Imagination, guérison, délivrance et réconfort

Les insuffisances des contes de fées modernes mettent en valeur les éléments les plus stables des contes de fées traditionnels. Pour Tolkien, ces éléments sont au nombre de quatre : l’imagination, la guérison, la délivrance et le réconfort... Guérison d’un profond désespoir, délivrance d’un grand danger et, par-dessus tout, le réconfort. Parlant du dénouement heureux, Tolkien souligne que, pour être complets, tous les contes de fées doivent en avoir un. « Les choses prennent soudain une tournure joyeuse... Quelque fantastique et terrible qu’ait pu être l’aventure, l’auditeur, qu’il soit enfant ou adulte, retient son souffle quand vient ce virage, son cœur se met à battre, est soulevé, et il n’est pas loin des larmes45. »

Combien il est facile de comprendre, alors, que les enfants, lorsqu’on leur demande les contes de fées qu’ils préfèrent, citent rarement des contes modernes46. La plupart de ces histoires ont une fin triste qui n’apporte pas la délivrance ni le réconfort que les événements terrifiants du conte de fées rendent nécessaires et qui donnent à l’enfant la force d’affronter les hasards de la vie. En l’absence de ces conclusions encourageantes, l’enfant, après avoir écouté l’histoire, a l’impression qu’il n’a aucune chance d’échapper aux tragédies de sa vie.

Dans le conte de fées traditionnel, le héros est récompensé et le méchant subit un sort bien mérité, ce qui satisfait l’enfant, qui a profondément besoin de voir triompher la justice. Autrement, comment l’enfant, qui se sent si souvent traité de façon inique, pourrait-il espérer qu’on lui fera justice ? Et comment pourrait-il se convaincre qu’il doit agir correctement, alors qu’il est si fortement tenté de céder aux tendances asociales de ses désirs ? Chesterton raconte que des enfants avec qui il avait vu « L’Oiseau bleu » de Maeterlinck étaient insatis

faits « parce que la pièce ne se terminait pas par un « jugement dernier » et qu’elle laissait le héros et l’héroïne ignorants de la fidélité du chien et de l’infidélité du chat. Car les enfants sont innocents et aiment la justice, tandis que nous sommes pour la plupart méchants et que nous estimons qu’il est tout naturel de pardonner47 ».

On peut, à juste titre, se demander si Chesterton a raison de croire à l’innocence des enfants, mais il ne se trompe certainement pas quand il estime que le pardon du méchant, si apprécié de l’esprit mûr, déconcerte l’enfant. En outre, le réconfort exige que justice soit faite (ou que la pitié s’exerce, dans le cas de l’adulte) et il en est le résultat direct.

L’enfant trouve normal que le méchant subisse le sort qu’il réservait lui-même au héros, comme la sorcière de « Jeannot et Margot », qui est poussée dans le four où elle voulait rôtir les enfants, ou comme l’usurpatrice de « La Gardeuse d’oies » qui prononce son propre châtiment et qui finit par le subir. Le réconfort exige que l’ordre normal des choses soit rétabli ; il faut donc que le méchant soit puni, autrement dit, qu’il soit éliminé du monde du héros, et que plus rien n’empêche ce dernier de vivre heureux jusqu'à la fin de ses jours.

On pourrait ajouter un élément de plus à l’énumération de Tolkien : pour qu’il y ait conte de fées, il faut, je pense, qu’il y ait menace ; une menace dirigée contre l’existence physique du héros, ou contre son existence morale (l’avilissement de la gardeuse d’oies est considéré comme tel par l’enfant).

Si on y réfléchit, il est étonnant de constater avec quelle facilité le héros de conte de fées accepte d’être menacé. Il subit son sort, c’est tout. La fée en colère de « La Belle au bois dormant » jette un mauvais sort et rien ne peut l’empêcher de se réaliser, du moins jusqu’à un certain point. Blanche-Neige ne se demande pas pourquoi la reine la poursuit de sa jalousie mortelle, les nains ne se le demandent pas non plus, bien qu'ils conseillent à Blanche-Neige d'éviter la reine. Personne ne s'inquiète de savoir pourquoi la sorcière de « Raiponce » veut arracher l’enfant à ses parents ; tel est le sort de Raiponce, c’est tout... Les rares exceptions concernent la belle-mère qui veut favoriser ses propres enfants aux dépens de l’héroïne, comme dans « Cendrillon », mais on ne nous dit pas pour autant pourquoi le père de Cendrillon laisse faire la marâtre.

De toute façon, dès que l’histoire commence, le héros est précipité dans de graves dangers. Et c'est ainsi que l'enfant voit la vie, même si, en apparence, il vit dans des conditions tout à fait favorables. Il semble que pour l’enfant l’existence soit une série de périodes sereines, brusquement interrompues, et d’une façon incompréhensible, quand il se trouve projeté dans une situation très dangereuse. Il s’est senti en sécurité, sans l’ombre d’une inquiétude, et, en un instant, tout est changé, et le monde, si amical, devient un cauchemar hérissé de périls. C’est ce qui se produit quand l’un des parents, jusque-là tout amour, émet des exigences qui paraissent déraisonnables et des menaces terrifiantes. L’enfant est convaincu qu’il n’y a rien de raisonnable à l’origine de ces choses. Il constate simplement qu’elles existent. C’est la conséquence d’un destin inexorable. L’enfant n’a alors que deux solutions : ou bien il s’abandonne au désespoir (et c’est exactement ce que font certains héros de contes de fées, ils pleurent jusqu’au moment où un ami magique survient pour leur dire ce qu’ils doivent faire pour lutter contre la menace) ; ou bien, comme Blanche-Neige, il essaye d’échapper à son horrible destin par la fuite, « la malheureuse fillette était désespérément seule dans la vaste forêt et tellement apeurée... qu’elle ne savait que faire et que devenir. Elle commença à courir, s’écorchant aux épines et sur les pierres pointues ».

Il n’est pas dans la vie de plus grande menace que d’être abandonné, de rester seul au monde. La psychanalyse a appelé cette grande peur de l’homme « l’angoisse de séparation » ; et plus nous sommes jeunes, plus atroce est notre angoisse quand nous nous sentons abandonnés, car le jeune enfant risque vraiment de perdre la vie lorsqu’il n’est pas convenablement protégé et soigné. Notre plus grand réconfort est donc de savoir que nous ne serons jamais abandonnés. Dans un cycle de contes de fées turcs, le héros se trouve sans cesse plongé dans les pires situations, mais il réussit à s’échapper ou à surmonter le danger dés qu’il s’est fait un ami. Par exemple, dans le plus connu de ces contes, le héros, Iskander, s’attire l’inimitié de sa mère qui oblige le père à mettre l’enfant dans un petit coffre et à l’abandonner sur la mer. Iskander est sauvé par un oiseau vert qui le tire par la suite d’innombrables périls, de plus en plus redoutables. Chaque fois, l’oiseau affirme à Iskander : « Sache que tu ne seras jamais abandonné48. » Puis vient l’ultime réconfort que l’on trouve dans l’immense majorité des contes de fées : « Et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps. »

Ce bonheur parfait peut être interprété de deux façons. Par exemple, l’union permanente d’un prince et d’une princesse symbolise l’intégration des aspects disparates de la personnalité — en psychanalyse, le ça, le moi et le surmoi — et symbolise également l’accession à une harmonie des tendances jusqu’alors discordantes des principes masculin et féminin, comme je l’ai déjà dit à propos de la conclusion de « Cendrillon ».

Sur le plan moral, cette union symbolise, par l’élimination et le châtiment du méchant, l’unité morale et, en même temps, elle signifie que l’angoisse de séparation est à jamais sublimée quand on a trouvé le partenaire idéal avec lequel on peut établir les relations personnelles les plus satisfaisantes. Les formes apparentes peuvent varier selon le conte de fées lui-même, selon les problèmes psychologiques et le niveau de développement auxquels il s’adresse, mais la signification profonde est toujours la même.

Par exemple, dans « Frérot et Sœurette », pendant la plus grande partie de l’histoire, les deux héros ne se séparent pas. Ils représentent les aspects animal et spirituel de notre personnalité qui, pour que l’homme soit heureux, doivent se scinder tout en étant intégrés. La plus grande menace survient quand Sœurette, après avoir épousé son roi, donne le jour à un enfant et est alors remplacée par une usurpatrice. Sa délivrance est ainsi racontée : « Le roi ne put se contenir ; il s’élança vers elle et lui dit : « Tu ne peux être que ma femme chérie, » et pas une autre. » À quoi elle répondit : « Oui, je suis ta femme ché- » rie », en retrouvant au même instant, par la grâce de Dieu, la vie et la jeunesse, et ses couleurs et sa santé. » L’ultime réconfort doit attendre que le mal soit puni : « La sorcière... fut mise au bûcher et périt dans les flammes très misérablement. Mais lorsqu’elle eut été complètement brûlée et fut réduite en cendres, le jeune faon fut aussitôt métamorphosé et retrouva sa forme humaine. Et ce fut ainsi que Sœurette et Frérot vécurent désormais et furent heureux ensemble jusqu’à la fin de leurs jours. » Ainsi, la happy end, le réconfort final se résume à l’intégration de la personnalité et à l’établissement d’une relation permanente.

Apparemment, les choses sont différentes dans « Jeannot et Margot ». Les deux enfants atteignent leur plus haute humanité dès que la sorcière périt dans les flammes, ce qui est symbolisé par les trésors qui leur reviennent. Mais comme ils n’ont attteint ni l’un ni l’autre l’âge nubile, l’établissement des relations humaines qui banniront à jamais l’angoisse de séparation est symbolisé non pas par leur mariage, mais par leur retour joyeux à la maison de leur père où l’autre personnage méchant, la mère, a cessé de vivre. Et le conte se termine ainsi : « De leurs soucis, dès lors, ils ne surent plus rien ; et ils vécurent ensemble en perpétuelle joie. »

Comparées à ce que ces dénouements réconfortants et justes nous disent du développement du héros, les souffrances de ce dernier, dans de nombreux contes modernes, tout en étant profondément émouvantes, semblent beaucoup moins justifiées parce qu’elles ne conduisent pas à la forme ultime de l’expérience humaine. (Aussi naïf que cela puisse paraître, le prince et la princesse, en se mariant et en héritant du royaume qu’ils gouvernent dans la paix et dans le bonheur, représentent pour l’enfant la plus haute forme possible d’existence, parce que c’est exactement ce qu’il désire pour lui-même : gouverner son royaume

— sa propre vie — avec succès, pacifiquement, et être uni dans le bonheur avec le partenaire le plus désirable et qui ne l’abandonnera jamais.)

Il est certain que, dans la réalité, on ne réussit pas toujours à connaître la délivrance et le réconfort ; mais cela n’encourage guère l’enfant à affronter la vie avec la fermeté qui lui permettrait d’accepter l’idée qu’en passant par de dures épreuves il peut finir par vivre sur un plan supérieur. Le réconfort est le plus grand service que le conte de fées puisse rendre à l’enfant : la certitude que, malgré toutes ses tribulations (comme la menace de l’abandon des parents dans « Jeannot et Margot », la jalousie de la mère, dans « Blanche-Neige », ou des sœurs, dans « Cendrillon » ; la colère dévastatrice du géant dans « Jack et la perche à haricots », la méchanceté des puissances mauvaises dans « La Belle au bois dormant »), non seulement il réussira, mais qu’il sera débarrassé des puissances malveillantes et qu’elles ne reviendront plus jamais menacer la paix de son esprit.

Les contes de fées enjolivés et expurgés sont à juste titre rejetés par l’enfant s’il les a entendus dans leur forme originale. Il estime anormal que les méchantes sœurs de Cendrillon sortent indemnes de l’histoire et à plus forte raison que leur rang soit élevé par Cendrillon. L’enfant n’est pas favorablement impressionné par une telle magnanimité ; et ses parents ne lui apprendront pas le pardon en expurgeant le conte de telle sorte que les bons et les méchants soient également récompensés. L’enfant sait très bien ce qu’il a envie d’entendre. Un adulte, désireux de ne pas troubler l’esprit d’un enfant de sept ans à qui il racontait « Blanche-Neige », conclut l’histoire sur le mariage de l’héroïne. L’enfant, qui connaissait le conte par cœur, lui demanda aussitôt : « Et les souliers de fer rouge qui ont tué la vilaine reine ? »

L’enfant sent très bien que pour que tout aille bien dans son monde et qu’il s’y trouve en sécurité, il faut que les méchants soient punis à la fin de l’histoire.

Cela ne signifie pas que le conte de fées ne tienne pas compte de l’immense différence qui existe entre le mal en tant que tel et les conséquences déplorables d’un comportement égoïste. C’est ce qu’illustre parfaitement « Raiponce ». Bien que la sorcière finisse par contraindre Raiponce à vivre dans un désert « où elle l’abandonne à une existence misérable et pleine de détresse », elle n’est pas punie pour son méfait. Cette absence de châtiment découle clairement des péripéties de l’histoire. La raiponce, dont l’héroïne porte le nom (Rapunzel dans le conte des frères Grimm) est une plante des pays européens que l’on mange en salade. Ce nom est la clé qui permet de comprendre ce qui se passe. La mère de Raiponce, alors qu’elle était enceinte, fut prise d’une immense envie de manger la raiponce qui poussait dans le jardin clos de la sorcière. Elle persuada son mari de pénétrer dans le jardin défendu et de lui rapporter de la raiponce. Le jour où il le fait pour la seconde fois, il est surpris par la sorcière qui menace de le punir pour son larcin. Il plaide sa cause : sa femme est enceinte et a un désir incontrôlable de raiponce. La sorcière, émue par sa plaidoirie, lui permet de prendre autant de raiponce qu’il le veut, mais à une condition : « C’est que tu me donnes l’enfant que ta femme va mettre au monde. Tout ira bien pour lui et j’en prendrai soin comme une mère. » Le père accepte ces conditions. Ainsi, la sorcière obtient le droit de s’occuper de Raiponce,' d’abord parce que les parents de la petite fille ont violé le domaine interdit, ensuite parce qu’ils ont consenti à lui abandonner leur fille. Tout se passe donc comme si la sorcière désirait l’enfant plus que ne le faisaient les parents.

Tout se passe bien jusqu’au moment où Raiponce a douze ans, c’est-à-dire, si on comprend bien l’histoire, l’âge où elle atteint sa maturité sexuelle. À partir de là, sa mère adoptive craint de la voir partir. Par égoïsme, à vrai dire, la sorcière essaye de retenir Raiponce à tout prix et l’enferme dans une chambre inaccessible, au haut d’une tour. Bien que la sorcière agisse mal en privant Raiponce de liberté, son désir intense de la garder n’apparaît pas comme un crime grave aux yeux des enfants qui ne demandent qu’une chose : ne pas quitter leurs parents.

La sorcière visite Raiponce dans sa tour en grimpant le long de ses tresses, ces tresses qui, plus tard, permettront à la jeune fille d’établir des relations avec le prince. C’est ainsi qu’est symbolisé le transfert des relations établies avec les parents aux relations avec l’amant. Raiponce doit savoir à quel point elle est importante pour la sorcière qui s’est substituée à ses parents, car, dans cette histoire, intervient l’un des rares lapsus « freudiens » qu’on puisse trouver dans les contes de fées : se sentant de toute évidence coupable à propos de ses rendez-vous clandestins avec le prince, Raiponce dévoile son secret en demandant à la sorcière qui ne se doute de rien : « Dites-moi, mère-marraine, comment se fait-il que vous soyez si lourde à monter, alors que le fils du roi, lui, est en haut en un clin d’œil ? »

Même l’enfant sait que rien ne met plus en colère que l’amour trahi, et Raiponce, tout en pensant à son prince, sait très bien que la sorcière l’aime. Bien qu’un amour égoïste, comme celui de la sorcière, soit une erreur, et bien qu’il soit voué à l’échec, Raiponce comprend très bien que quand on aime exclusivement quelqu’un, on ne peut pas tolérer que cette personne s'attache à un tiers. Cet amour fou et égoïste est erroné, mais il n’est pas mauvais en soi. La sorcière ne tue pas le prince ; elle se contente de ricaner lorsqu’il se trouve privé de Raiponce, comme elle l’est elle-même. Le prince est le propre auteur de sa tragédie : désespéré de constater que Raiponce a disparu, il saute du haut de la tour et tombe dans des épines qui lui crèvent les yeux. La sorcière, ayant agi inconsidérément et égoïstement, a perdu Raiponce, mais comme elle a été poussée par l’amour et non par la méchanceté, aucun mal ne retombera sur elle.

J’ai dit plus haut combien il est réconfortant pour l’enfant de s’entendre dire, d’une manière symbolique, qu’il possède dans son propre corps le moyen d’obtenir ce qu’il désire — comme Raiponce qui prête ses cheveux au prince pour qu’il puisse la rejoindre. Le dénouement heureux du conte est également amené par le corps de Raiponce : ce sont ses larmes qui guérissent les yeux de son amant, après quoi ils regagnent leur royaume.

« Raiponce », comme de nombreux autres contes, illustre donc les quatre caractéristiques que j’ai citées plus haut. Tandis que l’histoire se développe, chaque fait est équilibré par un autre avec une rigueur éthique toute géométrique : la raiponce (l’héroïne) qui a été volée revient à son origine ; l’égoïsme de la mère, qui oblige son mari à s’emparer illégalement de la raiponce, est équilibré par l’égoïsme de la sorcière qui veut Raiponce pour elle seule. L'élément fantastique intervient dans le réconfort final : le pouvoir du corps est exagéré par l’imagination et nous avons les longues tresses qui permettent de grimper au sommet de la tour, et les larmes qui guérissent les yeux frappés de cécité. Mais notre propre corps n’est-il pas notre source la plus sûre de guérison ?

Le prince, comme Raiponce, agit d’une façon immature ; il espionne la sorcière et escalade furtivement la tour derrière son dos au lieu de lui annoncer franchement son amour pour Raiponce. Et celle-ci triche également en ne racontant pas à la sorcière ce qu’elle fait, mis à part le lapsus révélateur. C’est pourquoi la happy end n’intervient pas dès que Raiponce est enlevée de sa prison, échappant ainsi à la domination de sa mère adoptive. Raiponce et le prince doivent d’abord passer par une période d’épreuves et de tribulations ; comme la plupart des héros des contes de fées, ils doivent subir leur infortune avant d’atteindre leur maturité.

L’enfant est inconscient de ses processus internes, et c’est pourquoi ceux-ci sont extériorisés dans les contes de fées et symboliquement représentés par des actions qui signifient les luttes extérieures et intérieures. Mais une profonde concentration est également nécessaire, qui est typiquement symbolisée dans les contes par des années vides de tout événement apparent, évoquant les changements internes et silencieux. Ainsi, la fuite physique de l’enfant, loin de la domination parentale, est suivie d’une longue période de guérison qui lui permet d’atteindre la maturité.

Dans l’histoire, après avoir été exilée dans le désert, Raiponce, tout comme le prince de son côté, échappe à cette domination parentalé. Ils doivent apprendre tous les deux à être responsables d’eux-mêmes et cela, finalement, dans les pires conditions. Leur immaturité relative est indiquée par le fait qu’ils ont abandonné tout espoir : ne pas avoir confiance en l’avenir, c’est, en réalité, ne pas avoir confiance en soi. Chacun de son côté, le prince et Raiponce sont incapables de se chercher avec détermination. Le prince, nous dit-on, « erra, désormais aveugle, dans la forêt, se nourrissant de fruits sauvages et de racines, pleurant et se lamentant sans cesse sur la perte de sa femme bien-aimée ». Dans l’histoire, Raiponce, de son côté, ne faisait rien de positif ; elle aussi vit misérablement, se contentant de gémir sur son destin. Nous savons néanmoins que ce fut pour tous les deux une période de développement qu’ils utilisèrent pour guérir, pour se trouver eux-mêmes. À la fin du conte, ils sont prêts, non seulement à se porter aide, mais à vivre ensemble « pendant de longues, longues années de bonheur ».