son dernier geste : la couronne d’herbes Vénéneuses, couronne de poison,

Claire allusion au crime du roi, soufflé Par son père. Sa folie le dénonce,

Et, par là, m’exauce. Fortinbras, frère, Grâce de l’avoir guéri outre-tombe Et grâce de m’avoir rendu son cœur...

Reste ce vieux fantôme à expédier Au ciel. Puisque l’enfer n’en veut pas. Maintenant que ta honte, aimable Spectre, Est connue et que chacun sait enfin Ton secret, tu peux rejoindre ta place :

Fortinbras

La compagnie des hommes vertueux. N’aurais-tu pas provoqué mon aïeul,

Tu serais peut-être aux Enfers déjà... Qu’attends-tu pour partir ?...

(ne bouge pas).

Le spectre Horatio

Dans l’esprit de Monseigneur s’est glissé Une erreur, ce qui le fait demeurer.

J’atteste en sa faveur que le défi Était venu du Nord et non de lui ;

Et comme la force de l’adversaire Était notoire, l’honneur et l’orgueil Prohibaient la dérobade au combat,

11 le prit pour chantage de pirate.

Le Norge faisait mine de risquer

Tout son royaume, alors que pour Hamlet

L’équivalent faisait une province.

De la part d’un roi c’est légèreté.

Fortinbras

Hamlet

Fortinbras

Hamlet

Fortinbras

Le spectre

Certes, à moins d’être sûr de l’emporter ! Qui dit si le Pologne...

Maudit Pologne... Qui dit s’il n’a pas vendu son poison...

Aux deux adversaires, chacun à part.

Sans quoi l’un aurait-il risqué un tel Défi ? L’autre l’aurait-il relevé ?

Dans ton sens j’abonde, Hamlet, mon frère. Mon père est en train de cuire aux enfers. Nous voilà quittes.

Je m’en étais

Douté. J’avais renversé ses traîneaux,

Moi ; Fortinbras l’avait fait prisonnier : Il nous a possédé, chacun son tour.

Grâce, grâce à vous de tout ! Adieu !

(Il se dissout.)

Scène 6

Fortinbras, Hamlet, Horatio.

(ironique)

Hamlet

Fortinbras

Horatio

Hamlet

Salut à la mémoire du vieux roi Qui sut vaincre à armes égales...

(attristé)

Adieu le souvenir de feu mon père...

Qu’il cuise en paix !... Vive Hamlet, le Roi !

(anxieux)

Adieu Vérité, adieu illusions !

Mes gracieux Seigneurs, je tremble pour vous !

Pour le peuple aussi. Car s’il apprenait... Ne t’avais-je assez répété, l’ami :

Vérité nous comble à se montrer nue,

Mais ne souffre point de se voir connue ! Pour le peuple il faut donc l’habiller...

Qu’à la dévêtir il jouisse son saoul !

Chacun dira, j’ai trouvé : elle est mienne ! Qu’ elle est belle dans son horreur ! Jamais, Jamais plus ça ! Or, la vérité vraie,

La Vérité abominable, absolue,

Celle dont on vient d’entrevoir la queue,

Et dont la vue nous change en souverains, Serait, pour le commun, source de mort... Vive le peuple de Denmark !

Et vive

Fortinbras

Le peuple de Norge ! Nous vêtirons La belle Dame de si aguichantes

Nudités que le nombre de naissances Va doubler dans l’année. Mais les mensonges

Du fantôme sont à percer à jour —

Le faux porte la charge de la coulpe,

Mais féconde et reste inculpe le vrai !

Il est temps d’inventer nos vérités.

Courage Horatio — nous comptons sur Toi ! J’ai l’esprit lent : il finit par saisir.

Horatio

Nos vérités sont à tirer des bourdes Du Spectre : il vendait au Norge l’Union Par haine du fils. Pourquoi ? —demandez-vous.

Les avisés le sauront : pour cacher Sa honte au peuple du bien mal acquis. D’autres,

Plus confidents, apprendront autre chose : Un complot fut fomenté par la Reine Et Claude, pour descendre le Roi traître. Les intimes s’éjouiront d’une histoire D’alcôve : Hamlet surprenant le Pologne Qui s’apprêtait à violer Gertrude Et le transperça. Les initiés,

Eux sauront... Mais, dois-je continuer... ? Fort bien, Horatio. Dis-nous seulement Que doit savoir le futur Chambellan ?

Hamlet

Horatio

Hamlet

Fortinbras

Hamlet

Ne te soucie pas, mon gracieux Seigneur ! Le futur Chambellan c’est Horatio.

Vive Horatio, le chambellan du roi !

Vive le Denmark !

Royaume d’Hamlet !

En ce jour où tous deux perdons un père, Frères dans l’infortune, scellons pacte.

Soit : les terres d’Union, partageons-les Comme la vérité sur nos parents.

De plus, pour avoir tenté guerre injuste Au Polonais, je tiens à couper court Aux effets à venir des vieux péchés,

Et rendre aux siens le corps de Polonius, Traître chez nous, héros dans son pays. Enfin, fidèle Horatio, il t’incombe, Jardinier du passé, de faire croître,

A rebours des temps, les graines du vrai Jusqu’à l’arbre, haut, tel le fond du siècle.

Fortinbras-Horatio (ensemble).

Vive Hamlet le roi !

Hamlet    Vive    le Denmark !

(On apporte les coupes.)

Tous ensemble Buvons !

Rideau.

Les personnages de la tragédie d’Hamlet dans leurs rapports les uns aux autres a la lumière de la théorie du « fantôme »

I. Hamlet et les autres personnages (parallèles)

Hamlet

1.    Fortinbras-père meurt dans un duel (apparemment) régulier le jour de sa naissance.

2.    Gertrude l’aime.

3.    Instrument et victime du Spectre du père (empoisonneur).

4.    (Orphelin d’un père de cœur aimé de Gertrude et empoisonné).

5.    Ophélie l’aime mais son amour succombe aux desseins paternels cachés.

Hamlet

6. Son lien à son père. Prétend aimer son père (empoisonneur) mais le désavoue implicitement en n’exécutant pas son « ordre ». Il tuera Claude par vengeance personnelle.

7. Père mort, oncle (empoisonneur). Mère empoisonnée au propre. Elle en meurt.

Ophélie

1.    Sa mère meurt à sa naissance (apparemment) des suites de l’accouchement. (Cela n’est pas dit, mais contenu dans le prénom.)

2.    Gertrude l’aime et pleure sa mort, ayant souhaité son mariage avec Hamlet.

3.    Instrument et victime d’un père empoisonneur.

4.    Orpheline d’une mère (probablement empoisonnée).

5.    Hamlet l’aime, mais son amour succombe aux exigences du Spectre paternel.

Laertes

6.    Son lien à son père. Prétend aimer son père empoisonneur qui ambitionne d’en faire un roi, mais au moment de mourir le désavoue en faveur d’Hamlet mourant.

7.    Mère morte, père (empoisonneur). Ophélie empoisonnée au figuré. Elle en meurt.


Hamlet

8. Le Dauphin du Denmark. g. Sympathie et estime pour Fortinbras-fils. Populaire. Partagent les mêmes idées.

10. Fils d’un père vainqueur dans un due ! (truqué par lui) et empoisonné sur le tard par son cadet. (Porteur d’un Fantôme).

11.    (Fils d’un empoisonneur [par-faiblesse)).

12.    (Père puni selon le talion mais au figuré).

13.    S’identifie à son père sur un mode mélancolique. En effet, il avait été séduit par le Fantôme, offrant le privilège de partager un secret (qui s’avérera faux).

Fortinbras

8.    Le Dauphin de Norge.

9.    Sympathie et estime pour Hamlet. Populaire. Partagent les mêmes idées.

10.    Fils d’un père vaincu dans un duel (truqué par lui) et précocement tué. (Porteur d’un Fantôme qu’il retrouve d’abord en Hamlet et qu’Hamlet retrouve en lui).

11.    (Fils d’un empoisonneur par ambition, peut-être aussi par amour).

12.    (Père puni selon le talion, mais au propre).

13.    S’identifie à un père idéal (campagne contre Denmark, puis Pologne).

II. Que représentent les autres personnages pour Hamlet (symétries)

Gertrude

Objet œdipien impossible (à cause du Fantôme [la honte du père)) qui les empoisonne elle et lui, et qu’il faudrait tuer en elle et en lui-même. Mais alors elle en mourrait elle-même, comme Hamlet pense qu’i ! en mourrait).

Ophélie

Objet d’amour, réplique narcissique de lui-même, doublement inaccessible. Quand Hamlet tue le père d’Ophélie (dont tous les Fantômes émanent) elle en devient « folle » et se tue. De plus elle est orpheline de mère dès sa naissance, d’où aussi identification narcissique. (Serait-elle une fille adultère ? Vraie ou de cœur ?).


Hamlet-Roi

Père, idéalisé (pour étayer la nescience d’Hamlet). Il le « venge » : image consciente du père. Hamlet est « le fils indigne de son père » (jusqu’à sa conversion).

POLONIUS

Père d’un double narcissique : Ophélie. Trait pour trait, l’opposé du père idéalisé, le tue. (Claude qu’il croit viser n’est que le prolongement de celui-ci et correspond à l’image inconsciente du père coupable.) Laèrtes correspond à l’image du fils idéal que Hamlet n’est pas pour le père idéalisé. Il est en même temps le fils médiocre et faux d’un « Rat ».

III. Que représentent les autres personnages par rapport à Polonius (symétries)

Laertes

L’ambition de Polonius serait d’en faire le souverain du Denmark, ce qui manque d’arriver à la suite de la mort de Polonius. Il l’éduque en prince : selon les exigences d’un Fortinbras-père, d’un Hamlet-roi.

Il serait ce que Polonius veut qu’il soit : surveillance d’allure maternelle. Mais Laërtes lui est infidèle à la dernière heure. Le secret dessein inavoué du père aura été reconnu et refusé. Il dénonce Claude.

Hamlet

Homologue de son fils, Laërtes, mais en tant qu’ennemi à éliminer. Identification narcissique cependant lorsqu’il compare la folie d’Hamlet pour Ophélie à sa propre folie de jeunesse pour une femme.

Hamlet le tue.


Ophélie Maîtrise sans désir par le père.

L’amourd’Ophéliepour Hamlet est, dans son intention même, une désobéissance. Pour elle, Polonius n’a pas le sens d’une femme. Identification narcissique d’Ophé-lie à Hamlet au moment de sa folie, que l’on peut interpréter comme une identification à Hamlet, pseudo fou. Par sa folie, à son tour, elle dénonce son père, faiseur de Fantôme.

Gertrude

Également rapport de maîtrise sans la moindre teinture du désir. (On admet que son mariage avec Claude fait partie des intrigues de Polonius.)

On peut dire qu'elle aussi a échappé à la maîtrise de Polonius en ne dénonçant pas Hamlet lorsque celui-ci l’a tué.

IV. Que représentent les autres personnages pour Gertrude (parallèles)

L’ancien Fortinbras

(Son objet interdit,

« assassiné ».)

Claude

puis (Équivalent d’un Fortinbras-ancien victorieux : il tue l’ancien Hamlet.)


Hamlet

(Le symbole de l’ancien Fortinbras.) La naissance de l’un coïncide avec la mort de l’autre.

Ophélie

Image d’elle-même soumise à l’interdit d’épouser l’ancien Fortinbras. Sa défaite à lui est la sienne propre à elle. D’où les larmes au moment du suicide d’Ophé-lie.


Si elle n’est pas nécessairement complice de la disparition, elle en est soulagée puisqu’elle se hâte d’épouser Claude.

L’ancien Hamlet    Polonius

 

Elle n’est pas affligée de son meurtre. Elle l’assimile, par identification à Ophélie, à celui de son ancien mari : les deux étaient, pour elle, de même essence.

V. Nouvelles correspondances des personnages à la lumière du VI* Acte

Les personnages de Shakespeare

1.    Ils ont tous : amis, ennemis, famille.

2.    Ils ont tous commis des erreurs fatales. D’où leur perte.

3.    Mais non celle de la « Vérité » abominable que détenait le seul Polonius. Elle lui survit.

Fortinbras l'ancien

1.    Le malin. Il n’aura jamais eu l’occasion (ni le désir) de comprendre.

2.    Victime d’une provocation (par Polonius) et devenu provocateur (en duel).

3.    Inculpe. Éhonté. Il « va aux Enfers ».

Les personnages dut VIe acte t

1. Ils recommencent la vie à zéro. Aucun n’a plus de famille.

s. Ils n’ont pas (ou pas encore) commis d’erreurs fatales.

3. Ils ont pour legs et supportent la charge de la Vérité abominable, que « l’analyse » semble d’abord chercher à dissiper et qu’elle finit par faire assumer.

Fortinbras jeune

1.    L’analyste (celui qui ne sait pas encore, mais qui est susceptible d’apprendre).

2.    « Provoque » Hamlet en évoquant le Fantôme. Perd la partie sponte sua (préférant apprendre la vérité sur son propre père).

3.    Inculpe par déception, surmontée grâce aux plaisirs d’accéder au savoir.


Hamlet Roi

1.    Le malin et demi.

2.    Répond à la provocation des armes par une ruse inavouable.

3.    Il porte sa coulpe et sa honte et les transmet à son fils que, par là, il perd. Il « va au Paradis ».

4.    Transmet le Fantôme à son fils par le canal de Gertrude.

5.    Pour sauver son fils il aurait dû tuer Gertrude, comme l’a fait Polonius avec sa femme, à la naissance d’Ophélie : Ainsi le Fantôme n'aurait pas pu être transmis.

Polonius

1.    Détient seul la Vérité abominable dont il est l’unique agent.

2.    Il ne partage ses desseins avec personne. Il est foncièrement inculpe, par suite de son idéal établir Laèrtes, Roi de l’Union.

3.    Son au-delà est la « Vérité abominable » qui tombe sur le bras des survivants et qui les transforme. Son erreur : d’avoir voulu utiliser Gertrude en raison de sa qualité de reine, alors qu’il aurait dû la faire disparaître avant qu’elle ne transmette le Fantôme à Hamlet.

Hamlet

i. D’abord le patient qui ne veut pas savoir.

s. Incapable de répondre à l’offre de Fortinbras d’accepter la royauté, avant sa conversion.

3. Inculpe à la fin, par suite de la dissipation du Fantôme (la coulpe de son père) : libéré de sa « vertu » à fonction d’anti-fantôme.

Horatio

1. Le Candide. Par la suite partage la Vérité avec les deux autres.

3. Inculpe par vertu. Restera vertueux par rapport au Savoir suprême ; le futur conservateur ? Ou le futur Polonius ?

3. Son futur au-delà est la « Vérité abominable » dont il hérite sans l’avoir cherchée. Qu’en fera-t-il ?

1

Une première version de ce texte a paru dans Les Temps modernes (juillet 1993).

2

2.1. Hermann, « La honte comme angoisse sociale » (1929), Cahiers Confrontation, 8 (Aubier, 1982).

3

   Extrait de la préface de Maria Torok à l’ouvrage de Nicholas Rand, Le Cryptage et la vie des oeuvres : Du secret dans les textes (Aubier, 1989).

4

   Des essais de Roland Barthes, Maurice Blanchot, Nathalie Sarraute, Jean-Paul Sartre et d’autres ont été recueillis par Jacqueline Levi-Valensi, Les Critiques de notre temps et Camus (Garnier Frères, 1970).

5

   Voici l’extrait pertinent du texte de Girard. « Nos efforts pour donner un sens au geste criminel de Meursault n’aboutissent à rien. Mais Camus n’était pas de cet avis... “Tout homme qui ne pleure pas à l’enterrement de sa mère risque d’être condamné à mort.” Est-ce là un jugement a posteriori inspiré par les péripéties de l’œuvre, comme on l’a toujours supposé, ou bien est-ce un principe a priori auquel il faut soumettre les faits vaille que vaille ? [...J Camus a besoin de son “meurtre innocent” parce que son principe a priori est manifestement faux. [...] Écartons le halo d’intellectualisme qui entoure le roman et personne ne prendra plus son message au sérieux » (p. 148-149).

6

J. Derrida : Fars introduisant L ; Verbier de l’Homme aux loups de N. A. et M. T. Aubier Flammarion 1976, pp. 8-73.

7

D'Sandor Ferenczi, Thalassa, psychanalyse des origines de la vie sexuelle éd. établie, présentée et annotée par N. Abraham, Petite Bibliothèque Payot, n0 s8.

8

Jenseits des Lustfmruips, 1921 C. W. XIII. En traduction française : « Au-delà du principe du plaisir » in Essais de Psychanalyse, Payot, 1951.

 ». Traumdevtung, 1900 G. W. II-III. En traduction française : La science des rêves, P. U. F., nouvelle édition, 1950.

9

Zut Begriffsbestimmung der Introjeklxan (Complément à la définition du concept de l’introjection), Zentralblatt für Psychoanalyse, 191 »,

10

Cette résonance fut décrite - lors d’un exposé fait à Cerisy-la-Salle à l’occasion d'un colloque sur « Art et Psychanalyse » en sept. 1961 — comme fondement de I expérience esthétique (voir p. 88 et suiv.).

11

Tout au long de l'exposé, le moi « genèse » et son adjectif <1 génétique » sont entendus, non pas au sens empirique d’« évolution » ou de « développement », mais au sens transphénoménal d’engendrement symbolique, donc psychanalytique.

t. Signalons néanmoins les études de G. Koolhaas, dans la Revuta Urug. Po. a.

12

Nous avons développé cet aspect de la conceptualité psychanalytique ultérieurement sous le titre d'anasémt dans « L’écorce et le noyau » (voir pp. 203-s s6).

13

Ici on n’a pas à envisager le retour régressif du refoulé, propre au symptôme névrotique

14

C’est seulement lorsque l’affect nouveau n'a pas pu s’indéterminer de manière adéquate, c'est-à-dire ne réalise pas l’intégration du conflit, qu'on est en droit de parler de refoulement pathogène.

15

On observera en général la position privilégiée des moments s", du moins jusqu'à une certaine limite En effet, le 3 s* temps faible ne

16

Il esi remarquable de noter que la main en tant que moyen d'in-trojection de la Scène primitive figure toujours l’organe génital du sexe opposé.

17

Robert Barande, La naissance exorcisée, Paris, Denoêl, >978.

18

A moins de commettre un contresens au sujet de l’Inconscient, comme l'a fait Husserl dans Idées II, en le ramenant i l’oubli d'expériences jadis conscientes et que la méthode des associations est susceptible de lever. Hussrrliana IV, p.222-224.

19

Ce n’est pas qu’il s'agisse là d’une névrose particulière, mais bien plus d’une évolution spécifique que subit, à la suite d’une perte objectait’. une névrose déjà constituée

20

« Le mot magique de l’Homme aux loups Incorporation, Imtcric interne, cryptonymie », Revue française de Psychanalyse, 1971, n° 1 (Paru, depuis in Cryptonymie, le Verbier de l'Homme aux loups, Aubier-Flammarion, Paris, 1976 )

Karl Abraham-Sifçmund Freud, Correspondance. Gallimard, 1969. P üî

21

J'ai préféré, pour des raisons théoriques, tirer la signification de « blanc » d'un travail verbal au détriment d’une réminiscence percep-tuelle de quelque « blouse blanche ».

22

Cf. N. Abraham, Le cauchemar d'enfant de Sergueï Wolfman. Contribution à la psychanalyse du rêve et de la phobie, Études jreu-diemus, 9-10, 1975, p. S15-SS8. Cet article tente d’apporter de nouvelles précisions quant au contenu concret de sa « crypte » et à la manière dont il fait retour dans son fameux cauchemar. Il s’agit là du bref exposé fait à la Société psychanalytique de Paris, le 15 janvier 1974, en commémoration du centenaire de la naissance de S. Ferenczi (Paru in Cryptmymu, le Vrrbier de l'Homme aux loups, Aubier-Flammarion, Paris, 1976).

23

Cf N. Abraham, L'écorce et U noyau, p. 203

24

Cf. prières, sacrifices expiatoires, etc. Toutefois, la révolution chrétienne qui institue la « communion » avec Dieu lui-mème apporte à ce schéme une variante non négligeable mais dont l’évaluation tombe hors de notre propos

25

Un tel « vecteur de mort », caractère formel de tout instinct, correspondrait à l'instinct de mort freudien, du moins en tant que force déstructurante.

26

Ces quelques notes subsistent d’un séminaire de 1974-1975. Lieu : Institut de psychanalyse. Titre : « L’unité duelle et ses vicissitudes en clinique psychanalytique, dans la socialité humaine et dans les activités symbolisantes. » (Table ronde avec D. Géahchan, J. Lubt-chansky, R Major, M. Torok.)

27

Cf Cryptonymie, etc '

28

Le maternel singulier, Freud et Léonard de Vinci, paru en 1977, Paris, Aubier Montaigne. Nicolas Abraham avait eu connaissance de ce texte lors de sa rédaction.

29

Nous pourrions presque deviner les paroles muettes de cette image-fétiche (on sait que la singularité de son sourire lui est advenue — parmi d’autres effets picturaux — par la presque absence de sourcils). Ces paroles pourraient sonner ainsi : « Me voici bienheureuse (Gioconda-Catarina) puisque tu es là (Ser Pier) ; tu viens à moi avec tes poils — instrument de notre fils peintre — qui peint à merveille et c'est la fin de ma peine. »

En effet, considérons : « poils » en italien = pelo ; « pinceau » = pelo-pennello ; « à merveille )> -- a pcnneUo ; « peine » = pena En attendant de pouvoir décrypter le « Souvenir écran », notons : « plume d’oiseau » = penna ; « oiseau » = (qu’il soit vautour ou milan) uccello ; « ciel » = cielo ; « célibataire » = celibo. (Note de M.T.)

— Signalons, dans ce cadre de clinique fictive, l’échange de vues au cours de ce séminaire entre Nicolas Abraham et Alain de Mijolla, au sujet du « cas » du poète Rimbaud. A. de Mijolla, auteur de l’article « la Désertion du capitaine Rimbaud » décrit l’identification du poète à son père, absent de sa vie d’enfant. Il fait également allusion à la nécessité d’examiner la filiation maternelle à l’endroit, précisément, où Nicolas Abraham voyait se profiler la « fantomologie » du poète. (Revue Française de Psychanalyse, t. 39, nc 3, mai-juin 1975.) (Note de M T )

30

   Cf « Histoire de peur... » : le « doigt » du petit Hans qu’il n'a pas à « y mettre » (sur son sexe), selon la parole ae la mère, qui qualifie ce geste de « cochonnerie » Comme elle ne dit pas : « main », mais « doigt », l’enfant Hans peut comprendre aisément qu’il s’agit en effet d’un problème masturbatoire à elle et non pas à lui, Hans

Voir aussi à ce sujet le « Ferd-ikt » de Barbro Syiwan, in Études fieu* diennes, 1978 L’auteur pénètre encore plus loin dans l’histoire fantomatique de cette phobie : « N'y mets pas le doigt, car c’est « cochonnerie » Puisque par le geste même de toucher tu risques de réveiller la cochonnerie qui doit dormir en toi et en moi, à savoir, que ce geste te ferait toucher du doigt ce que Freud s’interdit de toucher. » (Notes de M T.)

31

Nous avons décrit le fonctionnement cryptique particulier du Wolfmann, iequel, on le sait, n'a pas de descendance pouvant hériter de lui un fantôme Cependant il serait intéressant d’étudier la hantise

— provoquée par sa crypte non décelée — dans son « analyste-enfant », Freud En effet, n’est-ce pas une bizarrerie du type fantomatique remarquable que celle constituée par la construction de Freud dans son Histoire d’une névrose infantileT

32

2. « Übcr den Gcgensinn der Urworte », G.W. VIII, p. 214

33

La métathésc (ou d’autres variations phonétiques) a la même fonction que l’homonymie

34

In Correspondance avec Freud, traduction par Lily Jumel, Paris, Gallimard, 1970, p. 401-402.

35

a. Voir à ce sujet. Notules sur le fantôme, de Nicolas Abraham (p. 436).

36

Les sursauts de peur phobiques ne se produisent-ils pas toujours avei un léger retard sur la réaction normale ? Signe sûr d’une expressivité set onde

37

Cf Nicolas Abraham, U cauchemar d’enfant de Serguei Wolfman, in Cryptonymie, U Verbier de l'Homme aux loups, Aubier-Flammarion, 1976.