Inconscient

= D. : das Unbewusste, unbewusst. – En. : unconscious. – Es. : inconsciente. – I. : inconscio. – P. : inconsciente.

● A) L’adjectif inconscient est parfois employé pour connoter l’ensemble des contenus non présents dans le champ actuel de la conscience, ceci dans un sens « descriptif » et non « topique », à savoir sans qu’une discrimination soit faite entre les contenus des systèmes préconscient et inconscient.

B) Au sens « topique », inconscient désigne un des systèmes définis par Freud dans le cadre de sa première théorie de l’appareil psychique : il est constitué de contenus refoulés qui se sont vu refuser l’accès au système préconscient-conscient* par l’action du refoulement* (refoulement originaire* et refoulement après coup*).

On peut résumer ainsi les caractères essentiels de l’inconscient comme système (ou les) :

a) Ses « contenus » sont des « représentants »* des pulsions ;

b) Ces contenus sont régis par les mécanismes spécifiques du processus primaire*, notamment la condensation* et le déplacement* ;

c) Fortement investis de l’énergie pulsionnelle, ils cherchent à faire retour dans la conscience et dans l’action (retour du refoulé*) ; mais ils ne peuvent avoir accès au système Pcs-Cs que dans des formations de compromis* après avoir été soumis aux déformations de la censure*.

d) Ce sont plus particulièrement des désirs de l’enfance qui connaissent une fixation* dans l’inconscient.

L’abréviation Ics (Ubw de l’allemand Unbewusst) désigne l’inconscient sous sa forme substantive comme système ; ics (ubw) est l’abréviation de l’adjectif inconscient (unbewusst) en tant qu’il qualifie au sens strict les contenus du dit système.

C) Dans le cadre de la deuxième topique freudienne, le terme inconscient est surtout employé sous sa forme adjective ; en effet, inconscient n’est plus le propre d’une instance particulière puisqu’il qualifie le ça et pour une part le moi et le surmoi. Mais il convient de noter :

a) Que les caractères reconnus dans la première topique au système les sont, d’une façon générale, attribués au ça dans la seconde ;

b) Que la différence entre le préconscient et l’inconscient, si elle n’est plus fondée sur une distinction intersystémique, persiste comme distinction intrasystémique (le moi et le surmoi étant en partie préconscients et en partie inconscients).

◼ S’il fallait faire tenir en un mot la découverte freudienne, ce serait incontestablement en celui d’inconscient. Aussi bien n’entendons-nous pas, dans les limites du présent ouvrage, retracer cette découverte dans ses antécédents préfreudiens, dans sa genèse et ses élaborations successives chez Freud. Nous nous bornerons, dans un souci de clarification, à souligner quelques traits essentiels que la diffusion même du terme a souvent estompés.

1° L’inconscient freudien est d’abord indissolublement une notion topique* et dynamique* qui s’est dégagée de l’expérience de la cure.

Celle-ci a montré que le psychisme n’est pas réductible au conscient et que certains « contenus » ne deviennent accessibles à la conscience qu’une fois des résistances surmontées ; elle a révélé que la vie psychique était « … tout emplie de pensées efficientes bien qu’inconscientes et que c’était de celles-ci qu’émanaient les symptômes » (1), elle a conduit à supposer l’existence de « groupes psychiques séparés » et, plus généralement, à admettre l’inconscient comme un « lieu psychique » particulier qu’il faut se représenter, non comme une seconde conscience, mais comme un système qui a des contenus, des mécanismes et peut-être une « énergie » spécifique.

2° Quels sont ces contenus ?

a) Freud, dans l’article sur L’inconscient (Das Unbewusste, 1915), les nomme « représentants de la pulsion ». En effet, la pulsion, à la limite du somatique et du psychique, est en deçà de l’opposition entre conscient et inconscient ; d’une part, elle ne peut jamais devenir objet de la conscience et, d’autre part, dans l’inconscient, elle n’est présente que par ses représentants, essentiellement le « représentant-représentation »*. Ajoutons qu’un des tout premiers modèles théoriques freudiens définit l’appareil psychique comme succession d’inscriptions (Niederschriften) de signes (2), idée qui est reprise et discutée dans les textes ultérieurs. Les représentations inconscientes sont agencées en fantasmes, scénarios imaginaires auxquels la pulsion se fixe et qu’on peut concevoir comme de véritables mises en scène du désir* (voir : Fantasme).

b) La plupart des textes freudiens antérieurs à la seconde topique assimilent l’inconscient au refoulé. Notons toutefois que cette assimilation ne va pas sans restrictions ; plus d’un texte réserve une place à des contenus non acquis par l’individu, phylogénétiques, qui constitueraient le « noyau de l’inconscient » (3 a).

Une telle idée trouve son achèvement dans la notion de fantasmes originaires* comme schèmes préindividuels qui viennent informer les expériences sexuelles infantiles du sujet (α).

c) Une autre assimilation classiquement reconnue est celle de l’inconscient à l’infantile en nous, mais là aussi une réserve s’impose. Ce ne sont pas toutes les expériences infantiles qui sont vouées, en tant qu’elles seraient naturellement vécues sur le mode de ce que la phénoménologie appelle la conscience irréfléchie, à se confondre avec l’inconscient du sujet. Pour Freud, c’est par l’action du refoulement infantile que s’opère le premier clivage entre l’inconscient et le système Pcs-Cs. L’inconscient freudien est constitué – même si le premier temps du refoulement originaire peut être considéré comme mythique ; ce n’est pas un vécu indifférencié.

3° On sait que le rêve a été pour Freud la « voie royale » de la découverte de l’inconscient. Les mécanismes (déplacement, condensation, symbolisme) dégagés sur le rêve dans L’interprétation du rêve (Die Traumdeutung, 1900) et constitutifs du processus primaire sont retrouvés dans d’autres formations de l’inconscient (actes manqués, lapsus, etc.), équivalentes aux symptômes par leur structure de compromis et leur fonction d' « accomplissement de désir »*.

Quand Freud cherche à définir l’inconscient comme système, il en résume ainsi les caractères spécifiques (3 b) : processus primaire (mobilité des investissements, caractéristique de l’énergie libre*) ; absence de négation, de doute, de degré dans la certitude ; indifférence à la réalité et régulation par le seul principe de déplaisir-plaisir (celui-ci visant à rétablir par les voies les plus courtes l’identité de perception*).

4° Freud a enfin cherché à fonder la cohésion propre du système Ics et sa distinction radicale d’avec le système Pcs par la notion économique d’une « énergie d’investissement » propre à chaque système. L’énergie inconsciente s’appliquerait à des représentations qu’elle investit ou désinvestit, le passage d’un élément d’un système à l’autre se produisant par désinvestissement de la part du premier et réinvestissement par le second.

Mais cette énergie inconsciente – et c’est une difficulté de la conception freudienne – tantôt apparaît comme une force d’attraction exercée sur les représentations et résistant à la prise de conscience (c’est le cas dans la théorie du refoulement où l’attraction par les éléments déjà refoulés vient collaborer avec la répression du système supérieur) (4), tantôt comme une force qui tend à faire émerger ses « rejetons »* à la conscience et ne serait contenue que grâce à la vigilance de la censure (3 c).

5° Les considérations topiques ne doivent pas faire perdre de vue la valeur dynamique de l’inconscient freudien que son auteur a tant de fois soulignée : on doit au contraire voir dans les distinctions topiques le moyen de rendre compte du conflit, de la répétition et des résistances.

On sait qu’à partir de 1920 la théorie freudienne de l’appareil psychique est profondément remaniée et de nouvelles distinctions topiques sont introduites, qui ne coïncident plus avec celles de l’inconscient, du préconscient et du conscient. En effet, si on retrouve dans l’instance du Ça les caractéristiques principales du système Ics, les autres instances – moi et surmoi – se voient reconnaître aussi une origine et une part inconscientes (voir : Ça ; Moi ; Surmoi ; Topique).

▲ (α) Sans que Freud ait lui-même établi une relation entre les fantasmes originaires (Urphantasien) et l’hypothèse du refoulement originaire (Urverdrängung), on ne peut manquer de noter qu’ils remplissent presque la même fonction quant à l’origine dernière de l’inconscient.

(1) Freud (S.). A note on the Unconscious in Psycho-Analysis, 1912. G.W., VIII, 433 ; S.E., XII, 262 ; Fr., 13.

(2) Cf. Freud (S.). Aus den Anfängen der Psychoanalyse, lettre à Fliess du 6-12-96. AU., 185-6 ; Angl., 173 ; Fr., 155.

(3) Cf. Freud (S.). Das Unbewusste, 1915. – a) G.W., X, 294 ; S.E., XIV, 195 ; Fr., 144. – b) G.W., X, 285-8 ; S.E., XIV, 186-9 ; Fr., 129-35. – c) G.W., X, 280 ; S.E., XIV, 181 ; Fr., 120.

(4) Cf. Freud (S.). Die Verdrängung, 1915. G.W., X, 250-1 ; S.E., XIV, 148 ; Fr., 71-2.