Cannibalique

= D. : kannibalisch. – En. : cannibalistic. – Es. : canibalistico. – I. : cannibalico. – P. : canibalesco.

● Terme employé pour qualifier des relations d’objet et des fantasmes corrélatifs de l’activité orale, par référence au cannibalisme pratiqué par certaines populations. Le terme exprime de façon imagée les différentes dimensions de l’incorporation orale : amour, destruction, conservation à l’intérieur de soi et appropriation des qualités de l’objet. On parle parfois de stade cannibalique comme équivalent du stade oral ou, plus spécialement, comme équivalent du second stade oral d’Abraham (stade sadique-oral).

◼ Bien qu’on rencontre dans l’édition de 1905 des Trois essais sur la théorie de la sexualité (Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie) une allusion au cannibalisme, c’est dans Totem et tabou (Totem und Tabu, 1912-13) que la notion trouve son premier développement. Freud souligne, dans cette pratique des « peuples primitifs », la croyance qu’elle implique : « … en ingérant des parties du corps d’une personne dans l’acte de dévoration, on s’approprie aussi les propriétés qui ont appartenu à cette personne » (1 a). La conception freudienne du « meurtre du père » et du « repas totémique » donne à cette idée une grande portée : « Un jour les frères […] se rassemblèrent, tuèrent et dévorèrent le père, mettant ainsi fin à la horde primitive […]. Dans l’acte de la dévoration ils accomplirent l’identification avec lui, chacun s’appropriant une partie de sa force » (1 b).

Quelle que soit la valeur des vues anthropologiques de Freud, le terme de cannibalique a pris dans la psychologie psychanalytique une acception précise. Dans l’édition de 1915 des Trois essais où Freud introduit l’idée d’organisation orale, le cannibalisme caractérise ce stade du développement psychosexuel. A la suite de Freud, on parle parfois de stade cannibalique pour désigner le stade oral. Lorsque K. Abraham subdivise le stade oral en deux phases, phase de succion préambivalente et phase de morsure ambivalente, c’est la seconde qu’il qualifie de cannibalique.

Le terme de cannibalique souligne certains caractères de la relation d’objet orale : union* de la libido et de l’agressivité, incorporation et appropriation de l’objet et de ses qualités. Les étroits rapports qui existent entre la relation d’objet orale et les premiers modes d’identification (voir : Identification primaire), sont impliqués par la notion même de cannibalisme.

(1) Freud (S.), a) G.W., IX, 101 ; S.E., XIII, 82 ; Fr., 115. – b) G.W., IX, 171-2 ; S.E., XIII, 141-2 ; Fr., 195-6.