Chapitre III. Le carcéral

J’aurais à fixer la date où s’achève la formation du système carcéral, je ne choisirais pas 1810 et le Code pénal, ni même 1844, avec la loi qui posait le principe de l’internement cellulaire ; je ne choisirais peut-être pas 1838 où furent publiés pourtant les livres de Charles Lucas, de Moreau-Christophe et de Faucher sur la réforme des prisons. Mais le 22 janvier 1840, date de l’ouverture officielle de Mettray. Ou peut-être mieux, ce jour, d’une gloire sans calendrier, où un enfant de Mettray agonisait en disant : « Quel dommage d’avoir à quitter si tôt la colonie376. » C’était la mort du premier saint pénitentiaire. Beaucoup de bienheureux l’ont sans doute rejoint, s'il est vrai que les colons disaient couramment, pour chanter les louanges de la nouvelle politique punitive du corps : « Nous préférerions les coups, mais la cellule nous vaut mieux. »

Pourquoi Mettray ? Parce que c’est la forme disciplinaire à l’état le plus intense, le modèle où se concentrent toutes les technologies coercitives du comportement. Il y a là « du cloître, de la prison, du collège, du régiment ». Les petits groupes, fortement hiérarchisés, entre lesquels sont répartis les détenus se réfèrent simultanément à cinq modèles : celui de la famille (chaque groupe est une « famille » composée de « frères » et de deux « aînés ») ; celui de l’armée (chaque famille, commandée par un chef, est divisée en deux sections qui ont chacune un sous-chef ; chaque détenu a un numéro matricule et doit apprendre les exercices militaires de base ; une revue de propreté a lieu tous les jours, une revue d’habillement toutes les semaines ; l’appel trois fois par jour) ; celui de l’atelier, avec chefs et contremaîtres qui assurent l’encadrement du travail et l’apprentissage des plus jeunes ; celui de l’école (une heure ou une heure et demie de classe par jour ; l’enseignement est donné par l’instituteur et par les sous-chefs) ; le modèle judiciaire, enfin ; tous les jours une « distribution de justice » est faite au parloir : « La moindre désobéissance est frappée de châtiment et le meilleur moyen d’éviter de graves délits, c’est de punir très sévèrement les fautes les plus légères : un mot inutile est réprimé à Met-tray » ; la principale des punitions qu’on inflige, c’est l’emprisonnement en cellule ; car « l’isolement est le meilleur moyen d’agir sur le moral des enfants ; c’est là surtout que la voix de la religion, n’eût-elle jamais parlé à leur cœur, recouvre toute sa puissance d’émotion377 » ; toute l’institution parapénale, qui est faite pour n’être pas la prison, culmine dans la cellule sur les murs de laquelle est écrit en lettres noires : « Dieu vous voit. »

Cette superposition de modèles différents permet de circonscrire, dans ce qu’elle a de spécifique, la fonction de « dressage ». Les chefs et sous-chefs à Mettray ne doivent être tout à fait ni des juges, ni des professeurs, ni des contremaîtres, ni des sous-officiers, ni des « parents », mais un peu de tout cela et dans un mode d’intervention qui est spécifique. Ce sont en quelque sorte des techniciens du comportement : ingénieurs de la conduite, orthopédistes de l’individualité. Ils ont à fabriquer des corps à la fois dociles et capables : ils contrôlent les neuf ou dix heures de travail quotidien (artisanal ou agricole) ; ils dirigent les défilés, les exercices physiques, l’école de peloton, les levers, les couchers, les marches au clairon et au sifflet ; ils font faire la gymnastique378 ; ils vérifient la propreté, président aux bains. Dressage qui s’accompagne d’une observation permanente ; sur la conduite quotidienne des colons, un savoir est sans cesse prélevé ; on l’organise comme instrument d’appréciation perpétuelle : « À l’entrée dans la colonie, on fait subir à l’enfant une sorte d’interrogatoire pour se rendre compte de son origine, de la position de sa famille, de la faute qui l’a conduit devant les tribunaux et de tous les délits qui composent sa courte et souvent bien triste existence. Ces renseignements sont inscrits sur un tableau où l’on note successivement tout ce qui concerne chaque colon, son séjour à la colonie et son placement après qu'il en est sorti379. » Le modelage du corps donne lieu à une connaissance de l’individu, l’apprentissage des techniques induit des modes de comportement et l’acquisition d’aptitudes s’enchevêtre avec la fixation de rapports de pouvoir ; on forme de bons agriculteurs vigoureux et habiles ; dans ce travail même, pourvu qu’il soit techniquement contrôlé, on fabrique des sujets soumis, et on constitue sur eux un savoir auquel on peut se fier. Double effet de cette technique disciplinaire qui s’exerce sur les corps : une « âme » à connaître et un assujettissement à maintenir. Un résultat authentifie ce travail de dressage : en 1848, au moment où « la fièvre révolutionnaire passionnait toutes les imaginations, au moment où les écoles d’Angers, de La Flèche, d’Alfort, les collèges mêmes s’insurgèrent, les colons de Mettray ont redoublé de calme380 ».

Où Mettray est surtout exemplaire, c’est dans la spécificité qu’on y reconnaît à cette opération de dressage. Elle voisine avec d’autres formes de contrôle sur lesquelles elle prend appui : la médecine, l’éducation générale, la direction religieuse. Mais elle ne se confond absolument pas avec elles. Ni non plus avec l’administration proprement dite. Chefs ou sous-chefs de famille, moniteurs ou contremaîtres, les cadres avaient à vivre au plus près des colons ; ils portaient un costume « presqu’aussi humble » que le leur ; ils ne les quittaient pratiquement jamais, les surveillant jour et nuit ; ils constituaient parmi eux un réseau d’observation permanente. Et pour les former eux-mêmes, on avait organisé, dans la colonie, une école spécialisée. L’élément essentiel de son programme était de soumettre les cadres futurs aux mêmes apprentissages et aux mêmes coercitions que les détenus eux-mêmes : ils étaient « soumis comme élèves à la discipline qu’ils devaient comme professeurs imposer plus tard ». On leur enseignait l’art des rapports de pouvoir. Première école normale de la discipline pure : le « pénitentiaire » n’y est pas simplement un projet qui cherche sa caution dans l’« humanité » ou ses fondements dans une « science » ; mais une technique qui s’apprend, se transmet et obéit à des normes générales. La pratique qui normalise de force la conduite des indisciplinés ou des dangereux peut être à son tour, par une élaboration technique et une réflexion rationnelle, « normalisée ». La technique disciplinaire devient une « discipline » qui, elle aussi, a son école.

Il se trouve que les historiens des sciences humaines situent à cette époque l’acte de naissance de la psychologie scientifique : Weber, pour mesurer les sensations, aurait commencé à manipuler son petit compas dans les mêmes années. Ce qui se passe à Mettray (et dans les autres pays d’Europe un peu plus tôt ou un peu plus tard) est évidemment d’un tout autre ordre. C’est l’émergence ou plutôt la spécification institutionnelle et comme le baptême d’un nouveau type de contrôle

— à la fois connaissance et pouvoir — sur les individus qui résistent à la normalisation disciplinaire. Et pourtant, dans la formation et la croissance de la psychologie, l’apparition de ces professionnels de la discipline, de la normalité et de l’assujettissement, vaut bien sans doute la mesure d’un seuil différentiel. On dira que l’estimation quantitative des réponses sensorielles pouvait au moins s’autoriser des prestiges de la physiologie naissante et qu’elle mérite à ce titre de figurer dans l’histoire des connaissances. Mais les contrôles de normalité étaient, eux, fortement encadrés par une médecine ou une psychiatrie qui leur garantissaient une forme de « scientificité » ; ils étaient appuyés sur un appareil judiciaire, qui, de manière directe ou indirecte, leur apportait sa caution légale. Ainsi, à l’abri de ces deux considérables tutelles et leur servant d’ailleurs de lien, ou de lieu d’échange, une technique réfléchie du contrôle des normes s’est développée sans arrêt jusqu’aujourd’hui. Les supports institutionnels et spécifiques de ces procédés se sont multipliés depuis la petite école de Mettray ; leurs appareils ont augmenté en quantité et en surface ; leurs attaches se sont mutipliées, avec les_ hôpitaux, les écoles, les administrations publiques et les entreprises privées ; leurs agents ont proliféré en nombre, en pouvoir, en qualification technique ; les techniciens de l’indiscipline ont fait souche. Dans la normalisation du pouvoir de normalisation, dans l’aménagement d’un pouvoir-savoir sur les individus, Mettray et son école font époque.

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Mais pourquoi avoir choisi ce moment comme point d’arrivée dans la formation d’un certain art de punir, qui est encore à peu près le nôtre ? Précisément parce que ce choix est un peu « injuste ». Parce qu’il situe la « fin » du processus dans les bas-côtés du droit criminel. Parce que Mettray est une prison, mais boiteuse : prison, puisqu'on y détenait des jeunes délinquants condamnés par les tribunaux ; et pourtant un peu autre chose puisqu’on y enfermait des mineurs qui avaient été inculpés mais acquittés en vertu de l’article 66 du Code, et des pensionnaires retenus, comme au xvme siècle, au titre de la correction paternelle. Mettray, modèle punitif, est à la limite de la pénalité stricte. Elle a été la plus célèbre de toute une série d’institutions qui bien au-delà des frontières du droit criminel ont constitué ce qu’on pourrait appeler l’archipel carcéral.

Les principes généraux, les grands codes, et les législations l’avaient pourtant bien dit : pas d’emprisonnement « hors la loi », pas de détention qui ne soit décidée par une institution judiciaire qualifiée, plus de ces renfermements arbitraires et pourtant massifs. Or le principe même de l’incarcération extra-pénale ne fut dans la réalité jamais abandonné381. Et si l’appareil du grand renfermement classique fut en partie démantelé (et en partie seulement), il fut très tôt réactivé, réaménagé, développé sur certains points. Mais ce qui est plus important encore, c'est qu’il fut homogénéisé par l’intermédiaire de la prison d’une part avec les châtiments légaux, et d’autre part avec les mécanismes disciplinaires. Les frontières qui étaient déjà brouillées à l’âge classique entre l’enfermement, les châtiments judiciaires et les institutions de discipline, tendent à s’effacer pour constituer un grand continuum carcéral qui diffuse les techniques pénitentiaires jusqu’aux plus innocentes disciplines, transmettent les normes disciplinaires jusqu’au cœur du système pénal, et font peser sur le moindre illégalisme, sur la plus petite irrégularité, déviation, ou anomalie, la menace de la délinquance. Un filet carcéral subtil, dégradé, avec des institutions compactes mais aussi des procédés parcellaires et diffus, a repris en charge l’enfermement arbitraire, massif, mal intégré de l’âge classique.

Il n’est pas question ici de reconstituer tout ce tissu qui forme l’entour d’abord immédiat puis de plus en plus lointain de la prison. Qu’il suffise de donner quelques repères pour apprécier l’ampleur, et quelques dates pour mesurer la précocité.

Il y a eu les sections agricoles des maisons centrales (dont le premier exemple fut Gaillon en 1824, suivi plus tard de Fontevrault, les Douaires, le Boulard) ; il y a eu les colonies pour enfants pauvres, abandonnés et vagabonds (Petit-Bourg en 1840, Ostwald en 1842) ; il y a eu les refuges, les charités, les miséricordes destinés aux filles coupables qui « reculent devant la pensée de rentrer dans une vie de désordre », pour les « pauvres innocentes que l’immoralité de leur mère, expose à une perversité précoce », ou pour les jeunes filles pauvres qu’on trouve à la porte des hôpitaux et des garnis. Il y a eu les colonies pénitentiaires prévues par la loi de 1850 : les mineurs, acquittés, ou condamnés, devaient y être « élevés en commun sous une discipline sévère, et appliqués aux travaux de l’agriculture, ainsi qu’aux principales industries qui s’y rattachent », et plus tard viendront les y rejoindre les mineurs relégables, et « les pupilles vicieux et insoumis de l’Assistance publique1 ». Et, s’éloignant toujours davantage

1. Sur toutes ces institutions, cf. H. Gaillac, Les Maisons de correction, 1971, p. 99-107.

de la pénalité proprement dite, les cercles carcéraux s’élargissent et la forme de la prison s’atténue lentement avant de disparaître tout à fait : les institutions pour enfants abandonnés ou indigents, les orphelinats (comme Neuhof ou le Mes-nil-Firmin), les établissements pour apprentis (comme le Bethléem de Reims ou la Maison de Nancy) ; plus loin encore les usines-couvents, comme celle de La Sauvagère puis de Tarare et de Jujurieu (où les ouvrières entrent vers l’âge de treize ans, vivent enfermées pendant des années et ne sortent que sous surveillance ; ne reçoivent pas de salaire, mais des gages, modifiés par des primes de zèle et de bonne conduite, qu’elles ne touchent qu’à leur sortie). Et puis au-delà encore,

il y a eu toute une série de dispositifs qui ne reprennent pas la prison « compacte » mais utilisent quelques-uns des mécanismes carcéraux : sociétés de patronage, œuvres de moralisation, bureaux qui tout à la fois distribuent les secours et assurent la surveillance, cités et logements ouvriers — dont les formes primitives et les plus frustes portent encore de façon très lisible les marques du système pénitentiaire382. Et finalement cette grande trame carcérale rejoint tous les dispositifs disciplinaires, qui fonctionnent disséminés dans la société.

On a vu que la prison transformait, dans la justice pénale, la procédure punitive en technique pénitentiaire ; l’archipel carcéral, lui, transporte cette technique de l’institution pénale au corps social tout entier. Avec plusieurs effets importants.

1. Ce vaste dispositif établit une gradation lente, continue, imperceptible qui permet de passer comme naturellement du désordre à l’infraction et en sens inverse de la transgression de la loi à l’écart par rapport à une règle, à une moyenne, à une exigence, à une norme. À l’époque classique, malgré une certaine référence commune à la faute en général383, l’ordre de l’infraction, l’ordre du péché et celui de la mauvaise conduite demeuraient séparés dans la mesure où ils relevaient de critères et d’instances séparés (la pénitence, le tribunal, l’enfermement). L’incarcération avec ses mécanismes de surveillance et de punition fonctionne au contraire selon un principe de relative continuité. Continuité des institutions elles-mêmes qui renvoient les unes aux autres (de l’assistance à l’orphelinat, à la maison de correction, au pénitencier, au bataillon disciplinaire, à la prison ; de l’école à la société de patronage, à l’ouvroir, au refuge, au couvent pénitentiaire ; de la cité ouvrière à l’hôpital, à la prison). Continuité des critères et des mécanismes punitifs qui à partir de la simple déviation alourdissent progressivement la règle et aggravent la sanction. Gradation continue des autorités instituées, spécialisées et compétentes (dans l’ordre du savoir et dans l’ordre du pouvoir) qui, sans arbitraire, mais au terme de règlements, par voie de constat et de mesure hiérarchisent, différencient, sanctionnent, punissent, et mènent peu à peu de la sanction des écarts au châtiment des crimes. Le « carcéral » avec ses formes multiples, diffuses ou compactes, ses institutions de contrôle ou de contrainte, de surveillance discrète et de coercition insistante, assure la communication qualitative et quantitative des châtiments ; il met en série ou il dispose selon des embranchements subtils les petites et les grandes peines, les douceurs et les rigueurs, les mauvaises notes et les moindres condamnations. Tu finiras au bagne, peut dire la moindre des disciplines ; et la plus sévère des prisons dit au condamné à vie : je noterai le moindre écart de ta conduite. La généralité de la fonction punitive que le xvme siècle cherchait dans la technique « idéologique » des représentations et des signes a maintenant pour support l’extension, l’armature matérielle, complexe, dispersée, mais cohérente, des différents dispositifs carcéraux. Du fait même, un certain signifié commun circule entre la première des irrégularités et le dernier des crimes : ce n’est plus la faute, ce n’est pas non plus l’atteinte à l’intérêt commun, c’est l’écart et l’anomalie ; c’est lui qui hante l’école, le tribunal, l’asile ou la prison. Il généralise du côté du sens la fonction que le carcéral généralise du côté de la tactique. L’adversaire du souverain, puis l’ennemi social s’est transformé en un déviant, qui porte avec lui le danger multiple du désordre, du crime, de la folie. Le réseau carcéral couple, selon des relations mutiples, les deux séries, longues et multiples, du punitif et de l’anormal.

2. Le carcéral, avec ses filières, permet le recrutement des grands « délinquants ». Il organise ce qu’on pourrait appeler les « carrières disciplinaires » où, sous l’aspect des exclusions et des rejets, s’opère tout un travail d’élaboration. À l’époque classique, s’ouvrait dans les confins ou les interstices de la société le domaine confus, tolérant et dangereux du « hors-la-loi » ou du moins de ce qui échappait aux prises directes du pouvoir : espace incertain qui était pour la criminalité un lieu de formation et une région de refuge ; là se rencontraient, dans des allées et venues hasardeuses, la pauvreté, le chômage, l’innocence poursuivie, la ruse, la lutte contre les puissants, le refus des obligations et des lois, le crime organisé ; c’était l’espace de l’aventure que Gil Blas, Sheppard ou Mandrin parcouraient en détail chacun à sa manière. Le xixe siècle, par le jeu des différenciations et des embranchements disciplinaires, a construit des canaux rigoureux qui, au cœur du système, dressent la docilité et fabriquent la délinquance par les mêmes mécanismes. Il y a eu une sorte de « formation » disciplinaire, continue et contraignante, qui relève un peu du cursus pédagogique, un peu de la filière professionnelle. Des carrières s’y dessinent, aussi sûres, aussi fatales que celles de la fonction publique : patronages et sociétés de secours, placements à domicile, colonies pénitentiaires, bataillons de discipline, prisons, hôpitaux, hospices. Ces filières étaient déjà fort bien repérées au début du xixe siècle : « Nos établissements de bienfaisance présentent un ensemble admirablement coordonné au moyen duquel

1 indigent ne reste pas un moment sans secours depuis sa naissance jusqu’au tombeau. Suivez-le, l’infortuné : vous le verrez naître au milieu des enfants trouvés ; de là il passe à la crèche puis aux salles d’asile ; il en sort à six ans pour entrer à l’école primaire et plus tard aux écoles d’adultes. S’il ne Deut travailler, il est inscrit aux bureaux de bienfaisance de son arrondissement, et s’il tombe malade, il peut choisir entre

12 hôpitaux... Enfin, lorsque le pauvre de Paris atteint la fin de sa carrière, 7 hospices attendent sa vieillesse et souvent leur régime salubie a prolongé ses jours inutiles bien au-delà de ceux du riche384. »

Le réseau carcéral ne rejette pas l’inassimilable dans un enfer confus, il n a pas de dehors. Il reprend d’un côté ce qu’il semble exclure de l’autre. Il économise tout, y compris ce qu’il sanctionne. Il ne consent pas à perdre même ce qu’il a tenu à disqualifier. Dans cette société panoptique dont l’incarcération est l’armature omniprésente, le délinquant n’est pas hors la loi ; il est, et même dès le départ, dans la loi, au cœur même de la loi, ou du moins en plein milieu de ces mécanismes qui font passer insensiblement de la discipline à la loi, de la déviation à l’infraction. S’il est vrai que la prison sanctionne la délinquance, celle-ci pour l’essentiel se fabrique dans et par une incarcération que la prison en fin de compte reconduit à son tour. La prison n’est que la suite naturelle, rien de plus qu’un degré supérieur de cette hiérarchie parcourue pas à pas. Le délinquant est un produit d’institution. Inutile par conséquent de s’étonner que, dans une proportion considérable, la biographie des condamnés passe par tous ces mécanismes et établissements dont on feint de croire qu’ils étaient destinés à éviter la prison. Qu’on trouve là, si on veut, l’indice d’un « caractère » délinquant irréductible : le reclus de Mende a été soigneusement produit à partir de l’enfant correctionnaire, selon les lignes de force du système carcéral généralisé. Et inversement, le lyrisme de la marginalité peut bien s’enchanter de l’image du « horî 'a-loi », grand nomade social qui rôde aux confins de l’ordre docile et apeuré. Ce n’est pas dans les marges, et pai un effet d’exils successifs que naît la criminalité, mais grâce à des insertions de plus en plus serrées, sous des surveillances toujours plus insistantes, par un cumul des coercitions disciplinaires. En un mot, l’archipel carcéral assure, dans les profondeurs du corps social, la formation de la délinquance à partir des illégalismes ténus, le recouvrement de ceux-ci par celle-là et la mise en place d’une criminalité spécifiée.

3. Mais l’effet le plus important peut-être du système carcéral et de son extension bien au-delà de l’emprisonnement légal, c’est qu’il parvient à rendre naturel et légitime le pouvoir de punir, à abaisser du moins le seuil de tolérance à la pénalité. Il tend à effacer ce qu’il peut y avoir d’exorbitant dans l’exercice du châtiment. Et cela en faisant jouer l’un par rapport à l’autre les deux registres où il se déploie : celui, légal, de la justice, celui, extra-légal, de la discipline. En effet, la grande continuité du système carcéral de part et d’autre de la loi et de ses sentences donne une sorte de caution légale aux mécanismes disciplinaires, aux décisions et aux sanctions qu’ils mettent en œuvre. D’un bout à l’autre de ce réseau, qui comprend tant d’institutions « régionales », relativement autonomes et indépendantes, se transmet, avec la « forme-prison », le modèle de la grande justice. Les règlements des maisons de discipline peuvent reproduire la loi, les sanctions imiter les verdicts et les peines, la surveillance répéter le modèle policier ; et au-dessus de tous ces établissements multiples, la prison, qui est par rapport à eux tous une forme pure, sans mélange ni atténuation, leur donne une manière de caution étatique. Le carcéral, avec son long dégradé qui s’étend du bagne ou de la réclusion criminelle jusqu’aux encadrements diffus et légers, communique un type de pouvoir que la loi valide et que la justice utilise comme son arme préférée. Comment les disciplines et le pouvoir qui fonctionne en elles pourraient-ils apparaître comme arbitraires, alors qu’ils ne font que mettre en action les mécanismes de la justice elle-même, quitte à en atténuer l’intensité ? Alors que si elles en généralisent les effets, si elles le transmettent jusqu’aux échelons derniers, c’est pour en éviter les rigueurs ? La continuité carcérale et la diffusion de la forme-prison permettent de légaliser, ou en tout cas de légitimer le pouvoir disciplinaire, qui esquive ainsi ce qu’il peut comporter d’excès ou d’abus.

Mais inversement, la pyramide carcérale donne au pouvoir d’infliger des punitions légales un contexte dans lequel il apparaît comme libéré de tout excès et de toute violence.

Dans la gradation savamment progressive des appareils de discipline et des « encastrements » qu’ils impliquent, la prison ne représente pas du tout le déchaînement d’un pouvoir d’une autre nature, mais juste un degré supplémentaire dans l’intensité d’un mécanisme qui n’a pas cessé de jouer dès les premières sanctions Entre la dernière des institutions de « redressement » où on est recueilli pour éviter la prison, et la prison où on est envoyé après une infraction caractérisée, la différence est (et doit être) à peine sensible. Rigoureuse économie qui a pour effet de rendre aussi discret que possible le singulier pouvoir de punir. Rien en lui désormais ne rappelle plus l’ancien excès du pouvoir souverain quand il vengeait son autorité sur le corps des suppliciés. La prison continue, sur ceux qu’on lui confie, un travail commencé ailleurs et que toute la société poursuit sur chacun par d’innombrables mécanismes de discipline. Grâce au conti-nuum carcéral, l’instance qui condamne se glisse parmi toutes celles qui contrôlent, transforment, corrigent, améliorent. À la limite, plus rien ne l’en distinguerait vraiment, n’était le caractère singulièrement « dangereux » des délinquants, la gravité de leurs écarts, et la solennité nécessaire du rite. Mais, dans sa fonction, ce pouvoir de punir n’est pas essentiellement différent de celui de guérir ou d’éduquer. Il reçoit d’eux, et de leur tâche mineure et menue, une caution d’en bas ; mais qui n’en est pas moins importante, puisque c’est celle de la technique et de la rationalité. Le carcéral « naturalise » le pouvoir légal de punir, comme il « légalise » le pouvoir technique de discipliner. En les homogénéisant ainsi, en effaçant ce qu’il peut y avoir de violent dans l’un et d’arbitraire dans l’autre, en atténuant les effets de révolte qu’ils peuvent susciter tous deux, en rendant par conséquent inutiles leur exaspération et leur acharnement, en faisant circuler de l’un à l’autre les mêmes méthodes calculées, mécaniques et discrètes, le carcéral permet d’effectuer cette grande « économie » du pouvoir dont le xvme siècle avait cherché la formule, quand montait le problème de l’accumulation et de la gestion utile des hommes.

La généralité carcérale, en jouant dans toute l’épaisseur du corps social et en mêlant sans cesse l’art de rectifier au droit de punir, abaisse le niveau à partir duquel il devient naturel et acceptable d’être puni. On pose souvent la question de savoir comment, avant et après la Révolution, on a donné un nouveau fondement au droit de punir. Et c’est sans doute du côté de la théorie du contrat qu’il faut chercher. Mais il faut auSsi et peut-être surtout poser la question inverse : comment a-t-on fait pour que les gens acceptent le pouvoir de punir, ou tout simplement, étant punis, tolèrent de l’être. La théorie du contrat ne peut y répondre que par la fiction d’un sujet juridique donnant aux autres le pouvoir d’exercer sur lui le droit qu’il détient lui-même sur eux. Il est bien probable que le grand continuum carcéral, qui fait communiquer le pouvoir de la discipline avec celui de la loi, et s’étend sans rupture des plus petites coercitions à la grande détention pénale, a constitué le doublet technique et réel, immédiatement matériel, de cette cession chimérique du droit de punir.

4. Avec cette nouvelle économie du pouvoir, le système carcéral qui en est l’instrument de base a fait valoir une nouvelle forme de « loi » : un mixte de légalité et de nature, de prescription et de constitution, la norme. De là toute une série d’effets : la dislocation interne du pouvoir judiciaire ou du moins de son fonctionnement ; de plus en plus une difficulté à juger, et comme une honte à condamner ; un furieux désir chez les juges de jauger, d’apprécier, de diagnostiquer, de reconnaître le normal et l’anormal ; et l’honneur revendiqué de guérir ou de réadapter. De cela, inutile de faire crédit à la conscience bonne ou mauvaise des juges, pas même à leur inconscient. Leur immense « appétit de médecine » qui se manifeste sans cesse — depuis leur appel aux experts psychiatres, jusqu’à leur attention au bavardage de la criminologie — traduit le fait majeur que le pouvoir qu’ils exercent a été « dénaturé » ; qu’il est bien à un certain niveau régi par les lois, qu’à un autre, et plus fondamental, il fonctionne comme un pouvoir normatif ; c’est l'économie du pouvoir qu’ils exercent, et non celle de leurs scrupules ou de leur humanisme, qui leur fait formuler des verdicts « thérapeutiques », et décider des emprisonnements « réadaptatifs ». Mais inversement, si les juges acceptent de plus en plus mal d’avoir à condamner pour condamner, l’activité de juger s’est multipliée dans la mesure même où s’est diffusé le pouvoir norma-lisateur. Porté par l’omniprésence des dispositifs de discipline, prenant appui sur tous les appareillages carcéraux, il est devenu une des fonctions majeures de notre société. Les juges de normalité y sont présents partout. Nous sommes dans la société du professeur-juge, du médecin-juge, de l’édu-cateur-juge, du « travailleur social »-juge ; tous font régner l’universalité du normatif ; et chacun au point où il se trouve y soumet le corps, les gestes, les comportements, les conduites, les aptitudes, les performances. Le réseau carcéral, sous ses formes compactes ou disséminées, avec ses systèmes d’insertion, de distribution, de surveillance, d’observation, a été le grand support, dans la société moderne, du pouvoir normalisateur.

5. Le tissu carcéral de la société assure à la fois les captations réelles du corps et sa perpétuelle mise en observation ; il est, par ses propriétés intrinsèques, l’appareil de punition le plus conforme à la nouvelle économie du pouvoir, et l’instrument pour la formation du savoir dont cette économie même a besoin. Son fonctionnement panoptique lui permet de jouer ce double rôle. Par ses procédés de fixation, de répartition, d’enregistrement, il a été longtemps une des conditions, la plus simple, la plus fruste, la plus matérielle aussi, mais peut-être la plus indispensable, pour que se développe cette immense activité d’examen qui a objectivé le comportement humain. Si nous sommes entrés, après l’âge de la justice « inquisitoire », dans celui de la justice « examinatoire », si d’une façon plus générale encore, la procédure d’examen a pu si largement recouvrir toute la société, et donner lieu pour une part aux sciences de l’homme, un des grands instruments en a été la multiplicité et l’entrecroisement serré des mécanismes divers d’incarcération. Il ne s’agit pas de dire que de la prison sont sorties les sciences humaines. Mais si elles ont pu se former et produire dans l’épistémê tous les effets de bouleversement qu’on connaît, c’est qu’elles ont été portées par une modalité spécifique et nouvelle de pouvoir : une certaine politique du corps, une certaine manière de rendre docile et utile l'accumulation des hommes. Celle-ci exigeait l’implication de relations définies de savoir dans les rapports de pouvoir ; elle appelait une technique pour entrecroiser l’assujettissement et l’objectivation ; elle comportait des procédures nouvelles d’individualisation. Le réseau carcéral constitue une des armatures de ce pouvoir-savoir qui a rendu historiquement possibles les sciences humaines. L’homme connaissable (âme, individualité, conscience, conduite, peu importe ici) est l’effet-objet de cet investissement analytique, de cette domination-observation.

6. Ceci explique sans doute l’extrême solidité de la prison, cette mince invention décriée pourtant dès sa naissance. Si elle n’avait été qu’un instrument de rejet ou d’écrasement au service d’un appareil étatique, il aurait été plus facile d’en modifier les formes trop voyantes ou de lui trouver un substitut plus avouable. Mais enfoncée comme elle est au milieu de dispositifs et de stratégies de pouvoir, elle peut opposer à qui voudrait la transformer une grande force d’inertie. Un fait est caractéristique : lorsqu’il est question de modifier le régime de l’emprisonnement, le blocage ne vient pas de la seule institution judiciaire ; ce qui résiste, ce n’est pas la prison-sanction pénale, mais la prison avec toutes ses déterminations, liens et effets extra-judiciaires ; c’est la prison, relais dans un réseau général des disciplines et des surveillances ; la prison, telle qu’elle fonctionne dans un régime panoptique. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne peut pas être modifiée, ni qu’elle est une fois pour toutes indispensable à un type de société comme la nôtre. On peut, au contraire, situer les deux processus qui dans la continuité même des processus qui l’ont fait fonctionner sont susceptibles de restreindre considérablement son usage et de transformer son fonctionnement interne. Et sans doute sont-ils déjà largement entamés. L’un, c’est celui qui diminue l’utilité (ou fait croître les inconvénients) d’une délinquance aménagée comme un illégalisme spécifique, fermé et contrôlé ; ainsi avec la constitution à une échelle nationale ou internationale de grands illégalismes directement branchés sur les appareils politiques et économiques (illégalismes financiers, services de renseignements, trafics d’armes et de drogue, spéculations immobilières) il est évident que la main-d’œuvre un peu rustique et voyante de la délinquance se révèle inefficace ; ou encore, à une échelle plus restreinte, du moment que le prélèvement économique sur le plaisir sexuel se fait beaucoup mieux par la vente de contraceptifs, ou par le biais des publications, des films et des spectacles, la hiérarchie archaïque de la prostitution perd une grande part de son ancienne utilité. L’autre processus, c’est la croissance des réseaux disciplinaires, la multiplication de leurs échanges avec l’appareil pénal, les pouvoirs de plus en plus importants qu’on leur prête, le transfert toujours plus massif vers eux de fonctions judiciaires ; or à mesure que la médecine, la psychologie, l’éducation, l’assistance, le « travail social » prennent une part plus grande des pouvoirs de contrôle et de sanction, en retour l’appareil pénal pourra se médicaliser, se psychologiser, se pédagogiser ; et du coup devient moins utile cette charnière que constituait la prison, quand, par le décalage entre son discours pénitentiaire et son effet de consolidation de la délinquance, elle articulait le pouvoir pénal et le pouvoir disciplinaire. Au milieu de tous ces dispositifs de normalisation qui se resserrent, la spécificité de la prison et son rôle de joint perdent de leur raison d’être.

S’il y a un enjeu politique d’ensemble autour de la prison, ce n’est donc pas de savoir si elle sera correctrice ou pas ; si les juges, les psychiatres ou les sociologues y exerceront plus de pouvoir que les administrateurs et les surveillants ; à la limite, il n’est même pas dans l’alternative prison ou autre chose que la prison. Le problème actuellement est plutôt dans la grande montée de ces dispositifs de normalisation et toute l’étendue des effets de pouvoir qu’ils portent, à travers la mise en place d’objectivités nouvelles.

*

En 1836, un correspondant écrivait à La Phalange : « Moralistes, philosophes, législateurs, flatteurs de la civilisation, voici le plan de votre Paris mis en ordre, voici le plan perfectionné où toutes choses semblables sont réunies. Au centre, et dans une première enceinte : hôpitaux de toutes les maladies, hospices de toutes misères, maisons de fous, prisons, bagnes d’hommes, de femmes et d’enfants. Autour de la première enceinte, casernes, tribunaux, hôtel de police, demeure des argousins, emplacement des échafauds, habitation du bourreau et de ses aides. Aux quatre coins, chambre des députés, chambre des pairs, Institut et Palais du Roi. En dehors, ce qui alimente l’enceinte centrale, le commerce, ses fourberies, ses banqueroutes ; l’industrie et ses luttes furieuses ; la presse, ses sophismes ; les maisons de jeu ; la prostitution, le peuple mourant de faim ou se vautrant dans la débauche, toujours prêt à la voix du Génie des Révolutions ; les riches sans cœur... enfin la guerre acharnée de tous contre tous385. »

Je m’arrêterai sur ce texte sans nom. On est fort loin maintenant du pays des supplices, parsemé de roues, de gibets, de potences, de piloris ; on est loin aussi de ce rêve que portaient les réformateurs, moins de cinquante ans auparavant : la cité des punitions où mille petits théâtres auraient donné sans cesse la représentation multicolore de la justice et où les châtiments soigneusement mis en scène sur des échafauds décoratifs auraient constitué en permanence la fête foraine du Code. La ville carcérale, avec sa « géopolitique » imaginaire, est soumise à des principes tout autres. Le texte de La Phalange en rappelle quelques-uns parmi les plus importants : qu’au cœur de cette ville et comme pour la faire tenir, il y a, non pas le « centre du pouvoir », non pas un noyau de forces, mais un réseau multiple d’éléments divers — murs, espace, institution, règles, discours ; que le modèle de la ville carcérale, ce n’est donc pas le corps du roi, avec les pouvoirs qui en émanent, ni non plus la réunion contractuelle des volontés d’où naîtrait un corps à la fois individuel et collectif, mais une répartition stratégique d’éléments de nature et de niveau divers. Que la prison n’est pas la fille des lois ni des codes, ni de l’appareil judiciaire ; qu’elle n’est pas subordonnée au tribunal comme l’instrument docile ou maladroit des sentences qu’il porte et des effets qu’il voudrait obtenir ; que c’est lui, le tribunal, qui est par rapport à elle, extérieur et subordonné. Qu’en la position centrale qu’elle occupe, elle n'est pas seule, mais liée à toute une série d’autres dispositifs « carcéraux », qui sont en apparence bien distincts — puisqu’ils sont destinés à soulager, à guérir, à secourir — mais qui tendent tous comme elle à exercer un pouvoir de normalisation. Que ce sur quoi s’appliquent ces dispositifs, ce ne sont pas les transgressions par rapport à une loi « centrale », mais autour de l’appareil de production — le « commerce » et l’« industrie » —, toute une multiplicité d’illégalismes, avec leur diversité de nature et d’origine, leur rôle spécifique dans le profit, et le sort différent que leur font les mécanismes punitifs. Et que finalement ce qui préside à tous ces mécanismes, ce n’est pas le fonctionnement unitaire d’un appareil ou d’une institution, mais la nécessité d’un combat et les règles d’une stratégie. Que, par conséquent, les notions d’institution de répression, de rejet, d’exclusion, de marginalisation, ne sont pas adéquates pour décrire, au centre même de la ville carcérale, la formation des douceurs insidieuses, des méchancetés peu avouables, des petites ruses, des procédés calculés, des techniques, des « sciences » en fin de compte qui permettent la fabrication de l’individu disciplinaire. Dans cette humanité centrale et centralisée, effet et instrument de relations de pouvoir complexes, corps et forces assujettis par des dispositifs d’« incarcération » multiples, objets pour des discours qui sont eux-mêmes des éléments de cette stratégie, il faut entendre le grondement de la bataille386.

1

   Cité in A.L. Zevaes, Damiens le régicide, 1937, p. 201-214.

2

   L. Faucher, De la réforme des prisons, 1838, p. 274-282.

3

   Robert Vaux, Notices, p. 45, cité in N.K. Teeters. Thev were in prison, 1937, p. 24.

4

   Archives parlementaires, 2e série, t. LXXII Ier déc. 1831.

5

I. C. de Beccaria, Traité des délits et des peines, 1764, p. 101 de l’édition donnée par F. Hélie en 1856, et qui sera citée ici.

6

   Le Peletier de Saint-Fargeau, Archives parlementaires, t. XXVI, 3 juin 1791, p. 720.

7

   A. Louis, Rapport sur la guillotine, cité par Saint-Edme, Dictionnaire de pénalité, 1825, t. IV, p. 161.

8

   Thème fréquent à l'époque : un criminel, dans la mesure même où il est monstrueux, doit être privé de lumière : ne pas voir, ne pas être vu. Pour le parricide il faudrait « fabriquer une cage de fer ou creuser un impénétrable cachot qui lui servît d’éternelle retraite ». De Molène, De l'humanité des lois criminelles, 1830, p. 275-277.

9

   Gazette des tribunaux, 30 août 1832.

10

G. de Mably, De la législation, Œuvres complètes, 1789, t. IX, p. 326.

11

E. Durkheim, « Deux lois de l'évolution pénale », Année sociologique IV, 1899-1900.

12

   De toute façon, je ne saurais mesurer par des références ou des citations ce que ce livre doit à G. Deleuze et au travail qu'il fait avec F. Guattari. J'aurais dû également citer aussi à bien des pages le Psychanalysme de R. Castel et dire combien j'étais redevable à P. Nora.

13

   G. Rusche et O. Kirchheimer, Punishment and social structures, 1939.

14

Cf. E. Le Roy-Ladurie, « L'histoire immobile », Annales, mai-juin 1974.

15

E Kantorowitz, The King's two bodies, 1959.

16

J'étudierai la naissance de la prison dans le seul système pénal français. Les différences dans les développements historiques et les institutions rendraient trop lourde la tâche d’entrer dans le détail et trop schématique l’entreprise de restituer le phénomène d’ensemble

17

J.A. Soulatges, Traité des crimes, 1762, I, p. 169-171.

18

   Cf. l’article de P. Petrovitch, in Crime et criminalité en France xvtf-XVItf siècles, 1971, p. 226 et suiv.

19

   P. Dautricourt, La Criminalité et la répression au Parlement de Flandre, 1721-1790 (1912).

20

   C’est ce qu’indiquait Choiseul à propos de la déclaration du 3 août 1764 sur les vagabonds (Mémoire expositif. B.N. ms. 8129 fol. 128-129).

21

   Encyclopédie, article « Supplice ».

22

   L’expression est de Olyffe, An Essay to prevent capital crimes, 1731.

23

   Jusqu'au XVIIIe siècle, longues discussions pour savoir si, au cours des interrogations captieuses, il était licite pour le juge d’user de fausses promesses, de mensonges, de mots à double entente. Toute une casuistique de la mauvaise foi judiciaire.

24

   P. Ayrault, L'Ordre, formalité et instruction judiciaire, 1576, 1. III, chap. lxxii et chap. lxxix.

25

   D. Jousse, Traité de la justice criminelle, 177î, i, p. 660.

26

   P.F. Muyart de Vouglans, Institutes au droit criminel, 1757, p. 345-347.

27

   Poullain du Parc, Principes du droit français selon les coutumes de Bretagne, 1767-1771, t. XI, p. 112-113. Cf. A. Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France, 1882, p. 260-283 ; K.J. Mittermaier, Traité de la preuve, trad. 1848, p. 15-19.

28

   G. Seigneux de Correvon, Essai sur l’usage, l’abus et les inconvénients de la torture, 1768, p. 63.

29

P. Ayrault, L’Ordre, formalité et instruction judiciaire, L. I., chap. 14.

30

Dans les catalogues de preuves judiciaires, l’aveu apparaît vers le xiii*-xivc siècle. On ne le trouve pas chez Bernard de Pavie, mais chez Hostiemis. La formule de Crater est d'ailleurs caractéristique : « Aut légitimé convictus aut sponte confessus. »

Dans le droit médiéval, l'aveu n’était valable que fait par un majeur et devant l’adversaire. Cf. J. Ph. Lévy, La Hiérarchie des preuves dans le droit savant du Moyen Age, 1939.

31

   La plus célèbre de ces critiques est celle de Nicolas : Si la torture est un moyen à vérifier les crimes, 1682.

32

   Cl. Ferrière, Dictionnaire de pratique, 1740, T. II, p. 612.

33

S.P. Hardy, Mes loisirs, B.N. ms. 6680-87, t. IV, p. 80, 1778.

34

Cité in P. Dautricourt, op. cit., p. 269-270.

35

S.P. Hardy, Mes loisirs, t. I, p. 13 ; t. IV, p. 42 ; t. V, p. 134.

36

Cité in A. Corre, Documents pour servir à l’histoire de la torture judiciaire en Bretagne, 1896, p. 7.

37

A. Bruneau, Observations et maximes sur les matières criminelles, 1715, p. 259.

38

   F. Serpillon, Code criminel, 1767, t. III, p. 1100. Blackstone : « Il est clair que si un criminel condamné à être pendu jusqu’à ce que mort s'ensuive échappe à la mort par la maladresse de l’exécuteur en quelqu’autres mains, le sheriff est tenu de renouveler l'exécution parce que la sentence n’a pas été exécutée ; et que si on se laissait aller à cette fausse compassion, on ouvrirait la porte à une infinité de collusions » (Commentaire sur le Code criminel d’Angleterre. trad. française, 1776, p. 201).

39

   Ch. Loyseau, Cinq livres du droit des offices, éd. de 1613, p. 80-81.

40

   Cf. S.P. Hardy, 30 janvier 1769, p. 125 du volume imprimé ; 14 déc. 1779, IV, p. 229 ; R. Anchel, Crimes et châtiments au XVIIIe siècle, p. 162-163, rapporte l'histoire d’Antoine Boulleteix qui est déjà au pied de l’échafaud lorsqu'un cavalier arrive portant le fameux parchemin. On crie « vive le Roi » ; on emmène Boulleteix au cabaret, pendant que le greffier quête pour lui dans son chapeau.

41

Brantôme, Mémoires. La vie des hommes illustres, éd. de 1722, t. II, p. 191-192.

42

C.E. de Pastoret, à propos de la peine des régicides, Des lois pénales, 1790,

43

   A. Bruneau, Observations et maximes sur les affaires criminelles, 1715, Préface non paginée de la première partie.

44

   S.P. Hardy, Mes loisirs, I, vol. imprimé, p. 328.

45

   T.S. Gueulette, cité par R. Anchel, Crimes et châtiments au XVIIIe siècle, p. 70-71.

46

   La première fois que la guillotine fut utilisée, la Chronique de Paris rapporte que le peuple se plaignait de ne rien voir et chantait « Rendez-nous nos gibets » (cf. J. Laurence, A history of capital punishment, 1432, p. 71 et suiv.).

47

T.S. Gueulette, cité par R. Anchel, p. 63. La scène se passe en 1737.

48

Marquis d'Argenson, Journal et Mémoires, VI, p. 241. Cf. le Journal de Barbier, t. IV, p. 455. Un des premiers épisodes de cette affaire est d'ailleurs très caractéristique de l’agitation populaire au xviii1' siècle autour de la justice pénale. Le lieutenant général de police, Berryer, avait fait enlever les « enfants libertins et sans aveu » ; les exempts ne consentent à les rendre à leurs parents « qu’à force d’argent » ; on murmure qu’il s'agit de fournir aux plaisirs du roi. La foule, ayant repéré un mouchard, le massacre « avec une inhumanité portée au dernier excès », et le « traîne après sa mort, la corde au cou, jusqu’à la porte de M. Berryer ». Or ce mouchard était un voleur qui aurait dû être roué avec son complice Raffiat, s’il n'avait accepté le rôle d’indicateur ; sa connaissance des fils de toute l’intrigue l’avait fait apprécier de la police ; et il était « très estimé » dans son nouveau métier. On a là un exemple fort surchargé : un mouvement de révolte, déclenché par un moyen de répressions relativement nouveau, et qui n’est pas la justice pénale, mais la police ; un cas de cette collaboration technique entre délinquants et policiers, qui devient systématique à partir du xvin* siècle ; une émeute où le peuple prend sur lui de supplicier un condamné qui a indûment échappé à l'échafaud.

49

   H. Fielding, An inquiry, in The Causes of rhe late increase of Robbers, 751, p. 61.

50

   A. Boucher d’Argis, Observations sur les lois criminelles, 1781, p. 128-129. Boucher d’Argis était conseiller au Châtelet.

51

   H. Fielding, loc. cit., p.41.

52

   t. Dupaty, Mémoire pour trois hommes condamnés à la roue, 1786, p. 247.

53

   S.P. Hardy, Mes loisirs, 14 janvier 1781, t. IV, p. 394.

54

   Sur le mécontentement provoqué par ces types de condamnation, cf. Hardy, Mes loisirs, 1.1, p. 319, p. 367 ; t. III, p. 227-228 ; t. IV, p. 180.

55

   Rapporté par R. Anchel, Crimes et châtiments au xviif siècle, 1937, p. 226.

56

   Marquis d'Argenson, Journal et Mémoires, t. VI, p. 241.

57

   Hardy en rapporte de nombreux cas : ainsi ce vol important qui fut commis dans la maison même où le lieutenant criminel était installé pour assister à une exécution. Mes loisirs, t. IV, p. 56.

58

Cf. D. Richet, La France moderne, 1974, p. 118-119.

59

S.P. Hardy, Mes loisirs, t. III, 11 mai 1775, p. 67.

60

   Cité in L. Duhamel, p. 32.

61

   Archives du Puy-de-Dôme. Cité in M. Juillard, Brigandage et contrebande en haute Auvergne au xvuf siècle, 1937, p. 24.

62

   Complainte de J.D. Langlade, exécuté à Avignon le 12 avril 1768.

63

   Ce fut le cas de Tanguy exécuté en Bretagne vers 1740. Il est vrai qu’avant d'être condamné, il avait commencé une longue pénitence ordonnée par son confesseur. Conflit entre la justice civile et la pénitence religieuse ? Cf. à ce sujet A. Corre, Documents de criminologie rétrospective, 1895, p. 21. Corre se réfère à Trevedy, Une promenade à la montagne de justice et à la tombe Tanguy.

64

   Ceux que R. Mandrou appelle les deux grands : Cartouche et Mandrin, auxquels il faut ajouter Guilleri {De la culture populaire aux xvif et XVIIIe siècles, 1964, p. 112). En Angleterre, Jonathan Wild, Jack Shcppard, Claude Duval jouaient un rôle assez semblable.

65

   L’impression et la diffusion des almanachs, feuilles volantes, etc., était en principe soumise à un contrôle strict.

66

   On trouve ce titre aussi bien dans la Bibliothèque bleue de Normandie que dans celle de Troyes (cf. R. Helot, La Bibliothèque bleue en Normandie, 1928).

67

   Cf. par ex. Lacretelle : « Pour satisfaire ce besoin d’émotions fortes qui nous travaille, pour approfondir l’impression d'un grand exemple, on laisse circuler ces épouvantables histoires, les poètes du peuple s’en emparent, et ils en étendent partout la renommée. Cette famille entend un jour chanter à sa porte le crime et le supplice de ses fils. » (Discours sur les peines infamantes, 1784, p. 106.)

68

   C’est ainsi que la chancellerie en 1789 résume la position générale des cahiers de doléances, quant aux supplices. Cf. E. Seligman, La Justice sous la Révolution, 1.1, 1901, et A. Desjardin, Les Cahiers des États généraux et la justice criminelle, 1883, p. 13-20.

69

   J. Petion de Villeneuve, Discours à la Constituante, Archives parlementaires, t. XXVI, p. 641.

70

   A. Boucher d’Argis, Observations sur les lois criminelles, 1781, p. 125.

71

Lachèze, Discours à la Constituante, 3 juin 1791, Archives parlementaires, I. XXVI.

72

Cf. en particulier la polémique de Muyart de Vouglans contre Beccaria. Réfutation du Traité des délits et des peines, 1766.

73

   P. Chaunu, Annales de Normandie, 1962, p. 236, et 1966, p 107-108.

74

   E. Le Roy-Ladurie, in Contrepoint, 1973.

75

   G. Le Trosne, Mémoires sur les vagabonds, 1764, p. 4.

76

   Cf. par exemple C. Dupaty, Mémoire justificatif pour trois hommes condamnés à la roue, 1786, p. 247.

77

   Un des présidents de la Chambre de la Toumelle dans une adresse au roi,

2 août 1768, cité in Ariette Farge, p. 66.

78

   P. Chaunu, Annales de Normandie, 1966, p. 108.

79

L'expression est de N. W. Mogensen, loc. cit.

80

   Archives parlementaires, t. XII, p. 344.

81

   Sur ce sujet on peut se reporter, entre autres, à S. Linguet, Nécessité d’une réforme dans l’administration de la justice, 1764, ou A. Boucher d'Argis, Cahier d'un magistrat, 1789.

82

   Sur cette critique du « trop de pouvoir » et de sa mauvaise distribution dans l’appareil judiciaire, cf. en particulier C. Dupaty, Lettres sur la procédure criminelle, 1788. P.L. de Lacretelle, Dissertation sur le ministère public, in Discours sur le préjugé des peines infamantes, 1784. G. Target, L’Esprit des cahiers présentés aux États généraux, 1789.

83

   Cf. N. Bergasse, à propos du pouvoir judiciaire : « Il faut que dénué de toute espèce d’activité contre le régime politique de l’État et n’ayant aucune influence sur les volontés qui concourent à former ce régime ou à le maintenir, il dispose pour protéger tous les individus et tous les droits, d'une force telle que, toute-puissante pour défendre et pour secourir elle devienne absolument nulle sitôt que changeant sa destination, on tentera d'en faire usage pour opprimer. » (Rapport à la Constituante sur le pouvoir judiciaire, 1789. p. 11-12.)

84

   G. Le Trosne, Mémoire sur les vagabonds, 1764, p. 4.

85

   Y.-M. Bercé, Croquants et nu-pieds, 1974, p. 161.

86

   Cf. O. Festy, Les Délits ruraux et leur répression sous la Révolution et le Consulat, 1956. M. Agulhon, La vie sociale en Provence (1970).

87

P. Colquhoun, Traité sur la police de Londres, traduction 1807, t. I. Aux pages 153-182 et 292-339 Colquhoun donne un exposé très détaillé de ces filières.

88

Ibid., p. 297-298.

89

   G. Le Trosne, Mémoire sur les vagabonds, 1764, p. 8, 50, 54, 61-62.

90

   G. Le Trosne, Vues sur la justice criminelle, Mil, p. 31, 37, 103-106.

91

J.-J. Rousseau, Contrat social, livre XI, chap. v. Il faut noter que ces idées de Rousseau ont été utilisées à la Constituante par certains députés qui voulaient maintenir un système de peines très rigoureux. Et curieusement les principes du Contrat ont pu servir à soutenir la vieille correspondance d'atrocité entre crime et châtiment. « La protection due aux citoyens exige de mesurer les peines à l'atrocité des crimes et de ne pas sacrifier, au nom de l'humanité, l’humanité même. » (Mougins de Roquefort, qui cite le passage en question du Contrat social, « Discours à la Constituante », Archives parlementaires, t. XXVI, p. 637.)

92

   Ibid., p. 131.

93

   A. Duport, Discours à la Constituante, 22 décembre 1789, Archives parlementaires, t. X, p. 744. On pourrait dans le même sens citer les différents concours proposés à la fin du xvm* siècle par les sociétés et académies savantes : comment faire « en sorte que la douceur de l’instruction et des peines soit conciliée avec la certitude d'un châtiment prompt et exemplaire et que la société civile trouve la plus grande sûreté possible, pour la liberté et l’humanité » (Société économique de Berne, 1777). Marat répondit par son Plan de Législation criminelle. Quels sont les « moyens d'adoucir la rigueur des lois pénales en France sans nuire à la sûreté publique » (Académie de Châlons-sur-Marne, 1780 ; les lauréats furent Brissot et Bernardi) ; « l'extrême sévérité des lois tend-elle à diminuer le nombre et l’énormité des crimes chez une nation dépravée ? » (Académie de Marseille, 1786 ; le lauréat fut Eymar).

94

   G. Target, Observations sur le projet du Code pénal, in Locré, La Législation de la France, t. XXIX, p. 7-8. On le retrouve sous une forme inversée chez Kant.

95

   C.E. de Pastoret, Des lois pénales, 1790, II, p. 21.

96

   G. Filangieri, La Science de la législation, trad. 1786, t. IV, p. 214.

97

   Beccaria, Des délits et des peines, 1856, p. 87.

98

A. Bamave, « Discours à la Constituante » : « La société ne voit pas dans les punitions qu'elle inflige la barbare jouissance de faire souffrir un être humain ; elle y voit la précaution nécessaire pour prévenir des crimes semblables, pour écarter de la société les maux dont un attentat la menace. (Archives parlementaires, t. XXVII, 6 juin 1791, p. 9.)

99

Beccaria, Traité des délits et des peines, p. 89.

100

   Beccaria, Des délits et des peines, p. 87.

101

   J.P. Brissot, Théorie des lois criminelles, 1781, 1.1, p. 24.

102

   Beccaria, Des délits et des peines, p. 26.

103

   Beccaria, ibid. Cf. aussi Brissot : « Si la grâce est équitable, la loi est mauvaise ; là où la législation est bonne, les grâces ne sont que des crimes contre la loi » (Théorie des lois criminelles, 1781, 1.1, p. 200).

104

   G. de Mably, De la législation, Œuvres complètes, 1789, t. IX, p. 327. Cf. aussi Vattel : « C’est moins l’atrocité des peines que l'exactitude à les exiger qui retient tout le monde dans le devoir » [Le Droit des gens, 1768, p. 163).

105

   A. Duport, « Discours à la Constituante », Archives parlementaires, p. 45, t. XXI.

106

G. de Mably, De la législation, Œuvres complètes, 1789, t. IX, p. 348.

107

   G. Seigneux de Correvon, Essai sur l'usage de la torture, 1768, p. 49.

108

   P. Risi, Observations de jurisprudence criminelle, trad. 1758, p. 53.

109

   Sur ce thème voir entre autres, S. Linguet, Nécessité d'une réforme de l’administration de la justice criminelle. 1764, p. 8.

110

   P.L. de Lacretelle, Discours sur les peines infamantes, 1784, p. 144.

111

   J.-P. Marat, Plan de législation criminelle, 1780, p. 34.

112

   Contrairement à ce qu’ont dit Camot ou F. Helie et Cbauveau la récidive était très clairement sanctionnée dans bon nombre de lois de l'Ancien Régime. L'ordonnance de 1549 déclare que le malfaiteur qui recommence est un « être exécrable, infâme, éminemment pernicieux, à la chose publique » ; les récidives de blasphème, de vol, de vagabondage, etc., étaient passibles de peines spéciales.

113

   Le Peletier de Saint-Fargeau, Archives parlementaires, t. XXVI, p. 321-322. L’année suivante, Bellart prononce ce qu'on peut considérer comme la première plaidoirie pour un crime passionnel. C’est l’affaire Gras. Cf. Annales du barreau moderne, 1823, t. III, p. 34.

114

J.M. Servan, Discours sur l'administration de la justice criminelle, 1767, p. 35.

115

Beccaria, Des délits et des peines, éd. de 1856, p. 119.

116

   Ibid.

117

   J.-P. Marat, Plan de législation criminelle, 1780, p. 33.

118

   F.M. Vermeil, Essai sur les réformes à faire dans notre législation criminelle, 1781, p. 68-145. Cf. également Ch.E. Dufriche de Valazé, Des lois pénales, 1784, p. 349.

119

   Le Peletier de Saint-Fargeau, Archives parlementaires, t. XXVI, p. 321-322.

120

   Beccaria, Des délits et des peines, 1856, p. 114.

121

   Ibid, p. 135.

122

   Mably, De la législation. Œuvres complètes, IX, p. 246.

123

   J.-P. Brissot, Théorie des lois criminelles, 1781, I, p. 258.

124

   P.L. de Lacretelle, Réflexions sur la législation pénale, in Discours sur les peines infamantes, 1784, p. 361.

125

   Beccaria, Des délits et des peines, p. 113.

126

   G.E. Pastoret, Des lois pénales, 1790, I, p. 49.

127

Le Peletier de Saint-Fargeau, Archives parlementaires, t. XXVI. Les auteurs qui renoncent à la peine de mort prévoient quelques peines définitives : J.-P. Brissot, Théorie des lois criminelles, 1781, p. 29-30. Ch.E. Dufriche de Valazé, Des lois pénales, 1784, p. 344 : prison perpétuelle pour ceux qui ont été jugés « irrémédiablement méchants ».

128

   A. Boucher d’Argis, Observations sur les lois criminelles, 1781, p. 139.

129

   Cf. L. Masson, La Révolution pénale en 1791, p. 139. Contre le travail pénal on objectait cependant qu’il impliquait le recours à la violence (Le Peletier) ou la profanation du caractère sacré du travail (Duport). Rabaud Saint-Étienne fait adopter l’expression « travaux forcés » par opposition aux « travaux libres » qui appartiennent exclusivement aux hommes libres, Archives parlementaires, t. XXVI, p. 710 et suiv.

130

J.M. Servan, Discours sur l’administration de la justice criminelle, 1767, p. 35-36.

131

   Dufau, « Discours à la Constituante », Archives parlementaires, t. XXVI, p. 688.

132

   Ibicl., p. 329-330.

133

   S. Bexon, Code de sûreté publique, 1807, 2e partie, p. 24-25. Il s'agissait d’un projet présenté au roi de Bavière.

134

   J.-P. Brissot, Théorie des lois criminelles, 178i.

135

   Archives parlementaires, t. XXVI, p. 322.

136

J.M. Servan, Discours sur l’administration de la justice criminelle, 1767, p. 37.

137

F.M. Vermeil, Essai sur les réformes à faire dans notre législation criminelle, 1781, p. 148-149.

138

Cf. M. de Rémusat, Archives parlementaires, t. LXXil, 1CI décembre 1831, p. 185.

139

Cf. E. Decazes, Rapport au roi sur les prisons. Le Moniteur, 11 avril 1819.

140

   Ch. Chabroud, Archives parlementaires, t. XXVI, p. 618.

141

   Catherine II. Instructions pour la commission chargée de dresser le projet du nouveau code des lois, art. 67.

142

   Une partie de ce Code a été traduite dans l'introduction à P. Colquhoun, Traité sur la police de Londres, traduction française, 1807,. I, p. 84.

143

   Cf. par exemple Coquille, Coutume du Nivernais.

144

   G. du Rousseaud de la Combe, Traité des matières criminelles, 1741, p. 3.

145

   F. Serpillon, Code criminel, 1767, t. III, p. 1095. On trouve cependant chez Serpillon l’idée que la rigueur de la prison est un début de peine.

146

   C'est ainsi qu’il faut comprendre les nombreux règlements concernant les prisons, et qui portent sur les exactions des geôliers, la sûreté des locaux et l'impossibilité pour les prisonniers de communiquer. Par exemple, l’arrêt du parlement de Dijon du 21 septembre 1706. Cf. également F. Serpillon, Code criminel, 1767, t. III, p. 601-647.

147

   C'est ce que précise la déclaration du 4 mars 1724 sur les récidives de vol ou celle du 18 juillet 1724 à propos du vagabondage. Un jeune garçon, qui n’était pas en âge d’aller aux galères, restait dans une maison de force jusqu’au moment où on pouvait l’y envoyer, parfois pour y purger la totalité de sa peine. Cf. Crime et criminalité en France sous l'Ancien Régime, 1971, p. 266 et suiv.

148

   F. Serpillon, Code criminel, 1767, t. III, p. 1095.

149

   J.-P. Brissot, Théorie des lois criminelles, 1781, t. I, p. 173.

150

   Paris intra muros (Noblesse), cité in A. Desjardin, Les Cahiers de doléance et la justice criminelle, p. 477.

151

   Langres, « Trois Ordres », cité, ibid.. p. 483.

152

   Briey, « Tiers État », cité, ibid.. p. 484. Cf. P. Goubert et M. Denis, Les Français ont la parole, 1964, p. 203. On trouve aussi dans les Cahiers des demandes pour le maintien de maisons de détention que les familles pourraient utiliser.

153

Vilan XIV, Mémoire sur les moyens de corriger les malfaiteurs, 1773, p. 64 ; ce mémoire, qui est lié à la fondation de la maison de force de Gand, est resté inédit jusqu’en 1841. La fréquence des peines de bannissement accentuait encore les rapports entre crime et vagabondage. En 1771, les États de Flandre constataient que « les peines de bannissement édictées contre les mendiants restent sans effet, attendu que les États se renvoient réciproquement les sujets qu’ils trouvent pernicieux chez eux. Il en résulte qu'un mendiant ainsi chassé d'endroit en endroit finira à se faire pendre alors que si on l’avait habitué au travail, il n’arriverait pas sur cette mauvaise voie » (L. Stoobant, in Annales de la Société d’histoire de Gand, t. III, 1898, p. 228. Cf. planche n° 15).

154

   Les quakers connaissaient également à coup sûr le Rasphuis et le Spinhuis d’Amsterdam. Cf. T. Sellin, Pioneering in Penologv, p. 109-110. De toute façon la prison de Walnut Street était dans la continuité de l’Almhouse ouverte en 1767 et de la législation pénale que les quakers avaient voulu imposer malgré l'administration anglaise.

155

   G. de La Rochefoucauld-Liancourt, Des prisons de Philadelphie, 1796, p. 9.

156

   J. Tumbull, Visite à la prison de Philadelphie, trad. française, 1797, p. 15-16.

157

   Caleb Lownes, in N. K.Teeters, Gradle of penitentiarv, 1955 p. 49.

158

   Sur les désordres provoqués par cette loi, cf. B. Rush, An inquiry into the effectsof publicpunishments, 1787, p. 5-9, et Roberts Vaux, Notices, p. 45. Il faut noter que dans le rapport de J.-L. Siegel qui avait inspiré le Rasphuis d'Amsterdam, il était prévu que les peines ne seraient pas proclamées publiquement, que les prisonniers seraient amenés la nuit à la maison de correction, que les gardiens s’engageraient sous serment à ne pas révéler leur identité et qu'aucune visite ne serait permise (T. Sellin, Pioneering in Penology, p. 27-28).

159

   B. Rush, qui fut un des inspecteurs, note ceci après une visite à Walnut Street : « Soins moraux : prêche, lecture de bons livres, propreté des vêtements et des chambres, bains ; on n'élève pas la voix, peu de vin, aussi peu de tabac que possible, peu de conversation obscène ou profane. Travail constant ; on s’occupe du jardin ; il est beau : 1 200 têtes de choux. » In N.K. Teeters, The cradle of penitentiarv, 1935, p. 50.

160

   Minutes of the Board, 16 juin 1797, cité in N.K. Teeters, loc. cit., p. 59.

161

B. Rush, An inquiry inlo the effects of public punishments, 1787, p. 13.

162

L. de Montgommery, La Milice française, édition de 1636, p. 6 et 7.

163

   Ordonnance du 20 mars 1764.

164

   Ibid.

165

Maréchal de Saxe, Mes rêveries, 1.1, Avant-propos, p. 5

166

   J.-B.de La Salle, Traité sur les obligations des frères des Écoles chrétiennes, édition de 1783, p. 238-239.

167

   E. Geoffroy Saint-Hilaire prête cette déclaration à Bonaparte, sur l’introduction aux Notions synthétiques et historiques de philosophie naturelle..

168

   J.B. Treilhard, Motifs du code d'instruction criminelle, 1808, p. 14.

169

   Je choisirai les exemples dans les institutions militaires, médicales, scolaires et industrielles. D’autres exemples auraient pu être pris dans la colonisation, l'esclavage, les soins à la première enfance.

170

   Cf. Ph. Ariès, L’Enfant et la famille, 1960, p. 308-313, et G. Synders, La Pédagogie en France aux xvif et xvuf siècles, 1965, p. 35-41.

171

   L’ordonnance militaire, t. XIL, 25 septembre 1719. Cf. Pl. n° 5.

172

   Daisy, Le Royaume de France, 1745, p. 201-209 ; Mémoire anonyme de 1775 (Dépôt de la guerre, 3689 f. 156). A. Navereau, Le Logement et les ustensiles des gens de guerre de 1439 à 1789, 1924, p. 132-135. Cf. planches n387 5 et 6.

173

   Projet de règlement pour l'aciérie d’Amboise, Archives nationales, f. 12 1301.

174

   Mémoire au roi, à propos de la fabrique de toile à voiles d’Angers, in

175

Règlement pour la communauté des filles du Bon Pasteur, in Delamare, Traité de Police, livre III, titre V, p. 507. Cf. aussi pl. n“ 9.

176

Cf. C. de Rochemonteix, Un collège au XVIIesiècle, 1889, t III, p. 51 et suiv.

177

J.-B. de La Salle, Conduite des Écoles chrétiennes, B.N. Ms. 11759,

p. 248-249. Un peu plus tôt Batencour proposait que les salles de classe soient

divisées en trois parties : « La plus honorable pour ceux qui apprennent le

latin... Il est à souhaiter qu’il se trouve autant de places aux tables qu'il y aura d’écrivains, pour éviter les confusions que font ordinairement les paresseux. »

Dans une autre ceux qui apprennent à lire : un banc pour les riches, un banc pour les pauvres « afin que la vermine ne se communique pas ». Troisième emplacement, pour les nouveaux venus : « Quand on a reconnu leur capacité, on leur attribue une place » (M.I.D.B., Instruction méthodique pour l'école paroissiale, 1669, p. 56-57). Cf. planches n"510-11.

178

J.A. de Guibert, Essai général de tactique, 1772,1, Discours préliminaire, p. XXXVI.

179

Article 1er du règlement de la fabrique de Saint-Maur.

180

   L. de Boussanelle, Le Bon Militaire, 1770, p. 2. Sur le caractère religieux de la discipline dans l'armée suédoise, cf. The Swedish Discipline, Londres, 1632.

181

   J.-B. de La Salle, Conduite des Écoles chrétiennes, B.N. Ms 11759, p. 27-28.

182

   Bally, cité par R.R. Tronchot, L’Enseignement mutuel en France, thèse dactylographiée, I, p. 221.

183

   Projet de règlement pour la fabrique d’Amboise, art. 2, Archives nationales f 12 1301. Il est précisé que cela vaut aussi pour ceux qui travaillent aux pièces.

184

   Règlement provisoire pour la fabrique de M. S. Oppenheim, 1809, art. 7-8, in Hayem, Mémoires et documents pour revenir à l’histoire du commerce.

185

   Règlement pour la fabrique de M.S. Oppenheim, art. 16.

186

   Projet de règlement pour la fabrique d’Amboise, art. 4.

187

Ordonnance du 1er janvier 1766, pour régler l'exercice de l'infanterie.

188

   J.-B. de La Salle, Conduire des Écoles chrétiennes, éd. de 1828, p. 63-64. Cf. planche n° 8.

189

   Ordonnance du 1er janvier 1766, titre XI, art. 2.

190

   On ne peut attribuer le succès des troupes prussiennes « qu’à l'excellence de leur discipline et de leur exercice ; ce n’est donc pas une chose indifférente que le choix de l'exercice ; on y a travaillé en Prusse l’espace de quarante ans, avec une application sans relâche » (Maréchal de Saxe, Letre au comte d’Ar-genson, 25 février 1750. Arsenal, Ms. 2701 et Mes rêveries, t. II, p. 249). Cf. planches n°*3 et 4.

191

   Exercice d’écriture :... « 9 : Mains sur les genoux. Ce commandement se fait par un coup de sonnette ; 10 : mains sur la table, tête haute ; 11 : nettoyez les ardoises : tous essuient les ardoises avec un peu de salive ou mieux avec un tampon de lisière ; 12 : montrez les ardoises ; 13 : moniteurs, inspectez. Ils vont visiter les ardoises de leurs adjoints et ensuite celles de leur banc. Les adjoints visitent celles de leur banc, et tous restent à leur place. »

192

   Samuel Bernard, Rapport du 30 octobre 1816 à la société de l’enseignement mutuel.

193

   Ce mélange apparaît clairement dans certaines clauses du contrat d'apprentissage : le maître est obligé de donner à son élève — moyennant son argent et son travail — tout son savoir, sans garder pour lui aucun secret ; sinon, il est passible d'amende. Cf., par exemple, F. Grosrenaud, Lu Corporation ouvrière à Besançon. 1907, p. 62.

194

   Cf. E. Gerspach, La Manufacture des Gobelins, 1892.

195

   Instruction par l'exercice de l'infanterie, 14 mai 1754.

196

   Ibid.

197

Demia, Règlement pour les écoles de la ville de Lyon, 1716, p. 19-20.

198

Cf. G. Codina Meir, Aux sources de la pédagogie des Jésuites, 1968, p. 160 et suiv.

199

Par l’intermédiaire des écoles de Liège, Devenport, Zwolle, Wesel ; et grâce aussi à Jean Sturm, à son mémoire de 1538 pour l'organisation d'un gymnasium à Strasbourg. Cf. Bulletin de la société d’histoire du protestantisme, t. XXV, p. 499-505.

À noter que les rapports entre l'armée, l'organisation religieuse et la pédagogie sont fort complexes. La « décurie », unité de l'armée romaine, se retrouve dans les couvents bénédictins, comme unité de travail et sans doute de surveillance. Les Frères de la Vie commune la leur ont empruntée, et l'ont transposée à leur organisation pédagogique : les élèves étant groupés par 10. C'est cette unité que les Jésuites ont reprise dans la scénographie de leurs collèges, réintroduisant là un modèle militaire. Mais la décurie à son tour a été dissoute au profit d'un schéma encore plus militaire avec rang, colonnes, lignes.

200

   J.A. de Guibert, Essai général de tactique, Mil, I, 18. À vrai dire, ce très vieux problème avait repris actualité au XVIIIe' siècle, pour les raisons économiques et techniques qu'on verra ; et le « préjugé » en question avait été discuté bien souvent en dehors de Guibert lui-même (autour de Folard, de Pireh, de Mesnil-Durand).

201

   Au sens où ce terme fut employé depuis 1759.

202

   On peut dater en gros de la bataille de Steinkerque (1699) le mouvement qui généralisa le fusil.

203

   Sur cette importance de la géométrie, voir J. de Beausobre : « La science de la guerre est essentiellement géométrique... L’arrangement d'un bataillon et d’un escadron sur tout un front et tant de hauteur est seul l’effet d’une géométrie profonde encore ignorée » (Commentaires sur les défenses des places, 1757, t. II, p. 307).

204

   K. Marx, Le Capital, livre 1,4e section, chap. xm. Marx insiste à plusieurs reprises sur l'analogie entre les problèmes de la division du travail et ceux de la tactique militaire. Par exemple : « De même que la force d’attaque d’un escadron de cavalerie ou la force de résistance d'un régiment de cavalerie diffèrent essentiellement de la force des sommes individuelles,... de même la somme des forces mécaniques d’ouvriers isolés diffère de la force mécanique qui se développe dès qu’ils fonctionnent conjointement et simultanément dans une seule opération indivise. » (Ibid.)

205

   J.A. de Guibert, Essai général de tactique, 1772, 1.1, p. 27.

206

   Ordonnance sur l’exercice de l'infanterie, 6 mai 1755.

207

   Harvouin, Rapport sur la généralité de Tours ; in P. Marehegay Archives d’Anjou, t. II, 1850, p. 360.

208

   Samuel Bernard, Rapport du 30 octobre 1816, à la société de ('Enseignement mutuel.

209

L. de Boussanelle, Le Bon Militaire, 1770, p. 2.

210

   J.-B. de La Salle, Conduite des Écoles chrétiennes, 1828, p. 137-138. Cf. aussi Ch. Demia, Règlements pour les écoles de la ville de Lyon, 1716, p. 21.

211

   Journal pour l’instruction élémentaire, avril 1816. Cf. R.R. Tronchot. L’enseignement mutuel en France, thèse dactylographiée, 1, qui a calculé que les élèves devaient recevoir plus de 200 commandements par jour (sans compter les ordres exceptionnels) ; pour la seule matinée 26commandements par la voix, 23 par signes, 37 coups de sonnette, et 24 par coups de sifflet, ce qui fait un coup de sifflet ou de sonnette toutes les 3 minutes.

212

   J.A. de Guibert, Essai général de tactique, 1772, p. 4.

213

   P. Joly de Maizeroy, Théorie de la guerre, 1777, p. 2.

214

Règlement pour l’infanterie prussienne, trad. franç., Arsenal, ms. 4067, f3 144. Pour les schémas anciens, voir Praissac, Les Discours militaires, 1623, p. 27-28. Montgommery, La Milice française, p. 77. Pour les nouveaux schémas, cf. Beneton de Morange, Histoire de la guerre, 1741, p. 61 -64, et Dissertations sur les Tentes ; cf. aussi de nombreux règlements comme Y Instruction sur le service des règlements de Cavalerie dans les camps, 29 juin 1753. Cf. planche n° 7.

215

Cité dans R. Laulan, L'École militaire de Paris, 1950, p. 117-118.

216

Arch. nat. MM 666-669. J. Bentham raconte que c'est en visitant i'École militaire que son frère a eu l’idée première du Panoplicon.

217

Cf. planches nl>s 12, 13, 16.

218

   M.I.D.B., Instruction méthodique pour l’école paroissiale, 1669, p. 68-83.

219

   Ch. Demia, Règlement pour les écoles de la ville de Lyon, 1716, p. 27-29. On pourrait noter un phénomène du même genre dans l'organisation des collèges : pendant longtemps les « préfets » étaient, indépendamment des professeurs, chargés de la responsabilité morale des petits groupes d'élèves. Après 1762, surtout, on voit apparaître un type de contrôle à la fois plus administratif et plus intégré à la hiérarchie : surveillants, maîtres de quartier, maîtres subalternes. Cf. Dupont-Ferrier, Du collège de Clermont au lycée Louis-le-Grand, I, p. 254 et p. 476.

220

   Pictet de Rochemont, Journal de Genève, 5 janvier 1788.

221

   Règlement provisoire pour la fabrique de M. Oppenheim, 29 sept. 1809.

222

J.-B. de La Salle, Conduite des Écoles chrétiennes (1828), p. 204-205

223

Ibid.

224

Archives nationales, MM 658, 30 mars 1758 et MM 666, 15 septembre 1763.

225

Sur ce point, il faut se reporter aux pages essentielles de G. Canghilhem, Le Normal et le Pathologique, éd. de 1966, p. 171-191.

226

Registre des délibérations du bureau de l'Hôlel-Dieu.

227

   J.-B. de La Salle, Conduite des Écoles chrétiennes, 1828, p. 160.

228

   Cf. L'Enseignement et la diffusion des sciences au xvnf, 1964, p. 360.

229

Sur cette médaille, cf. l’article de J. Jacquiot in Le Club français de la médaille, 4e trimestre 1970, p. 50-54. Planche n“ 2.

230

Kropotkine, Autour d’une vie, 1902, p. 9. Je dois cette référence à M. G. Canguilhem.

231

J. Bentham. Panopticon, Works, éd. Bowring, t. IV, p. 60-64. Cf. planche n° 17.

232

   Dans le Postscript to the Panopticon, 1791, Bentham ajoute des galeries obscures peintes en noir qui font le tour du bâtiment de surveillance, chacune permettant d'observer deux étages de cellules.

233

   Cf. Planche n° 17. Bentham dans sa première version du Panopticon avait imaginé aussi une surveillance acoustique, par des tuyaux menant des cellules à la tour centrale. Il l'a abandonnée dans le Postscript peut-être parce qu'il ne pouvait pas introduire de dissymétrie et empêcher les prisonniers d’entendre le surveillant aussi bien que le surveillant les entendait. Julius essaya de mettre au point un système d'écoute dissymétrique (Leçons sur les prisons, trad. française, 1831, p. 18).

234

   G. Loisel, Histoire des ménageries, 1912, II, p. 104-107. Cf. planche n° 14

235

   Ibid., p. 60-64.

236

J. Bentham, Panopticon versus New South Wales. Works, éd. Bowring t. IV, p. 177.

237

   Ibid., p. 40. Si Bentham a mis en avant l’exemple du pénitencier, c’est que celui-ci a des fonctions multiples à exercer (surveillance, contrôle automatique, confinement, solitude, travail forcé, instruction).

238

   Ibid., p. 65.

239

Ibid., p. 39.

240

   Ch. Demia, Règlement pour les écoles de la ville de Lyon, 1716, p. 60-61.

241

   Rapport de Talleyrand à la Constituante, 10 septembre 1791. Cité par A. Léon, La Révolution française et l’éducation technique, 1968, p. 106.

242

Ch. Demia, Règlement pour les écoles de la ville de Lyon, 1716, p. 39-40.

243

Dans la seconde moitié du xviii4’ siècle, on a beaucoup rêvé à utiliser l'armée comme instance de surveillance et de quadrillage général permettant de surveiller la population. L’armée, à discipliner encore au xvuc siècle, est conçue comme « disciplinante ». Cf. par ex. J. Servan, Le Soldat citoyen. 1780.

244

   Le Maire dans un mémoire rédigé à la demande de Sartine, pour répondre à seize questions de Joseph II sur la police parisienne. Ce mémoire a été publié par Gazier en 1879.

245

   Supplément à Instruction pour la rédaction d'un nouveau code. 1769, § 535.

246

   N. Delamare, Traité de la police, 1705, Préface non paginée.

247

   Sur les registres de police au xvill1 siècle, on peut se reporter à M. Chas-saigne. La Lieutenance générale de police, 1906.

248

E. de Vattel, Le Droit des gens, 1768, p. 162.

249

N.H. Julius, Leçons sur les prisons, trad. française, 1831, 1, p. 384-386.

250

J.B. Treilhard, Motifs du code d'instruction criminelle, 1808, p. 14.

251

Cf. K. Marx, Le Capital, livre 1,4e section, chap. xm. Et la très intéressante analyse de F. Guerry et D. Deleule, Le Corps productif, 1973.

252

Cf., à ce sujet, Michel Tort, Q. 1, 1974.

253

   P. Rossi, Traité de droit pénal, 1829, III, p. 169.

254

   Van Meenen, Congrès pénitentiaire de Bruxelles, in Annales de la Charité, 1847, p. 529-530.

255

   A. Duport, Discours à la Constituante, Archives parlementaires.

256

Le jeu entre les deux « natures » de la prison est encore constant. Il y a quelques jours le chef de l'État a rappelé le « principe » que la détention ne devait être qu’une « privation de liberté » — la pure essence de l'emprisonnement affranchi de la réalité de la prison ; et ajouté que la prison ne pouvait être justifiée que par ses effets « correctifs » ou réadaptateurs.

257

Motifs du Code d’instruction criminelle, Rapport de G.A. Real, p. 244.

258

   Les plus importants furent sans doute ceux proposés par Ch. Lucas, Marquet Wasselot, Faucher, Bonneville, un peu plus tard Ferrus. À noter que la plupart d'entre eux n'étaient pas des philanthropes, critiquant de l'extérieur l'institution carcérale, mais qu'ils étaient liés, d'une manière ou d'une autre, à l'administration des prisons. Des techniciens officiels.

259

   En Allemagne Julius dirigeait les Jahrbücher für Strafs-und Besserungs Anstalten.

260

   Bien que ces journaux aient été surtout des organes de défense des prisonniers pour dettes et qu'ils aient à plusieurs reprises marqué leur distance à l'égard des délinquants proprement dits, on trouve l'affirmation que « les colonnes de Pauvre Jacques ne sont point consacrées à une spécialité exclusive. La terrible loi de la contrainte par corps, sa funeste application ne seront pas le seul fait d'attaque du prisonnier journaliste...

« Pauvre Jacques promènera l'attention de ses lecteurs dans les lieux de réclusion, de détention, dans les maisons de force, dans les centres de refuge, il ne gardera pas le silence sur les lieux de torture où l'homme coupable est livré aux supplices quand la loi ne le condamne qu'aux travaux... » (Pauvre Jacques,

année, n° 7.) De même la Gazette de Sainte-Pélagie milite pour un système pénitentiaire qui aurait pour but l’« amélioration de l’espèce », tout autre étant « expression d'une société encore barbare » (21 mars 1833).

261

L. Baltard. Architectonographie des prisons, 1829.

262

   A. de Tocqueville, Rapport à la Chambre des Députés, cité in Beaumont et Tocqueville, Le Système pénitentiaire aux États-Unis, 3e éd. 1845, p. 392-393.

263

   E. de Beaumont et A. de Tocqueville, Ibid. p. 109.

264

   S. Aylies, Du système pénitentiaire, 1837, p. 132-133.

265

   Ch. Lucas, De la réforme des prisons, 1.1, 1836, p. 167.

266

   La discussion ouverte en France autour de 1830 n'était pas achevée en 1850 ; Charles Lucas, partisan d'Auburn, avait inspiré l’arrêté de 1839 sur le régime des Centrales (travail en commun et silence absolu). La vague de révolte qui suit, et peut-être l'agitation générale dans le pays au cours des années 1842-1843 font préférer en 1844 le régime pennsvlvanien de l'isolement absolu, vanté par Demetz, Blouet, Tocqueville. Mais le 2l congrès pénitentiaire en 1847 opte contre cette méthode.

267

   A.E. de Gasparin, Rapport au ministre de l'intérieur sur la réforme des prisons.

268

   E. de Beaumont et A. de Tocqueville, Du système pénal aux États-Unis, éd. de 1845, p. 112.

269

   « Chaque homme, disait Fox, est illuminé par la lumière divine et je l’ai vue briller à travers chaque homme. » C'est dans la lignée des quakers et de Walnut Street que furent organisées à partir de 1820 les prisons de Pennsylvanie, Pittsburgh, puis Cherry Hill.

270

   Journal des économistes, II, 1842.

271

   N.H. Julius, Leçons sur les prisons, trad. française, 1831, I, p. 417-418.

272

   G.A. Real, Motifs du Code d’instruction criminelle. Avant cela, plusieurs instructions du ministère de l'intérieur avaient rappelé la nécessité de faire travailler les détenus : 5 Fructidor An VI, 3 Messidor An VIII, 8 Pluviôse et 28 Ventôse An IX, 7 Brumaire An X. Aussitôt après les Codes de 1808 et 1810, on trouve encore de nouvelles instructions : 20 octobre 1811,8 décembre 1810 ; ou encore la longue instruction de 1816 : « Il est de la plus grande importance d'occuper le plus possible les détenus. On doit leur faire naître le désir de travailler, en mettant une différence entre le sort de ceux qui s'occupent et celui des détenus qui veulent rester oisifs. Les premiers seront mieux nourris, mieux couchés que les seconds. » Melun et Clairvaux ont été très tôt organisés en grands ateliers.

273

   J.J. Marquet Wasselot, t. III, p. 171.

274

   Cf. infra, p. 334-335.

275

   Cf. J.P. Aguet, Les Grèves sous la monarchie de Juillet, 1954, p. 30-31.

276

   L’Atelier, 3e année, n° 4, décembre 1842.

277

   L'Atelier, 6e année, n° 2, novembre 1845.

278

   Ibid.

279

   L’Atelier, 4e année, n° 9, juin 1844, et 5e année, n° 7, avril 1845 ; cf. également à la même époque La Démocratie pacifique.

280

   L’Atelier, 5e année, n° 6, mars 1845.

281

   A. Bérenger, Rapport à l’Académie des sciences morales, juin 1836.

282

   E. Danjou, Des prisons, 1821, p. 180.

283

   L. Faucher, De la réforme des prisons, 1838, p. 64. En Angleterre le « tread-mill » et la pompe assuraient une mécanisation disciplinaire des détenus, sans aucun effet productif.

284

   Ch. Lucas, De la réforme des prisons, II, 1838, p. 313-314.

285

   Ibid., p. 243.

286

   E. Danjou, Des prisons, 1821, p. 210-211 ; cf. aussi L'Atelier, 6e année, n° 2, novembre 1845.

287

   Ch. Lucas, loc. cit. Un tiers du salaire journalier était mis de côté pour la sortie du détenu.

288

   E. Ducpétiaux, Du système de l’emprisonnement cellulaire, 1857, p. 30-31.

289

À rapprocher de ce texte de Faucher : « Entrez dans une filature ; entendez les conversations des ouvriers et le sifflement des machines. Y a-t-il au monde un contraste plus affligeant que la régularité et la prévision de ces mouvements mécaniques, comparées au désordre d’idées et de mœurs, que produit le contact de tant d’hommes, de femmes et d’enfants. » De la réforme des prisons, 1838, p. 20.

290

   A. Bonneville, Des libérations préparatoires, 1846, p. 6. Bonneville proposait des mesures de « liberté préparatoire », mais aussi de « supplément afflictif » ou de surcroît pénitentiaire s’il s'avère que « la prescription pénale, approximativement fixée d'après le degré probable d'endurcissement du délinquant n'a pas suffi à produire l'effet qu'on en attendait ». Ce supplément ne devait pas dépasser un huitième de la peine ; la liberté préparatoire pouvait intervenir après trois quarts de la peine (Traité des diverses institutions complémentaires, p. 251 et suiv.).

291

   Ch. Lucas, cité dans la Gazette des tribunaux, 6 avril 1837.

292

   In Gazette des tribunaux. Cf. aussi Marquet-Wasselot, La Ville du refuge, 1832, p. 74-76. Ch. Lucas note que les correctionnels « se recrutent généralement dans les populations urbaines » et que « les moralités réclusionnaires proviennent en majorité des populations agricoles ». De la réforme des prisons,

I, 1836, p. 46-50.

293

   R. Fresnel, Considérations sur les maisons de refuge, Paris, 1829, p. 29-31.

294

   Ch. Lucas, De la réforme des prisons, II, 1838, p. 440.

295

   L. Duras, article paru dans Le Progressif et cité par La Phalange, 1er dée. 1838.

296

   Ch. Lucas, op. cit., p. 441-442.

297

   A. Bonneville, Des libérations préparatoires, 1846, p. 5.

298

   A. Bérenger, Rapport à VAcadémie des sciences morales et politiques, juin 1836.

299

Ch. Lucas, De la réforme des prisons, II, 1838, p. 418-422.

300

   Léon Faucher, De la réforme des prisons, 1838, p. 6.

301

   Ch. Lucas, De la réforme des prisons, I, 1836, p. 69.

302

   « Si on veut traiter la question administrative en faisant abstraction de celle de construction, on s'expose à établir des principes auxquels la réalité se dérobe ; tandis qu’avec la connaissance suffisante des besoins administratifs, un architecte peut bien admettre tel ou tel système d’emprisonnement que la théorie eût peut-être rangé au nombre des utopies » (Abel Blouet, Projet de prison cellulaire, 1843, p. I).

303

   L. Baltard, Architectonographie des prisons, 1829, p. 4-5.

304

   « Les Anglais portent dans tous leurs ouvrages le génie de la mécanique... et ils ont voulu que leurs bâtiments fonctionnassent comme une machine soumise à l’action d’un seul moteur », ibid., p. 18.

305

   N.P. Harou-Romain, Projet de pénitencier, 1840, p. 8.

306

   Cf. Planches n1*5 18-26.

307

   Ducatel, Instruction pour la construction des maisons d’arrêt, p. 9.

308

   E. Ducpétiaux, Du système de l'emprisonnement cellulaire, 1847, p. 56-57.

309

   Cf., par exemple, G. de Gregorv, Projet de Code pénal universel, 1832,

310

p. 199 et suiv. ; Grellet-Wammv, Manuel des prisons, 1839, II, p. 23-25 et p. 189£2()3Lucas, De la réforme des prisons, II, 1838, p. 449-450.

311

   Ch. Lucas, De la réforme des prisons, II, 1838, p. 440-442.

312

   Il faudrait étudier comment la pratique de la biographie s’est diffusée à partir de la constitution de l’individu délinquant dans les mécanismes punitifs : biographie ou autobiographie de prisonniers chez Appert ; mise en forme de dossiers biographiques sur le modèle psychiatrique ; utilisation de la biographie dans la défense des accusés. Sur ce dernier point on pourrait comparer les grands mémoires justificatifs de la fin du xviii* siècle pour les trois hommes condamnés à la roue, ou pour Jeanne Salmon — et les plaidoyers criminels de l’époque de Louis-Philippe. Chaix d’Est-Ange plaidait pour La Roncière : « Si longtemps avant le crime, longtemps avant l’accusation, vous pouvez scruter la vie de l'accusé, pénétrer dans son cœur, en sonder les replis les plus cachés, mettre à nu toutes ses pensées, son âme tout entière... » (Discours et plaidoyers, III, p. 166).

313

J.J. Marquet-Wasselot, L’Ethnographie des prisons, 1841, p. 9.

314

G. Ferrus, Des prisonniers, 1850, p. 182 et suiv. ; p. 278 et suiv.

315

Faucher remarquait que la chaîne était un spectacle populaire « surtout depuis qu'on avait presque supprimé les échafauds ».

316

   Revue de Paris, 7 juin 1836. Cette partie du spectacle, en 1836, n'était plus publique ; seuls quelques spectateurs privilégiés y étaient admis. Le récit du ferrement qu’on trouve dans la Revue de Paris est conforme exactement — parfois les mêmes mots —, à celui du Dernier jour d'un condamné, 1829.

317

   Gazette des tribunaux, 20 juillet 1836.

318

   Ibid.

319

   La Phalange, 1er août 1836.

320

La Phalange, 1er août 1836.

321

Une chanson du même genre est citée par la Gazette des tribunaux du 10 avril 1836. Elle se chantait sur l’air de La Marseillaise. Le chant de la guerre patriotique y devient nettement le chant de la guerre sociale : « Que nous veut ce peuple imbécile, vient-il insulter au malheur ? Il nous voit d'un regard tranquille. Nos bourreaux ne lui font pas horreur. »

322

   Il y a une classe d'écrivains qui « s'est attachée à mettre des malfaiteurs doués d'une étonnante habileté dans la glorification du crime, qui leur fait jouer le principal rôle et livre à leurs saillies, à leurs lazzi et à leur moquerie mal déguisée les agents de l'autorité. Quiconque a vu représenter L'Auberge des Adrets ou Robert Macaire, drame célèbre parmi le peuple, reconnaîtra sans peine la justesse de mes observations. C'est le triomphe, c'est l'apothéose de l'audace et du crime. Les honnêtes gens et la force publique sont mystifiés d'un bout à l'autre » (H.A. Fregier, Les Classes dangereuses, 1840, II, p. 187-188).

323

   Le Dernier Jour d’un condamné.

324

   La Gazette des tribunaux, 19 juillet 1836.

325

Gazette des tribunaux, 15 juin 1837.

326

Gazette des tribunaux, 23 juillet 1837. Le 9 août, la Gazette rapporte que la voiture s'est renversée aux environs de Guingamp : au lieu de se mutiner, les prisonniers « ont aidé leurs gardiens à mettre sur pied leur commun véhicule ». Pourtant le 30 octobre, elle signale une évasion à Valence.

327

   E. de Beaumont et A. de Tocqueville, Note sur le système pénitentiaire, 1831, p. 22-23.

328

   Ch. Lucas, De la réforme des prisons, I, 1836, p. 127 et 130.

329

   F. Bigot Préameneu, Rapport au conseil général de la société des prisons, 1819.

330

   La Fraternité, mars 1842.

331

   Texte adressé à L’Atelier, octobre 1842, 3e année, n° 3, par un ouvrier emprisonné pour coalition. Il put noter cette protestation à une époque où le même journal menait campagne contre la concurrence du travail pénal. Dans le même numéro, une lettre d'un autre ouvrier sur le même sujet. Cf. également La Fraternité, mars 1842, lre année, n° 10.

332

   L. Moreau-Christophe, De la mortalité et de la folie dans le régime pénitentiaire, 1839, p. 7.

333

   L’Almanach populaire de la France, 1839, signé D., p. 49-56.

334

   F. de Barbé Marbois, Rapport sur l'état des prisons du Calvados, de l'Eure, la Manche et la Seine-Inférieure, 1823, p. 17.

335

   Gazette des tribunaux, 3 déc. 1829. Cf. dans le même sens, Gazette des tribunaux, 19 juillet 1839 ; La Ruche populaire, août 1840, La Fraternité, juillet-août 1847.

336

   Charles Lucas, De la réforme des prisons, II, 1838, p. 64.

337

   Cette campagne a été fort vive avant et après la nouvelle réglementation des centrales en 1839. Réglementation sévère (silence, suppression du vin et du tabac, diminution de la cantine) qui fut suivie de révoltes. Le Moniteur du 3 octobre 1840 : « Il était scandaleux de voir les détenus se gorger de vin, de viande, de gibier, de friandises de toutes sortes et de prendre la prison pour une hôtellerie commode où ils se procuraient toutes les douceurs que leur refusait souvent l'état de liberté. »

338

   En 1826, beaucoup de Conseils généraux demandent qu’on substitue la déportation à une incarcération constante et sans efficacité. En 1842, le Conseil général des Hautes-Alpes demande que les prisons deviennent « véritablement expiatoires » ; dans le même sens, celui de la Drôme, de l’Eure-et-Loir, de la Nièvre, du Rhône et de la Seine-et-Oise.

339

   D’après une enquête faite en 1839 auprès des directeurs de centrales. Directeur d’Embrun : « L’excès du bien-être dans les prisons contribue vraisemblablement beaucoup à l’accroissement effroyable des récidives. » Eysses : « Le régime actuel n’est pas assez sévère, et s'il est un fait certain, c'est que, pour beaucoup de détenus la prison a des charmes et qu’ils y trouvent des jouissances dépravées qui sont tout pour eux. » Limoges : « Le régime actuel des maisons centrales qui dans le fait ne sont, pour les récidivistes que de véritables pensionnats, n’est aucunement répressif. » (Cf. L. Moreau-Chris-tophe, Polémiques pénitentiaires, 1840, p. 86.) Comparer avec les déclarations faites au mois de juillet 1974, par les responsables des syndicats de l’administration pénitentiaire, à propos des effets de la libéralisation dans la prison.

340

Cf. supra, p. 89 et suiv.

341

   Ch. Comte, Traité de législation, 183, p. 49.

342

   H. Lauvergne, Les Forçats, 1841, p. 337.

343

   E. Buré, De la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France, 1840, H, p. 391.

344

Cf. EJ. Hobsbawm, Les Bandits, traduction française 1972.

345

   Un des premiers épisodes fut l’organisation sous le contrôle de la police des maisons de tolérance (1823), ce qui débordait largement les dispositions de la loi du 14 juillet 1791, sur la surveillance dans les maisons de prostitution. Cf. à ce sujet les recueils manuscrits de la Préfecture de police (20-26). En particulier cette circulaire du Préfet de police du 14 juin 1823 : « L’établissement des maisons de prostitution devrait naturellement déplaire à tout homme qui s’intéresse à la moralité publique ; je ne m'étonne point que MM. les Commissaires de police s'opposent de tous leurs pouvoirs à l'établissement de ces maisons dans leurs différents quartiers... La police croirait avoir pris beaucoup de soins de l’ordre public, si elle était parvenue à renfermer la prostitution dans des maisons tolérées sur lesquelles son action peut être constante et uniforme, et qui ne pourraient échapper à la surveillance. »

346

   Le livre de Parent-Duchatelet sur la Prostitution à Paris, 1836, peut être lu comme le témoignage de ce branchement, patronné par la police et les institutions pénales, du milieu délinquant sur la prostitution. Le cas de la Maffia italienne transplantée aux États-Unis et utilisée tout ensemble au prélèvement de profits illicites et à des fins politiques est un bel exemple de la colonisation d'un illégalisme d’origine populaire.

347

   Sur ce rôle des délinquants dans la surveillance policière et surtout politique, cf. le mémoire rédigé par Lemaire. Les « dénonciateurs » sont des gens qui « attendent de l'indulgence pour eux-mêmes » ; ce « sont ordinairement de mauvais sujets qui servent à découvrir ceux qui le sont davantage. Au surplus, pour peu que quelqu'un se trouve une fois compris sur le registre de la Police, dès ce moment il n'est plus perdu de vue ».

348

   K. Marx, Le 18-Brwnaire de Louis-Napoléon Bonaparte, Éd. Sociales, 1969, p. 76-78.

349

   A. Bonneville, Des institutions complémentaires du système pénitencier, 1847, p. 397-399.

350

   Cf. H.A. Fregier, Les Classes dangereuses, 1840 I, p. 142-148.

351

   A. Bonneville, De la récidive, 1844, p. 92-93. Apparition de !a fiche et constitution des sciences humaines : encore une invention que les historiens célèbrent peu.

352

   De la résistance des hommes de loi à prendre place dans ce fonctionnement, on a des témoignages très précoces, dès la Restauration (ce qui prouve bien qu'il n'est pas un phénomène, ni une réaction tardive). En particulier la liquidation ou plutôt la réutilisation de la police napoléonienne a posé des problèmes. Mais les difficultés se sont prolongées. Cf. le discours par lequel Bellevme en 1825 inaugure ses fonctions et cherche à se différencier de ses prédécesseurs : « Les voies légales nous sont ouvertes... Élevé dans l'école des lois, instruit à l'école d'une magistrature si digne... nous sommes les auxiliaires de la justice » (cf. Histoire de lAdministrât ion de M. de Belleyme) ; voir aussi le pamphlet très intéressant de Molène, De la liberté.

353

   Voir aussi bien ses Mémoires, publiés sous son nom, que l'Histoire de Vidocq racontée par lui-même.

354

   L’accusation est reprise formellement par Canler, Mémoires (réédités en 1968). p. 15.

355

   Sur ce qu’aurait pu être Lacenaire, selon ses contemporains, voir le dossier établi par M. Lebailly dans son édition des Mémoires de Lacenaire 1968, p. 297-304

356

   « Aucune autre classe n'est assujettie à une surveillance de ce genre ; elle s'exerce presque de la même manière que celle des condamnés libérés ; elle semble ranger les ouvriers dans la catégorie qu'on appelle maintenant la classe dangereuse de la société » (L’Atelier, 5e année, n°6, mars 1845, à propos du livret).

357

   Cf. par exemple J.B. Monfalcon, Histoire des insurrections de Lyon, 1834, p. 142.

358

   Cf. L’Atelier, octobre 1840, ou encore La Fraternité, juillet-août 1847.

359

   En dehors de la Gazette des tribunaux et du Courrier des tribunaux, le Journal des concierges.

360

   Cf. L'Atelier, juin 1844, Pétition à la Chambre de Paris pour que les détenus soient préposés aux « travaux insalubres et dangereux » ; en avril 1845 le journal cite l’expérience de Bretagne où un assez grand nombre de condamnés militaires sont morts de fièvre en faisant des travaux de canalisation. En novembre 1845 pourquoi les prisonniers ne travaillent-ils pas le mercure ou le blanc de céruse ?... Cf. également la Démocratie politique des années 1844-1845.

361

   Dans L'Atelier, de novembre 1843, une attaque contre Les Mystères de Paris parce qu'ils font la part trop belle aux délinquants, à leur pittoresque, à leur vocabulaire, et parce qu'on y souligne trop le caractère fatal du penchant au crime. Dans La Ruche populaire on trouve des attaques du même genre à propos du théâtre.

362

   La Ruche populaire, novembre 1842.

363

   Cf. dans La Ruche populaire (déc. 1839), une réplique de Vinçard à un article de Balzac dans Le Siècle. Balzac disait qu'une accusation de vol devait être menée avec prudence et discrétion quand il s'agissait d'un riche dont la moindre malhonnêteté est aussitôt connue : « Dites, Monsieur, la main sur la conscience, si le contraire n’arrive pas tous les jours, si, avec une grande fortune et un rang élevé dans le monde, on ne trouve pas mille solutions, mille moyens pour étouffer une affaire fâcheuse. »

364

   La Fraternité, novembre 1841.

365

   Almanach populaire de la France, 1839, p. 50.

366

   Pauvre Jacques, lre année, n°3.

367

   Dans La Fraternité, mars 1847, il est question de l'affaire Drouillard et allusivement des vols dans l’administration de la marine à Rochefort. En juin 1847, article sur le procès Boulmy et sur l'affaire Cubière-Pellaprat ; en juillet-août 1847, sur l'affaire de concussion Benier-Lagrange-Jussieu.

368

   La Phalange, 10 janvier 1837.

369

   « La prostitution patentée, le vol matériel direct, le vol avec effraction, le meurtre, le brigandage pour les classes inférieures ; tandis que les spoliations habiles, le vol indirect et raffiné, l'exploitation savante du bétail humain, les trahisons de haute tactique, les roueries transcendantes, enfin tous les vices et tous les crimes véritablement lucratifs élégants et que la loi est trop bien élevée pour atteindre demeurent le monopole des classes supérieures •> ( 1er déc. 1838).

370

   La Phalange. 1er déc. 1838.

371

   La Phalange, 10 janvier 1837.

372

   Ibid.

373

   Cf. par exemple ce que La Phalange dit de Delacollonge, ou d’Elirabide, lcl août 1836 et 2 octobre 1840.

374

La Gazette des tribunaux, août 1840.

375

1m Phalange, 15 août 1840.

376

E. Ducpétiaux, De la condition physique et morale des jeunes ouvriers, t. II p. 383.

377

   Ibid., p. 377.

378

   « Tout ce qui contribue à fatiguer contribue à chasser les mauvaises pensées ; aussi a-t-on soin que les jeux se composent d'exercices violents. Le soir, ils s’endorment à l'instant même où ils se couchent. » (Ibid., p. 375-376) cf. planche n° 27

379

   E. Ducpétiaux, Des colonies agricoles, 1851, p. 61.

380

   G. Ferrus, Des prisonniers, 1850.

381

Il y aurait à faire toute une étude sur les débats qui eurent lieu sous la Révolution à propos des tribunaux de famille, de la correction paternelle, et du droit des parents à faire enfermer leurs enfants.

382

Cf. par exemple à propos des logements ouvriers construits à Lille au milieu du xix* siècle : « La propreté est à l'ordre du jour. C’est l'âme du règlement. Quelques dispositions sévères contre les tapageurs, les ivrognes, les désordres de toute nature. Une faute grave entraîne l'exclusion. Ramenés à des habitudes régulières d’ordre et d’économie, les ouvriers ne désertent plus les ateliers le lundi... Les enfants mieux surveillés ne sont plus une cause de scandale... Des primes sont décernées pour la tenue des logements, pour la bonne conduite, pour les traits de dévouement et chaque année ces primes sont disputées par un grand nombre de concurrents. » Houzé de l’Aulnay, Des logements ouvriers à Lille, 1863, p. 13-15.

383

On la trouve explicitement formulée chez certains juristes comme Muvart de Vouglans, Réfutation des principes hasardés dans le traité des délits et des peines, 1767, p. 108. Les Lois criminelles de la France, 1780, p. 3 ; ou comme Rousseaud de la Combe, Traité des matières criminelles, 1741, p. 1-2.

384

Moreau de Jonnès, cité irt H. du Touquet, De la condition des classes pauvres (1846).

385

La Phalange, 10 août 1836.

386

J'interromps ici ce livre qui doit servir d'arrière-plan historique à diverses études sur le pouvoir de normalisation et la formation du savoir dans la société moderne.

387

V. Dauphin, Recherches sur l’industrie textile en Anjou, 1913, p. 199.