Conversion
= D. : Konversion. – En. : conversion. – Es. conversión. – I. : conversione.— P. : conversão.
● Mécanisme de formation de symptômes qui est à l’œuvre dans l’hystérie et plus spécifiquement dans l’hystérie de conversion (voir ce terme).
Il consiste en une transposition d’un conflit psychique et une tentative de résolution de celui-ci dans des symptômes somatiques, moteurs (paralysies par exemple) ou sensitifs (anesthésies ou douleurs localisées par exemple).
Le terme de conversion est corrélatif pour Freud d’une conception économique : la libido détachée de la représentation refoulée est transformée en énergie d’innervation. Mais ce qui spécifie les symptômes de conversion, c’est leur signification symbolique : ils expriment, par le corps, des représentations refoulées.
◼ Le terme de conversion a été introduit par Freud en psychopathologie pour rendre compte de ce « saut du psychique dans l’innervation somatique » qu’il considérait lui-même comme difficile à concevoir (1). Cette idée, neuve à la fin du XIXe siècle, a pris, on le sait, une très grande extension, notamment avec le développement des recherches psychosomatiques. Il n’en est que plus nécessaire de délimiter, dans ce champ devenu très large, ce qui peut être plus spécifiquement rattaché à la conversion ; notons d’ailleurs qu’une telle préoccupation est déjà présente chez Freud, notamment dans la distinction entre symptômes hystériques et symptômes somatiques des névroses actuelles.
Le terme de conversion est contemporain des premières recherches de Freud sur l’hystérie : c’est dans le cas de Frau Emmy von N… des Études sur l’hystérie (Studien über Hysterie, 1895) et dans Les psychonévroses de défense (Die Abwehr-Neuropsychosen, 1894) qu’on le rencontre d’abord. Son sens premier est économique : c’est une énergie libidinale qui se transforme, se convertit en innervation somatique. La conversion est corrélative du détachement de la libido d’avec la représentation, dans le processus du refoulement ; l’énergie libidinale détachée est alors… transposée dans le corporel » (2 a).
Cette interprétation économique de la conversion est chez Freud inséparable d’une conception symbolique : dans les symptômes corporels, des représentations refoulées « parlent » (3), déformées par les mécanismes de la condensation et du déplacement. Freud note que le rapport symbolique qui lie le symptôme à la signification est tel qu’un même symptôme non seulement exprime plusieurs significations à la fois mais successivement : « Au cours des ans un symptôme peut voir changer une de ses significations ou sa signification dominante […]. La production d’un symptôme de cette sorte est si difficile, le transfert d’une excitation purement psychique dans le domaine du corps – processus que j’ai nommé conversion – dépend du concours de tant de conditions favorables, la complaisance somatique nécessaire à la conversion est si malaisément obtenue que la poussée vers la décharge de l’excitation provenant de l’inconscient conduit à se contenter si possible de la voie de décharge qui est déjà praticable » (4).
En ce qui concerne les motifs qui font que ce sont des symptômes de conversion qui se forment plutôt que d’autres – phobiques ou obsessionnels par exemple – Freud invoque d’abord une « capacité de conversion » (2 b), idée qu’il reprendra avec l’expression de « complaisance somatique »*, facteur constitutionnel ou acquis qui prédisposerait, d’une façon générale, tel sujet à la conversion ou, de façon plus spécifique, tel organe ou tel appareil, à être utilisé pour celle-ci. Aussi bien la question renvoie-t-elle à celle du « choix de la névrose »* et à celle de la spécificité des structures névrotiques.
Comment situer la conversion, du point de vue nosographique ?
1° Dans le champ de l’hystérie : elle est d’abord apparue à Freud comme un mécanisme qui serait, à des degrés divers, toujours à l’œuvre dans l’hystérie. Puis l’approfondissement de la structure hystérique a conduit Freud à rattacher à celle-ci une forme de névrose qui ne comporte pas de symptômes de conversion, essentiellement un syndrome phobique qu’il isole comme hystérie d’angoisse*, ce qui permet, en retour, de délimiter une hystérie de conversion.
Cette tendance à ne plus tenir pour coextensives hystérie et conversion se retrouve aujourd’hui lorsqu’on parle d’hystérie, de structure hystérique, sans qu’il y ait de symptômes de conversion.
2° Dans le champ plus général des névroses : on rencontre dans d’autres névroses que l’hystérie des symptômes corporels qui ont une relation symbolique avec les fantasmes inconscients du sujet (voir par exemple les troubles intestinaux de L’Homme aux loups). Faut-il alors concevoir la conversion comme un mécanisme si fondamental dans la formation des symptômes qu’on pourrait le retrouver, à divers degrés, dans différentes catégories de névroses, ou bien faut-il continuer à la tenir pour spécifique de l’hystérie et invoquer, quand on la rencontre dans d’autres affections, un « noyau hystérique », ou encore parler de « névrose mixte » ? Problème qui n’est pas verbal puisqu’il conduit à différencier les névroses du point de vue des structures et non pas seulement des symptômes.
3° Dans le champ qualifié actuellement de psychosomatique : sans prétendre trancher une discussion toujours ouverte, il semble qu’on ait aujourd’hui tendance à distinguer la conversion hystérique d’autres processus de formation de symptômes pour lesquels on avance par exemple le nom de somatisalion : le symptôme de conversion hystérique serait dans une relation symbolique plus précise avec l’histoire du sujet, serait moins isolable en une entité nosographique somatique (exemple : ulcère de l’estomac, hypertension), moins stable, etc. Si la distinction clinique peut, en bien des cas, s’imposer, la distinction théorique reste difficile à élaborer.
(1) Freud (S.). Bemerkungen über einen Fall von Zwangsneurose, 1909. G.W., VII, 382 ; S.E., X, 157 ; Fr., 200.
(2) Cf. Freud (S.). Die Abuiehr-Neuropsychosen, 1894. – a) G.W., I, 63 ; S.E., III, 49. – b) G.W., I, 65 ; S.E., III, 50.
(3) Cf. par exemple : Freud (S.). Studien über Hysterie, 1895. G.W., I, 212 ; S.E., II, 148 ; Fr., 117.
(4) Freud (S.). Bruchstück einer hysterie-Analyse, 1905. G.W., V, 213 ; S.E., VII, 53 ; Fr., 38.