Association
= D. : Assoziation. – En. : association. – Es. asociación. – I. : associazione. – P. : associação.
● Terme emprunté à l’associationnisme et désignant toute liaison entre deux ou plusieurs éléments psychiques dont la série constitue une chaîne associative.
Parfois le terme est employé pour désigner les éléments ainsi associés. À propos de la cure, c’est à cette dernière acception qu’on se réfère, en parlant, par exemple, des « associations de tel rêve » pour désigner ce qui, dans les propos du sujet, est en connexion associative avec ce rêve. À la limite, le terme « associations » désigne l’ensemble du matériel verbalisé au cours de la séance psychanalytique.
◼ Un commentaire exhaustif du terme association exigerait une enquête historico-critique qui retracerait la diffusion de la doctrine associationnisme en Allemagne au XIXe siècle, son influence sur la pensée du « jeune Freud » et surtout montrerait comment elle a été intégrée et transformée par la découverte freudienne des lois de l’inconscient.
Nous nous bornons aux remarques suivantes sur ce dernier point :
1. On ne peut comprendre le sens et la portée du concept d’association en psychanalyse sans se référer à l’expérience clinique où s’est dégagée la méthode des libres associations. Les Études sur l’hystérie (Studien über Hysterie, 1895) montrent comment Freud a été conduit à suivre de plus en plus ses patientes dans la voie des libres associations que celles-ci lui indiquaient. (Voir notre commentaire de « libre association ».) Du point de vue de la théorie des associations, ce qui ressort de l’expérience de Freud dans ces années de découverte de la psychanalyse peut se schématiser ainsi :
a) Une « idée qui vient » (Einfall) au sujet, apparemment de façon isolée, est toujours un élément qui renvoie en réalité, consciemment ou non, à d’autres éléments. On découvre ainsi des séries associatives que Freud désigne de différents termes figurés : ligne (Linie), fil (Faden), enchaînement (Verkettung), train (Zug), etc. Ces lignes s’enchevêtrent en de véritables réseaux, comportant des « points nodaux » (Knolenpunkle) où se recoupent plusieurs d’entre elles.
b) Les associations telles qu’elles s’enchaînent dans le discours du sujet correspondent selon Freud à une organisation complexe de la mémoire. Il a comparé celle-ci à un système d’archives ordonnées selon différents modes de classement et qu’on pourrait consulter selon différentes voies (ordre chronologique, ordre par matières, etc.) (1 a). Une telle organisation suppose que la représentation* (Vorslestellung), ou trace mnésique* (Erinnerungsspur) d’un même événement peut se retrouver dans plusieurs ensembles (ce que Freud nomme encore des « systèmes mnésiques »).
c) Cette organisation en systèmes se confirme dans l’expérience clinique : il existe de véritables « groupes psychiques séparés » (1 b), c’est-à-dire des complexes de représentations clivés du cours associatif : « Les représentations isolées contenues dans ces complexes idéatifs peuvent revenir consciemment à la pensée, comme l’a noté Breuer. Seule leur combinaison bien déterminée reste bannie de la conscience » (1 c). Freud, à la différence de Breuer, ne voit pas dans l’affect* l’explication dernière de ce fait, mais il n’en affirme pas moins l’idée d’un clivage* (Spaltung) au sein du psychisme. Le groupe d’associations séparé est à l’origine de la notion topique d’inconscient.
d) Dans un complexe associatif, la « force » d’un élément ne lui reste pas immuablement attachée. Le jeu des associations dépend de facteurs économiques : l’énergie d’investissement se déplace d’un élément à l’autre, se condense sur les points nodaux, etc. (indépendance de l’affect* par rapport à la représentation).
e) En définitive, le discours associatif n’est pas régi passivement par des lois générales comme celles qu’a définies l’associationnisme : le sujet n’est pas un « polypier d’images ». Le groupement des associations, leur isolation éventuelle, leurs « fausses connexions », leur possibilité d’accès à la conscience s’inscrivent dans la dynamique du conflit défensif propre à chacun.
2. Le Projet de psychologie scientifique (Entwurf einer Psychologie, 1895) éclaire l’usage freudien de la notion d’association et montre, d’un point de vue spéculatif, comment la découverte psychanalytique de l’inconscient vient donner un sens nouveau aux présupposés associationnistes sur lesquels Freud prend appui :
a) Le fonctionnement des associations se conçoit comme une circulation d’énergie à l’intérieur d’un « appareil neuronique » structuré de façon complexe en un étagement de bifurcations successives. Chaque excitation emprunte, à chaque carrefour, telle voie, de préférence à telle autre, en fonction des « frayages » laissés par les excitations précédentes. La notion de frayage* n’est pas à comprendre d’abord comme passage plus facile d’une image à une autre, mais comme un processus d’opposition différentielle : telle voie n’est frayée qu’en fonction du non-frayage de la voie opposée.
b) Dans les hypothèses de départ que pose Freud, il n’est pas question d’images au sens d’une empreinte psychique ou neuronique ressemblant à l’objet réel. Tout n’est d’abord que « neurone » et « quantité » (2).
On ne manquera pas de rapprocher cette conception, qui peut paraître très distante de l’expérience par son caractère mécaniste et son langage neurophysiologique, de l’opposition constante, dans la théorie psychologique de Freud, entre la représentation et le quantum d’affect*. Comme le neurone, la représentation est l’élément discret, discontinu, d’une chaîne. Comme pour lui, sa signification dépend du complexe qu’elle constitue avec d’autres éléments. Dans cette perspective, on pourrait comparer le fonctionnement de l'« appareil neuronique » à celui du langage tel que la linguistique structurale l’analyse : constitué d’unités discontinues s’ordonnant en oppositions binaires.
(1) Breuer (J.) et Freud (S.), a) Cf. G.W., I, 291 sqq. ; S.E., II, 288 sqq. ; Fr., 233 sqq. – b) Cf. p. ex. G.W., I, 92 et 289 ; S.E., II, 12 et 286 ; Fr., 9 et 231. – c) G.W., 1, 187 (note) ; S.E., II, 214-15 ; Fr., 171.
(2) Cf. Freud (S.). Ail. 379-386 ; Angl. 355-363 ; Fr., 315-321.